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Dent du GĂ©ant

La dent du GĂ©ant ou aiguille du GĂ©ant est un sommet du massif du Mont-Blanc, culminant Ă  4 013 ou 4 014 m, sur l'arĂŞte frontière entre la France et l'Italie, Ă  cheval sur la Haute-Savoie et le Val d'Aoste, entre le mont Blanc et les Grandes Jorasses.

Dent du GĂ©ant
La dent du GĂ©ant, avec la pointe Sella Ă  gauche, et le point culminant, la pointe Graham Ă  droite.
La dent du GĂ©ant, avec la pointe Sella Ă  gauche, et le point culminant, la pointe Graham Ă  droite.
GĂ©ographie
Altitude 4 013 ou 4 014 m, pointe Graham[1] - [2]
Massif Massif du Mont-Blanc (Alpes)
CoordonnĂ©es 45° 51′ 43″ nord, 6° 57′ 06″ est[1] - [2]
Administration
Pays Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
RĂ©gion
Région à statut spécial
Auvergne-RhĂ´ne-Alpes
Vallée d'Aoste
DĂ©partement Haute-Savoie
Ascension
Première , par William Woodman Graham avec Auguste Cupelin et Alphonse Payot
Voie la plus facile Face Sud-Ouest par les plaques Burgener (D- avec les cordes fixes), depuis le refuge Torino
GĂ©ologie
Roches Protogine
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Dent du GĂ©ant
GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
Dent du GĂ©ant
GĂ©olocalisation sur la carte : Haute-Savoie
(Voir situation sur carte : Haute-Savoie)
Dent du GĂ©ant
Géolocalisation sur la carte : Vallée d'Aoste
(Voir situation sur carte : Vallée d'Aoste)
Dent du GĂ©ant

Du fait de son altitude supĂ©rieure Ă  4 000 m, de son allure spectaculaire, et de son accès rapide depuis le col du GĂ©ant (lui-mĂŞme accessible en remontĂ©e mĂ©canique) et de son escalade facilitĂ©e par des câbles fixes, c'est un des sommets les plus frĂ©quentĂ©s du massif.

Deux de ses voies font partie des 100 plus belles courses du massif du Mont-Blanc de Gaston Rébuffat, classées en 1973 par ordre de difficulté : la voie normale (couplée avec la traversée des arêtes de Rochefort) (no 33) et la face sud (no 57).

Toponymie

La dent du Géant était autrefois appelée mont Malet[3] ou mont Mallet[4] - [5], ou simplement Le Géant[6]. Le nom de mont Mallet est aujourd'hui donné à un sommet proche.

GĂ©ographie

Carte topographique de la dent.

Situation

La dent du GĂ©ant se situe dans le massif du Mont-Blanc sur la frontière franco-italienne et un peu moins de km Ă  l'ouest des Grandes Jorasses. S'Ă©levant Ă  4 013 mètres d'altitude, elle est très visible de loin, notamment du val d'Aoste, de l'aiguille du Midi et de la VallĂ©e Blanche.

Topographie

Esquisse de la dent du Géant depuis le campement d'Horace-Bénédict de Saussure au col du Géant en 1788 (gravure de Nicolas Théodore de Saussure).

Elle se prĂ©sente comme un monolithe de protogine (le granite du massif du Mont-Blanc), de près de 200 mètres de haut, surplombant sur sa face sud.

Elle comporte deux pointes distantes d'une trentaine de mètres : la pointe Graham (au nord-est, point culminant, 4 013 m), qui fait partie de la liste officielle des 82 sommets des Alpes de plus de 4 000 mètres, et la pointe Sella (au sud-ouest, 4 009 m). Elle se dĂ©tache au dĂ©but de l'arĂŞte de Rochefort, neigeuse et Ă  peu près horizontale, et qui se poursuit d'ouest en est par l'aiguille de Rochefort et le dĂ´me de Rochefort jusqu'au col des Grandes Jorasses. Elle a donnĂ© son nom au tout proche col du GĂ©ant, qui est un des principaux passages alpins entre la France et l'Italie, et au glacier du GĂ©ant.

Une statue de la Vierge d'un mètre de haut, en aluminium, a été montée au sommet le par les guides de Courmayeur[7], le sommet du crâne en a été fondu par les impacts de foudre[8].

