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Abbaye de la Sainte-Trinité de Morigny

L'abbaye de la Sainte-Trinité de Morigny est une ancienne abbaye bénédictine du Gâtinais, fondée à la fin du XIe siècle, et qui relevait du diocèse de Sens. Elle a été fermée en 1743[1]. Ses vestiges se trouvent sur l'actuelle commune de Morigny-Champigny, dans le canton d'Étampes (Essonne).

Abbaye de la Sainte-Trinité de Morigny
Présentation
Type
Localisation
Localisation
Coordonnées
48° 26′ 53″ N, 2° 10′ 56″ E
Carte

Histoire

Ce fut d'abord un prieuré de l'abbaye Saint-Germer-de-Fly (diocèse de Beauvais), installé dans un premier temps, en 1082, à Étréchy, puis transféré à Morigny sans doute pendant les années 1095 ou 1096[2]. C'est un certain Anseau, fils d'Arembert, possesseur de biens importants dans l'Étampois, qui donna aux moines de Saint-Germer-de-Fly, d'abord sa villa d'Étréchy, ensuite son domaine de Morigny (Mauriniacense prædium)[3]. Le premier « abbé » (au moins élu sur place) fut Rainaud ou Renaud, élu en 1099, mort en 1109[4]. Morigny se libéra de toute sujétion à l'égard de Saint-Germer-de-Fly en 1106[5].

À la mort du premier abbé (après le ) fut élu son prieur Théulfe ou Thiou, qui ne put se maintenir que quelques mois, puis quitta Morigny pour Saint-Crépin de Soissons (dont un ancien de Morigny, Odon, était devenu abbé). Hugues fut alors élu pour le remplacer (avant la fin de l'année 1109), mais mourut au bout d'un an. Ensuite, Thomas fut élu entre le et le et resta abbé jusqu'en 1140[6]. Il fut remplacé par Macaire, qui quitta à son tour Morigny en 1144 pour devenir abbé de Saint-Benoît-sur-Loire avec la mission d'y restaurer la discipline.

Début octobre 1119, le pape Calixte II, qui venait de Fontevraud et d'Orléans et était en route pour le concile de Reims (20-), s'arrêta inopinément à Étampes, où il fut logé dans le palais royal, et il y fut rejoint par le roi Louis VI, la reine Adélaïde et tous les hauts dignitaires de la cour. L'abbé Thomas obtint du cardinal-légat Conon de Préneste que le pape lui-même vienne à Morigny consacrer l'église de la nouvelle abbaye, ce qui fut fait le en présence du roi, de la reine et de toute la cour, et d'autres personnalités comme Thurstan, archevêque d'York. Quelques années plus tard, le (n. st.), un autre pape, Innocent II, vint à Morigny consacrer un autel à Laurent et tous les martyrs ; parmi les nombreuses personnalités qui assistèrent à la cérémonie, la chronique de l'abbaye cite Bernard de Clairvaux (« tum temporis in Gallia divini verbi famosissimus prædicator ») et Pierre Abélard (« monachus et abbas, et ipse vir religiosus, excellentissimarum rector scholarum, ad quas pæne de tota Latinitate viri litterati confluebant »).

En 1106, le roi Philippe Ier ordonna par lettres patentes la suppression du chapitre de la collégiale Saint-Martin d'Étampes (dont le chef portait le titre d'abbé) et l'attribution de l'édifice et des prébendes à la nouvelle abbaye de Morigny (au fur et à mesure de la mort des chanoines alors en fonction). Mais les chanoines, soutenus par l'archevêque de Sens, refusèrent cette décision, et lorsque l'abbé Thomas, peu après son élection, se présenta dans cette église pour y prêcher, ils lui en interdirent l'accès. L'affaire fut déférée devant le roi Louis VI et devant l'archevêque Daimbert, ce dernier faisant beaucoup de difficultés, mais consentant finalement à la donation par un acte de 1112. L'abbé Thomas partit ensuite pour Rome où il fit confirmer solennellement par le pape Pascal II les donations faites à son abbaye. Mais Boson, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, y mit de nouveaux obstacles, avec l'appui du chancelier Étienne de Garlande, en soutenant que la collégiale avait été attribuée antérieurement à son abbaye. Cette affaire traîna en longueur par toutes sortes de contestations, et il fallut attendre 1142 pour que l'abbé Macaire obtienne du pape Innocent II l'expulsion des derniers chanoines survivants.

