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Élections législatives portugaises de 2019

Les élections législatives portugaises de 2019 (en portugais : Eleições legislativas portuguesas de 2019) ont lieu le , afin d'élire les 230 députés de la XIVe législature de l'Assemblée de la République pour un mandat de quatre ans.

Élections législatives portugaises de 2019
230 députés de l'Assemblée de la République
(Majorité absolue : 116 députés)
Corps électoral et résultats
Inscrits 10 810 240
Votants 5 251 064
48,57% en diminution 7,3
Blancs et nuls 255 586
PS António Costa
Voix 1 908 036
36,34%
en augmentation 4
Sièges obtenus 108 en augmentation 22
PPD/PSD Rui Rio
Voix 1 457 704
27,76%
Sièges obtenus 79 en diminution 10
BE Catarina Martins
Voix 500 017
9,52%
en diminution 0,7
Sièges obtenus 19 en stagnation
CDU Jerónimo de Sousa
Voix 332 473
6,33%
en diminution 1,9
Sièges obtenus 12 en diminution 5
CDS - PP Assunção Cristas
Voix 221 774
4,22%
Sièges obtenus 5 en diminution 13
Carte des résultats
Carte
Composition de l'assemblée
Diagramme
Premier ministre
Sortant Élu
António Costa
PS
António Costa
PS

Marqué par le plus fort taux d'abstention depuis la révolution des Œillets, le scrutin voit la victoire du Parti socialiste à la majorité relative après quatre ans de gouvernement minoritaire soutenu par la gauche radicale. Le CDS – Parti populaire réalise son plus mauvais résultat depuis la fin des années 1980 et l'extrême droite fait pour la première fois son entrée au Parlement, avec un député. Le Premier ministre António Costa est alors reconduit et forme le XXIIe gouvernement constitutionnel.

Contexte

Le Portugal est gouverné depuis 2015 par le Premier ministre António Costa, à la tête d'un gouvernement minoritaire composé de membres du Parti socialiste, avec le soutien sans participation du Bloc de gauche et de la Coalition démocratique unitaire[1]. Cette coalition non officielle est qualifiée de « Geringonça » en français : « bric et de broc », par le Parti social-démocrate, arrivé en tête des législatives de 2015 mais relégué dans l'opposition faute de soutiens. Le terme, initialement utilisée de manière péjorative, finit par être communément employé dans les médias de manière neutre[2].

Donné favori dans les sondages, le PS arrive en mai en tête des européennes avec 33 % des voix, un résultat similaire aux précédent scrutin ainsi qu'aux législatives de 2015. Lors des élections régionales organisées dans la région autonome de Madère le , le Parti social-démocrate (PPD/PSD), qui gouverne l'île depuis 43 ans, vire en tête mais perd sa majorité absolue. Le très bon score du PS, qui triple son nombre de députés et totalise 35 % des voix, augure des résultats favorables pour le parti au pouvoir lors des législatives nationales[3].

Le scrutin est convoqué pour le [4].

Affaires

Le PS est éclaboussé par l'« affaire Tancos », qui voit le ministre de la Défense José Alberto Azeredo Lopes être mis en examen et démissionner en pour avoir tenté de couvrir les auteurs d'un vol de matériel de guerre dans une base militaire fin [5]. Face au vol d'un total de 150 grenades à main, 44 roquettes antichar, 18 grenades lacrymogènes et 1450 cartouches dans une base à la faveur d'un réseau de caméra de surveillance inopérant depuis plusieurs années[6], plusieurs responsables de la police militaire et de la Garde nationale républicaine se seraient entendus avec l'un des voleurs, un collègue pris de remords, pour organiser la redécouverte du butin et s'en approprier les lauriers tout en le couvrant[7].

Mis au courant de l'affaire jugée rocambolesque, le ministre aurait tenter de la dissimuler et de couvrir à son tour les militaires, qui affirment quant à eux avoir agi avec l'aval de son cabinet, menant deux ans plus tard à son inculpation pour délits de déni de justice, favoritisme et abus de pouvoir[8] - [9].

Bonne santé économique

Le PS bénéficie de la bonne santé économique du pays, qui connait en 2017 et 2018 ses meilleurs taux de croissance depuis 2000 avec respectivement 3,5 et 2,4 %, principalement soutenue par le tourisme, les exportations et l'investissement immobilier[10]. Le chômage, descendu à 6,4 %, est revenu à son niveau d'avant la crise bancaire et financière de l'automne 2008 tandis que le déficit public courant a été maîtrisé[11].