  • Vue de la dent du GĂ©ant depuis le col des Flambeaux.
    Vue de la dent du GĂ©ant depuis le col des Flambeaux.
  • Panorama de l'aiguille du Midi, avec la dent du GĂ©ant sur la gauche.
    Panorama de l'aiguille du Midi, avec la dent du GĂ©ant sur la gauche.
  • Vue de l'aiguille de Rochefort et des Grandes Jorasses depuis le bas de la Dent du GĂ©ant.
    Vue de l'aiguille de Rochefort et des Grandes Jorasses depuis le bas de la Dent du GĂ©ant.

ConquĂŞte de la dent du GĂ©ant

Les premières tentatives

Vue des plaques Burgener sur la voie normale en face sud-ouest. On distingue les cordes fixes Ă  gauche.

De nombreuses tentatives avaient été effectuées dans les années 1870. En 1871, Edward Robson Whitwell et ses guides, les frères Christian Lauener et Johann Lauener, renoncèrent « après l'avoir attaquée de trois côtés » ; Whitwell conclut : « on peut donc classer cette aiguille parmi les inaccessibles. Il restera donc toujours quelque cime orgueilleuse, quelque aiguille du Géant ou du Dru pour montrer au grimpeur qu'il n'est pas encore tout puissant »[9]. En 1875, Genolini et Stanga, avec les guides J.L. Lanier et Émile Rey, « le prince des guides », s'arrêtent à cent mètres du sommet. Jean Charlet-Straton fit une tentative en solitaire le sur l'arête nord, laissant un drapeau à quelques dizaines de mètres du sommet ; il dit à propos de la dent du Géant et du Petit Dru (où il avait également échoué en solitaire, mais dont il réussit finalement la première en 1879) : « Je trouve ces deux aiguilles très fières, et, quoiqu'elles ne veuillent pas se laisser gravir par des êtres humains, je leur porte un profond respect. Ce sont de grandes dames, qui désirent rester vierges, et elles ont peut-être raison. »[10]. En 1877, l'ingénieur M. de Filippi, Mme Jola Caccia-Reynaud, le marquis del Caretto, Lord Wentworth avec les guides J.L. Lanier, Émile Rey, Proment et Bich, se séparèrent en deux équipes de part et d'autre du sommet et tentèrent de se faire passer une corde par-dessus le sommet à l'aide de fusées d'artifice, sans succès à cause du vent[9]. En 1880, la très forte cordée d'Albert F. Mummery et Alexandre Burgener (qui avaient lancé l'ère de l'alpinisme acrobatique) essaya sans succès de forcer la face sud-ouest (voie normale actuelle, avec les plaques Burgener), et Mummery laissa sa carte de visite dans une bouteille avec le commentaire célèbre « Absolutely inaccessible by fair means »[9].

Première ascension

La pointe Sella fut gravie pour la première fois par le guide valdĂ´tain Jean-Joseph Maquignaz, son fils Baptiste et son neveu Daniel le , après trois jours de prĂ©paration Ă  planter des pitons et tailler des prises (le bulletin de l'Alpine Club les accusa mĂŞme d'avoir minĂ© la roche Ă  l'explosif[9]). Ils y regrimpèrent le lendemain avec leurs clients, les frères Alessandro, Alfonso et Corradino Sella et leur cousin Gaudenzio Sella. Ils nĂ©gligèrent de se rendre au point culminant tout proche. La pointe Graham (4 013 m) fut gravie quelques jours plus tard – le – par William Woodman Graham avec les guides Auguste Cupelin et Alphonse Payot.

Selon Simon Thompson et son histoire de l'alpinisme britannique, la première ascension des frères Maquignaz en 1882 fut marquante parce c'était « le dernier sommet nommé et célèbre avant d'être gravi, et le premier à l'être par des moyens “artificiels”, avec pitons et cordes fixes »[11]. Elle marque la fin de ce que les Anglo-saxons appellent l'âge d'argent (silver age) de la conquête des Alpes, commencé après la première ascension du Cervin qui clôturait l'âge d'or[12].

Voie normale

Vue de la facette sud-ouest oĂą passe la voie normale : on peut distinguer des alpinistes dans les lisses plaques Burgener, et au sommet.

