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Amusie

L'amusie est une anomalie neurologique dans laquelle le rythme, la mĂ©lodie, les accords de musique ne sont pas perçus ou n’ont pas de sens pour une personne dont l'audition est par ailleurs normale. L'amusie peut ĂȘtre congĂ©nitale ou rĂ©sulter d'une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale. L'amusie peut ĂȘtre parfois associĂ©e Ă  l'aphasie. Le dĂ©ficit ne peut pas ĂȘtre attĂ©nuĂ© par une formation musicale[1].

La dysmusie est un trouble congĂ©nital affectant diversement la perception de la musique, parfois jusqu'au point oĂč celle-ci ne constitue qu'un bruit gĂȘnant. Theodore Roosevelt, Che Guevara, Vladimir Nabokov, entre autres, Ă©taient atteints de dysmusie.

Parmi les personnes ayant pratiqué la musique et atteintes d'une lésion cérébrale, on a décrit des troubles trÚs spécifiques[2] :
  • l'agraphie musicale (ou agnosie affĂ©rente) est l'incapacitĂ© d'Ă©crire la musique (sans altĂ©ration de la capacitĂ© d'Ă©crire ordinaire) ;
  • la cĂ©citĂ© musicale est l'incapacitĂ© de reconnaĂźtre les notes de musique (sans altĂ©ration de la lecture courante).

Prévalence

Une étude de 2003 basée sur un test unique datant de 1980 estime que quatre pour cent de la population serait victime d'amusie et note que ce chiffre est probablement sous-estimé du fait d'un dépistage insuffisant[3] - [1]. Une étude de 2017, portant sur un échantillon de 20 000 participants, a trouvé une prévalence des amusies congénitales de 1,5%, avec une fréquence plus élevée chez les femmes[1].

Description

En 1878, Grant Allen fut le premier à décrire le trouble affectant la perception musicale :

« Nombre d'hommes et de femmes sont incapables de distinguer clairement deux notes quelconques séparées par moins d'une demie octave environ (voire plus). C'est à cette anomalie que je me suis permis de donner le nom de « surdité aux notes ». »

— Grant Allen, Mind[4].

L'amusie congénitale est un terme générique désignant différents handicaps musicaux permanents. Cette affection a été notamment utilisée pour étudier les principales voies de traitement neurobiologique de la musique. L'amusie congénitale résulte d'une anomalie neuronale affectant la connectivité entre le cortex auditif droit et le gyrus frontal inférieur[1] - [5] - [6] - [7] - [8] - [9].

À l'origine, l'amusie dĂ©signait une incapacitĂ© Ă  traiter la musique en raison de lĂ©sions cĂ©rĂ©brales[10]. En 2002, une premiĂšre forme congĂ©nitale est dĂ©couverte[11].

SymptĂŽmes

Les personnes atteintes d'amusie ont des difficultés à reconnaßtre un air familier sans l'aide de paroles et sont dans l'incapacité de reconnaßtre quand quelqu'un chante faux, ou des notes « hors tonalité »[12].

Comment la détecter

En 1990, Isabelle Peretz et ses collaborateurs de l'UniversitĂ© de MontrĂ©al ont conçu une batterie de tests qui permet d'Ă©valuer l'amusie : la BMEA (batterie de MontrĂ©al d’évaluation de l’amusie[13] - [14]). En 2005, une version pour enfants a Ă©tĂ© inventĂ©e par Villeneuve et Peretz.

Ils ont rĂ©ussi, dans de nombreux cas Ă  identifier les liens neurologiques gĂ©nĂ©raux de certains types d'amusie. Pour ces auteurs, la perception de la musique peut ĂȘtre subdivisĂ©e en deux catĂ©gories fondamentales : celles de la reconnaissance des mĂ©lodies d'une part, de la perception des rythmes ou des intervalles temporels d'autre part.