Tout juste sorti à son arrivée au pouvoir d'un plan de sauvetage du Fonds monétaire international de 78 milliards d'euros assortis d'une cure d'austérité, de réformes et de privatisations effectués par le gouvernement de droite l'ayant précédé, le gouvernement d'António Costa est rapidement revenu dessus, se fixant pour principal objectif de rétablir le pouvoir d'achat de la population. Le virage est entrepris par le ministre des Finances Mário Centeno, président de l'Eurogroupe[11]. Le passage au vert des indicateurs économique quatre années plus tard permet au premier ministre de proclamer durant la campagne avoir « tourné la page de l'austérité » tout en se maintenant dans la zone euro[11]. Les séquelles de la crise économique sont cependant encore très présentes, les investissements publics étant presque inexistants depuis plusieurs années, avec un impact négatif sur l'état des infrastructures, tandis que les impots restent très élevés. Le gouvernement ne dispose de ce fait que d'une très maigre marge de manœuvre face à la menace annoncée d'une nouvelle crise économique en Europe[10] - [12].

Système électoral

Le Portugal est doté d'un parlement monocaméral, l'Assemblée de la République, composé de 230 sièges pourvus tous les quatre ans selon un mode de scrutin proportionnel plurinominal à listes bloquées dans 22 circonscriptions électorales de 2 à 48 sièges. Après décompte des voix, la répartition des sièges se fait à la proportionnelle selon la méthode d'Hondt, sans seuil électoral prédéfini.

Dix-huit circonscriptions correspondent aux districts du Portugal et totalisent 215 sièges, répartis en proportion de leur population respective avec un maximum de 48 pour le district de la capitale Lisbonne. Les régions autonomes de Madère et des Açores ont quant à elles six et cinq sièges respectivement. Enfin, les Portugais de la diaspora élisent deux sièges en Europe et deux autres dans le reste du monde[13].

Campagne

Forces en présences

Sondages

intentions de vote de 2015 à 2019

Principaux éléments

António Costa à un sommet en 2017.

Une victoire du Parti socialiste (PS) et une reconduction d'António Costa à la primature est attendue, le parti étant crédité de sondages favorables le plaçant en tête des intentions de vote depuis plusieurs mois. Un temps envisagée, l'obtention par le PS d'une majorité absolue à lui seul est cependant rendue peu probable du fait d'une nette remontée du Parti social-démocrate au cours des dernières semaines de la campagne. Celui-ci, mené par Rui Rio, rattrape nettement son retard et remonte de 7 % en quatre jours[14].

En tant que chef d'un gouvernement minoritaire, António Costa s'est vu contraint de négocier longuement chacun des votes annuels du budget de l'État avec ses soutiens du Bloc de gauche et de la Coalition démocratique unitaire, des formations de gauche radicale et d'extrême gauche. Ceux ci mettent en avant leur rôle de contre poids politique, le PS espérant quant à lui que ces élections lui permettront de s'affranchir de leur appui[11]. Le dirigeant socialiste se pose en acteur de la stabilité politique du pays, citant en contre exemple la situation chez le voisin espagnol, où la population est appelée à voter en novembre pour la quatrième fois en quatre ans, faute de majorité stable[15].

La campagne est notamment marquée par la montée du parti Personnes–Animaux–Nature (PAN), qui impose plusieurs de ses thèmes dans les débats avec un programme centré sur la défense des animaux et de l'environnement[16]. Le PAN devrait ainsi augmenter significativement son nombre de députés, tandis que son dirigeant André Lourenço e Silva s'annonce prêt à soutenir n'importe quel bord politique en échange de la prise en compte par le futur gouvernement de son programme. Cette position hors idéologie suscite l'inquiétude des milieux politiques qui y voit le signe d'une crise du système démocratique, de plus en plus fragmenté au Portugal[16].

