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Aberri Eguna

L'Aberri Eguna, signifiant "Jour de la Patrie" en basque, est une cĂ©lĂ©bration du nationalisme basque fĂȘtĂ©e traditionnellement chaque dimanche de PĂąques. Cette journĂ©e est fĂȘtĂ©e dans toute la CommunautĂ© autonome basque et la Navarre, ainsi qu'en Iparralde.

Histoire

Le premier Aberri Eguna est organisĂ© Ă  Bilbao le 27 mars 1932 par le Parti nationaliste basque. Il cĂ©lĂšbre la "rĂ©vĂ©lation" de la condition basque de Sabino Arana Goiri, figure tutĂ©laire du nationalisme basque, en 1882. Ce dernier aurait rĂ©alisĂ© qu’il Ă©tait basque et non espagnol au cours d’une conversation avec son frĂšre Luis dans le jardin de leur maison Ă  Abando. Cet Ă©vĂ©nement est considĂ©rĂ© par les abertzale comme la naissance du nationalisme basque[1].

Le terme aberri est un nĂ©ologisme forgĂ© par Sabino Arana Ă  partir du suffixe -ba prĂ©sent dans de nombreux mots relatifs Ă  la parentĂ©, par exemple osaba ("oncle"), izeba ("tante") ou aba ("pĂšre"). Arana crĂ©e ainsi plusieurs termes sur le mĂȘme modĂšle, comme aberri ("patrie", aba + herri, "peuple", "pays") ou abenda ("race" : aba + enda, "lignĂ©e"). Le mot abertzale dĂ©coule directement du terme aberri[2].

Le choix du dimanche de PĂąques 1932, soit cinquante ans aprĂšs la "rĂ©vĂ©lation de 1882", obĂ©it Ă  la volontĂ© du Parti nationaliste basque, alors prĂ©sidĂ© par Luis Arana, de confĂ©rer Ă  l'Ă©vĂ©nement une dimension Ă  la fois politique et religieuse[3]. Elle permettait en effet de lier la rĂ©surrection du Christ Ă  celle de la nation basque, faisant d'Arana une vĂ©ritable figure messianique[4] et consolidant l'influence du catholicisme au sein du mouvement nationaliste face au sĂ©cularisme de la Seconde rĂ©publique instaurĂ©e quelques mois plus tĂŽt[5]. L'Aberri Eguna s'inscrivait ainsi pleinement dans la logique de cĂ©lĂ©bration de Sabino Arana[6], dont le PNB fĂȘtait chaque annĂ©e la naissance et la disparition, ainsi que plusieurs Ă©tapes majeures de sa carriĂšre politique (le discours de Larrazabal le 3 juin 1893 ou encore la premiĂšre prĂ©sentation publique de l'ikurriña le 14 juillet 1894 lors de l'inauguration de l'Euskeldun Batzokija de Bilbao)[7].

L'Ă©vĂ©nement s'apparente aux Diadia catalan et DĂ­a da Patria galicien (fĂȘtĂ©s respectivement depuis 1886 et 1919), cristallisant l'authenticitĂ© d'une nation aspirant Ă  l'indĂ©pendance[8], tout en s'en singularisant par la cĂ©lĂ©bration d'un acte fondateur dont la date prĂ©cise n'est pas connue.

Aberri Eguna de 1933 Ă  Saint-SĂ©bastien

La premiĂšre manifestation est suivie par prĂšs de 65 000 personnes (Ă  une Ă©poque oĂč Bilbao compte environ 160 000 habitants[9]), le cortĂšge dĂ©filant entre la place Sagrado CorazĂłn et la maison natale de Sabino Arana (Sabin Etxea), devenu batzoki (es) et siĂšge du PNB. Jusqu'en 1935, l'Ă©vĂ©nement se dĂ©roule dans une ville diffĂ©rente chaque annĂ©e (Saint-SĂ©bastien, Vitoria puis Pampelune).

Affiche de la Liga Komunista Iraultzailea (es) pour l'Aberri Eguna de 1986

L'Aberri Eguna est interdit par la dictature franquiste aprĂšs la fin de la guerre civile espagnole, n'Ă©tant cĂ©lĂ©brĂ© publiquement qu'en Iparralde par les membres du gouvernement basque et du PNB en exil. En 1963, le premier parti politique abertzale implantĂ© en France, Enbata, est fondĂ© Ă  l'occasion de l'Aberri Eguna Ă  Itxassou[10] - [11] - [12]. L'Ă©vĂ©nement est organisĂ© de maniĂšre clandestine Ă  partir des annĂ©es 1960 en Hegoalde (sauf entre 1964 et 1968 oĂč il est autorisĂ© mais strictement encadrĂ© par la police[13]) et est frĂ©quemment utilisĂ© par les militants d'ETA comme tribunes pour leurs revendications[14].

Les rassemblements font l'objet d'une rĂ©pression policiĂšre importante : en 1966, la police tire Ă  balles rĂ©elles Ă  Irun, blessant au moins deux personnes[15]. En 1972, un drapeau français est brĂ»lĂ© Ă  Saint-Jean-de-Luz, menant directement Ă  la publication d'arrĂȘtĂ©s d’expulsion contre Telesforo MonzĂłn et Txillardegi[16].

