Ă‚ge d'or de l'alpinisme
L’âge d'or de l'alpinisme, ou âge d'or de la conquête des Alpes est une expression qui désigne généralement la seconde moitié du XIXe siècle, période pendant laquelle la plupart des grands sommets des Alpes ont été gravis. Cette expression est due à l'alpiniste et historien de la montagne américain W. A. B. Coolidge, pour qui elle recouvre plus précisément les onze années entre l'ascension du Wetterhorn par Alfred Wills le , et celle du Cervin par Edward Whymper le .
Pour Sylvain Jouty, cette « expression, anglocentrée, perd cependant beaucoup de sa pertinence dès que l'on considère les premières ascensions effectuées par les Suisses (Studer), les Autrichiens (Stanig, Thurwieser), voire les Français (Puiseux)[1] ». Mais par ailleurs, s'il est difficile de dater la naissance de l'alpinisme dans l'absolu, « [en] tant que sport et en tant que phénomène social, l'alpinisme naît incontestablement vers 1860, lors de ce qu'on appela son âge d'or : fondation des clubs alpins, naissance en différents pays de groupes sociaux intéressés par l'alpinisme pour lui-même sans justification scientifique, invention du concept de première, accomplie pour elle-même, sans qu'aucun autre intérêt particulier ne la nécessite ; apparition du métier de guide de haute montagne, apparition, aussi, d'une véritable idéologie alpine : recherche du « jamais fait » et de la difficulté, équipement de la haute montagne (refuges, sentiers […]), éclosion d'une littérature spécifique (livres et revues)[2] ».
Trevor Braham dénombre durant cette période trente-six premières ascensions de sommets de plus de 4 000 m (parmi lesquels trente de la liste officielle des 82 sommets principaux établie par l'UIAA en 1994), dont trente-et-une par des équipes britanniques (menées généralement par des guides suisses ou chamoniards), largement impliquées dans l'ascension de cent vingt sommets moins élevés — il n'y avait eu auparavant que 134 sommets gravis, dont seulement huit de plus de 4 000 mètres (la liste UIAA en recense quatorze, dont six sommets du mont Rose)[3].
L'alpiniste et historien anglais Arnold Lunn, dans son ouvrage A Century of Mountaineering (1957) reprend l'idée d'un âge d'argent pour la période qui va de 1865 à 1888, de la conquête du Cervin à celle de la dent du Géant[4].
Chronologie des premières ascensions
Avant le Wetterhorn de Wills
- : Strahlhorn (4 190 m), par Christopher, Edmund et James Grenville Smyth avec Ulrich Lauener et Franz-Josef Andenmatten ;
- : Ostspitze, (4 634 m) par Christopher, Edmund et James Grenville Smyth.
Ă‚ge d'or
- : pointe Dufour (4 634 m), point culminant du mont Rose, par Charles Hudson, J. Birkbeck, C. Smyth, J. G. Smyth, E. J. Stevenson avec Ulrich Lauener, J. et M. Zumtaugwald et un porteur ;
- : mont Blanc du Tacul (4 248 m), par un ou plusieurs membres de l'expédition de Charles Hudson et Edward Shirley Kennedy ;
- : Weissmies (4 023 m), par Jakob Christian Häuser et Peter Josef Zurbrigenn ;
- : aiguille du Midi (3 842 m), par Alexandre Devouassoux, Ambroise et Jean Simond ;
- : Wildstrubel (sommet ouest) par Edmund von Fellenberg avec Jakob Tritten ;
- : Lagginhorn (4 010 m), par Edvard Levi Ames, Johann Josef Imseng et trois anglais, avec Franz-Josef Andenmatten et trois autres guides ;
- Allalinhorn (4 027 m), par Edvard Levi Ames et Johann Joseph Imseng avec Franz-Joseph Andenmatten ;
- : Mönch (4 107 m), par Siegismund Porges avec Ulrich et Christian Kaufman et Christian Almer ;
- : Wildstrubel (Mittelgipfel), par Thomas W. Hinchcliff et Mr Bradshaw Smith avec Zacharie Cachat ;
- : Monte Pelmo (3 168 m) par John Ball ;
- : Eiger (3 967 m), par Charles Barrington, avec Christian Almer et Peter Bohren ;
- : Dom des Mischabel (4 545 m) par L. Davies avec Johann Zumtaugwald, Johann Kronig et Hieronymus Brantschen ;
- : Piz Morteratsch (3 751 m), par C. BrĂĽgger et Peter Gensler avec Karl Emmermann et Angelo Kleingutti ;
- : Nadelhorn (4 327 m) par Franz Andenmatten, B. Epiney, Aloys Supersaxo et J. Zimmermann ;
- : Aletschhorn (4 195 m), par Francis Fox Tuckett avec Johann Joseph Bennen, Peter Bohren, V. Tairraz ;
- : Grand Combin de Grafeneire, point culminant du Grand Combin (4 314 m, par C. Sainte Claire de Ville avec Daniel, Emanuel et Gaspard Ballay, et B. Dorsaz ;
- : Monte Leone par Johann Jakob Weilenmann seul ;
- : Bietschhorn (3 934 m), par Leslie Stephen avec Anton Siegen, Johann Siegen et Joseph Ebener ;
- : Grivola (3 969 m), par John Ormsby et R. Bruce avec Ambrogio Dayné, Zacharie Cachat et Jean Tairraz ;