Résultats

Résultats des élections législatives portugaises de 2019[17] - [18]
Parti Voix % +/- Sièges +/-
Parti socialiste (PS) 1 908 036 36,34 en augmentation 4,03 108 en augmentation 22
Parti social-démocrate (PPD/PSD) 1 457 704 27,76 -[alpha 1] 79 en diminution 10
Bloc de gauche (BE) 500 017 9,52 en diminution 0,67 19 en stagnation
Coalition démocratique unitaire (CDU) 332 473 6,33 en diminution 1,92 12[alpha 2] en diminution 5
CDS – Parti populaire (CDS-PP) 221 774 4,22 -[alpha 3] 5 en diminution 13
Personnes–Animaux–Nature (PAN) 174 511 3,32 en augmentation 1,93 4 en augmentation 3
Chega (CH) 67 826 1,29 Nv. 1 en augmentation 1
Initiative libérale (IL) 67 681 1,29 Nv. 1 en augmentation 1
LIBRE (L) 57 172 1,09 en augmentation 0,36 1 en augmentation 1
Alliance (A) 40 487 0,77 Nv. 0 en stagnation
Parti communiste des travailleurs portugais 36 118 0,69 en diminution 0,44 0 en stagnation
Réagir, inclure, recycler (RIR) 35 359 0,67 Nv. 0 en stagnation
Parti national rénovateur (PNR) 17 126 0,33 en diminution 0,17 0 en stagnation
Parti de la Terre (MPT) 12 952 0,25 en diminution 0,17 0 en stagnation
Nous, citoyens ! (NC) 12 379 0,24 en diminution 0,16 0 en stagnation
Parti démocratique républicain (PDR) 11 761 0,22 en diminution 0,91 0 en stagnation
Parti uni des retraités (PURP) 11 491 0,22 en diminution 0,04 0 en stagnation
Ensemble pour le peuple (JPP) 10 550 0,20 en diminution 0,06 0 en stagnation
Parti populaire monarchiste (PPM) 8 341 0,16 en diminution 0,12 0 en stagnation
Parti travailliste portugais (PTP) 8 299 0,16 -[alpha 4] 0 en stagnation
Mouvement Alternative socialiste (MAS) 3 331 0,06 -[alpha 5] 0 en stagnation
Suffrages exprimés 4 959 478 95,13
Votes blancs 131 704 2,51
Votes invalides 123 882 2,36
Total 5 215 064 100 - 230 en stagnation
Abstentions 5 559 176 51,43
Inscrits / participation 10 810 240 48,57

Résultats par districts

Analyse

Parti arrivé en tête par circonscription.
Parti arrivé en tête par commune.

Le scrutin, marqué par le plus faible taux de participation depuis le retour de la démocratie en 1974, voit la victoire du Parti socialiste. S'il échoue à décrocher la majorité absolue, le parti de centre gauche arrive largement en tête et obtient 22 sièges supplémentaires. António Costa sort renforcé des élections, la bonne performance de son parti lui étant largement attribuée[19].

Le Parti social-démocrate, de centre droit, recule modérément mais obtient son plus mauvais résultat en voix depuis 1983. Du coté des alliés du gouvernement, il en va de même pour la Coalition démocratique unitaire, de gauche radicale, qui enregistre son plus mauvais résultat depuis sa création en 1987, tandis qu'a l'extrême gauche de l'échiquier politique, le Bloc de gauche stagne à un résultat presque identique à 2015 et conserve ainsi la troisième place et le même nombre de sièges. Le grand perdant du scrutin est le parti de droite CDS – Parti populaire, qui perd quant à lui près des trois quarts de ses sièges. Sa dirigeante, Assunção Cristas, annonce sa démission[2]. Les législatives connaissent par ailleurs une abstention record de 45,50 % des inscrits[20].

Le scrutin voit l'émergence de plusieurs petits partis politiques qui obtiennent pour la plupart une représentation au Parlement pour la première fois de leur histoire. Le parti environnementaliste Personnes–Animaux–Nature enregistre un bon résultat, bien qu'en-deçà des prédictions des sondages, de même que le parti écologiste Livre, et celui de centre droit Initiative libérale. Enfin, les élections de 2019 voient le retour pour la première fois depuis 45 ans d'un parti d’extrême-droite au parlement portugais avec l'obtention d'un unique siège par Assez[21].

Aucun des partis n'ayant remporté seul la majorité de 116 sièges, des négociations devraient s'ensuivre entre António Costa et ses alliés pour la reconduction de la Geringonça soutenant le gouvernement sortant. Ce dernier apparait en position de force, ses gains électoraux comparés à la stagnation et au recul de ses alliés lui assurant une légitimité renouvelée par rapport à son arrivée en deuxième place du scrutin de 2015. Les transferts de sièges lui permettent également de n'avoir désormais besoin que de l'un des deux partis pour avoir la majorité et ainsi jouer l'une contre l'autre au cours des négociations[22]. Le PS élargit également les pourparlers en vue des négociations aux partis Personnes–Animaux–Nature et Livre[2].

