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Yayori Matsui

Yayori Matsui (束äș•ă‚„ă‚ˆă‚Š, Matsui Yayori), nĂ©e le et morte le , est une journaliste japonaise et militante des droits des femmes reconnue pour son travail de sensibilisation aux esclaves sexuelles et au tourisme sexuel dans l'Asie d'aprĂšs-guerre[1]. En 1961, elle commence Ă  travailler comme journaliste pour le journal Asahi Shimbun et prend sa retraite en 1994 pour travailler comme activiste sociale Ă  temps plein. Elle fonde de nombreuses organisations pour les femmes et Ă©crit sur l'inĂ©galitĂ© des sexes au Japon et sur les crimes sexuels commis par l'armĂ©e impĂ©riale japonaise, notamment sur les femmes de rĂ©confort de la Seconde Guerre mondiale[2]. Ses travaux aboutissent Ă  la crĂ©ation du Tribunal pour crimes de guerre commis par contre les femmes Ă  Tokyo en 2000, un tribunal tenu d'obtenir justice sous quelque forme que ce soit pour les victimes de l'esclavage sexuel de l'armĂ©e japonaise[3].

Yayori Matsui
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Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  68 ans)
Tokyo
Nom dans la langue maternelle
束äș•ă‚„ă‚ˆă‚Š
Nationalité
Formation
Activité

Biographie

Matsui est nĂ©e Ă  Kyoto, au Japon, dans une famille de ministres chrĂ©tiens[4]. Sa famille dĂ©mĂ©nage Ă  Tokyo oĂč ses parents fondent l'Ă©glise chrĂ©tienne de Yamate et Ă©lĂšvent leurs six enfants[4]. Incapable d'obtenir son diplĂŽme d'Ă©tudes secondaires en raison d'un cas grave de tuberculose, elle est nĂ©anmoins admise au dĂ©partement d'Ă©tudes britanniques et amĂ©ricaines de l'UniversitĂ© des Ă©tudes Ă©trangĂšres de Tokyo[5]. Matsui dĂ©couvre le mouvement fĂ©ministe lors d'un voyage aux États-Unis et en Europe au cours de sa premiĂšre annĂ©e Ă  l'universitĂ©. Barbara Molony, Janet Theiss et Hyaeweol Choi dĂ©clarent dans leur ouvrage Gender in Modern East Asia, avoir Ă©tĂ© rĂ©voltĂ©es par le racisme flagrant qu'elles ont rencontrĂ© et s'Ă©tonnent de la disparitĂ© au niveau des richesses et de l'Ă©galitĂ© entre ces rĂ©gions et l'Asie[2]. Dans ses derniĂšres annĂ©es, bien engagĂ©e dans sa lutte pour la « solidaritĂ© fĂ©ministe panasiatique », Matsui critique le fonctionnement du fĂ©minisme aux États-Unis, affirmant qu'elle se « mĂ©fie du modĂšle amĂ©ricain d'autonomisation, qui signifie le droit au pouvoir comme le font les hommes »[3]. En 1961, Matsui rejoint le journal japonais Asahi Shimbun en tant que journaliste, Ă©crivant sur des problĂšmes de santĂ© publique et environnementaux, tels que des anomalies congĂ©nitales causĂ©es par la thalidomide et un empoisonnement au mercure (maladie de Minamata)[5] - [6]. En tant que reprĂ©sentante d'Asahi Shimbun et de l'Association des femmes asiatiques qu'elle a fondĂ©, Matsui assiste Ă  toutes les confĂ©rences des Nations unies de 1975 Ă  1995[7].

En 1976, elle fonde l'organisation Asian Women in Solidarity pour lutter contre le tourisme sexuel en Asie. En 1981, elle est affectĂ©e en tant que correspondante Ă  Singapour oĂč elle entre en contact avec des femmes de rĂ©confort, forcĂ©es de se prostituer par l'armĂ©e impĂ©riale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale[6]. Elle devient alors la premiĂšre femme Ă  occuper le poste de correspondante du bureau gĂ©nĂ©ral asiatique pour Asahi Shimbun[8]. En 1994, elle quitte Asahi pour travailler Ă  plein temps en tant que militante sociale. Sa dĂ©cision est influencĂ©e par la tendance du tourisme sexuel en Asie du Sud-Est chez les hommes d'affaires japonais. Peu de temps aprĂšs sa retraite, elle fonde le Asia-Japan Women's Resource Center (en)[3]. En 1998, Matsui contribue Ă  la crĂ©ation de la branche japonaise du rĂ©seau Violence contre les femmes dans la guerre (VAWW-NET)[3]. Travaillant avec le Asia-Japan Women's Resource Center et d'autres organisations de femmes japonaises et est-asiatiques, elle organise le Tribunal des crimes de guerre contre les femmes de Tokyo de 1998 Ă  2000, consacrĂ© aux crimes commis par l'armĂ©e impĂ©riale japonaise dans le systĂšme de rĂ©confort[9]. En 2001, Matsui se rend en Afghanistan pour rencontrer des militantes fĂ©ministes afghanes. Pendant son sĂ©jour, elle est frappĂ©e par une maladie, qui a par la suite Ă©tĂ© diagnostiquĂ©e comme un cancer du foie[4]. Elle est dĂ©cĂ©dĂ©e dans un hĂŽpital Ă  Tokyo en [4].

