Évaluation d'entreprise
L'évaluation d'entreprise est ici l'estimation, à partir de critères qui se veulent objectifs, de la juste valeur marchande (jvm) d'une entreprise à une date donnée, qui se définit comme le prix le plus élevé exprimé dans la devise du pays hôte, qui peut être obtenu pour un bien sur un marché totalement libre et sans restriction, lors d'une transaction entre un acheteur souhaitant acheter et un vendeur souhaitant vendre, qui sont prudents, informés et compétents, et qui agissent indépendamment l'un de l'autre[1].
L'évaluation d'entreprise peut être utile à des fins transactionnelles, de fiscalité ou servir en stratégie de base de référence dans un projet de valorisation d'entreprise.
L'évaluation d'entreprise se distingue de l'évaluation de projets d'investissement par les outils d'évaluation utilisés, même s'il est possible d'évaluer l'entreprise à partir de la somme de ses projets.
Enjeux de l'Ă©valuation d'entreprise
L’enjeu d’un exercice d’évaluation d’entreprise est double :
- Estimer une valeur d'entreprise juste
- Apporter des arguments clairs justifiants l’estimation.
Les contextes d’une évaluation d’entreprise sont multiples. L’exercice peut être réalisé dans un cadre transactionnel (achat ou vente d’une entreprise), dans le cadre d’une introduction en bourse, d’un litige entre actionnaires ou d’un audit financier[2].
Le concept d'évaluation de l'entreprise part de l'idée qu'il est possible d'optimiser la performance de l'entreprise dans une approche de management. Cette performance de l'entreprise se traduit par une meilleure compétitivité (par la qualité, l'innovation…), mais donne aussi lieu à une répartition de cette performance. Cette répartition a son importance, car optimiser l'entreprise c'est aussi améliorer la cohésion sociale (dont la gouvernance d'entreprise) qui constitue finalement un capital immatériel (de plus en plus important pour le marketing des services du fait de la proximité entre le client et le producteur de service).
La démarche d'évaluation de l'entreprise
Étapes de la démarche
- Il est possible de débuter l'évaluation par une prise de connaissance de l'environnement interne et externe de l'entreprise sous forme d'un diagnostic, activité par activité (de la place de l’entreprise sur son marché et de l’évolution prévisible de celui-ci). Un rapport d’étape peut être établi. Il est ainsi possible de détecter le savoir-faire réel de l’entreprise, son avantage compétitif, l’évolution prévisible de la demande de produits actuels, la capacité de l’entreprise à mettre en place des produits de substitution.
- Obtenir une connaissance certaine des méthodes d’évaluation par la formation si nécessaire.
- Faire un choix des méthodes à écarter et des méthodes à retenir. Les PME familiales sont en effet sensibles au lien de dépendance fort entre le dirigeant et son entreprise et l'absence de prévisionnels autres que le chiffre d'affaires.
- Prendre en compte les valeurs de marché et ce, à deux titres :
- en tant que valeurs de référence avec des transactions récentes comparables, notamment à travers la presse financière et le marché boursier, et ;
- comme réponse à une contestation éventuelle de l’administration fiscale du prix de cession des PME avec un redressement relatif à un prix considéré comme insuffisant et souvent qualifié de dissimulé.
- Émettre un rapport d’évaluation. L’évaluateur exprime son opinion sur la valeur de l’entreprise.
Le rapport d’évaluation doit impérativement rappeler :
- le contexte dans lequel l’évaluation est opérée,
- les travaux effectués,
- les limites éventuellement apportées aux travaux, soit à la demande du client, soit en raison de l’absence d’un expert technique qui serait seul compétent sur des points très précis (audit d’environnement…),
- les méthodes écartées dûment motivées et les méthodes retenues,
- la justification des hypothèses retenues dans la mise en œuvre des méthodes d’évaluation (coefficient multiplicateur appliqué au chiffre d’affaires retenu, prime de risque…),
- une synthèse des calculs avec renvoi des détails de calcul en annexe,
- et, en conclusion, non pas une valeur figée, mais un intervalle de valeurs et/ou nuage de points (avec les précautions résultant du point 3 ci-dessus, le cas échéant).
