Acte d'Union (1840)
L'acte d'Union de 1840 est une constitution adoptée par le Parlement du Royaume-Uni en et publiée le [1] - [2]. Cette loi a aboli les provinces et les assemblées législatives des colonies du Bas-Canada et du Haut-Canada mises sur pied par l'Acte constitutionnel de 1791 et a créé une seule colonie sous l'administration d'un gouverneur-général : la province du Canada (ou Canada-Uni). Le pouvoir législatif était détenu par le Parlement de la province du Canada, comprenant l'Assemblée législative (chambre basse, élue) et le Conseil législatif (chambre haute, nommée). Cette nouvelle colonie fut proclamée le .
L'Union est présentée, entre autres par Lionel Groulx, comme « l'annexion »[3] du Bas-Canada par le Haut-Canada.
Celle-ci aura une durée de vie relativement courte (1840-1867).
Origines
Cette Constitution, la quatrième Constitution du Canada, est adoptée à la suite des rébellions de 1837-1838 dans le Haut-Canada et le Bas-Canada, qui avaient pour but de mettre fin à la domination coloniale exercée par Londres sur la province du Canada. Les rebelles (Louis-Joseph Papineau au Bas-Canada et William Lyon Mackenzie dans le Haut-Canada) cherchaient principalement à obtenir la démocratisation des institutions politiques du Canada et à soustraire la colonie aux décisions arbitraires de la Couronne britannique et de son représentant, le gouverneur. La pierre angulaire de leurs revendications concernait l'octroi par la métropole du principe du gouvernement responsable. Les rébellions seront finalement matées dans le sang par l'armée britannique. Plusieurs des responsables des soulèvements sont exécutés ou exilés vers d'autres colonies.
Pire encore, l'échec des rébellions se solde par la suspension de l'Acte constitutionnel de 1791, et les autorités britanniques donnent à Lord Durham le mandat de déterminer les causes des rébellions et de formuler des recommandations dans un rapport. Il en formule trois :
- la réunion des deux provinces du Canada en une seule, qui serait plus facile à gérer ;
- l’assimilation politique des Canadiens français pour assurer qu'ils ne puissent jamais dominer aucune institution politique ;
- l'octroi du gouvernement responsable, ce que Durham considère comme inévitable de concéder à la colonie son autonomie politique.
Les autorités britanniques adoptent les deux premières mais refusent catégoriquement de céder sur le gouvernement responsable puisque cela reviendrait à perdre leur droit de regard sur leur colonie nord-américaine. C'est dans cet esprit qu'il faut comprendre les dispositions contenues dans l'acte d'Union.
Fonctionnement et Ă©volution
Sous l'acte d’Union, seule l'Assemblée législative est élue et comporte désormais un nombre égal de députés des deux côtés (soit 42 pour le Canada-Ouest et 42 pour le Canada-Est) et ce, bien que la population du Canada-Est (ex-Bas-Canada), très majoritairement d'ascendance française, soit une fois et demie plus nombreuse que celle du Canada-Ouest[4]. Les membres du conseil exécutif et du conseil législatif sont toujours nommés par le pouvoir colonial et donc ne sont responsables de leurs actions que devant ce dernier. Le gouverneur devient le véritable chef du gouvernement et est assisté dans ses fonctions par le conseil exécutif, qui, dans les faits, détient l'essentiel du pouvoir politique. Rapidement, les conseils exécutif et législatif seront dominés par le Family Compact.
Malgré leur faible nombre, les députés francophones s'organisent et tentent de tirer parti du mieux qu'ils le peuvent de la situation imposée par l'acte d’Union. Les réformistes s'allient avec les réformistes du Haut-Canada et obtiennent le gouvernement responsable en 1848.
Des querelles surviennent cependant continuellement et les ministères se font et se défont au rythme des intrigues. Non seulement des divisions existent entre les deux peuples habitant le Canada, mais les deux peuples sont eux-mêmes fragmentés, ce qui rend instable le gouvernement unique. On instaure d'ailleurs les ministères à double tête, l'une pour le Haut-Canada et la seconde pour le Bas-Canada, mais cela ne règle que partiellement le problème.
En 1849, lors du vote sur la loi d'Indemnité, un groupe de Montréalais britanniques met le feu au Parlement, situé à Montréal. Il sera reconstruit et déménagé à Toronto.