L'abbaye eut aussi dans le même temps une querelle avec les chanoines de la collégiale Notre-Dame également d'Étampes (dont était le chancelier Étienne de Garlande) : c'était à propos du droit de sépulture, car beaucoup d'habitants de la ville voulaient se faire enterrer à Morigny (le principe de la liberté de choix pour les fidèles étant alors de droit commun). L'abbé Thomas obtint là-dessus une lettre du pape Pascal II, mais elle fut âprement contestée par les chanoines. Calixte II, de retour du concile de Reims en novembre 1119, tint sur cette affaire une audience en l'abbaye de Ferrières. On a conservé deux lettres de l'abbé Thomas qui y sont consacrées, insérées dans la Chronique de Morigny : l'une adressée à l'archevêque de Sens Daimbert, et l'autre au cardinal Crisogono Malcondini[7]. Cette querelle se poursuivit aussi plusieurs décennies.

Vestiges actuels

Clocher de l'ancienne abbatiale.

L'ancienne église abbatiale est aujourd'hui l'église paroissiale de Morigny-Champigny. De l'église d'origine, consacrée le par le pape Calixte II, il ne subsiste qu'une travée de l'édifice actuel, avec des colonnes à chapiteaux romans. La tour du clocher est du XIVe siècle, le chœur gothique et l'arc-boutant surmontant le premier contrefort du bas-côté droit correspondent à des travaux exécutés entre 1525 et 1540 à l'initiative des abbés Jean de Salazar et Jean Hurault II. Les voûtes des quatre premières travées de la nef s'effondrèrent encore en 1575 ; on se contenta de boucher l'ouverture béante par un mur qui sert depuis de façade, et l'emplacement de la partie effondrée est aujourd'hui occupé par une place plantée de tilleuls, sur le bord sud de laquelle on peut voir les traces des anciennes colonnes. L'église contient quelques dalles funéraires datant de l'époque de l'abbaye, dont la plus remarquable est celle de Galéas de Salazar († 1522) et de son épouse ; c'est le frère de l'archevêque de Sens Tristan de Salazar et le père de l'abbé Jean de Salazar. En dehors de cette église, classée depuis 1862, il ne subsiste rien de l'abbaye.

La Chronique de Morigny

La Chronique de Morigny, telle qu'elle nous est parvenue, couvre la période qui va de la fondation de l'abbaye vers 1095 à la mort de l'abbé Thévin (dernier événement mentionné) en 1152. Elle est divisée en trois livres :

  • Le premier, très bref, est un texte retraçant la fondation de l'abbaye et ses premières acquisitions territoriales. C'est en fait un rĂ©sumĂ© maladroit, rĂ©alisĂ© Ă  la fin du XIIe siècle, d'un texte plus long rĂ©digĂ© par le prieur ThĂ©ulfe ou Thiou entre 1106 et 1108.
  • Le second est bien plus long et Ă©largit beaucoup le cadre du rĂ©cit. Il commence par la mort du roi Philippe Ier le et s'Ă©tend jusqu'Ă  l'annĂ©e 1132. Selon L. Mirot, c'est Ă©galement l'Ĺ“uvre d'un auteur unique, moine anonyme de l'abbaye, proche de l'abbĂ© Thomas et mĂŞlĂ© au gouvernement de l'Ă©tablissement. Il ne raconte pas seulement l'histoire de celui-ci, mais traite Ă©galement des Ă©vĂ©nements politiques et militaires de la pĂ©riode. Son rĂ©cit, qui abonde en dĂ©tails prĂ©cis et qu'on ne trouve nulle part ailleurs, est une source de premier ordre sur l'histoire de France de 1108 Ă  1132 (règne de Louis VI). Selon L. Mirot, le texte a Ă©tĂ© Ă©crit entre 1125 et 1132, peut-ĂŞtre d'un seul trait, et interrompu brusquement, soit par la mort de l'auteur, soit par son transfert dans un autre monastère. Il y a quelques lacunes (transcriptions de documents qui manquent).
  • Le troisième livre raconte des Ă©vĂ©nements situĂ©s entre 1137 et 1149. C'est aussi l'Ĺ“uvre d'un moine de l'abbaye très proche de l'abbĂ© (semblant avoir assistĂ© lui-mĂŞme au concile du Latran de 1139, par exemple), et qui a dĂ» rĂ©diger son texte d'un seul jet vers 1151/1152. C'est un lettrĂ© connaissant CicĂ©ron et Salluste, et qui s'intĂ©resse essentiellement Ă  l'histoire gĂ©nĂ©rale, relĂ©guant celle de l'abbaye au second plan. Malheureusement le rĂ©cit paraĂ®t très fragmentaire, tel un choix de passages, et mĂŞme il semble qu'après le rĂ©cit de l'assemblĂ©e de VĂ©zelay, en mars 1146, on n'ait plus affaire qu'Ă  un rĂ©sumĂ©. Mais pour la pĂ©riode 1137-1146, c'est comme le livre II une source historique de tout premier ordre.

La Chronique de Morigny a été conservée par un seul manuscrit, en mauvais état, copié par plusieurs scribes à la fin du XIIe siècle (sous l'abbé Pierre Ier). Il se trouve à la Bibliothèque vaticane, dans l'ancienne collection de la reine Christine (Vatic. Reg. 622). Il comprend 116 folios et la Chronique occupe les folios 62 à 116 (après trois Vies de saints).

