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Abîme de Cruis

L'abîme de Cruis est un gouffre pratiquement comblé situé sur la commune de Cruis dans les Monts de Vaucluse, département des Alpes-de-Haute-Provence. La cavité est anciennement connue et signalée sur la carte de Cassini sous le nom de trou de l’Abime.

Abîme de Cruis
Coupe schématique de l'abîme de Cruis vers 1993.
Localisation
Coordonnées
44° 04′ 18″ N, 5° 49′ 49″ E
Pays
Région française|Région
DĂ©partement
Massif
Localité voisine
Caractéristiques
Type
Altitude de l'entrée
830 m
PĂ©riode de formation
Température
8 °C
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Spéléométrie

En 1790, le gouffre atteignait la profondeur de 63 m ou 66 m. En 1888, l'abĂ®me de Cruis « se prĂ©sentait comme un gouffre spectaculaire (66 m de circonfĂ©rence, 33 m de profondeur »[1]. En 1892[2], le fond se situait Ă  la cote -12 m[N 1]. Aujourd'hui, l’aven ne mesure plus que 4 m de profondeur. Une tentative de dĂ©sobstruction Ă  la pelle mĂ©canique a Ă©tĂ© effectuĂ©e par le SpĂ©lĂ©o Club de Manosque, mais « sans rĂ©sultat apprĂ©ciable. Â»[3]

GĂ©ologie

La cavité s'ouvre dans les calcaires du Bédoulien[4].

Description

L'abîme s'ouvre au nord du village de Cruis, sur les flancs de la montagne de Lure, près du jas Andrieu. Actuellement, il ne subsiste plus qu’une grande dépression remplie de cailloux, sa profondeur est d’environ 4 m pour une dizaine de mètres de diamètre.

Une notoriété ancienne

Une description de l'abĂ®me de la fin du XIXe siècle rend compte de la notoriĂ©tĂ© de la cavitĂ©. L’aven « passe pour avoir englouti, dans une nuit obscure et par une tempĂŞte un berger et son troupeau, et la lĂ©gende ajoute que l’on vit, quelque temps après, sortir de la fontaine de Vaucluse le bâton du berger. La tradition raconte qu’on y prĂ©cipita autrefois les femmes adultères. On lit dans l’Histoire gĂ©nĂ©rale de Provence, dit M. Pelloux, qu’un prĂŞtre voulut connaĂ®tre l’intĂ©rieur du gouffre et en sonder les profondeurs ; mais il fut tellement effrayĂ© par les oiseaux nocturnes et par les spectres qu’une imagination troublĂ©e lui fit entrevoir, qu’il en devint fou le reste de ses jours. Plus tard, vers la fin du siècle dernier[N 2], M. Verdet d’Ongles, muni d’un thermomètre, d’une lanterne, d’une petite poulie, d’une longue corde terminĂ©e par une boule de plomb et d’une seconde corde plus forte, put y faire plusieurs fois des observations intĂ©ressantes ; il descendit jusqu'Ă  66 mètres, y resta une heure sans que sa lanterne s’éteignit et sans qu’il Ă©prouvât la moindre gĂŞne Ă  respirer, et il constata que le thermomètre, qui marquait 22° centigrades Ă  l’orifice, Ă©tait descendu, au point oĂą il Ă©tait parvenu, Ă  8°. Â»[5].

L'obstruction de l'abîme

L'aven de Cruis Ă©tait une cavitĂ© très connue aux XVIII et XIXe siècles, mais l'acharnement des paysans enclins Ă  boucher les trous s'ouvrant dans les zones pâturĂ©es a fini par le faire disparaĂ®tre. La dĂ©cision d’obturer l’abĂ®me de Cruis aurait Ă©tĂ© prise, d’abord pour Ă©viter les accidents et chutes de personnes ou d’animaux, mais surtout parce que l’aven servait Ă  faire disparaĂ®tre les animaux morts, ce qui risquait d’empoisonner les eaux en contrebas, celles qui alimentent les sources du village[6] : une crainte totalement infondĂ©e lorsque l’on sait que les eaux rĂ©surgent Ă  la fontaine de Vaucluse.

Explorations et légendes

Selon les auteurs anciens, il sortait de l'abĂ®me un vent continuel[N 3]. Le marquis de Vernet d’Ongles aurait atteint la profondeur de 63 m en 1790. En 1799, un prĂŞtre aventureux explore l’abĂ®me, mais remonte terrorisĂ©[7]. En 1841, l'abbĂ© FĂ©raud Ă©crit : « un prĂŞtre, s'y Ă©tant fait descendre par le moyen d'une corde, il y a plus de 200 ans, fut tellement Ă©pouvantĂ© de la quantitĂ© d'oiseau nocturnes qui voltigeaient autour de lui, et qu'il prit pour des spectres, qu'il en perdit l'esprit, et resta fou[N 4] toute sa vie Â»[8]. L'aven de Cruis « passe pour avoir englouti, dans une nuit obscure, et par une tempĂŞte, un berger et son troupeau, et la lĂ©gende ajoute que l’on vit quelque temps après sortir de la fontaine de Vaucluse le bâton du berger. La tradition raconte qu'on y prĂ©cipitait autrefois les femmes adultères Â». Vers la fin du XVIIIe siècle, M. Verdet d'Ongles, muni d'un thermomètre pu faire des observations intĂ©ressantes en descendant jusqu'Ă  la profondeur de 66 m.