- : Rimpfischhorn (4 199 m), par Leslie Stephen et R. Living avec Melchior Anderegg et Johann Zumtaugwald ;
- : Grande Casse (3 855 m), par William Mathews, avec Michel Croz et Étienne Favre ;
- : Alphubel (4 206 m), par Leslie Stephen, T.W. Hinchliff avec Melchior Anderegg et Peter Perren ;
- : BlĂĽmlisalp par R. Liveing, Leslie Stephen et J.K. Stone avec Melchior Anderegg, Pierre Simond et Fritz Ogi ;
- : Grand Paradis (4 061 m), par John Jermyn Cowell et W. Dundas avec Michel-Ambroise Payot et Jean Tairraz ;
- : Schreckhorn (4 078 m), par Leslie Stephen avec Peter Michel, Ulrich Kaufmann et Christian Michel ;
- : Lyskamm oriental (4 527 m), par William Edward Hall, J.F. Hardy, J.A. Hudson, C.H. Pilkington, A.C. Ramsay, T. Rennison, F. Sibson et R.M. Stephenson avec Franz Lochmatter, Stefan Zumtaugwald, Jean-Pierre Cachat, Josef-Marie et Peter Perren ;
- : Weisshorn (4 505 m, par John Tyndall avec Johann Joseph Bennen et Ulrich Wenger ;
- : Castor (4 228 m) par William Mathews et F.W. Jacomb avec Michel Croz ;
- : Nordend au mont Rose) (4 609 m) par T.F. et Edward N. Buxton, J.J. Cowell avec Michel-Ambroise Payot ;
- : mont Viso (3 841 m), par William Mathews et Frederick William Jacomb, avec Jean-Baptiste Croz et Michel Croz ;
- : mont Pourri (3 779 m) par Michel Croz ;
- : dent Blanche (4 357 m), par William Wigram et Thomas Stuart Kennedy avec Jean-Baptiste Croz et Johann Kronig ;
- : Gross Fiescherhorn (4 049 m), par H.B. George et Adolphus Warburton Moore avec Christian Almer et Ulrich Kaufmann ;
- : Täschhorn (4 491 m), par Llewelyn Davies et J.H. Hayward avec Stefan et Johann Zumtaugwald et Peter-Josef Summermatter ;
- : dent d'HĂ©rens (4 171 m), par Florence Crauford Grove, William Edward Hall, Reginald Somerled Macdonald et Montagu Woodmass avec Melchior Anderegg, Peter Perren et Jean-Pierre Cachat ;
- : pointe Parrot au mont Rose (4 432 m) par Reginald S. Macdonald, Florence Crauford Grove, Montagu Woodmass et William Edward Hall avec Melchior Anderegg et Peter Perren ;
- : barre des Écrins (4 102 m) par A. W. Moore, Horace Walker et Edward Whymper avec Christian Almer et Michel Croz ;
- : Pollux (4 092 m), par J. Jacot avec Peter Taugwalder père et M.J. Perrin ;
- : Lyskamm occidental (4 479 m) par Leslie Stephen et E.N.Buxton avec Jakob Anderegg et Franz Biner ;
- : Zinalrothorn (4 221 m), par Leslie Stephen, Florence Crauford Grove avec Jakob et Melchior Anderegg ;
- : pointe Whymper des Grandes Jorasses (4 184 m), par Edward Whymper avec Michel Croz, Christian Almer et Franz Biner ;
- : aiguille Verte (4 122 m), par Edward Whymper avec Christian Almer et Franz Biner ;
- : Ober Gabelhorn (4 063 m), par A. W. Moore, Horace Walker avec Jakob Anderegg ;
- : ascension tragique du Cervin (4 478 m) par Edward Whymper, Charles Hudson, Douglas Hadow, et Francis Douglas avec Michel Croz, Peter Taugwalder père et fils.
Cet âge d'or est également marqué par l'accroissement des premières, quinze en 1861, dix-sept en 1863, quarante-trois en 1865[5].
Notes et références
- Sylvain Jouty et Hubert Odier, Dictionnaire de la montagne, Omnibus, 2009, « Âge d'or ».
- Sylvain Jouty et Hubert Odier, Dictionnaire de la montagne, Omnibus, 2009, « Alpinisme ».
- Braham 2004.
- Arnold Lunn A century of mountaineering, 1857-1957, Allen & Unwin, 1957, p. 82-85.
- Imaginaires de la haute montagne, Centre alpin et rhodanien d'ethnologie, , p. 100.
Bibliographie
- (en) C. D. Cunningham et W. de Wiveleslie Abney The Pioneers of the Alps, S. Low, 1887
- (en) Ronald W. Clark, The Early Alpine Guides, Scribner, 1949
- (en) Claire Éliane Engel, A History of Mountaineering in the Alps, Greenwood Press, 1950
- (en) Ronald W. Clark, The Victorian Mountaineers, B.T. Batsford, 1953
- (en) Arnold Lunn, A century of mountaineering, 1857-1957, Allen & Unwin, 1957
- (en) Ronald W. Clark, The Alps, Knopf, 1973
- Michel Tailland, Les alpinistes victoriens, Presses Universitaires du Septentrion, 1997
- (en) Fergus Fleming, Killing Dragons : The Conquest of the Alps, Atlantic Monthly Press, 2002
- (en) Trevor Braham, When The Alps Cast Their Spell : Mountaineers Of The Alpine Golden Age, Neil Wilson Publishing,
- Peter H. Hansen, « Albert Smith, l'Alpine Club, et l'invention de l'alpinisme au milieu de l'ère Victorienne », STAPS, 2000, no 51 (120 p.) (2 p.1/2), p. 7-27 pdf
Autres âges d'or
- Henri Isselin, L'âge d'or de l'alpinisme : 1919-1950, Arthaud, 1983 (critique, Montagne et Alpinisme no 2 - 1984