Affaire Troy Davis
L'affaire Troy Davis est une affaire criminelle survenue aux Ătats-Unis. Troy Davis est jugĂ© coupable du meurtre du policier Mark McPhail survenu le Ă Savannah, condamnĂ© Ă mort et exĂ©cutĂ© 22 ans plus tard, le en dĂ©pit d'une importante mobilisation internationale d'associations et de personnalitĂ©s visant Ă contester sa culpabilitĂ© et du fort Ă©cho de cette mobilisation dans les mĂ©dias.
Nom de naissance | Troy Anthony Davis |
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Naissance |
ComtĂ© de Butts, Ătats-Unis |
DĂ©cĂšs |
(Ă 42 ans) Savannah, Ătats-Unis |
Nationalité | Américaine |
Biographie de Troy Davis
Troy Anthony Davis naĂźt le dans le comtĂ© de Butts en GĂ©orgie. Il est l'enfant aĂźnĂ© et fils du vĂ©tĂ©ran de la Guerre de CorĂ©e Joseph Davis et de l'infirmiĂšre Virginia Davis[1] - [2]. Le couple divorce lorsque Troy Davis est encore trĂšs jeune[2]. Il grandit avec quatre frĂšres et sĆurs Ă Cloverdale, Savannah[2]. Il Ă©tudie dans le Windsor Forest High School (en), dans lequel un professeur (qui tĂ©moigna Ă condition de rester anonyme) le dĂ©crit comme un Ă©lĂšve faible[2]. Il abandonne au bout de deux ans pour pouvoir amener rĂ©guliĂšrement sa sĆur souffrant de multiples sclĂ©roses Ă l'hĂŽpital ; il la conduit ensuite au lycĂ©e tous les jours[1]. Il obtient son diplĂŽme du Centre Ă©ducatif Richard Arnold en 1987.
Davis écope d'une condamnation en , aprÚs avoir plaidé coupable, pour port d'arme illégal.
Soirée du 18 au 19 août 1989
Troy Davis est accusĂ© d'avoir les 18 et 19 aoĂ»t 1989, blessĂ© Michael Cooper au cours d'une fusillade, puis au cours de la mĂȘme soirĂ©e, d'avoir agressĂ© Larry Young et tuĂ© l'officier Mark MacPhail[3].
Dans la soirĂ©e du 18 aoĂ»t 1989, Davis assiste Ă une soirĂ©e piscine dans le quartier Cloverdale de Savannah, en GĂ©orgie. Alors qu'il quitte la fĂȘte avec son ami Daryl Collins, les occupants d'une voiture qui passe crient des obscĂ©nitĂ©s et commencent Ă tirer sur un groupe d'adolescents du quartier. Un des adolescents riposte et Michael Cooper, un passager, reçoit une balle dans la mĂąchoire. Davis et Collins se rendent dans une salle de billard, puis, vers 1h du matin, se trouvent sur le parking d'un restaurant Burger King proche, oĂč ils rencontrent Sylvester "Redd" Coles qui harcĂšle un sans-abri, Larry Young, qui vient d'acheter de la biĂšre. Young est frappĂ© Ă la tempe d'un coup de crosse, sans qu'il ait pu identifier son agresseur.
Le 19 aoĂ»t 1989, vers 1h15 du matin, Mark MacPhail, un policier qui travaillait comme agent de sĂ©curitĂ© au Burger King en dehors de son service, tente d'intervenir. Alors qu'il pourchasse les assaillants, il reçoit deux balles : une dans le cĆur et une autre dans le visage. Lui-mĂȘme n'avait pas dĂ©gainĂ© son arme. L'expertise balistique montrera que les balles qui l'ont tuĂ© proviennent d'un pistolet de calibre 38. L'homme qui a frappĂ© Young puis tirĂ© sur MacPhail portait un tee-shirt blanc, selon les tĂ©moins de la fusillade.
