André Maurice Goukenleuque est un homme politique et collaborationniste français né le 17 août 1893 à Calais et mort à une date inconnue. Il est titulaire du certificat d’étude, marié, père de deux enfants et vétéran de la Première Guerre mondiale.
Rejoignant le régime de Vichy à l’été 1940, Goukenleuque est une figure centrale du collaborationnisme nantais jusqu’au printemps 1942. Il dirige et ou coordonne les actions des groupements politiques parmi les plus importants de Loire-Inférieure. À la mi 1942, son influence décline fortement. Goukenleuque disparait finalement de Nantes à l’automne 1943.
Condamné par le tribunal de Nantes début février 1946 à une peine de vingt-ans de travaux forcés, peut-être décède-t-il durant son incarcération entre 1946 et 1966.
Sommaire
Des errements d'avant-guerre à l'été 1940
À la suite d'affaires de malversations au sein du Parti communiste et du Parti social français, il quitte la région parisienne pour se fixer à Nantes début 1938. Employé au Ateliers et chantiers de Bretagne (A.C.B.) comme délégué ouvrier début mai 1939, il milite pour le Parti populaire français (P.P.F.) au sein de son syndicat : la Fédération nationale des groupements corporatifs français (F.N.G.C.F.). Mêlé à une affaire de fraude aux assurances sociales, il reste en sommeil jusqu'à l'arrivée des troupes allemandes à Nantes le 19 juin 1940.
L'action de Goukenleuque sur la scène politique locale (été 1940-été 1943)
Se rapprochant progressivement du Mouvement social révolutionnaire (M.S.R.) naissant, Goukenleuque en devient l'« inspecteur divisionnaire » en décembre 1941[1]. Il s’avère être un des plus redoutables ultras de Loire-Inférieure. Particulièrement actif à Nantes, son domicile (86, quai de la Fosse) sert de cellule locale d’où il anime les meetings du M.S.R. (pour la section nantaise) et de la F.N.G.C.F. Certains militants employés par les diverses administrations[2] servent d’informateurs à Goukenleuque grâce auxquels il s’adonne à de calomnieux réquisitoires contre les pouvoirs publics[3] pour débusquer les « mauvais Français » (Juifs, francs-maçons, communistes et gaullistes). Ses actions le font remarquer de la Feldkommandantur[4] qui en fait un auxiliaire de sa politique répressive contre les communistes employés sur les sites industriels nantais et nazairiens. Les Allemands accordent des facilités à Goukenleuque pour faire grandir l’ « esprit collaborationniste » (propagande et dénonciations) l’exposant aux représailles d’ouvriers des A.C.B. manquant de l’assassiner en juin 1942[5]. De juin 1940 à juillet 1943, Goukenleuque manifeste une grande activité politique bien qu’il ne parvienne jamais véritablement à mobiliser les adhérents des divers groupements collaborationnistes auxquels il appartient simultanément. Successivement leader du M.S.R. (décembre 1941-janvier 1942), membre du comité départemental provisoire du Rassemblement national populaire (R.N.P.)[6] (septembre-octobre 1941), membre du P.P.F. (juin 1941-juillet 1943)[7], il végète aussi dans des factions marginales : le Parti Ouvrier et Paysan Français et la Ligue Française. L’aventure politique de Goukenleuque s’achève à l’été 1943 avec l’échec des « Énergies françaises[8] » (E.F.). Délégué départemental à la propagande de l'association, il échoue à recruter des adhérents. Ayant perdu toute crédibilité, sans laisser d'adresse, il quitte Nantes pour Paris à l'automne 1943.
Jugé pour actes de collaboration (fin 1945-début 1946)
Mandatée par le Comité départemental de Libération (C.D.L.), la police ramène Goukenleuque à Nantes fin 1945 afin d’y être jugé pour intelligence avec l’ennemi. Frappé d’ « indignité nationale[9] » par le tribunal, il est condamné le 6 février 1946 à une peine de vingt ans de travaux forcés.
Notes et références
- Le 10 janvier 1941, une soixantaine de personne assistent à la première manifestation collaborationniste de l'Occupation menée par la balbutiante section nantaise du M.S.R. groupée autour de Goukenleuque. En plus de celle de Nantes, il fait ouvrir deux autres permanences : l'une à Saint-Nazaire (sise au 41, rue Thiers) et l'autre à la Baule (établie au 35, avenue de la Gare).