Tribunal des crimes de guerre contre les femmes Ă  Tokyo

En 1998, le RĂ©seau japonais de la violence contre les femmes pendant la guerre prĂ©sente Ă  la ConfĂ©rence des femmes asiatiques Ă  SĂ©oul l'idĂ©e de la crĂ©ation d'un tribunal afin de rendre justice aux femmes victimes de la pratique de l'esclavage sexuel par l'armĂ©e japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale[10]. Matsui soutient cette idĂ©e et travaille avec des organisations et des dĂ©fenseurs des droits des femmes de Chine, d'IndonĂ©sie, des Philippines, de Taiwan, du Timor oriental, de Malaisie et de CorĂ©e du Nord et du Sud pour faire de ce tribunal une rĂ©alitĂ©[10]. La prĂ©paration du tribunal a lieu Ă  Tokyo et Ă  SĂ©oul et dure de 1998 Ă  2000 ; les prĂ©paratifs sont dirigĂ©s par le ComitĂ© international d'organisation qui mĂšne des recherches sur le systĂšme de rĂ©confort et ses effets sur les victimes[10]. Le tribunal se tient du 8 au Ă  Tokyo, au cours duquel sont entendues des victimes du systĂšme de rĂ©confort employĂ© par l'armĂ©e japonaise dans les annĂ©es 1930 et 1940, ainsi que des avocats et des experts reprĂ©sentant d'anciennes femmes de rĂ©confort de toute l'Asie de l'Est et des Pays-Bas. Contrairement aux prĂ©cĂ©dents procĂšs portant sur les crimes commis par l’armĂ©e japonaise pendant la guerre, ce tribunal dĂ©signe l’empereur Hirohito comme l’un des accusĂ©s, l’accusant de complicitĂ© des crimes commis contre les femmes de rĂ©confort. Bien qu'invitĂ©, le gouvernement japonais a refusĂ© d'envoyer des reprĂ©sentants[10].

Le tribunal se dĂ©roule selon les procĂ©dures habituelles des procĂšs pĂ©naux, sans pouvoir de loi, en prĂ©sence de plus de 75 victimes et 35 anciennes femmes de rĂ©confort tĂ©moignent au cours de la procĂ©dure[11]. Des documents sont prĂ©sentĂ©s qui impliquent le gouvernement et l'empereur japonais dans les atrocitĂ©s commises dans tout l'empire japonais contre ces femmes - enlĂšvements, viols, abus sexuels et voies de fait, voire meurtres, classĂ©s dans les actes d'accusation[10]. Les juges prĂ©sidant le tribunal estiment que le gouvernement japonais et l'empereur Hirohito sont coupables de crimes contre l'humanitĂ© sous la forme d'une politique militaire constituant le systĂšme de rĂ©confort ; une dĂ©cision plus complĂšte est rendue en 2001 qui cimente la dĂ©cision prĂ©liminaire[10]. Bien que le tribunal ne dĂ©tienne aucun vĂ©ritable pouvoir juridique et que les coupables ne sont pas punis pour leurs crimes, il rend une forme de justice aux anciennes femmes de rĂ©confort et, au cours du processus, rĂ©vĂšle des documents historiques et des dossiers jusque-lĂ  indisponibles au Japon et au reste du monde[11]. Le tribunal reprĂ©sente le pouvoir de la sociĂ©tĂ© civile en matiĂšre de justice et de droit et montre la valeur de la participation de la sociĂ©tĂ© Ă  la dĂ©couverte et Ă  la prĂ©servation de l'histoire, non sans critiques ni attaques. Les principaux mĂ©dias japonais passent le procĂšs sous silence et la seule couverture de l'Ă©vĂ©nement, une Ă©mission de la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision japonaise NHK (Nippon Hƍsƍ Kyƍkai), est modifiĂ©e face aux pressions de dirigeants conservateurs, dont le premier ministre japonais de l'Ă©poque, Shinzo Abe[12]. Des dĂ©tracteurs du tribunal, tels que Takashi Nakamiya, un « observateur de gauche », le qualifie de faux tribunal pour tenter de discrĂ©diter la valeur des procĂ©dures et du travail de Matsui en gĂ©nĂ©ral[13]. Une Ă©dition de la sĂ©rie "Real" du magazine Takarajima contient un article sur « des femmes exceptionnellement stupides », citant Matsui comme l'une de ces femmes. Nakamiya Ă©crit la partie sur elle, la traitant de « femme pĂ©cheresse » et critiquant son activisme comme Ă©tant motivĂ© par la cupiditĂ© et l'ego[9]. L'article est principalement Ă©crit par des hommes de droite et est crĂ©Ă© pour attaquer des femmes fĂ©ministes et de gauche de premier plan[9].