Le soir mĂȘme de la fusillade, Davis part en voiture avec sa sĆur Ă Atlanta. Le 19 aoĂ»t, Coles se rend Ă la police de Savannah et dĂ©nonce Davis comme Ă©tant l'agresseur de Young et le meurtrier du policier. Coles omet de dire Ă la police qu'il possĂ©dait lui-mĂȘme une arme de calibre .38 qu'il avait sur lui la nuit du tir, ce qu'il reconnaĂźtra lors du procĂšs. TĂŽt le matin du 20 aoĂ»t 1989, la police de Savannah perquisitionne la maison des Davis mais ne trouve qu'une paire de shorts de Davis dans un sĂšche-linge. La famille de Davis a commencĂ© Ă nĂ©gocier avec la police, motivĂ©e par des inquiĂ©tudes quant Ă sa sĂ©curitĂ©. Le 23 aoĂ»t 1989, Davis est de retour Ă Savannah, et se rend Ă la police. Il est inculpĂ© pour le meurtre de MacPhail.
L'arme du crime n'a jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©e, et M. Coles a dĂ©clarĂ© Ă la police qu'il avait perdu son arme de calibre 38 qui ne sera donc pas testĂ©e. De mĂȘme, s'il est Ă©tabli que Michael Cooper a reçu une balle de calibre 38, l'expertise ne permet pas de conclure qu'il s'agit de la mĂȘme arme qui a tuĂ© le policier Mark MacPhail.
Inculpation et condamnation
Huit autres tĂ©moins font une dĂ©position allant dans le mĂȘme sens que le tĂ©moignage de Cole. Le procĂšs de Troy Davis s'achĂšve en 1991 par une condamnation Ă mort.
Parmi ces neuf témoins, sept d'entre eux se sont ensuite rétractés[4] .
Recours judiciaires
D'aprĂšs un rapport d'Amnesty International, sept des neuf tĂ©moins qui avaient accusĂ© Troy Davis sont revenus sur leur dĂ©position originale en 1991. Plusieurs ont alors dĂ©clarĂ© avoir agi sous la pression des enquĂȘteurs. Parmi eux, un illettrĂ© aurait signĂ© sa dĂ©position, rĂ©digĂ©e par la police, alors qu'il n'Ă©tait pas capable de la lire[4], une jeune femme qui Ă©tait en libertĂ© conditionnelle aurait eu peur de dire aux policiers qu'elle n'avait pas vu le tireur[4] et enfin Collins, 16 ans au moment des faits, aurait accusĂ© Troy Davis sous la menace de poursuites pour complicitĂ©[4] et s'est rĂ©tractĂ© dĂšs le procĂšs.
Parmi les deux tĂ©moins Ă ne pas s'ĂȘtre rĂ©tractĂ©s, l'un d'eux, Sylvester Coles, a lui-mĂȘme Ă©tĂ© accusĂ© du meurtre par plusieurs tĂ©moins. L'autre, Steven Sanders, a affirmĂ© que le meurtrier Ă©tait gaucher, ce qui n'est pas le cas de Davis[5]. Il n'existe aucune preuve matĂ©rielle qui pourrait dĂ©signer Davis ; sa condamnation repose exclusivement sur les affirmations de ces tĂ©moins[5] - [6].
Une demande déposée par Troy Davis pour un nouveau procÚs est rejetée le 13 juillet. En effet, en vertu d'une loi votée sous la présidence de Bill Clinton en 1996, l'Antiterrorism and Effective Death Penalty Act, les condamnés à mort n'ont droit qu'à un seul recours fédéral en plus des recours locaux. Or Davis en avait déjà perdu un.
Le , la veille de son exĂ©cution, un recours en grĂące dĂ©posĂ© par Davis est finalement entendu et l'exĂ©cution repoussĂ©e pour une pĂ©riode maximale de 90 jours. Le , la Cour suprĂȘme de GĂ©orgie accorde, par quatre voix contre trois, un appel discrĂ©tionnaire Ă Troy Davis, avant de finalement statuer contre lui le par quatre voix contre trois.