Lésion dans différentes zones du cerveau

Lorsque l’on Ă©coute de la musique, diffĂ©rentes parties du cerveau sont sollicitĂ©es. Lorsqu’une d’entre elles est lĂ©sĂ©e, cela peut provoquer une amusie. Si les altĂ©rations de la mĂ©lodie vont gĂ©nĂ©ralement de pair avec des lĂ©sions de l'hĂ©misphĂšre droit du lobe temporal, la reprĂ©sentation du rythme est plus diffuse et par consĂ©quent moins fragile : elle dĂ©pend non seulement de l'hĂ©misphĂšre gauche, mais aussi de nombreux systĂšmes sous-corticaux situĂ©s dans les ganglions de la base, le cervelet et ailleurs. De plus, le rythme est surtout perçu dans l’hĂ©misphĂšre gauche du cerveau. En revanche, le contour mĂ©lodique est perçu dans l’hĂ©misphĂšre droit du lobe temporal.

Les lĂ©sions constatĂ©es dans les cas d’amusie siĂšgent, qu’elles soient bilatĂ©rales ou unilatĂ©rales, dans les rĂ©gions temporales ou temporo-pariĂ©to-occipitales : Ă  la face externe des hĂ©misphĂšres cĂ©rĂ©braux autour des lobes temporaux. Chez un sujet amusique, le langage n’est pas touchĂ©, car les zones pour distinguer et comprendre le langage ne sont pas les mĂȘmes que celles utilisĂ©es pour percevoir et apprĂ©cier la musique.

ModĂšle fonctionnel de la reconnaissance de la musique
Plusieurs rĂ©gions cĂ©rĂ©brales participent Ă  la musique. Le son est d’abord traitĂ© par les structures de l’oreille et les rĂ©gions sous-corticales propres au systĂšme auditif. Puis interviennent diffĂ©rentes parties du cerveau impliquĂ©es dans la mĂ©moire, les Ă©motions, les mouvements ou d’autres modalitĂ©s sensorielles. Certaines sont communes Ă  la musique.

Différentes formes

Critchley et Henson ont identifiĂ© une douzaine de variĂ©tĂ©s d’amusie[15].

Il existe diverses formes de surdité aux rythmes : légÚres ou profondes, congénitales ou acquises.

La surdité aux tons fait l'objet de nombreuses recherches :

  • La surditĂ© tonale affecte des personnes qui dĂ©tonnent de façon non consciente et qui sont dans l’incapacitĂ© de dire si autrui chante juste ou non. La surditĂ© aux tons n'empĂȘche pas d’aimer la musique et le chant ;
  • l’amusie congĂ©nitale : les individus perçoivent normalement la parole et les bruits mais ont souvent une altĂ©ration dans leur facultĂ© de reconnaĂźtre des mĂ©lodies et de discriminer des hauteurs. Ils ne parviennent pas Ă  diffĂ©rencier les notes conjointes et les demi-tons. Les notions de tonalitĂ©, de mĂ©lodie ou d'harmonie peuvent totalement disparaĂźtre en l'absence de ces constituants ; ce trouble est semblable Ă  d'autres troubles du dĂ©veloppement, tels que la dysphasie et la dyslexie et semble provenir d'une dĂ©ficience au niveau du systĂšme de discrimination fine de la hauteur des sons ;
  • l’amusie totale est l’incapacitĂ© Ă  distinguer les diffĂ©rences de hauteurs : le sujet ne reconnaĂźt pas la musique comme telle. Selon Henri HĂ©caen et Martin Albert « les mĂ©lodies perdent leur qualitĂ© musicale et tendent Ă  acquĂ©rir un caractĂšre amusical des plus dĂ©sagrĂ©ables ».
Grùce aux méthodes d'imagerie cérébrale (méthode des potentiels évoqués), Isabelle Peretz et ses collaborateurs ont pu montrer que les circuits neuronaux des amusiques tonaux réagissaient peu aux faibles différences de tonalité, mais beaucoup plus aux grandes différences tonales que les sujets sans troubles. L'étude des cartes cérébrales montre que l'anomalie de traitement du son musical ne réside pas dans le cortex auditif mais dans les traitements cognitifs ultérieurs (aires associatives), dans le néocortex temporal.
Il est établi depuis peu que les sujets atteints d'une amusie congénitale ont une quantité anormalement basse de substance blanche dans une certaine partie du gyrus frontal inférieur droit : cette région du gyrus est responsable de l'encodage des hauteurs de son de la musique et de la mémorisation des mélodies[16].