Enfin, il ne faut pas oublier que dans un contexte d’acquisition d’entreprise, l’acheteur doit avoir une notion assez précise de l’enveloppe financière globale qu’il devra affecter à ce projet. (Celle-ci devra inclure, outre le paiement du prix et le remboursement des comptes courants d’associés, la mise à niveau éventuellement nécessaire des investissements et de la structure financière).
MĂ©thodes d'Ă©valuation de l'entreprise
L'évaluation de l'entreprise est avant tout l'évaluation d'un ensemble de services. Des indicateurs permettent de juger de la stratégie marketing (de l'augmentation des ventes assurant les économies d'échelle), de l'organigramme dont le capital immatériel représente les synergies, et de la direction financière gérant les ressources rares des différents apporteurs de capitaux. Ainsi, il est possible d'élaborer une stratégie de l'entreprise à partir de l'ensemble de ces indicateurs. L'évaluation de l'entreprise permet aussi aux parties prenantes de l'entreprise de prendre des décisions. Pour les apporteurs de capitaux cette analyse doit être pragmatique, car l'analyse est au cœur de leurs métiers.
MĂ©thodes comptables patrimoniales et mixtes
La valeur d'une entreprise est normalement décrite par les éléments de son bilan (représentant le patrimoine), cependant celui-ci n'indique pas clairement la valeur exacte de l'entreprise : il faut calculer une fourchette de valeurs.
- La méthode la plus complète est le calcul de l'actif net comptable corrigé (ou d'autres apparentées comme la valeur substantielle brute ou les capitaux permanents nets d'exploitation). Il faut noter que l'actualisation de la différence entre cet actif multiplié par le taux sans risque (des OAT par exemple...) moins le bénéfice dégagé par cet actif est un moyen de calculer le goodwill (la survaleur de l'entreprise).
- La méthode la plus simple est le calcul de ratios mettant en valeur le niveau du bénéfice par rapport au passif de l'entreprise, ou les dettes par rapport au capital. Cette méthode est couramment utilisée par les établissements de crédit pour analyser le bilan rapidement.
MĂ©thodes d'analyse des flux ('DCF')
La valeur d'une entreprise peut être aussi évaluée par projection du résultat (approche préférée en finance). Pour clarifier l'aspect temporel généré par la comptabilité (qui travaille sur l'exercice), il faut utiliser des flux de trésorerie disponible et non directement le bénéfice du compte de résultat.
- Une méthode peut être le CFROI[3] proche de l'analyse projet qu'est la valeur actuelle nette (qui est un cumul actualisé de flux de trésorerie).
- Une autre méthode peut être l'analyse EVA (crée à partir de flux de fond cette méthode est néanmoins adaptée pour l'analyse financière).
MĂ©thodes comparatives entre entreprises
Sous cette dénomination, il est possible d'envisager une méthode simplifiée appelée la méthode des multiples (transaction comparables ou comparables boursiers), et une méthode évaluant plutôt la valeur stratégique de l'entreprise pouvant être nommée la méthode comparative organisationnelle.
- La méthode des multiples :
- Méthode des transactions comparables : il s'agit de déterminer un échantillon de transactions comparables ayant eu lieu dans le secteur de l'entreprise que l'on cherche à valoriser (taille, géographie, activité, dates des transactions). Pour chacune de ces transactions, on cherche ensuite les différents agrégats clés (EBITDA, EBIT, chiffre d’affaires) et la valeur d'entreprise (VE) et on calcule le multiple de valorisation correspondant (VE / EBITDA, VE / EBIT ou VE / Chiffre d'affaires). Puis, on applique la médiane ou la moyenne des multiples de l'échantillon aux agrégats de la société cible que l'on cherche à valoriser. On obtient ainsi la valeur d'entreprise. Exemple : le multiple moyen de l'EBITDA de mon échantillon est 4x et l'EBITDA de ma société cible est 50 m€. Ma valeur d'entreprise est donc de 200 m€. Cette méthode qui a le mérite de pouvoir être réalisée sans connaissance comptable implique d'accepter de sévères biais cognitifs, d'hétérogénéité d'entreprise et de calcul de l'échantillon de référence.