Recours devant la Cour suprĂȘme
Un nouveau recours demandant le rĂ©examen de l'affaire est dĂ©posĂ© par la dĂ©fense de Troy Davis le devant la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis. Le , aprĂšs une audience au cours de laquelle de nouveaux tĂ©moins disculpant Troy Davis et accusant un autre homme sont prĂ©sentĂ©s au ComitĂ© des GrĂąces de l'Ătat de GĂ©orgie (la GĂ©orgie est l'un des trois seuls Ătats amĂ©ricains oĂč le gouverneur n'a pas de droit de grĂące), celui-ci confirme la date d'exĂ©cution au . Alors que l'exĂ©cution doit survenir Ă 19 heures, la Cour suprĂȘme dĂ©cide, deux heures avant, d'une suspension provisoire, le temps pour elle d'examiner l'appel dĂ©posĂ© par les avocats de Davis, selon lesquels il existe de nouveaux Ă©lĂ©ments dĂ©montrant son innocence. Mais le , la Cour suprĂȘme rejette le recours[7]. Le lendemain, la juge Penny Haas ordonne son exĂ©cution entre le et le comme la loi l'y contraint en l'absence de sursis. L'administration pĂ©nitentiaire de l'Ătat dĂ©cide d'exĂ©cuter Davis le premier jour Ă 19 heures.
Nouveau report
L'exĂ©cution est de nouveau suspendue le par la Cour d'appel des Ătats-Unis pour le onziĂšme circuit[8]. Le , la Cour d'appel statue Ă son tour contre Davis[9] et lui accorde un sursis de trente jours pour se pourvoir Ă nouveau devant la Cour suprĂȘme fĂ©dĂ©rale (qui avait rejetĂ© l'affaire en ). Le , la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis accepte l'appel de Troy Davis et ordonne qu'un juge examine les nouveaux Ă©lĂ©ments qui pourraient l'innocenter.
Le , un juge fĂ©dĂ©ral de Savannah rejette le recours en question aprĂšs avoir entendu la plupart des tĂ©moins. Il estime que les faits nouveaux sont « un Ă©cran de fumĂ©e » et que « mĂȘme en connaissance des Ă©lĂ©ments actuels, la plupart des jurĂ©s raisonnables voteraient la culpabilitĂ© ». Le juge considĂšre que la plupart des rĂ©tractations ne sont que partiellement crĂ©dibles voire invraisemblables. Le juge en question et une Cour d'appel fĂ©dĂ©rale jugent par la suite que Davis doit faire appel de cette dĂ©cision directement devant la Cour suprĂȘme, ce qu'il fait le [10] - [11]. Mais la Cour refuse de se pencher Ă nouveau sur l'affaire.
Mobilisation internationale
Durant ses années d'emprisonnement, la famille et les proches de Troy Davis, dont le pÚre était l'un des adjoints du shérif de Savannah, se sont mobilisés pour faire annuler le verdict.
De nombreuses organisations et personnalitĂ©s ont pris position pour soutenir le condamnĂ© Ă mort dans son combat pour la libĂ©ration. Parmi celles-ci, Amnesty International[12], le Conseil de l'Europe[13], le pape BenoĂźt XVI (Ă travers le nonce apostolique aux Ătats-Unis)[14], John Lewis (figure marquante du mouvement des droits civiques et reprĂ©sentant dĂ©mocrate de la GĂ©orgie), l'Ă©vĂȘque sud-africain Desmond Tutu (prix Nobel de la paix 1984) via une lettre[15], William Sessions (directeur du FBI sous la prĂ©sidence de Ronald Reagan, pourtant favorable au principe de la peine de mort)[16], l'ancien prĂ©sident amĂ©ricain Jimmy Carter Ă©galement au travers d'une lettre[17] ou encore l'actrice amĂ©ricaine Susan Sarandon[18].
Ultimes recours et exécution
Le , une nouvelle date d'exécution est fixée pour le suivant à 19 heures[19]. Le , le Comité des Grùces, dont trois des cinq membres ont été renouvelés depuis la derniÚre fois qu'ils ont examiné l'affaire, refuse de gracier Troy Davis[20]. Le président Barack Obama annonce via son porte-parole qu'il refuse d'intervenir[21].
