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Zabel Essayan

Zabel Essayan (en arménien Զապէլ Եսայեան ; née à Scutari en 1878, morte pendant sa déportation en 1943, en Transcaucasie (?)), née Zabel Hovhannessian, est une romancière arménienne qui a parcouru l'Europe pour défendre la cause de son peuple. Elle est considérée par la diaspora arménienne comme l'une des premières femmes de lettres de sa génération, par son tempérament, son engagement au profit des plus déshérités et par la noblesse de son écriture. Elle demeure célèbre en tant qu'écrivain et intellectuelle pour son chef-d'œuvre : Dans les ruines, écrit pendant les massacres d'Adana en 1909 et publié en 1911.

Zabel Essayan
Description de cette image, également commentée ci-après
Zabel Essayan avant 1915.
Alias
Zabel Hovhannessian
Naissance
Scutari (Empire ottoman)
Décès 1943
En Transcaucasie (?) (URSS)
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Arménien, français
Genres

Ĺ’uvres principales

  • Dans les ruines
  • Les Jardins de Silhidar

Biographie

Zabel Hovhanessian naît en 1878 à Scutari dans un quartier de Constantinople, sur la rive asiatique du Bosphore[1]. Après ses études primaires et secondaires pendant lesquelles elle est l'élève d'Archag Tchobanian, elle migre pour la France à l'âge de dix-sept ans et s'installe à Paris où elle fréquente le cercle de René Ghil et le groupe de l'Abbaye de Créteil[2]. Elle suit les cours de littérature et de philosophie à l'université de la Sorbonne ainsi qu'au Collège de France[3]. Elle rencontre le peintre Tigran Essayan et ils se marient en 1900[1].

En 1895, Zabel Essayan publie son premier poème en prose dans la revue Tsakhik (« Fleur »). L’œuvre et l'exemple de Serpouhi Dussap, première romancière arménienne, l'encouragent à poursuivre. Elle publie ensuite de nombreux essais, des nouvelles, des articles et des traductions dans Écrits pour l'art notamment. Ses écrits sont édités dans des périodiques arméniens comme Massis, Anahit, Arevelian Mamoul (« La Presse orientale »).

En 1902, Ă  24 ans, elle retourne Ă  Constantinople et devient enseignante ; en 1908, elle est membre de la FĂ©dĂ©ration rĂ©volutionnaire armĂ©nienne[1]. Ce qui est contredit par les travaux de LĂ©on Ketcheyan dans sa notice biographique Ă  sa traduction de Dans les ruines[4]. En 1909, Ă  la suite des massacres de Cilicie, elle devient membre de la commission d'enquĂŞte crĂ©Ă©e par le Patriarcat armĂ©nien de Constantinople et la Croix-Rouge et se rend Ă  Adana[1], oĂą elle sĂ©journe pendant trois mois[5]. Elle tient une riche correspondance qui lui servira Ă  l'Ă©criture de Dans les ruines, livre-clĂ© pour comprendre les heures les plus sombres de l'histoire armĂ©nienne.

Elle publie en 1911 son livre majeur, Dans les ruines[6], roman qui porte sur les massacres d'Adana et témoigne d'une réflexion sur la violence. En effet, Essayan se refuse à la littérature et se borne au rôle de « témoin » des événements tragiques qui se déroulent sous ses yeux. En 1915, elle échappe à la déportation et à la mort lors du génocide arménien en vivant dans la clandestinité à Constantinople. Elle fuit en Bulgarie, puis, elle part pour le Caucase[6] et devient membre du Conseil des Arméniens occidentaux en 1917[7] (issu du Congrès des Arméniens occidentaux). Après la Grande Guerre, elle collabore aux travaux de la Délégation de la République arménienne à Paris. Elle s'occupe des secours aux réfugiés et aux orphelins dans divers centres du Proche-Orient[6]. Journaliste, elle dirige le journal Erevan (1925-1930) et participe aux activités littéraires de son temps. Elle est célèbre pour l'écriture dans les années 1920 de Le rôle de la femme pendant la guerre[8]. En 1926, elle part pour l'Arménie soviétique. Elle revient en France et écrit son Prométhée déchaîné qu'elle publie à Marseille en 1928.