- Méthode des comparables boursiers : la méthode est similaire à celle des transactions comparables en termes de processus (détermination des agrégats, calcul des multiples, calcul de la moyenne/médiane et application aux agrégats de la société cible à valoriser) mais elle diffère car l'échantillon initial n'est pas constitué de transactions comparables mais de sociétés cotées ayant des activités similaires. Les agrégats des sociétés côtés choisies qui sont étudiés sont également des agrégats prévisionnels provenant des prévisions des analystes du marché (note de broker).
- La méthode comparative organisationnelle : La valeur d'une entreprise doit prendre en compte le capital immatériel qui génère la synergie (ou la flexibilité) dans l'entreprise. Des indicateurs réalisant un benchmarking peuvent être envisagés tirés de l'analyse des services de la gestion de la qualité (logistique et direction du système d'information), de la gestion des ressources humaines. Ces indicateurs vont permettre l'évaluation du capital humain, du capital relationnel et du capital structurel de l'entreprise. Ensuite, comme pour la méthode des multiples, il est possible de déterminer la médiane de la valeur de l'entreprise par la multiplication de l'indicateur par le résultat de l'entreprise.
Autres méthodes spécifiques
- Méthodes d'évaluation de l'organisation de l'entreprise : L'analyse des coûts permet par la comptabilité analytique, non pas d'évaluer les flux financiers circulant au sein de l'entreprise, mais permet d'évaluer plus spécifiquement les économies d'échelle et les synergies de l'organisation en partant de l'analyse de ses charges réparties par centre d'activité ou d'analyse.
- Autres évaluations se rapportant à l'entreprise : évaluation du prix d'une action, évaluation immobilière, évaluation d'obligation, évaluation des stock options. Ces méthodes introduisent notamment des critères de marché, donc en partie exogènes par rapport aux évaluations reposant sur des données internes. Par exemple, en matière boursière, la volatilité des cours d'un actif intervient sous forme de coefficients spécifiques dans sa valorisation.
Chaque service et chaque théorie a sa place pour évaluer l'entreprise et lui fournir une stratégie adaptée. Cette coordination des responsabilités impliquant une prise en compte de la politique et des conventions au sein de l'entreprise permettant ainsi de limiter l'effet d'auto-réalisation de la stratégie et de la rationalité limitée des décideurs. Un bémol cependant quant à l'outil de calcul : la comptabilité (comme système d'information) laisse une marge de manœuvre aux décideurs dans le cadre de la comptabilité créative.
Évaluer le présent de l'entreprise
Sous hypothèse d'un cadre conceptuel valorisant les actifs comptables à la valeur historique (norme préférentielle IFRS), nous pouvons présenter le schéma suivant pour valoriser l'entreprise. Nous pouvons remarquer que l'approche comptable par le compte de résultat est une technique utilisée préférentiellement par l'économie dite réelle (tangible) qu'est le marketing. C'est aussi cette approche que l'on utilise pour calculer à partir de la valeur ajoutée le PIB donc la croissance. Ceci constitue, avec le fait que les ventes mènent les économies d'échelle de l'entreprise, une raison supplémentaire qui pousse à préférer la segmentation marketing à toute autre pour élaborer la stratégie de l'entreprise.
Évaluer l'avenir de l'entreprise
Personne ne peut parfaitement prévoir la valeur de l'entreprise sur le long terme.
Par contre, il est possible d'évaluer pour choisir la stratégie d'entreprise ou tactiquement décider les investissements à faire par l'analyse financière.