La facultĂ© de percevoir les dissonances peut ĂȘtre altĂ©rĂ©e elle aussi, ce qui s'explique lorsque le cortex parahippocampique est gravement endommagĂ©. Cette aire est responsable des jugements Ă©motionnels.

La dystimbrie est une forme distincte de l'amusie. L’individu lorsqu'il Ă©coute de la musique entend Ă  la place des bruits. La perception des timbres musicaux est altĂ©rĂ©e.

L’amĂ©lodie ou la « surditĂ© aux airs » est une autre sorte d'amusie : les individus sont dans l’incapacitĂ© de reconnaĂźtre des mĂ©lodies mais continuent Ă  entendre et Ă  diffĂ©rencier parfaitement les sons. La personne entend une suite de notes mais celle-ci semble illogique, arbitraire et erratique. « Ce dont ces amusiques manquent, semble-t-il, c'est des connaissances et des procĂ©dures nĂ©cessaires Ă  la cartographie des hauteurs et des Ă©chelles musicales »[17].

La simultagnosie : l'individu a des difficultĂ©s Ă  intĂ©grer la musique. Il a des difficultĂ©s Ă  associer les sons entre eux. Son environnement auditif est scindĂ© en une quantitĂ© d’élĂ©ments discrets et dĂ©connectĂ©s : chacun des bruits urbains ou des cris d’animaux se dĂ©tache et retient son attention comme s'ils Ă©taient isolĂ©s, pointĂ©s, distincts du bruit de fond ou du paysage auditif normal.

Forme congénitale

46 % des parents au premier degrĂ© des personnes touchĂ©es par l'amusie sont Ă©galement atteints. Ce qui suggĂšre que l'amusie congĂ©nitale est hĂ©rĂ©ditaire[1]. L'amusie congĂ©nitale est susceptible d'ĂȘtre influencĂ©e par plusieurs gĂšnes qui interagissent entre eux et avec l'environnement, pour produire une susceptibilitĂ© globale au dĂ©veloppement du trouble[1].