En 1933, elle quitte l'Europe et s'installe définitivement en Arménie à l'invitation du gouvernement, où elle devient titulaire de la chaire de littérature occidentale à l'Université d'État d'Erevan[6]. Elle assiste l'année suivante à Moscou au premier congrès des écrivains soviétiques. Son dernier livre, Les Jardins de Silihdar, paraît en 1935 à Erevan. Ce roman témoigne de la vie des Arméniens avant les massacres hamidiens. C'est aussi la chronique d’un quartier pittoresque et cosmopolite de la ville de Constantinople à la fin du XIXe siècle. Deux autres volumes de souvenirs devaient voir le jour.

Mais ses projets Ă©ditoriaux s'arrĂŞtent avec les Grandes Purges staliniennes de 1937. Victime de la terreur, jugĂ©e et emprisonnĂ©e la mĂŞme annĂ©e[9], elle disparaĂ®t sans laisser de trace vĂ©rifiable, malade, ou dĂ©portĂ©e dans les environs de la Transcaucasie, sans aller jusqu'en SibĂ©rie[6]. Elle meurt probablement Ă  65 ans en 1943 pendant son dernier voyage qui fut Ă  l'image de sa vie tragique.

Point de vue

Selon Valentina Calzolari[10], « l'exemple de l'endurance et de l'activitĂ© des veuves des nobles armĂ©niens disparus dans la guerre du Ve siècle fut repris par la littĂ©rature fĂ©ministe armĂ©nienne du XIXe siècle comme exemple du rĂ´le actif que la femme peut jouer dans la sociĂ©tĂ©. Lors d'une confĂ©rence prononcĂ©e dans la Salle des ingĂ©nieurs civils, Ă  Paris, le , Zabel Essayan exalta « le rĂ´le de la femme armĂ©nienne pendant la guerre Â», rappelant qu'aux jours de l'adversitĂ© les femmes armĂ©niennes « redevinrent les dignes sĹ“urs de ces dames armĂ©niennes du Ve siècle, dont l'attitude admirable [avait Ă©tĂ©] transmise par l'historien ÉlisĂ©e Â». Calzolari souligne, qu'« il est intĂ©ressant de remarquer que le modèle ancien, puisĂ© dans le patrimoine littĂ©raire national, est Ă©voquĂ© par Essayan en mĂŞme temps que le modèle contemporain des « sĹ“urs d'Occident Â» — un double paradigme qui suggère que les ArmĂ©niens peuvent trouver dans le bagage hĂ©ritĂ© du passĂ© la force qui leur permettra de « marcher au mĂŞme pas Â» que les voisins occidentaux, pour reprendre l'expression d'Essayan ». C'est Ă  une nouvelle « patrie spirituelle » (selon l'expression de Nicolas Sarafian), que de nouveaux Ă©crivains en quĂŞte de « nouveaux dĂ©fis identitaires », toujours selon Valentina Calzolari, essayent aujourd'hui de faire face, « faute de pouvoir se rapporter Ă  une patrie territoriale perdue Ă  jamais »[11].

Ĺ’uvre

Ouvrages

  • Les crĂ©puscules de Scutari et autres histoires, publiĂ© en 1905 Ă  Smyrne (Izmir)
  • Dans les ruines 1909, publiĂ© en 1911, traduit en français en 2011[12].
  • Mourad.
  • Journal.
  • Mon âme en exil, 1917. (rĂ©cits personnels)
  • PromĂ©thĂ©e dĂ©chaĂ®nĂ©, 1928.
  • Les Jardins de Silihdar, 1935.

Articles

Traductions

  • Chouchik DasnabĂ©dian, Zabel Essayan ou L'Univers lumineux de la littĂ©rature, AntĂ©lias, Éditions du Catholicossat armĂ©nien de Cilicie, , 173 p. (ASIN B0019T4WQ4)
  • Zabel Essayan (trad. Pierre Ter Sarkissian), Les Jardins de Silihdar, Paris, Albin Michel, , 214 p. (ISBN 978-2-226-06416-5)
  • GĂ©rard Chaliand (dir.), Fragments d'ArmĂ©nie, Paris, Omnibus, , 844 p. (ISBN 978-2-258-07388-3)
  • Zabel Essayan (trad. LĂ©on Ketcheyan), Dans les ruines : Les massacres d'Adana, avril 1909, Paris, PhĂ©bus, coll. « Essais et documents », , 304 p. (ISBN 978-2-7529-0503-1)
  • Zabel Essayan (trad. Anahide DrĂ©zian et Alice Der Vartanian, postface Krikor Beledian), Mon âme en exil, Marseille, Parenthèses, , 80 p. (ISBN 978-2-86364-266-5)
  • Zabel Essayan et Hayg Toroyan (trad. Marc Nichanian, postface Marc Nichanian), L'Agonie d'un peuple, Paris, Classiques Garnier, coll. « LittĂ©rature, histoire, politique », , 211 p. (ISBN 978-2-8124-0856-4)

