Élagabal (divinité)
Élagabal (en araméen : ʾLHʾ GBL / ʾilāhâ gabal[2], signifiant le « dieu-Montagne »[2] ; en grec ancien : Ἐλαγάβαλος / Elagábalos ; en latin : Elagabalus) est le nom donné à un dieu solaire dont le culte est attesté dans l'Antiquité à partir du règne d'Antonin le Pieux (r. 138-161) par la monnaie frappée à Émèse (Homs, en Syrie), alors annexée à la province romaine de Syrie.
Nom
Le nom araméen d'Élagabal est attesté par une stèle dite venir « de la région de Qaryatên, l'antique Nazala » (en Émésène)[1]. D'après Jean Starcky, ce nom, ʾLHʾ GBL (gravé sur la stèle en lettres de type palmyrénien sans espace) signifie « dieu-Montagne »[2] (et non « dieu de la Montagne » qui se serait écrit ʾLH GBL « avec l'état construit ʾilāh »[2]). Selon Jean Starcky, la graphie de ce nom « exclut une lecture purement arabe, comme Ilah-hag-gabal postulé par F. Altheim[3]. » Élagabal aurait donc été un « dieu solaire » mais « aussi un dieu-montagne, catégorie divine caractéristique de l'Anatolie orientale, et c'est aux confins de cette région montagneuse et des steppes syriennes que les ancêtres des princes d'Émèse auront d'abord vénéré leur dieu-montagne[3]. »
Culte
D'après Carlos Chad, le culte du soleil à Émèse « doit être bien antérieur » aux premières représentations de la pierre noire d'Émèse, que Carlos Chad a expliqué être un bétyle de celui-ci[4], sur la monnaie frappée à Émèse sous le règne d'Antonin le Pieux (r. 138-161)[5][alpha 1]. Carlos Chad a fait remarquer que « sur le monnayage de Marc-Aurèle, c'est le bétyle qui est représenté » et non pas un temple[4] — le « temple lui-même n'apparaît que dans les monnaies éméséniennes de Julia Domna et de Caracalla[5] » ; partant de cet indice, il a émis l'hypothèse d'une construction tardive, « c'est-à-dire sous les Sévères », du temple décrit par Hérodien (voir infra) comme ayant contenu la pierre à Émèse au temps de l'exercice par Héliogabale et par le cousin de celui-ci de la prêtrise du culte du soleil[8] - [9]. D'après Carlos Chad,
« Sans doute, avant de construire le temple qui nous est décrit par Hérodien, les Eméséniens se contentèrent-ils d'adorer leur bétyle au sommet d'une « haute tour d'oblation »[alpha 2]. »
Sous le règne d'Héliogabale, proclamé empereur « Marcus [Aurelius] Antoninus » à Émèse à l'âge de 14 ans en 218, la « pierre sacrée d'Émèse » fut transportée à Rome[10], pour laquelle Héliogabale « construisit sur le mont Palatin un temple spécial, l'Elagabalium[11] ». Après l'assassinat d'Héliogabale et de la mère de celui-ci par la garde prétorienne, Alexandre Sévère fut proclamé empereur et « renvoya le bétyle d'Héliogabale à Emèse »[12], et reconsacra l'Elagabalium à Jupiter « Vengeur »[13].
En 272, après que les Palmyréniens « furent vaincus » par les Romains dans une bataille, « Aurélien alla se prosterner devant l'autel d'Élagabal à Émèse »[14].
À la fondation de l'Empire byzantin, Émèse était le siège d'un évêché, mais « l'introduction du christianisme dans cette ville farouchement païenne » a semblé à Vitalien Laurent « avoir été lente[15] » : son « premier évêque connu » n'était paru « qu'en 325, au concile de Nicée[15] ». Émèse devenait cependant « un centre chrétien important »[6]. Damascios verrait toutefois encore à Émèse « un bétyle sphérique qu'un prêtre enveloppait de linges[16] ».
Temple à Émèse
Hérodien a décrit le temple élevé par les habitants du pays d'Émèse à Élagabal[9].
Selon William Henry Waddington, la grande mosquée de Homs est « en partie une ancienne église chrétienne, qui elle-même contenait les restes d'un ancien temple païen »[17] et « il est possible que ce soit là l'emplacement du grand temple du Soleil, dont Élagabale était le prêtre »[17].
Notes et références
Notes
- Émèse commença à frapper monnaie sous le règne d'Antonin le Pieux[6]. Une série émésénienne de monnaies, « débutant sous Caracalla et se continuant jusque sous Macrin », associerait l'aigle impérial au « fameux bétyle Elagabal » ou à Hélios radié[7].
- D'après Carlos Chad, « H. Seyrig a établi que la construction des grands temples de Damas et d'Héliopolis suppose une politique délibérée des premiers empereurs pour « romaniser » les cultes syriens[5]. »
Références
- J. Starcky, p. 503.
- J. Starcky, p. 503-504.
- J. Starcky, p. 510.
- Carlos Chad, p. 123.
- Carlos Chad, p. 75.
- Louis Jalabert et René Mouterde, Inscriptions grecques et latines de la Syrie, 1959, p. 107.
- S. Ronzevalle, p. 166.
- Carlos Chad, p. 123
- Hérodien, 5.4.
- Préhistoire.
- Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain, p. 443.
- Emmanuel Choisnel, p. 194.
- Robert Turcan, p. 250.
- Jean Yanoski et Jules David, p. 81.
- Vitalien Laurent, p. 380.
- Comte du Mesnil du Buisson, p. 100.
- William Henry Waddington, p. 590.
Bibliographie
- Carlos Chad, Les Dynastes d'Émèse, (lire en ligne).
- Comte du Mesnil du Buisson, « La basilique chrétienne du quartier Karm el-Arabis à Ḥomṣ », dans Mélanges de l'Université Saint-Joseph (lire en ligne).
- Dion Cassius, Histoire romaine [détail des éditions].
- Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain (lire en ligne).
- Emmanuel Choisnel, Les Parthes et la Route de la Soie (lire en ligne).
- Hérodien, Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III [détail des éditions].
- Histoire Auguste [détail des éditions].
- J. Starcky, « Stèle d'Elahagabal », dans Mélanges de l'Université Saint-Joseph (lire en ligne).
- Jean Yanoski et Jules David, Syrie ancienne et moderne, (lire en ligne).
- Louis Jalabert et René Mouterde, Inscriptions grecques et latines de la Syrie, (lire en ligne).
- Paul Veyne, L'Empire gréco-romain, Seuil, .
- Préhistoire (lire en ligne).
- Robert Turcan, Héliogabale et le Sacre du soleil, Albin Michel, .
- S. Ronzevalle, « Venus lugens et Adonis Byblius », dans Mélanges de l'Université Saint-Joseph (lire en ligne).
- Vitalien Laurent, Le corpus des sceaux de l'empire byzantin : L'Église (lire en ligne).
- William Henry Waddington, Inscriptions grecques et latines de la Syrie, (lire en ligne).