Tactiquement, il reviendrait souvent trop cher de réaliser une analyse complète d'un investissement si la ressource en jeu n'est pas critique. Il est alors possible de faire des analyses financières rapides généralement par les flux de trésorerie. L'outil utilisé pour évaluer le futur est le taux d'actualisation (dont le coût moyen pondéré du capital pouvant être obtenu à partir du MEDAF).
Stratégiquement, il faut analyser d'une manière plus approfondie l'investissement qui met en œuvre des ressources critiques. Il est possible de réaliser une analyse par les DAS ou par l'harmonisation d'indicateurs que l'on peut trouver dans les services de l'entreprise. La stratégie marketing fournira dans ce cas judicieusement la segmentation de l'analyse et les indicateurs concernant la couverture des frais fixes par les ventes. Les indicateurs financiers et organisationnels suivant la même segmentation indiqueront si ceci représente une chance sur le plan de la valeur financière et du gain en synergie du capital immatériel.
L'influence de la taille de l'entreprise sur l'Ă©valuation
Les petites entreprises présentent une valeur relative moindre comparativement aux plus grandes entreprises. Cette corrélation s'observe en comparant les multiples de transaction médians pour des cessions d'entreprises de différentes tailles[4]. Ces écarts s'expliquent par un risque de défaillance plus élevé des petites entreprises.
Les spécificités des petites entreprises rendent en outre leur évaluation plus difficile. D'abord, l'évaluation prend du temps et l'expertise n'est pas toujours disponible. Les services de logistique et de gestion des ressources humaines peuvent par exemple être sous la responsabilité de la même personne. Le travail d'analyse n'est donc pas le même, car le temps affecté à l'analyse ne peut être le même sous peine de ne pas être efficient. Ainsi, par souci de simplification, il est possible de préférer uniquement trois techniques d'évaluation.
- Pour les très petites entreprises (petits commerces de proximité), la valeur du fonds de commerce principalement fondée sur la nature du bail commercial, peut être établie. Son évaluation est généralement fonction du chiffre d’affaires réalisé durant les dernières années d'exploitation. Or, le chiffre d’affaires peut être augmenté artificiellement par des ventes à bas prix par exemple, l'évaluation n'est donc pas facilitée car la sensibilité de la valeur aux aléas est grande.
- À partir du compte de résultat, la valeur de l'excédent brut d'exploitation (EBE) est la valeur utilisée par les établissements de crédit pour connaître le montant de l'annuité d'emprunt acceptable en fonction d'un profil de client. Cette valeur est la représentation d'une situation passée. Elle peut donc se détériorer au cours du temps. La difficulté est que cette valeur représente un gain annuel et non pas la valeur de l'entreprise ; d'où l'impossibilité d'évaluer avec certitude les entreprises qui se créent.
- À partir de cet EBE ou du résultat d'exploitation, il est possible de trouver un cumul de flux de trésorerie actualisable sur une durée choisie, permettant de transformer assez simplement l'information annuelle en une évaluation de la valeur de l'entreprise.
- Il est enfin possible d'envisager l'utilisation de la méthode des multiples qui nécessite de faire appel à des sociétés financières permettant de réaliser un benchmark de L'EBE (par exemple). L'utilisation d'une médiane dans cette méthode ne permet pas d'identifier les différents paramètres explicatifs de la valeur, masque les disparités au sein d'un secteur d'activité et dépend elle-même de la qualité de l'échantillon[5].
Cette analyse dévoile la subjectivité de certaines analyses financières et pousse à la prudence les apporteurs de capitaux, ou à préférer l'évaluation concrète sur le terrain grâce à des indicateurs organisationnels ou marketing spécifiques à l'activité.
Notes et références
- Agence des douanes et du revenu du Canada
- Admininvestyr202412s, « Le guide du Transaction Services, Restructuring et Valorisation », sur Invest Prep, (consulté le )
- Cash-Flow In Investment du Holt Value Associates
- « Baromètre infocession des prix de cession d'entreprise », sur infocession.fr
- Pascal Barneto et Georges Gregorio, Finance, Dunod, 2007, p. 275