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5e United States Colored Cavalry

Pendant la guerre de SĂ©cession, le 5e United States Colored Cavalry est un des 6 rĂ©giments de cavalerie des USCT (United States Colored Troops, « Troupes noires des États-Unis ») de l'United States Army.

Le 5e US Colored Cavalry (5e USCC), une des plus célÚbres unités combattantes des USCT, est officiellement créé au Kentucky fin octobre 1864 aprÚs avoir subi par deux fois l'épreuve du feu : d'abord lors de la premiÚre bataille de Saltville (), puis lors d'un accrochage à Harrodsburg (Kentucky) le .

Un caporal du 9e USCC photographié prÚs de Denver (Colorado) pendant l'hiver 1890. En 1864, l'aspect de son prédécesseur du 5e USCC n'était guÚre différent, mis à part qu'il avait alors une petite casquette au lieu d'un chapeau, et un grand fusil Enfield Pattern 1853 de fantassin au lieu d'un revolver.

Il est commandĂ© par le colonel James S. Brisbin jusqu’à ce que cet officier soit mutĂ© au 6e USCC en – puis par l’adjoint de Brisbin, Louis Henry Carpenter, qui commanda le 5e USCC jusqu’au .

James S. Brisbin, avocat et militant anti-esclavagiste devenu colonel, croyait en la valeur des soldats noirs.

Le 5e USCC était composé de noirs, soit esclaves, soit affranchis, soit noirs libres.

AprĂšs la guerre de SĂ©cession, nombre d’entre eux (et on ne les appela plus alors soldiers, soldats, mais troopers, troupiers) s’enrĂŽlĂšrent dans les deux rĂ©giments de cavalerie noire formĂ©s en 1866 dans l’armĂ©e rĂ©guliĂšre des États-Unis, combattront pendant les guerres indiennes et seront surnommĂ©s Buffalo Soldiers («soldats bisons »). Beaucoup de leurs officiers blancs seront volontaires pour rester Ă  leur tĂȘte.

Organisation

DĂ©but 1864, le gĂ©nĂ©ral Stephen Gano Burbridge, commandant du Military District du Kentucky, promulgue son General Order No. 24, par lequel il dĂ©crĂšte la formation d’unitĂ©s combattantes formĂ©es de noirs (affranchis, hommes libres ou esclaves, Ă  condition que ces derniers soient « munis d'une autorisation de leur maĂźtre »).

Ce nouveau type d’unitĂ© vit le combat avant mĂȘme le , date de sa formation officielle[1] : lors de la premiĂšre bataille de Saltville (), et lors d’un accrochage Ă  Harrodsburg (Kentucky) le .

Des soldats noirs de l'USCT (United States Colored Troops, « Troupes noires des États Unis ») Ă  Dutch Gap en . Ils posent avec leur uniforme neuf et leur fusil Enfield Pattern 1853, baĂŻonnette au canon, mais chien baissĂ©.

Formation du 5e USCC

Fiche d'enrÎlement dans les United States Colored Troops : Louis Henry Carpenter, Lt. Col. des Volontaires, entré le 1er octobre 1864, assigné au 5e US Colored Cavalry.

La rumeur se rĂ©pand, selon laquelle le colonel James S. Brisbin va former un rĂ©giment de cavalerie noire (commandĂ© par des officiers blancs assistĂ©s de sous-officiers noirs) dans le but de lancer un raid. Plus de 1 500 Noirs se prĂ©sentent spontanĂ©ment Ă  Camp Nelson (Kentucky) ainsi qu'au bureau de l'US Army des villes voisines de Lebanon et de Louisville (Kentucky)[2] et demandent Ă  ĂȘtre enrĂŽlĂ©s.

Cependant le lieutenant-colonel Louis Henry Carpenter se rend compte que ces hommes sont illettrés, et il demande à la hiérarchie que des sous-officiers blancs soient affectés au nouveau futur régiment. Sa demande est prise en considération, et le 5e USCC hùtivement constitué[1] - [3].