Le registre paroissial de Cruis rapporte la lĂ©gende d’un « berger originaire de Vaucluse qui avait conduit son troupeau Ă  Cruis pendant la saison d’étĂ© et qui laissa par hasard tomber son bâton dans l’aven. Sa femme, qui lavait son linge dans la Sorgue, vit tout Ă  coup flotter sur les eaux un bâton qu’elle reconnut pour ĂŞtre celui de son mari. Elle ne douta pas que son mari n’eĂ»t pĂ©ri de mâle mort. Mais quand elle le vit revenir aux premiers froids, et qu’elle connĂ»t ce qui Ă©tait arrivĂ©, elle songea Ă  tirer parti de cette dĂ©couverte. Chaque annĂ©e, quand le berger Ă©tait Ă  Cruis, il prĂ©cipitait dans le gouffre un mouton du troupeau de son maĂ®tre, et elle le recevait Ă  Vaucluse et l’utilisait pour son mĂ©nage. Â»

Une autre lĂ©gende rapportĂ©e par Eugène Plauchud de Forcalquier, « la fado de l’aven Â»[9], montre que les liaisons entre l’aven de Cruis et la fontaine de Vaucluse Ă©taient connues de longue date.

La fin du mythe

Les légendes et explorations du XVIIIe siècle ont fait la notoriété de l’abîme de Cruis. En 1892, après deux jours d'interminable route, le spéléologue Édouard-Alfred Martel apprend que l'aven est bouché et que les gens de Cruis y ont jeté des arbres entiers, et détourné le talweg d'un ravin voisin. Pourtant, un gendarme lui a affirmé que le gouffre était encore profond de 42 m, il y a 12 ans. Lorsque Édouard-Alfred Martel arrive sur les lieux le , il ne peut que confirmer le comblement de l'abîme par une plate-forme d'alluvions située à -12 m[2]. Cette absence de succès à Cruis et à l'abîme de Coutelle a certainement détourné Édouard-Alfred Martel des avens de la montagne de Lure.

Notes et références

Notes

  1. En spéléologie, les mesures négatives ou positives se définissent par rapport à un point de référence qui est l'entrée du réseau, connue, la plus élevée en altitude.
  2. Entendre XVIIIe siècle.
  3. L'idée du vent sortant des cavernes est présente chez les savants du XVIIe siècle qui s'interrogent sur l'antre du mont Coyer (= grotte du Cul de Bœuf à Méailles), le trou du Vent à Brantes sur le mont Ventoux ou encore le trou de Ponthias à Nyons. Il s'agit d'un thème classique héritée de l’Antiquité qui fait référence aux légendes grecques où les vents sont enfermés dans une caverne.
  4. On retrouve la mĂŞme histoire Outre-Manche d’un « poor Peasent Â» : un homme descendu vers 1600 au fond du gouffre « Eldon hole Â» dans le Derbyshire (Angleterre). Une fois remontĂ© en surface, ce « poor Peasent Â» Ă©tait devenu fou et mourut huit jours plus tard (Shaw Trevor R. 1992, History of cave science. The exploration and study of limestone caves, to 1900. Sydney Speleological Society Ă©dit., p. 23).

Références

  1. Kilian Wilfrid (1889) – Description gĂ©ologique de la montagne de Lure. in-8°, Masson, Paris ; p. 109.
  2. Martel Édouard-Alfred (1894) – Les abîmes. Les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la spéléologie. Réimp. de 1996. Lafitte Reprints édit., Marseille, 578 p.
  3. Parein René & Languille André (1981) – La Haute Provence souterraine. Contribution à l’étude spéléologique du bassin d’alimentation présumé de la fontaine de Vaucluse. Chez les auteurs, 422 p.
  4. Dandurand Grégory (2004) – Le paysage karstique du versant sud de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence, France). Karstologia, n° 43, pp. 39-48.
  5. Saint-Martin Jean (1891) – La fontaine de Vaucluse et ses souvenirs. L. Sauvaitre éd., Paris, 243 p.
  6. Gonin Yves (1992) – Cruis. Chroniques anachroniques, pp. 28-29.
  7. Clébert Jean-Paul (1986) – Guide de la Provence mystérieuse. Coll. Les guides Noirs, Tchou édit., 587 p.
  8. FĂ©raud Jean-Joseph-Maxime (1841) – Les Alpes de Haute Provence. GĂ©ographie historique et biographique du dĂ©partement des Basses-Alpes. Coll. « Monographies des villes & villages de France Â», Res Universis Ă©dit., rĂ©Ă©dition en 1992.
  9. Plauchud Eugène (1884-1886) – La Fado de l’Aven. Annales des Basses-Alpes, t. V, pp. 488-502.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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