AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Youssef Abdelke

Youssef Abdelké est un peintre, graveur et militant politique syrien né à Kameshli (Syrie) en 1951.

Youssef Abdelke
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Naissance
Nom dans la langue maternelle
ÙŠÙˆŰłÙ ŰčŰšŰŻÙ„ÙƒÙŠ
Nationalité
Activités
Formation
Représenté par
Galerie Sfeir-Semler (d)

Biographie

Youssef AbdelkĂ© est nĂ© Ă  Kameshli dans le nord-est de la Syrie en 1951. Il Ă©tudie la gravure Ă  la facultĂ© des Beaux-Arts de Damas en 1976. À la fin des annĂ©es 1970, il passe prĂšs de deux annĂ©es en prison pour son engagement dans le Parti d’Action Communiste en Syrie sous le rĂ©gime de Hafez el-Assad. AprĂšs sa libĂ©ration, il quitte la Syrie et s'installe Ă  Paris en 1981. DiplĂŽmĂ© de l'École nationale supĂ©rieure des beaux-arts de Paris en 1986, il obtient un doctorat en Arts Plastiques Ă  l'UniversitĂ© Paris VIII en 1989. De 1981 Ă  2005, il se rĂ©fugie Ă  Paris oĂč il continue Ă  travailler.

En 2005, il a l'autorisation de retourner dans son pays natal aprĂšs vingt-cinq ans d'exil forcĂ© et d'interdiction de rentrer en Syrie. Il a toujours portĂ© ses critiques envers le rĂ©gime de Bachar el-Assad et son engagement communiste. En allant Ă  Damas, il souhaite continuer Ă  dĂ©velopper son art. Il s'installe dans la vieille ville de Damas, oĂč il accueille dans son atelier tous les curieux de ses Ɠuvres. Une grande exposition pour la libertĂ©, qui a eu un impact rĂ©gional important, est organisĂ©e Ă  l'occasion de son retour. En 2010, son passeport syrien lui est retirĂ© par les autoritĂ©s syriennes lui interdisant ainsi de quitter la Syrie, mĂȘme pour rejoindre sa femme, la cinĂ©aste syrienne Hala Alabdalla, et sa fille, qui sont restĂ©es Ă  Paris.

Le , il est arrĂȘtĂ© Ă  un barrage des services de sĂ©curitĂ© politique syriens aux abords de Tartous, ville cĂŽtiĂšre du Nord de la Syrie, Ă  la suite de la signature d'une pĂ©tition rĂ©digĂ©e par plusieurs intellectuels syriens, oĂč Ă©tait prĂ©cisĂ© son attachement « aux principes au nom desquels la rĂ©volution a dĂ©butĂ© en mars 2011 et Ă  un systĂšme dĂ©mocratique et pluraliste ». Deux autres dirigeants du parti d'action communiste, Toufic Omrane et Adnane al-Debes, ont Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s. Youssef AbdelkĂ© est libĂ©rĂ© le sur dĂ©cision d'un juge. Son arrestation avait dĂ©clenchĂ© une campagne internationale : crĂ©ation d'une page Facebook, pĂ©tition, appui du grand quotidien Al-Akhbar. AprĂšs avoir passĂ© la moitiĂ© de sa vie en prison ou en exil forcĂ©, il est enfin autorisĂ© Ă  se dĂ©placer librement en Syrie et Ă  l'Ă©tranger.

Son point de vue sur le conflit syrien

Youssef AbdelkĂ© a une trĂšs haute idĂ©e de la politique qui doit, selon lui, uniquement s'appuyer sur une rĂ©flexion et une analyse objective de la situation. Il pense que l'engagement politique doit ĂȘtre dĂ©pourvu de tout discours dominĂ© par la haine, la vendetta, les sentiments ou de bas instincts. La question de la libertĂ© est pour lui primordiale et dĂ©passe toutes les oppositions politiques. Il a toujours Ă©tĂ© partisan de l'auto-dĂ©termination du peuple syrien et pour un État laĂŻc, non confessionnel et non ethnique.

Chrétien syrien et responsable au sein du parti de l'action communiste (interdit en Syrie), il est membre du comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND), opposition syrienne de l'intérieur qui rejette la militarisation de la révolution contre Bachar el-Assad et l'intervention des armées étrangÚres.

Selon lui, il y a globalement deux oppositions en Syrie. L'une est situĂ©e Ă  l'extĂ©rieur du pays : elle est partisane d'une intervention militaire Ă©trangĂšre en pensant qu'elle lui sera favorable plus tard dans la prise du pouvoir. L'autre est situĂ©e Ă  l'intĂ©rieur du pays : elle appuie un changement fait pour et par les Syriens. Elle redoute une intervention Ă©trangĂšre qui, selon elle, occuperait le pays et procĂ©derait au dĂ©peçage du territoire en « comtĂ©s Â» confessionnels, une dĂ©marche soutenue par les États-Unis.