Alors que les formalitĂ©s d’enrĂŽlement de tous les hommes ne sont mĂȘme pas terminĂ©es, et que trĂšs peu de d’officiers (et encore moins de sous-officiers) ont pris leur poste, le colonel James F. Wade, nommĂ© temporairement Ă  leur tĂȘte, est chargĂ© d’amener le plus rapidement possible cette troupe Ă  Prestonburg (Kentucky).

Sous la pression de l’urgence, Wade attribue aux soldats noirs des chevaux non dressĂ©s comme montures, et des fusils Enfield Pattern 1853 d’infanterie comme armes[4].

Saltville, d'oĂč proviennent les deux tiers du sel consommĂ© par la ConfĂ©dĂ©ration, est situĂ©e Ă  l'extrĂȘme Sud-Ouest de l'État de Virginie. La colonne Burbridge est venue du Kentucky pour dĂ©truire les salines.

Vu l'importance du sel pendant la guerre de SĂ©cession (unique agent de conservation, indispensable pour la nourriture des troupes aussi bien que des civils - et pour le traitement des cuirs, matiĂšre premiĂšre des chaussures et des harnais), Ulysses S. Grant avait donnĂ© l’ordre au gĂ©nĂ©ral Burbridge de pĂ©nĂ©trer jusque dans le Sud-Ouest de la Virginie, pour dĂ©truire les salines de Saltville, qui fournissaient les 2/3 du sel consommĂ© par le Sud[5].

Le , la colonne Burbridge, forte de trois brigades (cavalerie et infanterie montée, 1er Missouri Cavalry, 13e Kentucky Cavalry, et 12e Ohio Cavalry) sort de Mount Sterling (Kentucky), direction Saltville. Quatre jours plus tard elle est rejointe à Prestonburg (Kentucky) par les 600 hommes du nouveau 5e United States Colored Cavalry, ainsi que par un petit nombre de soldats noirs du futur 6e USCC.

Pendant les six jours que dure encore la progression, les soldats noirs doivent subir les moqueries et les farces plus ou moins mĂ©chantes (du vol de chapeaux au vol de chevaux) que les soldats blancs de la colonne s’ingĂ©nient Ă  faire subir Ă  leurs nouveaux collĂšgues noirs[6]. Mais, comme l'Ă©crit Brisbin Ă  l'adjutant general Thomas, « les soldats noirs n’ont cherchĂ© ni Ă  se plaindre ni Ă  se venger de ces farces et de ces injures ».

Par ailleurs, en chemin la colonne Burbridge est naturellement observée et testée par les reconnaissances de cavalerie sudistes : leurs scouts rapportent au QG qu'un puissant raid nordiste avance sur Saltville (ce qui permet d'organiser la résistance de la ville) - et surtout diffusent la nouvelle qui atterre et révolte la population blanche : les Yankees ont avec eux 600 « nigger soldiers » (« soldats nÚgres »).

Le 5e USCC et la 1re bataille de Saltville

PremiĂšre bataille de Saltville

Le 1er octobre, Burbridge arrive à 3 miles de Saltville. Il décide de bivouaquer et d'attaquer le lendemain, ce qui laissera le temps d'arriver aux renforts qu'il attend. En fait ces renforts, commandés par le général Alvan C. Gillem n'arriveront pas : ils ont été, sans que Burnbridge en ait été averti, envoyés à Atlanta pour protéger la ligne d'approvisionnement de Sherman.

Mais les ConfĂ©dĂ©rĂ©s profitent de la nuit pour faire venir des renforts Ă  Saltville (leur effectif se monte alors Ă  2 800 hommes, contre les 4 500 fĂ©dĂ©raux) et se retrancher solidement sur Chestnut Ridge (la crĂȘte des Marronniers), qui surplombe le ruisseau Cedar Branch, un affluent de la riviĂšre Holston (branche nord). Les dĂ©fenseurs de Chestnut Ridge sont les brigades de George G. Dibrell et de Felix H. Robertson, et les guĂ©rilleros de Champ Ferguson. À mi-pente, les ConfĂ©dĂ©rĂ©s ont aussi creusĂ© des trous d'hommes[7].