L'editio princeps du texte a été réalisée par André Duchesne d'après le même unique manuscrit qui appartenait alors à Alexandre Petau : Historiæ Francorum scriptores coætani, vol. IV, Paris, 1641, p. 359-389 (sous le titre Chronicon Morignacensis monasterii, ab anno Christi MCVIII usque ad annum MCLVII, quo Rex Ludovicus VII in Terram Sanctam profectus est, auctoribus Teulfo et aliis ejusdem loci monachis, ex bibliotheca viri clar. Alexandri Petavii, senatoris Parisiensis). Cette édition est reproduite dans la Patrologia Latina de l'abbé Migne, vol. CLXXX, col. 131-176.

L'Ă©dition moderne est la suivante : LĂ©on Mirot (Ă©d.), La Chronique de Morigny (1095-1152), Paris, Alphonse Picard et fils, 1909.

Liste des abbés de Morigny

Bibliographie

  • Monique Chatenet, Julia Fritsch (dir.), Dominique Hervier (dir.) et al., Étampes un canton entre Beauce et Hurepoix, coll. « Cahiers du patrimoine » (no 56), 312 p. (ISBN 9782858223015, OCLC 42933725) (Jean-Marie PĂ©rouse de Montclos, L'abbaye de la Sainte-TrinitĂ© de Morigny , p. 100-107)
  • Dom Basile Fleureau, Histoire de la ville et du duchĂ© d'Étampes avec l'histoire de l'abbaye de Morigny et plusieurs remarques considĂ©rables qui regardent l'histoire gĂ©nĂ©rale de la France, Paris, J.-B. Coignard, 1683.
  • Ernest Menault, Morigny (village monacal), son abbaye, sa chronique et son cartulaire ; suivis de l'histoire du doyennĂ© d'Étampes, Paris, A. Aubry, 1867 ; rĂ©impr. 2008.

Notes et références

  1. À cette date, il ne restait que deux moines. Les revenus de l'abbaye furent affectés par l'archevêque au séminaire de Sens.
  2. Voir Léon Mirot, op. cit., p. I-II. L'installation à Morigny se fit du vivant de Richer II, archevêque de Sens, mort au cours de l'année 1096. Le roi Philippe Ier racheta pour cent livres les droits féodaux pesant sur le domaine à Évrard III du Puiset, fils de Hugues Ier (ce dernier mort un 23 décembre, 1094 selon L. Mirot, 1096 selon des données plus récentes). Évrard utilisa cet argent pour partir en croisade.
  3. Mirot, p. 2 et 10.
  4. Mirot, p. 11. La Chronique est contradictoire sur ce point, désignant explicitement Rainaud comme le premier abbé, mais parlant aussi d'un « abbé » Albert qui aurait présidé à l'installation à Morigny vers 1095.
  5. Reproduction de l'accord daté de 1106 entre les deux abbayes dans Fleureau, p. 475-76.
  6. L'abbé Thomas, natif d'Épernon, fit ses études à Étampes, puis entra à Morigny avant 1099. En 1099 ou 1100, il accompagna l'« abbé » Albert (qui avait présidé au transfert d'Étréchy à Morigny) à l'abbaye Notre-Dame de Coulombs où celui-ci se retira, et il y prononça ses vœux avec la permission du chapitre de Morigny. Élu abbé de Morigny fin 1110 ou début 1111, il gouverna l'établissement pendant près de trente ans, mais avec beaucoup de difficultés et de controverses. À la mort de son adjoint et ami le prieur Guarin (1140), il baissa les bras, quitta l'abbaye et se réfugia à Saint-Martin-des-Champs près de Paris. Souhaitant apparemment revenir à Morigny, où certains le regrettaient, il consulta Bernard de Clairvaux dans une lettre postérieure à 1144. Mais son retour ne se fit pas, et finalement il retourna à Notre-Dame de Coulombs où il mourut peu après. On conserve de lui deux sermons et trois lettres.
  7. Crisogono Malcondini : vice-chancelier de l'Église romaine en 1114, créé cardinal-diacre de S. Nicola in Carcere en 1117, puis chancelier et bibliothécaire. Il accompagna Calixte II en 1119 pendant son voyage à travers la France. Il mourut vers 1123.
  8. Quittances de rachat par François Assadé, procureur en Parlement, à Jean de Gueribalde, chevalier, en l'acquit de la succession de défunt Louis d'Archambault, en présence et consentement de Jean Des Moulins, bourgeois de Paris, procureur de Madeleine d'Archambault, veuve de Tristan de Tapereau, héritière du défunt Louis d'Archambault, avril-juin 1645 Minutes et répertoires de maître Charles François de Saint-Vaast, étude LXXIII, Paris
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