Youssef AbdelkĂ© critique aussi la dispersion des forces d'opposition qui est accentuĂ©e par les financements extĂ©rieurs. Selon lui, aucun opposant n'a l'envergure pour porter et soutenir l'intĂ©rĂȘt collectif du peuple syrien et ses souffrances. Ces opposants sont motivĂ©s par des raisons idĂ©ologiques et politiques si diffĂ©rentes qu'ils sont capables de se battre entre eux. Certains d'entre eux sont davantage prĂ©occupĂ©s par des intĂ©rĂȘts extĂ©rieurs que ceux du peuple syrien.

Il dĂ©nonce le choix des armes comme solution au conflit syrien. Le seul bilan armĂ© est le coĂ»t humain et matĂ©riel entraĂźnant toujours plus de violence et accentuant le confessionnalisme. L'utilisation des armes dĂ©tourne la rĂ©volution syrienne de ses rĂ©els objectifs (libertĂ©, dignitĂ©, dĂ©mocratie, justice, Ă©tablissement d'un gouvernement de sociĂ©tĂ© civile) et des aspirations du peuple. Actuellement, l'opposition armĂ©e est selon lui, opaque quant Ă  ses intentions et Ă  son lien trouble avec les financements Ă©trangers et ne peut incarner la dĂ©fense du peuple syrien. Le rĂ©sultat est que cette opposition ne bĂ©nĂ©ficie d'aucun soutien populaire en Syrie. La rĂ©volution ne peut ĂȘtre menĂ©e sans l'incarnation d'une opposition qui affiche un statut moral Ă  celui du rĂ©gime qu'elle combat car elle n'a pas l'appui du peuple. Elle ne peut ĂȘtre aussi rĂ©ussie si elle ne dĂ©tient pas des objectifs stratĂ©giques et n'affiche pas une tactique pour les atteindre.

Le conflit syrien a aussi entraßné de vives divergences entre les intellectuels syriens. Youssef Abdelké dénonce le fait que le soutien populaire au régime de Bachar el-Assad a été sous-estimé. Comme il le précise, le régime ne se résume pas seulement à un gouvernement, à une armée, aux services de renseignements et aux armes de défense. L'opposition a failli en ne cherchant pas à conquérir cette population favorable au régime. De plus, ce conflit syrien a favorisé l'émergence de nouvelles personnalités médiatiques qui ont accédé à des positions importantes sans légitimité et acquis une visibilité jouant le rÎle uniquement de porte-parole de financements extérieurs.

Pour lui, la solution de ce conflit passe par un accord au niveau international qui se traduira au niveau local. Chaque force internationale a un lien avec un allié local et aucune n'accepte un affaiblissement sur le terrain de son partenaire déployant ainsi le maximum de moyens pour rééquilibrer les positions de force à son avantage. Si aucun accord ne se fait, la violence et la destruction continueront à faire des ravages et conduiront à la partition du pays. Quelle qu'en soit l'issue, il n'y aura ni vainqueur ni vaincu, car toutes les parties sont perdantes.

ƒuvres

Ses Ɠuvres sont exposĂ©es au British Museum (quatre au total), au Kuwait Museum, au MusĂ©e de Amman, au MATHAF de Doha, Ă  la Shoman Foundation et Ă  l’Institut du monde arabe (deux au total). Il participe Ă  de nombreuses expositions temporaires sur le plan international. Il est classĂ© comme un des meilleurs artistes expressionnistes arabes. Il est reprĂ©sentĂ© en France par la galerie Claude Lemand qui lui a consacrĂ© deux expositions personnelles depuis 2001 : « Pastels et Fusains Â» (1989-2002) en 2002, et « Fusains rĂ©cents Â» en 2010. Elle montre en 2014 ses Ɠuvres rĂ©centes Ă  « Art Paris Art Fair Â» (Grand Palais, 26-)

Youssef AbdelkĂ© a grandi dans une famille trĂšs engagĂ©e politiquement. Depuis le dĂ©but de sa carriĂšre artistique, ses Ɠuvres reflĂštent ses intĂ©rĂȘts politiques. Ainsi, dĂšs son projet de fin d’études, son Ɠuvre « Septembre noir » (1976) tĂ©moigne des dĂ©buts d'un artiste trĂšs engagĂ©.

Sa sĂ©rie de gravures et collages « Personnages », crĂ©Ă©e au dĂ©but des annĂ©es 1990, reprĂ©sente d’une maniĂšre satirique la vie politique dans le monde arabe.