HĂ©ritage

Lors de sa visite en Afghanistan en pour rencontrer des fĂ©ministes afghanes, Matsui tombe malade[4]. À son retour au Japon, on lui diagnostique un cancer du foie. Elle commence alors Ă  travailler sur une autobiographie et poursuit ses travaux de conception d'un musĂ©e de la femme. Matsui meurt dans un hĂŽpital de Tokyo le [5]. Son testament est confiĂ© au Fonds fĂ©minin pour la guerre et la paix, qui finance la construction du Women's Active Museum of War and Peace, un musĂ©e privĂ© basĂ© sur le travail de sa vie et contenant toute la documentation relative auTribunal des crimes de guerre contre les femmes ouvert Ă  Tokyo en [14]. Pour Takashi Yoshida dans From Cultures of War to Cultures of Peace, « le terme 'Active Museum' a Ă©tĂ© choisi pour symboliser le souhait du comitĂ© selon lequel le musĂ©e jouerait un rĂŽle pivot pour Ă©clairer le public et transformer chaque visiteur en un groupe socialement actif »[5] - [14]. MĂȘme dans la mort, elle est critiquĂ©e par certains, Nakamiya affirmant que les 1,5 million de yens donnĂ©s Ă  Matsui pendant sa maladie ont Ă©tĂ© utilisĂ©s de maniĂšre Ă©goĂŻste, alors que cet argent a Ă©tĂ© utilisĂ© pour construire le Women's Active Museum of War and Peace[13].


Voir Ă©galement

Références

  1. (en) Laura Dales, Feminist movements in contemporary Japan, Londres, Routledge, , 16–19 p. (ISBN 978-0-415-45941-9, OCLC 289070723)
  2. (en) Barbara Molony, Gender in modern East Asia : an integrated history, Boulder, CO, , 1re Ă©d., 425 p. (ISBN 978-0-8133-4875-9, OCLC 947808181)
  3. (en) Shigematsu Setsu, Scream from the shadows : the women's liberation movement in Japan, Minneapolis, University of Minnesota Press, , 175–176 and 203 (ISBN 978-0-8166-6758-1, OCLC 794492284, lire en ligne)
  4. (en) « Yayori Matsui Dies at 68; Championed Asian Women », The New York Times,‎ (OCLC 476794163, lire en ligne)
  5. (en) « Yayori Matsui », sur Asia-Japan Women's Resource Center (consulté le )
  6. (en) Sandra Buckley, Broken silence : voices of Japanese feminism, Berkeley, University of California Press, , 131–133 p. (ISBN 978-0-520-08514-5, OCLC 42855048, lire en ligne)
  7. (en) Vera Mackie, Feminism in modern Japan : citizenship, embodiment, and sexuality, Cambridge, Cambridge University Press, , 152 and 202 (ISBN 978-0-521-82018-9, OCLC 667084879)
  8. (en) « Feminist forum », Women's Studies International Forum, vol. 13, nos 1–2,‎ , p. I-XVI (DOI 10.1016/0277-5395(90)90093-d)
  9. (en) « Yayori Matsui's legacy lives on — as intended », The Japan Times,‎ (ISSN 0447-5763, lire en ligne)
  10. (en) Chinkin, « Christine Chinkin - The Tokyo Tribunal 2000 », www.iccwomen.org, (consulté le )
  11. (en) Ustinia Dolgopol, The challenge of conflict : international law responds, Leiden, the Netherlands, Martinus Nijhoff Publishers, , 488–496 p. (ISBN 978-90-04-14599-3, OCLC 235291712, lire en ligne)
  12. (en) Morris-Suzuki, « WHO IS RESPONSIBLE? THE YOMIURI PROJECT AND THE LEGACY OF THE ASIA-PACIFIC WAR IN JAPAN », Asian Perspective, vol. 31, no 1,‎ , p. 177–191 (JSTOR 42704581)
  13. (en) « Yayori Matsui's legacy lives on — as intended », The Japan Times Online,‎ (lire en ligne)
  14. (en) Yoshida Takashi, From cultures of war to cultures of peace : war and peace museums in Japan, China, and South Korea, Portland, Maine, Merwin Press, , 100–106 p. (ISBN 978-1-937385-44-6, OCLC 833574066)

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