Écologie décoloniale
L’écologie décoloniale est un courant de l’écologie politique luttant contre l'impérialisme, l'extractivisme et le néocolonialisme occidental dans les pays du Sud (anciennement appelés pays du tiers-monde) et territoires colonisés. C'est une doctrine qui peut aussi mettre en avant les savoirs et récits des peuples colonisés.
L’écologie décoloniale
Mis en avant en France en 2019 par Malcom Ferdinand dans son ouvrage Une écologie décoloniale, qui traite de l’histoire des Caraïbes et du rapport colonial et de l’écologie[1]. Il a aussi travaillé sur l'impact environnemental et colonial du Chlordécone en Martinique et Guadeloupe[2].
Arturo Escobar, anthropologue colombien et professeur à l’université Chapel Hill (Caroline du Nord, États-Unis), fait partie de ces intellectuels qui marquent a développé une théorie critique connue sous le nom de « post-développement », qui met l'accent sur les aspects coloniaux et culturels du « développement » économique, technologique etc (en 1995)[3]. Il est membre du collectif de penseurs latino-américains « Modernité/Colonialité/Décolonialité » (MCD) qui a joué un rôle dans le renouveau de la réflexion critique en Amérique latine à la fin des années 1990 et dans les années 2000-2010[3]. Il est l'auteur notamment de Sentir-penser avec la Terre[3]. Selon Roland d'Hoop, « Arturo Escobar invite à une écologie décoloniale et propose de repenser le sujet à partir de ses interactions avec le vivant»[4]. EN effet, Escobar déconstruit l'idée d'un savoir moderne occidental universel et lui oppose la perspective de savoirs multiples, « pluriversels » ; son travail met en évidence d'autres types de connaissance du monde qui ont été dépréciées par les scientifiques occidentaux, d'autres modes de vie où l’humain établit un rapport différent avec la nature[4].
Le philosophe algérien et spécialiste d'écopsychologie Mohammed Taleb plaide pour une écologie vue du Sud et observe la manière dont des communautés religieuses prennent en main la question de l’écologie[5] - [6].
Axes principaux
- Critique de "l’habiter colonial", un mode de vie qui suppose que l'environnement est une ressource, et qui conduit à la pratique des monocultures et à une déforestation intensives. A la différence du mode de vie des peuples autochtones, "l'habiter colonial" ne laisse pas le temps aux ressources de se régénérer et les exploitent jusqu'à rendre le monde inhabitable[1].
- Critique du concept de Wilderness, d'une nature sauvage et non habitée par les humains, à l'image des réserves naturelles créées en expropriant les natifs de leurs terres ; ce concept repose sur une vision coloniale de la nature, qui stigmatise des pratiques autochtones de chasse notamment[7] - [8] - [9].
- Échange inégal écologique est le vol de ressource dans les pays colonisés par les colons pour pallier le manque de matières premières dû à la surexploitation capitaliste. Mike Davis explique bien ce phénomène dans son ouvrage Génocides tropicaux, Famines coloniales et catastrophes naturelles aux origines du sous-développement [10] - [11] - [12]
- Nouveaux concepts de Négrocène / Plantatiocène : L’utilisation du terme Anthropocène n’est pas suffisant selon les théoriciens de l'écologie décoloniale pour fournir une critique globale de l’écologie. AUssi, l’écologie décoloniale utilise d’autres termes comme le capitalocène, le négrocène ou leplantatiocène[13] qui permettent de voir les problèmes environnementaux actuels par le biais de l'économie des plantations imposée par les colons dans les différentes colonies.
- Critique de la modernité et de la vision écologie occidentale, de l'écologie libérale individuelle des petits gestes. L'écologie décoloniale souhaite articuler la spiritualité et l'écologie : permettre d'insérer les récits ancestraux dans l’écologie et les différentes formes de spiritualités qui ont été annihilés par la vision moderne liée à la colonisation[13] - [14].
- Le racisme environnemental, caractérisé par les lieux hautement pollués, habités sont des personnes non-blanches ou issues de l’immigration. Comme le rappelle Malcom Ferdinand, le racisme environnemental est marqué aussi par l’éloignement des différents essais nucléaires hors des territoires français (Algérie et Polynésie)[13] - [15] - [16].