Chez les Confédérés, la nouvelle perturbante s'est répandue aprÚs les premiÚres escarmouches : les Yankees les attaquent avec des soldats noirs. Le brigadier-général Alfred E. Jackson appelle son adjoint : « mes hommes me disent que les Yanks ont en face un tas de soldats nÚgres... Pensez-vous que vos réservistes vont se battre contre ces nÚgres ? ». « Se battre ? répond l'officier. Bon dieu, mon général, mais mes gars vont les manger tout crus ! Enfin, pas les manger, c'est trop, mais bien les hacher en petits morceaux[8] ».

Le à 10 heures du matin, aprÚs l'habituel échange de coups de feu entre tireurs d'élite, les cavaliers fédéraux mettent pied à terre pour attaquer : le terrain est escarpé et les défenseurs (qui, eux, sont munis d'artillerie) de la position ennemie sont nombreux. Les soldats bleus s'élancent sur la pente dominée par les retranchements confédérés de Chestnut Ridge. Par deux fois les Fédéraux sont repoussés, mais une troisiÚme charge générale, réunissant 400 hommes du 5e USCC et ceux des 5e Ohio Cavalry et 5e Michigan Cavalry, enfonce les défenses confédérées : les unionistes arrivent, au prix de pertes considérables, à prendre pied sur Chestnut Ridge.

Cependant, la nuit tombe, les Confédérés reçoivent des renforts (le général Breckinridge en particulier arrive le soir avec ses cavaliers) et contre-attaquent. Les fédéraux, eux, sont épuisés, à court de provisions et de munitions. Burbridge décide de se replier et de quitter le sommet qu'il a conquis.

Les fédéraux allument de grands feux sur leurs positions de la veille, afin de faire croire à l'ennemi qu'ils sont encore là, et se retirent, en abandonnant leurs blessés sur le champ de bataille.

L'usine de Saltville est intacte, Saltville est une victoire pour la Confédération[9]. Mais les colored troops ont gagné le respect des autres combattants nordistes : un officier du 13e Kentucky Cavalry reconnaßt « qu'il n'aurait jamais pensé qu'ils combattraient jusqu'à ce qu'il les ait vus. Et (je) n'ai jamais vu des hommes se battre ainsi. Les rebelles leur tiraient dessus au canon, avec charges dispersantes et mitraille, et les couchaient par douzaines, mais ils continuaient à charger tout droit[10] ». Et le colonel James Brisbin, le commandant du 5e USCC, écrit à l'adjutant general Thomas, à propos de ses soldats noirs : « J'ai vu dans 27 batailles combattre des troupes blanches, mais aucune n'a combattu aussi bien qu'eux[11]. »

Crimes de guerre Ă  Saltville

Le lendemain de la bataille (), des miliciens venus de Saltville et des soldats confédérés[12] originaires du Tennessee (et en particulier le général Felix H. Robertson, son adjoint Champ Ferguson et leurs hommes) se livrent sur le champ de bataille à une chasse aux blessés et prisonniers noirs, et en abattent un certain nombre malgré les ordres du général confédéré Breckinridge.

Les forcenĂ©s envahissent aussi l'"Emory & Henry College" (transformĂ© en hĂŽpital militaire confĂ©dĂ©rĂ© depuis [13]) et, malgrĂ© l'opposition des sentinelles et du corps mĂ©dical, tuent dans leurs lits un certain nombre de soldats noirs blessĂ©s. De plus, Champ Ferguson cherche le lieutenant blanc Elza C. Smith du 13e Kentucky Cavalry, le trouve dans un lit d'hĂŽpital et le tue d'une balle dans la tĂȘte devant les autres blessĂ©s[14].

Le nombre exact de soldats noirs assassinés au lendemain de la bataille de Saltville reste imprécis : selon The Saltville Massacre de Thomas Mays (1995) : de 50 à 100 - selon The Battle of Saltville: Massacre or Myth? de B. William Marvel : 5 à 12.

Le raid de Stoneman (hiver 1864)

En , le gĂ©nĂ©ral George Stoneman joint le 5e et le 6e USCC Ă  ses forces et se lance dans un raid. Cette expĂ©dition forte de plus de 4 000 hommes part de l’est du Tennessee en direction du sud-ouest de la Virginie, et vise les salines de Saltville et la mine de plomb de Whyteville, prĂšs de Marion.