AprĂšs un bref report liĂ© un ultime recours devant la Cour suprĂȘme [22], qui est rejetĂ©, Troy Davis est exĂ©cutĂ©, en prĂ©sence de la famille MacPhail, Ă 22 h 53 et dĂ©clarĂ© mort Ă 23 h 8. Dans ses derniĂšres phrases, il clame son innocence : « Que Dieu vous pardonne, vous tuez lĂ©galement un homme innocent. »[23]
Notes et références
- (en) Fishman Jane, Davises recall the kindness of defendant, Savannah Morning News, (lire en ligne), p. 1A
- (en) Smith Derek, Neighbors say suspect not the man they knew, Savannah Morning News, (lire en ligne)
- (en) « Testimony To Begin In '89 Murder Case », Savannah Morning News,â (lire en ligne)
- "Pas de nouveau sursis pour Troy Davis", L'Express, 14 octobre 2008.
- "Pas de grùce pour Troy Davis à la veille de son exécution", Le Monde, 19 septembre 2011.
- (en) "Will Georgia Kill an Innocent Man?", Time, 13 juillet 2007
- Un prisonnier en sursis finalement condamné à mort, Le Figaro, 14 octobre 2008.
- tempsreel.nouvelobs.com
- (en) « Judge Says New Evidence in Troy Davis Murder Case Is âLargely Smoke and Mirrorsâ »,
- (en) « Attorneys for Troy Davis appeal to U.S. Supreme Court »
- Troy Davis / Agir / Peine de mort / Campagnes / Agir / Accueil - Amnesty International France
- Terry Davis, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Conseil de l'Europe, a dĂ©clarĂ© le 14 juillet 2007 ne pas comprendre « comment un homme peut ĂȘtre exĂ©cutĂ© seize ans aprĂšs sa condamnation, quand tous les dĂ©veloppements liĂ©s d'une maniĂšre ou d'une autre Ă son cas jettent des doutes sur la validitĂ© du jugement »
- (en) Pope makes plea to spare life of Troy Davis, Vicky Eckenrode, Savannah Morning News, 21 juillet 2007, via savannahow.com
- http://docs.google.com/viewer?url=http://www.amnestyusa.org/sites/default/files/pdfs/tutu-letter-troy-davis.pdf
- W. Sessions a déclaré dans une tribune publiée dans un journal d'Atlanta trouver "intolérable d'exécuter un innocent"
- http://docs.google.com/viewer?url=http://www.amnestyusa.org/sites/default/files/carter-letter-troy-davis-2011.pdf
- (en) Anthony Papa, « Susan Sarandon: "Stop the Execution of Troy Davis" », The Huffington Post, (consulté le )
- (en) « Ga. sets Sept. 21 execution date for Troy Davis, banner case for anti-death penalty activists »,
- « Troy Davis : grùce refusée », (consulté le )
- « Obama refuse d'intervenir contre l'exécution de Troy Davis », 7sur7, obama refuse d'intervenir contre l'exécution de troy davis (consulté le )
- « LaPresse.ca / Actualités et Infos au Québec et dans le monde », sur La Presse (consulté le ).
- L'Obs, « Troy Davis : "Que dieu vous bĂ©nisse" », L'Obs,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Pour suivre le déroulement des audiences en direct de Savannah (Géorgie) sur le blog d'Amnesty International France
- E-Book Troy Davis, site dédié de Amnesty International France
- Sursis pour un Américain condamné à mort, Richard Hétu, La Presse, .
- « Mobilisation pour un condamné à mort à la veille de son exécution en Géorgie », Corine Lesnes, Le Monde, , via lemonde.fr
- « à quelques heures de son exécution, Troy Davis espérait un sursis », , lemonde.fr
- (en) Page spéciale consacrée au cas de Troy Davis sur le site d'Amnesty International France
- (en) Page consacrée à Troy Davis par sa famille
- (en) Affaire Davis exposé sur une page partisane de la peine de mort