La voie normale (AD- en utilisant le câble, D sans), dont l'approche se fait depuis le refuge Torino au col du Géant, est équipée de grosses cordes fixes sur la partie difficile, des dalles Burgener à la pointe Sella. Assez courte, elle se fait souvent en combinaison avec la traversée des arêtes de Rochefort. Juste à droite de la voie normale se trouve la voie Géant branché (TD-, V+).

Le guide valdôtain Émile Rey, qui avait participé à deux des tentatives avant la première ascension, s'y tua à la descente en 1895, probablement victime d'un malaise[13].

La première femme Ă  gravir la dent du GĂ©ant fut l'aviatrice Marie Marvingt, la fiancĂ©e du Danger, en 1903[14]. Les tout premiers films d'alpinisme, tournĂ©s en 1911 avec une camĂ©ra 16 mm par l'alpiniste italien Mario Piacenza furent « Cervins » et « Ascension Ă  la dent du GĂ©ant »[15].

Face nord

L'ascension hivernale de la face nord a été réalisée par Cosimo Zappelli en 1964.

ArĂŞte nord

Vue du versant nord-ouest de la dent du Géant, avec l'intégrale de l'arête nord à gauche.

Le , Thomas Maischberger, Hainrich Pfannl et Franz Zimmer parvinrent au sommet par l'arête nord et la face nord-ouest sans planter un seul piton[16]. La voie est aujourd'hui cotée D-IV[17]. La voie fut rapidement répétée, le , par Émile Fontaine, et le guide Joseph Ravanel « Le Rouge » ; lors de la redescente, Joseph Simond fut foudroyé et chuta de plusieurs centaines de mètres[18].

Face sud

La face sud, surplombante et de 160 m, a Ă©tĂ© gravie pour la première fois par Herbert Burgasser et Rudoph Leitz le 28 juillet 1935 (TD, A1/V ou 6b+ max tout en libre). Cette ascension marque aussi une date de l'alpinisme dans le massif : c'Ă©tait la première fois que les techniques d'escalade artificielle (avec pitons et Ă©triers) dĂ©veloppĂ©es dans les alpes orientales, Ă©taient utilisĂ©es de façon systĂ©matique dans les alpes occidentales[19] (prĂ©figurant la première ascension de la face est du Grand Capucin en 1951 par Walter Bonatti et Luciano Ghigo). La face est tellement surplombante que RĂ©buffat fit une chute de 25 m du haut de la deuxième longueur sans toucher la paroi, mais fut indemne du fait de la neige et de la raideur de la pente[19].

La seconde ascension ne fut faite que le par les guides de Courmayeur Marcel Bareux et Sergio Viotto[20]. Le grimpeur anglais Arthur Dolphin, un des leaders de l'escalade britannique dans les années 1940, se tua en glissant à la descente du socle en , à 28 ans, après une ascension en solo[21].

Elle a été gravie en solo intégral par l'allemand Alexander Huber le [22] - [23].

Autres voies et réalisations

D'autres voies ont été ouvertes[24] :

  • Face est, le 30 aoĂ»t 1950 par A. Ottoz et S. Viotto ;
  • ArĂŞte nord intĂ©grale le 20 juillet par Enrico Rey et Franco Salluard[25] ;
  • Face nord-est en juillet 1975 par R. Ducournau et R. Mizrahi ;
  • passage en slackline entre les deux pointes, rĂ©alisĂ© d'abord par Alexander Huber en juillet 2006[23], puis par J. Helfrich et T. MĂĽller en septembre 2007 : c'est la deuxième plus haute « highline » d'Europe[26] ;
  • en 2008 Roch Malnuit a sautĂ© depuis le sommet en base jump [27].
Panorama depuis la pointe Helbronner, près du col du Géant.