« La véritable solution à la crise environnementale est la décolonisation des Noirs », écrit Nathan Hare en 1970 [13]
Lutte écologique décoloniale
- Chlordécone : L’utilisation de l’insecticide Chlordécone malgré son interdiction dans les bananeraies aux Antilles par les ouvriers agricoles sans protection et sous obligation des békés[13] - [1] - [2].
- L’accès à l’eau potable dans les Antilles.
- Tran To Nga lutte pour les victimes de l'agent orange créée par Bayer-Monsanto et Dow Chemicals utilisé par les américain lors de la guerre du Vietnam[17].
Personnalités
- Malcom Ferdinand
- Kalvin Soiresse Njall (Député bruxellois en charge de l’enseignement)
- René Dumont
- Greta Thunberg[13]
- Philippe Descola[18]
Article connexe
Bibliographie
- COGNACQ Amaël, « Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Seuil, 2019, 464 pages, (ISBN 9782021388497), 24,50 € », Revue internationale des études du développement, 2020/4 (N° 244), p. 141-145. DOI : 10.3917/ried.244.0141. URL : https://www.cairn.info/revue-internationale-des-etudes-du-developpement-2020-4-page-141.htm
- « DÉCOLONISONS L’ÉCOLOGIE - Reportage au cœur des luttes décoloniales & écologistes » (consulté le )
Notes et références
- Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale : penser l'écologie depuis le monde caribéen, dl 2019 (ISBN 978-2-02-138849-7 et 2-02-138849-2, OCLC 1127392011, lire en ligne)
- Malcom Ferdinand, « De l’usage du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe : l’égalité en question: », Revue française des affaires sociales, no 1, , p. 163–183 (ISSN 0035-2985, DOI 10.3917/rfas.151.0163, lire en ligne, consulté le )
- Irène Hirt, «Book review : Sentir-penser avec la Terre : l’écologie au-delà de l’Occident», https://gh.copernicus.org/articles/76/315/2021/gh-76-315-2021.pdf
- Roland d'Hoop, TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET INÉGALITÉS MONDIALES, Oxfam-magasins du monde – Octobre 2019, lire en ligne
- Marlène Panara, « Mohammed Taleb : « Dans les pays du Sud, l'écologie est culturelle » », sur Le Point, (consulté le )
- Mohammed Taleb, L'écologie vue du Sud : pour un anticapitalisme éthique, culturel et spirituel, Sang de la terre, (ISBN 978-2-86985-320-1 et 2-86985-320-3, OCLC 897806601, lire en ligne)
- « Au cœur de l’Afrique, une ONG en guerre au nom de la nature », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Le « colonialisme vert » : histoire d’une vision occidentale », sur ID4D, (consulté le )
- François-Xavier Fauvelle-Aymar, L'invention du colonialisme vert : pour en finir avec le mythe de l'Éden africain, (ISBN 978-2-08-150439-4 et 2-08-150439-1, OCLC 1195954314, lire en ligne)
- (en) Jason Hickel, Christian Dorninger, Hanspeter Wieland et Intan Suwandi, « Imperialist appropriation in the world economy: Drain from the global South through unequal exchange, 1990–2015 », Global Environmental Change, vol. 73, , p. 102467 (ISSN 0959-3780, DOI 10.1016/j.gloenvcha.2022.102467, lire en ligne, consulté le )
- « Décoloniser la nature – Période » (consulté le )
- Mike Davis, Génocides tropicaux : catastrophes naturelles et famines coloniales, 1870-1900 : aux origines du sous-développement, La Découverte, (ISBN 2-7071-3606-9 et 978-2-7071-3606-0, OCLC 60171286, lire en ligne)
- « Aux origines coloniales de la crise écologique », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Multitudes, CAIRN (lire en ligne)
- « "Catastrophe Climatique : l'écologie est-elle eurocentrique ?" (PDH Radio #11) » (consulté le )
- Razmig Keucheyan, La nature est un champ de bataille : essai d'écologie politique, dl 2018 (ISBN 978-2-348-03628-6 et 2-348-03628-2, OCLC 1044715815, lire en ligne)
- « Victime de l’agent orange, une Franco-Vietnamienne se bat contre les géants de l'agrochimie », sur France 24, (consulté le )
- Philippe Descola, « À qui appartient la nature ? », La Vie des idées, (lire en ligne, consulté le )