Pendant le raid ont lieu 4 affrontements armĂ©s dans lesquels les nordistes seront victorieux : les accrochages de Hopkinsville (Kentucky) le et de Kingsport (Tennessee) le – la bataille de Marion (Virginie) le 17 et – et la seconde bataille de Saltville (Virginie) les 20 et .

La bataille de Marion

Le , Burbridge place le 5e USCC entre deux unitĂ©s composĂ©es de blancs, sur le flanc gauche de la ligne unioniste. Le colonel James S. Brisbin et son adjoint Carpenter font dĂ©monter leurs soldats noirs et les mĂšnent Ă  l’assaut des retranchements confĂ©dĂ©rĂ©s[15]. Les ConfĂ©dĂ©rĂ©s de John C. Breckinridge ont rĂ©ussi Ă  garder l'avantage du terrain, et se sont retranchĂ©s sur une Ă©minence. Ils ne sont que 1 500 environ, mais sont armĂ©s en particulier de 4 canons rayĂ©s systĂšme Parrot de 10 livres et dĂ©versent sur les fĂ©dĂ©raux un dĂ©luge de projectiles[16]. Par ailleurs le fusil Enfield Pattern 1853 aux mains des excellents tireurs sudistes, est plus lent Ă  recharger, mais plus prĂ©cis que la carabine Spencer Ă  rĂ©pĂ©tition des cavaliers bleus.

La premiĂšre charge unioniste hĂ©site, s’arrĂȘte sous un feu intense et bat en retraite. Carpenter rallie ses hommes, les reforme et lance une nouvelle attaque. En lançant un puissant cri de guerre, les nordistes s’élancent, mais ils ne peuvent franchir les retranchements ennemis. La nuit tombe; Carpenter ordonne Ă  ses hommes de se creuser des abris. Des volontaires vont ramasser les blessĂ©s entre les lignes[15]...

Le matin du se lÚve, froid, pluvieux et brumeux. Les charges des unionistes contre les retranchements confédérés reprennent. Les unionistes parviennent à pénétrer le centre de la ligne confédérée, mais une contre-attaque des sudistes les repousse.

Carpenter fait remonter ses soldats noirs Ă  cheval : il veut porter secours Ă  une unitĂ© blanche qui est prise au piĂšge prĂšs d’un pont couvert qui enjambe la Holston River (Middle Branch), sur le flanc gauche[16] - [15]. Mais les cavaliers noirs se font dĂ©cimer par le feu prĂ©cis des tireurs d'Ă©lite sudistes embusquĂ©s derriĂšre leur parapet, et se replient.

Jusque-lĂ  toutes les initiatives nordistes ont Ă©tĂ© stoppĂ©es. Et plus tard dans la journĂ©e les ConfĂ©dĂ©rĂ©s, renforcĂ©s et poussant leur fameux rebel yell lancent une charge sur le flanc gauche des Unionistes. L’unitĂ© blanche voisine du 5e USCC est complĂštement dĂ©faite, et le flanc du 5e est menacĂ©. Carpenter et Brisbin essaient de se retirer en bon ordre. Mais leurs soldats noirs, se souvenant de l’assassinat des blessĂ©s par les Sudistes aprĂšs la 1re bataille de Saltville, rompent les rangs pour aller chercher leurs amis blessĂ©s. Alors que la retraite menace de devenir une dĂ©route, vers 4 heures des renforts arrivent aux unionistes, et leur ligne se raffermit.

Pendant la nuit du 18 au , les Confédérés, inférieurs en nombre (ils ont de plus 150 pertes environ), à court de munitions et de provisions, se retirent. Le 19 les unionistes ramassent leurs blessés et enterrent leurs morts. La victoire de Marion a été trÚs coûteuse pour les Fédéraux, mais elle marque le succÚs du raid de Stoneman[16].