Notes et références

  1. (en) Isabelle Peretz et Dominique T. Vuvan, « Prevalence of congenital amusia », European Journal of Human Genetics, vol. 25, no 5,‎ , p. 625–630 (ISSN 1476-5438, DOI 10.1038/ejhg.2017.15, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. (en) Brenda Milner, « Intellectual function of the temporal lobes », Psychological Bulletin, vol. 51, no 1,‎ , p. 42–62.
  3. (en) I. Peretz & K. L. Hyde, « What is specific to music processing ? Insights from congenital amusia », Trends in Cognitive Sciences, vol. 7, no 8,‎ , p. 362-367 (lire en ligne)
  4. (en) Allen, Grant, « Note deafness », Mind, vol. 3, no 10,‎ , p. 157-157.
  5. (en) Krista L. Hyde, Robert J. Zatorre, Timothy D. Griffiths et Jason P. Lerch, « Morphometry of the amusic brain: a two-site study », Brain, vol. 129, no 10,‎ , p. 2562–2570 (ISSN 0006-8950, DOI 10.1093/brain/awl204, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) Krista L. Hyde, Jason P. Lerch, Robert J. Zatorre et Timothy D. Griffiths, « Cortical Thickness in Congenital Amusia: When Less Is Better Than More », Journal of Neuroscience, vol. 27, no 47,‎ , p. 13028–13032 (ISSN 0270-6474 et 1529-2401, PMID 18032676, PMCID PMC6673307, DOI 10.1523/JNEUROSCI.3039-07.2007, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. (en) Krista L. Hyde, Robert J. Zatorre et Isabelle Peretz, « Functional MRI Evidence of an Abnormal Neural Network for Pitch Processing in Congenital Amusia », Cerebral Cortex, vol. 21, no 2,‎ , p. 292–299 (ISSN 1047-3211, DOI 10.1093/cercor/bhq094, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) Psyche Loui, David Alsop et Gottfried Schlaug, « Tone Deafness: A New Disconnection Syndrome? », Journal of Neuroscience, vol. 29, no 33,‎ , p. 10215–10220 (ISSN 0270-6474 et 1529-2401, PMID 19692596, PMCID PMC2747525, DOI 10.1523/JNEUROSCI.1701-09.2009, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (en) Philippe Albouy, JĂ©rĂ©mie Mattout, Romain Bouet et Emmanuel Maby, « Impaired pitch perception and memory in congenital amusia: the deficit starts in the auditory cortex », Brain, vol. 136, no 5,‎ , p. 1639–1661 (ISSN 0006-8950, DOI 10.1093/brain/awt082, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. (en) Isabelle Peretz, RĂ©gine Kolinsky, Mark Tramo et Raymonde Labrecque, « Functional dissociations following bilateral lesions of auditory cortex », Brain, vol. 117, no 6,‎ , p. 1283–1301 (ISSN 0006-8950, DOI 10.1093/brain/117.6.1283, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. (en) Julie Ayotte, Isabelle Peretz et Krista Hyde, « Congenital amusiaA group study of adults afflicted with a music‐specific disorder », Brain, vol. 125, no 2,‎ , p. 238–251 (ISSN 0006-8950, DOI 10.1093/brain/awf028, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) Benjamin Rich Zendel, Marie-Élaine Lagrois, Nicolas Robitaille et Isabelle Peretz, « Attending to Pitch Information Inhibits Processing of Pitch Information: The Curious Case of Amusia », Journal of Neuroscience, vol. 35, no 9,‎ , p. 3815–3824 (ISSN 0270-6474 et 1529-2401, PMID 25740512, PMCID PMC6605578, DOI 10.1523/JNEUROSCI.3766-14.2015, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Batterie de MontrĂ©al d’évaluation de l’amusie test en ligne
  14. Équipe française à https://form.crnl.fr/index.php/321284?lang=fr
  15. (en) Henson RA. & Critchley M. (1978) Music and the brain: studies in the neurology of music, Londres, Heinemann, 1978.
  16. (en) Hyde KL, Zatorre RJ, Griffiths TD, Lerch JP, Peretz I, « Morphometry of the amusic brain: a two-site study », Brain, vol. 129(Pt 10),‎ , p. 2562-70. (PMID 16931534, DOI 10.1093/brain/awl204, lire en ligne [html])
  17. Voir : Ayotte et al. dans (en) Xavier Seron et Martial Van der Linden, TraitĂ© de neuropsychologie clinique de l'adulte : Tome 1 - Évaluation, Bruxelles, De Boeck, coll. « SupĂ©rieur », , 842 p. (ISBN 978-2-35327-235-8, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Brune, E. (2003). Isabelle Peretz : en quĂȘte du cerveau musical. La recherche, 364, 67-70.
  • Critchley, M., & Henson, R. A. (Eds.) (1977). Music in the brain: Studies in the neurology of music. Londres, William Heineman Medical Books.
  • RĂ©gine Kolinsky, JosĂ© Morais et Isabelle Peretz (dir.), Musique, langage, Ă©motion : Approche neuro-cognitive, Rennes, PUR, coll. « Psychologies », , 128 p. (ISBN 978-2-7535-1077-7)
  • Lechevallier, B. & Platel, H. & Eustache, F. (2010). Le Cerveau musicien. Bruxelles : De Boeck.
  • (en) Isabelle Peretz, Montreal Battery of Evaluation of Amusia, University of Montreal, 2003, 58 p.
  • Peretz I, S. Belleville et S. Fontaine, « Dissociations entre musique et langage aprĂšs atteinte cĂ©rĂ©brale : un nouveau cas d'amusie sans aphasie », in Canadian journal of experimental psychology, 1997, vol. 51, no 4, p. 354-368
  • Peretz, I. (1985). AsymĂ©trie hĂ©misphĂ©rique dans les amusies. Revue neurologique, 141(3), 169-183.
  • Sacks, O. (2012). Musicophilia : la musique, le cerveau et nous. Paris : Seuil.
  • Tillman, B. (2008). « La Musique : un langage universel ? », Pour la science, 373, 124-131.

Liens externes

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