- Principalement embauchés sur les chantiers consacrés aux "travaux d'utilité publique" repris par la municipalité Pageot (décision est prise le 29 juin 1940) grâce au soutien économique de Vichy dans le but de résorber le chômage. Fin juin 1940, Karl Hotz créer une "commission des grands travaux" dans laquelle sont infiltrés des agents de l'Abwehr jaugeant la présence communiste en collectant des informations données par des ouvriers dont ceux adhérents à la F.N.G.C.F.
- La préfecture, la mairie, la chambre de commerce et le tribunal de Nantes sont ses principales cibles. Ceci est à mettre en lien avec la purge de la fonction publique entreprise par Vichy dès l'été 1940. Sont visés, les "étrangers" (JO., 23 juillet 1940), les francs-maçons (JO., 14 août 1940), les Juifs (JO., 3 octobre 1940) et les femmes mariées dans les administrations (JO., 11 octobre 1940).
- La Feldkommandantur 518 est la principale administration militaire allemande (sise à Nantes dans les locaux du XIe corps d’armée) de Loire-Inférieure étendant sa juridiction sur tout le département. Du 23 juin 1940 au 20 octobre 1941, elle est dirigée par l'Oberstleutnant Karl Hotz. Le Feldkommandant exerce son autorité sur les arrondissements de Nantes, Saint-Nazaire et Châteaubriant, eux-mêmes supervisés par des Kreiskommandanturen. Dès juin 1940, la Feldkommandantur est placée sous les ordres de l'Oberfeldkommandantur d'Angers (préfecture militaire régionale).
- Dans la nuit du 13 au 14 juin 1942, Goukenleuque et sa maîtresse, Mlle Debienne, son agressés par des communistes sur le quai de la Fosse, à proximité de la capitainerie. Ceci en réaction à la propagande de Goukenleuque pour la "Relève" et les dénonciations d'ouvriers communistes aux A.C.B.
- Causée par le chef local du R.N.P., Théodore Gauthier, le parti traverse une crise interne. Le siège du R.N.P. est transféré de la rue Jean-Jaurès au domicile de Goukenleuque.
- Au printemps 1941, Goukenleuque se joint à Adrien Praud, chef départemental du P.P.F. Entre l'été 1941 et l'hiver 1942, ils organisent des conférences dans le département, mais essentiellement à Nantes.
- Au-delà de l'incapacité de Goukenleuque à bâtir une base militante solide, Christophe Belser indique que de toute manière, l'association des Énergies françaises est noyautée par l'agent gaulliste Jacques Venin qui en sabote l'implantation dans le département (tome 2, page 26).
- En plus des ordonnances des 26 (JO., 15 août 1944) et 27 juin 1944 (JO., 6 juillet 1944), l’ordonnance du 26 août 1944 (JO., 28 août 1944) instituant l’indignité nationale déchoit de la qualité de Français tous ceux et toutes celles ayant collaboré avec l’occupant.
Voir aussi
Bibliographie
Sur Goukenleuque
- Belser Christophe, La Collaboration en Loire-Inférieure (1940-1944), Deux tomes, La Crèche, Geste Éditions, 2005, 360 pages (t.1) et 360 pages (t.2).
- Bloyet Dominique, SAUVAGE Pierre, La répression anti-communiste (Loire-Inférieure 1939-1944), La Crèche, Geste Éditions, 2004, 383 pages.
Mouvements collaborationistes
- Buffet Cyril, HANDOURTZEL Rémy, La Collaboration...à gauche aussi, Paris, Éditions Perrin, 1989, 276 pages.
- Burrin Philippe, La dérive fasciste Doriot, Déat, Bergry 1933-1945, Paris, Éditions du Seuil, 1966, 540 pages.
- Margairaz Michel, TARTAKOWSKY Danièle, Le syndicalisme dans la France occupée, Rennes, PUR, 2008, 512 pages.
Archives
Archives municipales de Nantes
« Dossiers relatifs au Rassemblement national populaire et au Mouvement social révolutionnaire » (1941-1944) [2 pièces]. Fonds : Mesures d'exception et faits de guerre; Série : H; Sous-série : 4H; Cote : 4H110. Nantes (Loire-Atlantique) : Archives municipales de Nantes.
Archives départementales de Loire-Atlantique
« Dossier Goukenleuque » (1940-1943) [1 pièce]. Fonds du cabinet du préfet (1940-1944); Série : W; Sous-série : 1693W; Cote : 1693W108. Nantes (Loire-Atlantique) : Archives départementales de Loire-Atlantique.