La seconde bataille de Saltville

Dans l’aprĂšs-midi du , avant que John C. Breckinridge et Basil W. Duke aient atteint Saltville pour y renforcer le colonel Robert Preston et ses 500 hommes[16], les FĂ©dĂ©raux (6 500 hommes environ, soit les troupes de Gillem, celles de Burbridge y compris les 5e et 6e USCC, et le 10e Michigan Cavalry) se jettent dans Saltville et commencent Ă  dĂ©truire et incendier tout ce qu'ils peuvent. Les ConfĂ©dĂ©rĂ©s, du haut des collines qui entourent la ville, voient, dans la nuit qui tombe, les flammes monter sur Saltville.

Les Unionistes essaient surtout de saboter les installations des salines : ils parviennent Ă  dĂ©foncer un tiers des chaudiĂšres (1 000 sur 3 000), et Ă  abattre la plupart des hangars d’évaporation. Ils endommagent aussi des secteurs de la ligne de chemin de fer Virginia & Tennessee Railroad. Mais ils ne parviennent pas Ă  obturer les puits de mine.

Stoneman rĂ©ussit ensuite Ă  Ă©viter l’encerclement et Ă  faire sortir rapidement ses troupes de Virginie. Il retourne avec Gillem au Tennessee, pendant que Burbridge et ses soldats noirs rejoignent le Kentucky en passant par Pound Gap.

Pour la ConfĂ©dĂ©ration, qui Ă©tait dĂ©jĂ  au stade de la pĂ©nurie fin 1864, les consĂ©quences du raid de Stoneman[17] sont terribles. Le plomb va manquer encore plus aux arsenaux qui fabriquent les balles et la mitraille. Quant au sel, qui Ă©tait dĂ©jĂ  une denrĂ©e rare et prĂ©cieuse, il devient pratiquement introuvable au Sud : mĂȘme si les dĂ©gĂąts des salines sont rapidement rĂ©parĂ©s, le transport du sel par train ne peut plus ĂȘtre assurĂ©[18]. Et les soldats confĂ©dĂ©rĂ©s qui tiendront dans les tranchĂ©es de Petersburg et de Richmond seront totalement privĂ©s de viande salĂ©e. Par ailleurs, dans la zone traversĂ©e par Stoneman, les puits et sources sont bouchĂ©s et polluĂ©s[19], les ponts et les voies ferrĂ©es dĂ©truits pour longtemps : locomotives dĂ©raillĂ©es et renversĂ©es, wagons et gares incendiĂ©s, rails tordus en cravates de Sherman. Enfin 34 officiers et 845 soldats sudistes ont Ă©tĂ© capturĂ©s par les FĂ©dĂ©raux[20].

Pour Stoneman et les FĂ©dĂ©raux, le raid de 1864 (Ă  l'inverse du raid de Stoneman) a donc Ă©tĂ© un succĂšs, ne serait-ce que sur le plan psychologique, et a de plus affirmĂ© l’efficacitĂ© des troupes noires.

Carpenter (les documents officiels sont par ailleurs Ă©trangement silencieux quant Ă  son action pendant le raid) Ă©crivit une longue lettre sur la seconde bataille de Saltville et sur la belle conduite de ses soldats noirs[15].

L’embuscade de Simpsonville

Le fusil Enfield Pattern 1853 fabriquĂ© en Angleterre fut attribuĂ© aux United States Colored Troops. C'Ă©tait un long (55 inches, soit 1,40 m) et lourd rifle-musket Ă  poudre noire et percussion, Ă  un coup et se chargeant par la gueule, qui tirait cependant une balle MiniĂ© puissante et prĂ©cise Ă  longue distance. L'Enfield valait bien Ă  tous points de vue le fusil Springfield Model 1861 fabriquĂ© par l'Union; mais pour les fantassins nordistes il avait le grave dĂ©faut d'ĂȘtre l'arme des ConfĂ©dĂ©rĂ©s - et pour les cavaliers noirs des USCT il Ă©tait impossible Ă  recharger Ă  cheval.

Le , 80 soldats noirs du 5e USCC (compagnie E), sous le commandement du sous-lieutenant Augustus Flint, reçoivent l’ordre de convoyer un troupeau d’environ 1 millier de bovins du Camp Nelson aux enclos Ă  bĂ©tail de Louisville (Kentucky).