Unilinguisme anglais
L'article 41 de l'acte d’Union décrète que les documents de la législature ne seront « que dans la langue anglaise », contrairement à la recommandation du rapport de Lord Durham, qui préconisait plus de souplesse à cet égard. Malgré cela, le français commence graduellement à prendre sa place aux débats du Parlement. Louis-Hippolyte La Fontaine proteste notamment en prononçant son premier discours en tant que procureur général en français. Plusieurs députés du Bas-Canada, dont Pierre-Joseph-Olivier Chauveau et même Wolfred Nelson interviennent régulièrement en français dans la Chambre, même si la langue est proscrite[5].
Le , Lafontaine, secondé de Robert Christie, avance une motion :
« Résolu, Qu'il soit présenté une humble Adresse à son Excellence le Gouverneur Général, priant Son Excellence de vouloir bien faire mettre devant cette Chambre, copie de toute correspondance entre le Gouvernement Exécutif de cette Province et le Gouvernement Impérial, depuis la passation de l'Acte d'Union jusqu'à ce jour, relative à la quarante-et-unième section du dit Acte d'Union, par laquelle il est statué que certains Writs, Proclamations, Instruments, Journaux, Entrées et Procédés écrits ou imprimés et Rapports tels que spécifiés dans la dite section ne seront qu'en langue anglaise seulement[6]. »
La Chambre ordonna ensuite qu'une telle adresse soit présentée au gouverneur général par les membres du Conseil exécutif[7]. Quelques jours plus tard, Dominick Daly du Conseil exécutif vint donner la réponse du gouverneur, qui affirmait qu'il n'y avait rien à communiquer.
Le , Denis-Benjamin Papineau, secondé de George Moffat, propose d'adopter une adresse à Sa Majesté[8] la priant de « révoquer la partie de la loi » concernant la proscription de la langue française[9]. La considération de la motion est repoussée au , puis au et finalement au .
Le , il est résolu de nommer un comité spécial[10] « pour préparer et rapporter » le projet d'une adresse à Sa Majesté la priant de faire abroger l'article 41. Les députés de la Chambre d'assemblée votent le texte d'une adresse en ce sens le [11]. Il n'y a aucune opposition. En 1848, l'article 41 est abrogé par le Parlement impérial, ce qui est annoncé au Canada le . C'est dorénavant le vide constitutionnel en ce qui concerne la langue.
Notes et références
- (en) Texte de l’Act of Union, 1840.
- The Union Act, 1840, An Act to reunite the Provinces of Upper and Lower Canada and for the Government of Canada, Statutes of Great Britain (1840) 4 Vict., chapter 35.
- Lionel Groulx, Notre maître le passé, t. 2, éditions internationales Alain Stanké, , p. 134.
- Patrice Groulx, François-Xavier Garneau, poète, historien et patriote, Boréal, , p. 145.
- Joseph Royal, Histoire du Canada, p. 139.
- http://www.canadiana.org/afficher/9_00959_4/40 p. 29.
- (en) « Canadiana Online », sur canadiana.org (consulté le ).
- À la Très Excellente Majesté de la Reine, 21 février 1845.
- http://www.canadiana.org/afficher/9_00959_4/103, p. 92.
- Le comité se compose de Papineau, Smith, Moffatt, Lafontaine et Morin.
- http://www.canadiana.org/afficher/9_00959_4/305 p. 294.
Bibliographie
- A. Sénécal, L'opposition à l'Union de 1840 dans le Haut et dans le Bas-Canada, thèse de Ph.D., Université de Montréal, dépôt en 1976.
- Jean-Vianney Simard, L'Union vue par quelques historiens canadiens-français, thèse de M. A., Université Laval, dépôt en 1973, xviii, 119 p.
- Denis Vaugeois, L'Union des deux Canadas : nouvelle conquête ? (1791-1840), Trois-Rivières : Éditions du Bien public, 1962, 241 p.
- Joseph Royal, Histoire du Canada, 1841 à 1867 : période comprise entre l'Union législative des provinces du Haut et du Bas-Canada et la Confédération des provinces continentales de l'Amérique britannique du Nord, Montréal : Librairie Beauchemin limitée, 1909, 525 p. (en ligne).