Pendant la transition dĂ©mocratique, l'Aberri Eguna est de nouveau autorisĂ© en Hegoalde. Le 17 mars 1978, le premier Aberri Eguna lĂ©galement organisĂ© depuis la fin de la dictature rassemble environ 200 000 personnes dans les quatre capitales d’Hegoalde[14]. La manifestation devient progressivement la fĂȘte de tous les militants nationalistes basques, rejoints rĂ©guliĂšrement par des partis politiques de gauche.

Les revendications portées lors de l'événement restent fortement influencées par l'évolution du conflit entre ETA et l'Etat espagnol : en 1997, la mort de Josu Zabala Salegi, dit Basajaun, retrouvé mort le 27 mars, marque ainsi la commémoration[17]. Les divisions du mouvement abertzale (notamment entre PNB et Herri Batasuna en Hegoalde ou entre Abertzaleen Batasuna et Batasuna en Iparralde) mÚnent parfois à l'organisation de plusieurs rassemblements concurrents[18] - [19] - [20].

Références

  1. Antonio Elorza, Un pueblo escogido : génesis, definición y desarrollo del nacionalismo vasco, Crítica, (ISBN 84-8432-248-3 et 978-84-8432-248-1, OCLC 48929803, lire en ligne)
  2. R. L. Trask, The history of Basque, Routledge, (ISBN 0-415-13116-2, 978-0-415-13116-2 et 978-0-415-86780-1, OCLC 34514667, lire en ligne)
  3. JosĂ© Luis de la Granja Sainz : "El problema vasco entre los pactos de San SebastiĂĄn y Santoña", en Egido LeĂłn, Ángeles "Memoria de la II RepĂșblica, mito y realidad. Madrid, Biblioteca Nueva, 2006, p. 307-391.
  4. JosĂ© Luis De la Granja Sainz, « El culto a Sabino Arana: La doble resurrecciĂłn y el origen histĂłrico del Aberri Eguna en la II RepĂșblica », Historia y polĂ­tica: Ideas, procesos y movimientos sociales, no 15,‎ , p. 65–116 (ISSN 1575-0361 et 1989-063X, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Santiago de Pablo, Diccionario ilustrado de sĂ­mbolos del nacionalismo vasco, Tecnos, (ISBN 978-84-309-5486-5 et 84-309-5486-4, OCLC 808619524, lire en ligne)
  6. Jean Claude Larronde, El nacionalismo vasco : su origen y su ideologĂ­a en la obra de Sabino Arana-Goiri, Txertoa, (ISBN 84-7148-033-6 et 978-84-7148-033-0, OCLC 4779328, lire en ligne)
  7. Ludger Mees, El péndulo patriótico : historia del Partido Nacionalista Vasco, 1895-2005, Crítica, (ISBN 84-8432-685-3 et 978-84-8432-685-4, OCLC 70284544, lire en ligne)
  8. (es) Ludger Mees, La celebraciĂłn de la naciĂłn : sĂ­mbolos mitos y lugares de memoria, Grenade, Editorial Comares, , 246 p. (ISBN 9788498369915), p. 135-157
  9. Pedro JosĂ© ChacĂłn Delgado, « El Aberri Eguna: primer engaño del nacionalismo vasco a sus seguidores », Cuadernos de Pensamiento PolĂ­tico, no 62,‎ , p. 71–80 (ISSN 1696-8441, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. « Rassemblement de sĂ©paratistes qui demandent la crĂ©ation d'un dĂ©partement basque », Sud Ouest,‎
  11. « 50 ans aprĂšs, les hĂ©ritiers d’Enbata toujours mobilisĂ©s », Sud Ouest,‎
  12. Michel GaricoĂŻx, « Il y a quarante ans, une poignĂ©e de Basques proclamaient la Charte d'Itxassou », Le Monde,‎
  13. Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique : violence et politique en Espagne (1975-1982), Madrid, Casa de Velazquez, , p. 176
  14. Caroline Guibet Lafaye, Chronologies du conflit armé au Pays basque, (lire en ligne)
  15. Iker Casanova, ETA, 1958-2008 : medio siglo de historia, Txalaparta, (ISBN 978-84-8136-507-8 et 84-8136-507-6, OCLC 298931022, lire en ligne), p. 46
  16. Iker Casanova, ETA, 1958-2008 : medio siglo de historia, Txalaparta, (ISBN 978-84-8136-507-8 et 84-8136-507-6, OCLC 298931022, lire en ligne), p. 84
  17. Iker Casanova, ETA, 1958-2008 : medio siglo de historia, Txalaparta, (ISBN 978-84-8136-507-8 et 84-8136-507-6, OCLC 298931022, lire en ligne), p. 296
  18. « L'Aberri Eguna Ă©clatĂ© », Sud Ouest,‎
  19. « Batasuna seul », Sud Ouest,‎
  20. « Les nationalistes divisĂ©s », Sud Ouest,‎

Liens externes

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