Il fait grand froid, et les hommes se sont divisĂ©s : une quarantaine d’entre eux conduit le troupeau et un nombre Ă©gal est en arriĂšre-garde. Le , alors que Flint est parti Ă  la ville voisine de Simpsonville, un groupe de guĂ©rilleros confĂ©dĂ©rĂ©s attaque l’arriĂšre-garde. Le groupe de soldats noirs de tĂȘte panique et prend la fuite. Et ceux de l’arriĂšre sont rapidement submergĂ©s : leurs fusils Enfield ne peuvent tirer (leur poudre est pourrie), et les sudistes ont chacun deux ou plusieurs revolvers Ă  6 coups. Tous les noirs sont capturĂ©s puis abattus par les guĂ©rilleros, sauf deux : l’un fait le mort, et l’autre se cache sous un chariot renversĂ©[21].

Le revolver Colt calibre .44 Army Model, une arme de poing des plus utilisées par le Nord pendant la guerre de Sécession. Les Confédérés avaient plutÎt des revolvers Tranter .44 Army Model fabriqués, comme leur fusil Enfiel 1853, en Grande-Bretagne.

Une heure aprĂšs l’embuscade, alors que Flint s’est enfui vers Louisville, des habitants de Simpsonville viennent sur place, et comptent 15 morts et 20 blessĂ©s sur ou Ă  cĂŽtĂ© de la route. Quatre autres cadavres de soldats noirs seront dĂ©couverts plus tard Ă  proximitĂ©. Parmi les blessĂ©s relevĂ©s par les habitants de Simpsonville, 6 meurent rapidement pendant leur transport[21].

On sut plus tard que les confĂ©dĂ©rĂ©s avaient assassinĂ© 19 soldats noirs alors qu’ils s’étaient rendus et Ă©taient dĂ©sarmĂ©s, et que les blessĂ©s avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©s dans le froid glacial. Trois soldats noirs Ă©taient portĂ©s manquants[21].

Les autorités de Simpsonville télégraphient à Carpenter. Il envoie immédiatement sur place des ambulances et une escorte, dont le personnel délimite la fosse commune, et emmÚne les survivants à Louisville[21].

Les habitants racontent ce qu’ils savent des Ă©vĂšnements : on a entendu le chef des guĂ©rilleros (le capitaine Dick Taylor) se vanter d’avoir abattu beaucoup de prisonniers noirs. Carpenter Ă©crit un rapport avec les noms des guĂ©rilleros sudistes (dans la mesure oĂč ils ont Ă©tĂ© reconnus), une recherche des coupables est lancĂ©e. Ils ne seront jamais retrouvĂ©s[3] - [21].

Autre crimes de guerre dont les USCT ont été victimes

Pendant la guerre de Sécession, les Confédérés ont massacré un certain nombre de soldats noirs réguliers, entre autres lors de la bataille de Fort Pillow (Tennessee, ) - et lors de la bataille de Poison Spring (Arkansas, ).

Par ailleurs, aprÚs la nomination (fin 1863) de Ulysses S. Grant au poste de général en chef de l'US Army (il était hostile à l'échange de prisonniers[22]) et l'échec de l'application des résolutions du cartel Dix-Hill sur l'échange des prisonniers (il a achoppé entre autres sur le cas des prisonniers afro-américains) il est plus que probable que l'ordre non écrit « pas de prisonniers noirs » a été plusieurs fois appliqué par les Confédérés sans qu'il en ait été gardé de traces dans les archives.

Fin du 5e USCC

Le 5e USCC resta sous les armes prÚs d'un an aprÚs la signature de l'armistice à Appomatox. Le , une cérémonie lors de la dissolution du régiment eut lieu à Helena (Arkansas), et les noms de 50 soldats noirs morts à Saltville début furent appelés. Leur tombe se trouve probablement au Holston Cemetery, sur le campus du Emory and Henry College.

AprÚs la guerre de Sécession, bon nombre de cavaliers du 5e USCC s'enrÎlent dans les régiments de cavalerie de l'U.S. Army ; ils seront surnommés Buffalo Soldiers.