Youssef AbdelkĂ© s'est d'abord attachĂ© Ă  reprĂ©senter des figures humaines avec des tĂȘtes masquĂ©es au milieu de la nuit oĂč rodaient la mort et des monstres. Ces acteurs en quĂȘte d'auteur faisaient Ă©cho Ă  la piĂšce de thĂ©Ăątre de Pirandello, Six personnages en quĂȘte d'auteur.

Progressivement, les hommes ont disparu au profit de la faune et de la flore. Sans hyperrĂ©alisme ou rĂ©alisme, il crĂ©e une prĂ©sence si tangible qu'on croit les atteindre avec les yeux. À chaque trait de dessin, il rĂ©ussit Ă  rĂ©inventer la nature avec prĂ©cision et lenteur. Grand observateur des phĂ©nomĂšnes naturels, il est un graveur scrupuleux, mĂ©thodique et crĂ©ateur d'images poĂ©tiques.

Alain Jouffroy, Ă©crivain et poĂšte, a analysĂ© particuliĂšrement le pouvoir de fascination exercĂ© par les tableaux reprĂ©sentant les natures mortes : « L’acuitĂ© de sa vision est telle qu’on se rĂ©veille comme d’un rĂȘve en les regardant. Comme si on n’avait jamais vraiment vu, vu en profondeur et en relief, ce qu’est un simple poisson. AbdelkĂ© entre dans le crĂąne, ou dans le poisson, ou dans un soulier de femme, comme Michaux « entrait Â» dans une pomme. ... Tel est son pouvoir de fascination : tout est vouĂ© Ă  mourir et Ă  disparaĂźtre, mais tout peut ĂȘtre sauvĂ©, comme d’un dĂ©luge. Chaque phĂ©nomĂšne vivant est un miracle matĂ©riel, un trĂ©sor et une Ă©nigme. Il ne s’agit pas d’art, mais de la mĂ©tamorphose de la mort en existence vivante. Le poisson d’AbdelkĂ© n’est pas un poisson : c’est une flĂšche, un rayonnement, une respiration, un appel chuchotĂ© Ă  la vie ».

Pendant une dizaine d'annĂ©es, avec ces dessins au charbon sur feuille, il s'attachait Ă  dessiner la symbolique de la mort. Depuis le dĂ©but de la rĂ©volution en , les peintures d’AbdelkĂ©, comme « Martyr de Deraa » et « La mĂšre du martyr », tĂ©moignent de la tragĂ©die que traverse le peuple syrien. DĂ©sormais, son approche artistique est diffĂ©rente : il souhaite reprĂ©senter les gens du quartier, les voisins en montrant que ce sont bien eux les martyrs, les victimes et les morts.

AprĂšs avoir Ă©tĂ© libĂ©rĂ© en 2013, peindre sur ce qui se passait en Syrie Ă©tait indispensable. La galerie Tanit Ă  Beyrouth accueille les Ɠuvres de Youssef AbdelkĂ©, crĂ©Ă©es entre le dĂ©but de la rĂ©volte en et jusqu’en 2013 reproduisant des portraits d'hommes, de femmes et des natures mortes. Comme le prĂ©cise le peintre, il s'agit de capter la souffrance humaine et son cortĂšge de douleurs entraĂźnĂ©es par les nombreux morts, des douleurs qui ne se justifient pas et qui ne trouvent aucune limite. Les regards des personnages, pleins de dignitĂ©, en disent long sur les souffrances intimes. La sĂ©rie des « mĂšres de martyrs Â» sont les tableaux les plus poignants. Il insiste sur le fait que la mort d'un humain Ă  cause d'un slogan pro ou anti- rĂ©gime Assad est insupportable : comme il le prĂ©cise, « tout peut ĂȘtre rĂ©parĂ© sauf la mort Â».

Ces tableaux nous mettent face Ă  notre propre impuissance comme ĂȘtre humain face Ă  une violence subie, non assumĂ©e. Dans un style sobre en noir et blanc, ces tableaux au fusain ne reprĂ©sentent pas des actions, encore moins des actes violents : ce sont souvent des Ă©lĂ©ments statiques qui sont tracĂ©s et ce calme apparent cache une violence contenue. Il s'agit de cĂ©lĂ©brer la mĂ©moire du courage du peuple syrien.

Youssef AbdelkĂ© est un artiste avec de multiples talents : graveur et peintre, il a Ă©tĂ© aussi caricaturiste et il a illustrĂ© plus d'une trentaine de livres jeunesse et rĂ©digĂ© plusieurs textes sur l'histoire de la caricature en Syrie.

Références

    Liens externes

    Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.