Conséquences

Le , Costa est chargé de former un gouvernement par le président Marcelo Rebelo de Sousa[23]. Deux jours plus tard, après avoir rencontré l'ensemble des partis de gauche ainsi que les partenaires sociaux, le Premier ministre sortant est formellement mandaté par le PS pour constituer le nouveau gouvernement portugais, avec une stratégie d'« accords à géométrie variable » : pour chaque proposition de loi et chaque projet de loi de finances, il consultera au préalable les autres partis de gauche, sans accorder de traitement préférentiel à l'un d'eux. Il repousse donc l'une des suggestions du Bloc de gauche, qui était de signer un accord écrit engageant les deux formations sur la durée de la législature[24].

Notes et références

Notes

  1. En coalition avec le CDS-PP en 2015, avec 38,86 % des voix
  2. Dont deux sièges renouvelés au Parti écologiste « Les Verts »
  3. En coalition avec le PPD/PSD en 2015, avec 38,86 % des voix
  4. En coalition avec le MAS en 2015, avec 0,41 % des voix
  5. En coalition avec le PTP en 2015, avec 0,41 % des voix

Références

  1. « Élections européennes : au Portugal, nette victoire des socialistes au pouvoir », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  2. « Au Portugal, le socialiste Antonio Costa s’impose mais sans majorité absolue », sur L'Humanité (consulté le )
  3. « Madère : percée des socialistes au Parlement local, à deux semaines des législatives portugaises », sur Libération.fr, (consulté le )
  4. « Le Portugal organisera des élections législatives le 6 octobre 2019 », sur french.xinhuanet.com, (consulté le )
  5. « Rebond dans l'affaire Tancos, nouvelle appli française Lusoout, musées bientôt gratuits à Sintra - La french radio », sur La french radio (consulté le )
  6. « Portugal: l'ex-ministre de la Défense mis en examen dans une affaire de vol d'armes », sur Le Figaro (consulté le )
  7. « Le chef de la police judiciaire militaire portugaise inquiété pour une affaire liée à un vol de munitions », sur Zone Militaire (consulté le ).
  8. « Dimite el ministro de Defensa luso tras ser implicado en el robo del Arsenal de Tancos », sur ELMUNDO, (consulté le )
  9. L'essentiel, « Un ex-ministre portugais jugé pour un vol d'armes », sur L'essentiel (consulté le ).
  10. « Élections législatives portugaises : la crise économique est-elle vraiment digérée ? », sur euronews (consulté le )
  11. « Le Portugal se prépare pour les législatives », sur Wort.lu (consulté le ).
  12. « L’Europe peut-elle éviter la crise qui vient ? », sur Alternatives économiques (consulté le )
  13. PORTUGAL Assembleia da Republica (Assemblée de la République) Union Interparlementaire
  14. « ONU, Portugal en campagne pour les législatives, décès de Jacques Chirac - Le récapitulatif de la semaine - La french radio », sur La french radio (consulté le )
  15. AFP, « Le Portugal s'apprête à reconduire la gauche d'Antonio Costa », sur Orange Actualités (consulté le )
  16. « Élections législatives portugaises : vers une nouvelle victoire des socialistes ? » (consulté le )
  17. « Legislativas 2019 - Resultados Globais », sur www.eleicoes.mai.gov.pt (consulté le )
  18. « Mapa deputados » (consulté le )
  19. « Portugal: l’avenir incertain de la «geringonça» d’Antonio Costa », sur Le Figaro (consulté le )
  20. « Législatives au Portugal : la gauche triomphe », sur Le Monde.fr (consulté le )
  21. « Socialists victorious in Portuguese election », sur POLITICO (consulté le )
  22. « Portugal : vainqueur des législatives, Costa cherche la bonne formule », sur L'Obs (consulté le )
  23. « Portugal: Costa chargé de former son nouveau gouvernement », sur Le Point (consulté le )
  24. (pt) Liliana Valente, « PS vai governar sem acordo escrito, negociando caso a caso », sur publico.pt, (consulté le ).
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