Faits d'armes du 5e USCC

Résumé des batailles auxquelles a participé le 5e USCC[23] - [24].

1864

- Saltville (Virginie) : premiĂšre bataille de Saltville

- Harrodsburg (Kentucky) : engagement militaire

- Hopkinsville (Kentucky) : engagement militaire

- Kingsport (Tennessee) : manƓuvre de flanquement, et escarmouche

- Marion (Virginie) : bataille de Marion

20- - Saltville (Virginie) : seconde bataille de Saltville

1865

- Simpsonville (Kentucky) : embuscade

Sources

Voir aussi

Notes

  1. United States National Archives (NARA), « U.S. Colored Troops Military Service Records, 1861-1865 », micofilm M1817 roll 63, Ancestry.com (consulté le )
    • "L. Henry Carpenter", "Lt. Col." "5th U.S. Colored Troops." Promoted "Colonel" and listed as "vice Brisbin" on roster card. Lt. Col. James S. Brisbin, Fifth U. S. Colored Cavalry was later promoted to colonel and took command of the 6th United States colored Cavalry (USCC) and Carpenter took command of the 5th USCC.
  2. Louisville (Kentucky), forteresse unioniste Ă©pargnĂ©e par la guerre et situĂ©e immĂ©diatement au nord des États esclavagistes, Ă©tait pour beaucoup d'esclaves en fuite le terminus de la filiĂšre d'Ă©vasion appelĂ©e Underground Railroad (Chemin de fer clandestin) et comptait une trĂšs forte population noire.
  3. (en) John David Smith, Black soldiers in blue : African American troops in the Civil War era, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, , 451 p. (ISBN 978-0-8078-2741-3, lire en ligne)
  4. le fusil Enfield 1853, lourd, long et se chargeant par la gueule Ă©tait une arme de fantassin, et n’était pas du tout adaptĂ© au maniement par des cavaliers : en particulier ils ne pouvaient pas le recharger tout en chevauchant. Cependant, dans l’optique amĂ©ricaine de l’époque, les cavaliers Ă©taient plus souvent amenĂ©s Ă  dĂ©monter pour se battre Ă  pied qu’à combattre Ă  cheval. C’est d’ailleurs ce que note avec Ă©tonnement, dans la relation de son voyage d’études effectuĂ© en 1863 en AmĂ©rique du Nord, le jeune capitaine anglais Arthur Fremantle. Mais en 1864, les unitĂ©s nordistes de cavalerie blanche (comme le 11e Michigan et le 12e Ohio) Ă©taient dĂ©jĂ  dotĂ©es de la Spencer (arme), une carabine Ă  rĂ©pĂ©tition manuelle rapide (sept coups sans recharger) parfaitement adaptĂ©e au combat rapprochĂ©, aussi bien Ă  pied qu’à cheval.
  5. voir sur http://www.sonofthesouth.net/leefoundation/civil-war/1865/january/saltville-virginia.htm : dans le Harper's Weekly du 14 janvier 1865, la description du fonctionnement des salines de Saltville
  6. parmi les plaisanteries lancées aux nouveaux soldats noirs, on peut penser que leurs collÚgues blancs ont dû leur rappeler souvent que le fusil Enfield Pattern 1853 était l'arme de service adoptée par la Confédération pour ses fantassins...
  7. ces trous d'hommes (rifle pits, « trous à fusil ») creusés en avant des retranchements servent à dissimuler des tireurs d'élite qui ont pour mission de décimer les officiers et les premiers combattants des vagues d'assaut ennemies.
  8. WP en cite : « my men tell me the Yanks have a lot of nigger soldiers along. Do you think you reserves will fight niggers? » « Fight ‘em ? replied Preston, By God, Sir, they’ll eat ‘em up! No! Not eat ‘em up! That's too much! By God Sir, we’ll cut ‘em up! ».