Notes et références

  1. « Carte IGN classique » sur Géoportail.
  2. Visualisation sur le géoportail italien.
  3. Robert Vivian, Glaciers du Mont-Blanc, La Fontaine de Siloë, 2005, p. 53
  4. Horace-Bénédict de Saussure, Voyage dans les Alpes, 1779, tome I, p. 499 : « Dans cette chaîne on remarque une cime étroite & élevée, comme une haute cheminée ; on l'appelle le Géant ou le Mont-Mallet. elle est très importante pour la topographie de ces montagnes, parce qu'on le reconnoit distinctement de l'autre côté des Alpes, des environs de Cormajor »
  5. Marc-Théodore Bourrit, Nouvelle description des glacières et glaciers de Savoye, particulièrement de la vallée de Chamouni et du Mont-Blanc, Paul Barde, 1785, p. 70 : « Plus loin un mur flanqué d'amas de glaces, armé de pics majestueux, borne la vallée. Un obélisque s'y fait remarquer ; c'est la tour du Géant, masse énorme qui peut-être est le plus grand bloc de granit qui existe au monde ; on le voit de Genève surpasser les autres aiguilles, et de la val d'Aoste, où il porte le nom de Mont Mallet »
  6. « Cette vallĂ©e est formĂ©e par de hautes montagnes qui se terminent en pointes ou Ă©guilles qui toutes ont diffĂ©rents noms. Celle-ci est l'Aiguille du Dru ; celle-lĂ  est l'Aiguille du GoĂ»tĂ© ; l'une s'appelle le Moine, l'autre le GĂ©ant Â» ; Marc-ThĂ©odore Bourrit, Description des glacières, glaciers et amas de glace du duchĂ© de Savoie, 1773, p. 42-43
  7. Grévoz 2006, p. 81
  8. Photos de la vierge du GĂ©ant
  9. Ballu 1997, p. 175-176 ; ch. 15 - « La tentation technologique : la Dent du Géant à la poudre »
  10. Ballu 1997, p. 138
  11. Thompson 2010, p. 60
  12. (en) Sir Arnold Lunn, A century of mountaineering, 1857-1957, Allen & Unwin, 1957
  13. Cet accident est raconté dans Charles Gos, Tragédies alpestres, Les Éditions de France, 1940.
  14. Rosalie Maggio et Marcel Cordier, Marie Marvingt: la femme d'un siècle, Éditions Pierron, 1991, p. 47
  15. Ballu 1997, p. 413
  16. Richard Goedeke, 4000 des Alpes : Toutes les voies normales des sommets de 4000 mètres, LIBRIS, , p. 175
  17. (de) Hartmut Eberlein Mont-Blanc-Gruppe: GebietsfĂĽhrer fĂĽr Bergsteiger und Kletterer ; verfasst nach den Richtlinien der UIAA, Bergverlag Rother GmbH, 2005, p. 280
  18. Grévoz 2006, p. 145-146
  19. RĂ©buffat 1973, p. 146
  20. Lucien Devies, La chaîne du Mont Blanc : Aiguilles de Chamonix, Grandes Jorasses, Arthaud, 1947
  21. Thompson 2010, p. 219
  22. Alexander Huber interview
  23. Galerie de photographies sur le site des frères Huber
  24. Ballu 1997, p. 452
  25. photo de Franco Salluard au sommet de la dent du GĂ©ant
  26. Dent du GĂ©ant sur the highlinedatabase
  27. video sur tvmountain.com

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • (it) Alessandro Sella, « Prima ascensione del Dente del Gigante Â», Le Alpi, Centro Alpinistico Italiano, 1882
  • (en) W. W. Graham, « The Dent du GĂ©ant Â», Alpine Journal vol. XI, Longman, Roberts and Green, 1884 ; rĂ©imprimĂ© dans W. Unsworth, Peaks, Passes and Glaciers, Allen Lane, 1981, p. 73–77.
  • Émile Fontaine, « Aiguille du GĂ©ant ou Dent du GĂ©ant Â», Revue Alpine, janvier-fĂ©vrier 1911
  • François Labande, La chaĂ®ne du Mont-Blanc : Guide Vallot. SĂ©lection de voies, t. 2 : Ă€ l'est du col du GĂ©ant, Éditions Arthaud,
  • Gaston RĂ©buffat, Le massif du Mont-Blanc - Les 100 plus belles courses, DenoĂ«l,
  • Olivier Hoibian, L'invention de l'alpinisme : la montagne et l'affirmation de la bourgeoisie cultivĂ©e, 1786-1914, Belin, 2008, p. 130-131
  • Yves Ballu, Les alpinistes, Éditions GlĂ©nat,
  • Daniel GrĂ©voz, Ravanel le Rouge : Roi des guides et guide des rois, La Fontaine de SiloĂ©,
  • (en) Simon Thompson, Unjustifiable Risk ? The Story of British Climbing, Cicerone Press Limited,

Liens externes

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