Notes et références

  1. Jean-Claude Polet, Auteurs européens du premier XXe siècle — vol. 2 : Cérémonial pour la mort du sphynx, 1940-1958, De Boeck, coll. « Patrimoine littéraire », 2003 (ISBN 978-2804139322), p. 231.
  2. La Quinzaine littéraire, Les Arméniens massacrés, témoignages, Numéro 1 007 du 16 janvier 2010, p. 31
  3. Ani — Cahiers arméniens, n° 5.
  4. cf. biographie de Zabel Essayan, Dans les ruines (Les massacres d'Adana, avril 1909) (traduction de LĂ©on Ketcheyan), Ă©d. PhĂ©bus, coll. « Essais et documents Â», Paris, fĂ©vrier 2011 (ISBN 978-2752905031).
  5. (en) David L. Eng et David Kazanjian (dir.), Loss: the politics of mourning, University of California Press, 2002 (ISBN 978-0520232358), p. 100.
  6. Jean-Claude Polet, op. cit., p. 232.
  7. Anahide Ter-Minassian, 1918-1920 — La République d'Arménie, éditions Complexe, Bruxelles, 1989 (réimpr. 2006) (ISBN 2-8048-0092-X), p. 23.
  8. Revue des études arméniennes, tome II, 1922, p. 121-138.
  9. (en) David L. Eng et David Kazanjian (dir.), op. cit., p. 121.
  10. « Valentina Calzolari Bouvier », sur Université de Genève — Unité d'arménien (consulté le ).
  11. Valentina Calzolari, « La littérature arménienne entre orient et occident », sur Nouvelles d'Arménie Magazine, (consulté le ).
  12. Zabel Essayan (traduit, préfacé et annoté par Léon Ketcheyan, postfacé par Gérard Chaliand), Dans les ruines — Les massacres d'Adana, avril 1909, Phébus, coll. « Domaine étranger », Paris, 2011, 303 p. (ISBN 978-2-7529-0503-1).

Voir aussi

Bibliographie

  • LĂ©on Ketcheyan, Zabel Essayan (1878-1943) : sa vie et son temps : traduction annotĂ©e de l'autobiographie et de la correspondance, 4 vol., thèse de doctorat sous la direction de Jean-Pierre MahĂ©, Paris-EPHE, 2002 (ouvrage de rĂ©fĂ©rence)
  • LĂ©on Ketcheyan, « Zabel Essayan et les orphelinats armĂ©niens fondĂ©s au lendemain des massacres de Cilicie d’avril 1909 », Revue d'histoire armĂ©nienne contemporaine, no III « La Cilicie (1909-1921), des massacres d'Adana au mandat français »,‎ (lire en ligne)
  • Anahide Ter Minassian, « Zabel Essayan (nĂ©e Hovhanessian) [Constantinople, auj. Istanbul 1878 – Bakou 1943] », dans BĂ©atrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber, Le Dictionnaire universel des crĂ©atrices, Éditions des Femmes, , 10004 p. (ISBN 978-2721006318, lire en ligne)
  • Krikor Beledian, « Constantinople et la littĂ©rature armĂ©nienne : L'histoire d'une fascination », Chimère, vol. 63, no 1,‎ , p. 71-94 (DOI 10.3917/chime.063.0071, lire en ligne)
  • (en) Victoria Rowe, « Armenian writers and women's rights discourse in turn-of-the-twentieth-century Constantinople », Aspasia, The International Yearbook of Central, Eastern, and Southeastern European Women's and Gender History, Berghahn Journals, vol. 2,‎ , p. 44-69 (ISSN 1933-2882, lire en ligne)

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