  9. À Saltville, le commentaire apposĂ© sur une stĂšle au sommet de Chestnut Ridge (voir l'article de WP en "Saltville, Virginia") donne une version de la bataille lĂ©gĂšrement diffĂ©rente : les ConfĂ©dĂ©rĂ©s ont Ă©tĂ© repoussĂ©s en contrebas jusque dans le cimetiĂšre, avant de contre-attaquer en force et de reprendre le sommet de la crĂȘte. Mais la carte montre bien comment les trois colonnes de fĂ©dĂ©raux (en bleu) s'unirent au moment de traverser le ruisseau Cedar Branch, avant de se lancer vers le sommet de la pente sous le feu des ConfĂ©dĂ©rĂ©s. Le commentaire se termine par « le matin suivant quelques-uns des soldats blessĂ©s et prisonniers furent assassinĂ©s, lors de ce qui a Ă©tĂ© appelĂ© le "massacre de Saltville" »
  10. WP en cite : « ...never thought they would fight until he saw them there, [and I] never saw troops fight like they did. The rebels were firing on them with grape and canister, and were mowing them down by the scores, but others kept straight on. »
  11. WP en cite : « I have seen white troops fight in twenty-seven battles, and I never saw any fight better [than the blacks]. »
  12. les tĂ©moins ont difficilement diffĂ©renciĂ© les miliciens en civil et les soldats de l'armĂ©e confĂ©dĂ©rĂ©e, dans la mesure oĂč ces derniers portaient rarement un vĂ©ritable uniforme
  13. voir l'article de WP en "Emory & Henry College Hospital"
  14. Champ Ferguson accusait E.C. Smith, qu'il connaissait depuis longtemps, d'avoir dĂ©shonorĂ© sa femme et le poursuivait de sa vengeance. Champ Ferguson fut jugĂ© et pendu aprĂšs la guerre pour (entre autres crimes), sa participation au « massacre de Saltville ». Champ Ferguson fut l'un des 2 seuls criminels de guerre confĂ©dĂ©rĂ©s pendus aprĂšs la guerre : l'autre fut Henry Wirz, responsable du sinistre camp de concentration d'Andersonville (GĂ©orgie). Selon l'historien William C. Davis (dans son livre An Honorable Defeat. The Last Days of the Confederate Government), le gĂ©nĂ©ral Felix H. Robertson, qui aurait lui-mĂȘme tuĂ© devant tĂ©moins des soldats noirs prisonniers et blessĂ©s, Ă©chappa aux poursuites judiciaire, malgrĂ© les efforts du maj. gen. confĂ©dĂ©rĂ© John C. Breckinridge
  15. Official Records, 3rd ser., 5:122; Regimental Personal Descriptions, Orders, Letters, Guard Reports, Council of Administration, Funds accounts, Telegrams, and Clothing Accounts of Noncommissioned Staff, vol. 1, 5th United States Colored Cavalry, Record Group 94, National Archives, Washington.
  16. David Chaltas et Richard Brown, « The Battle of Marion - December 17 and 18, 1864 », Colonel Ben E. Caudill Camp #1629 - Sons of Confederate Veterans, (consulté le )
  17. ce chapitre est traduit de l'article de WP en' "battle of Marion".
  18. Angela Dautartas, A research design for investigation on the battles of Saltville, sur http://thomaslegion.net/thebattlesofsaltville.html
  19. Chaltas & Brown, The battle of Marion, sur http://www.bencaudill.com/documents_msc/battle_of_marion.html
  20. Chaltas & Brown, The battle of Marion
  21. « 5th U.S. Colored Cavalry at Simpsonville, Ky », 5th U.S. Colored Cavalry, (consulté le )
  22. Grant assurait en substance : « aprÚs un échange, nous récupérons un soldat inutilisable, et les Confédérés un soldat qui retourne immédiatement au combat... » (« by the exchange of prisoners we get no men fit to go into our army, and every soldier we gave the Confederates went immediately into theirs, so that the exchange was virtually so much aid to them and none to us »), voir l'article de WP en "Military History of African Americans in the A.C.W."
  23. David E. Brown, « 5th Regiment Cavalry - United States Colored Troops », David E. Brown, (consulté le )
  24. McRae, Bennie J., Jr., « CIVIL WAR BATTLES - UNITED STATES COLORED TROOPS », United States colored troops in the the civil war, LWF Network, 1993, 2008 (consulté le )
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