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William Dwight Whitney

William Dwight Whitney (nĂ© en 1827 Ă  Northampton situĂ© dans le Massachusetts aux États-Unis[1] - mort en 1894) est un linguiste, philologue, lexicographe et orientaliste amĂ©ricain. Il est restĂ© cĂ©lĂšbre pour ses apports Ă  l'analyse du sanskrit, et en tant que prĂ©curseur de la linguistique moderne qui sera formalisĂ©e par Ferdinand de Saussure.

William Dwight Whitney
Portrait de William Dwight Whitney
William D. Whitney
Biographie
Naissance
Northampton, MA, Drapeau des États-Unis États-Unis
DĂ©cĂšs
New Haven, CT, Drapeau des États-Unis États-Unis
NationalitĂ© Drapeau des États-Unis États-Unis
PĂšre Josiah Dwight Whitney (d)
MĂšre Sarah Williston (d)
Enfants Edward Baldwin Whitney (en), Emily Henrietta Whitney (d) et Marian Parker Whitney (d)
Parenté Hassler Whitney (petit-fils (en))
Thématique
Formation UniversitĂ© Eberhard Karl de TĂŒbingen, Williams College et universitĂ© Humboldt de Berlin
Profession Lexicographe (en), linguiste, bibliothécaire, traducteur (en), écrivain et professeur d'université (d)
Employeur Université Yale
IntĂ©rĂȘts Sanskrit
Linguistique théorique
Idées remarquables Précurseur de la linguistique moderne
ƒuvres principales Sanskrit Grammar
The Life and Growth of Language
Distinctions Ordre Pour le Mérite pour les sciences et arts (d) et membre de l'Académie américaine des arts et des sciences (d)
Membre de Society for Classical Studies (en) (depuis ), Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, American Oriental Society, Académie américaine des arts et des sciences (depuis ), Académie royale des sciences de Prusse (depuis ), Académie des sciences de Russie, American Antiquarian Society, Académie des sciences de Turin (depuis le ) et Académie américaine des sciences
Auteurs associés
Influencé par Franz Bopp
Partisans
(A influencé)
Ferdinand de Saussure

Un précurseur de la linguistique

Il est difficile de savoir si on peut ranger Whitney dans la catĂ©gorie des prĂ©-linguistes ou dans celle des premiers linguistes modernes. AmĂ©ricain formĂ© en Allemagne, W.D. Whitney a Ă©tĂ© Ă©lĂšve de Franz Bopp. On peut le considĂ©rer comme un linguiste charniĂšre, situĂ© entre deux gĂ©nĂ©rations. Il a les idĂ©es de la nouvelle gĂ©nĂ©ration, mais n’a pas encore les termes pour les exprimer. En tant qu’orientaliste, il a acquis une excellente maĂźtrise du sanskrit qui l'a fait entrer en contact avec des formalisations de la langues inconnues en Occident, tels que les antiques Ă©crits de Pāáč‡ini. Aux langues indo-europĂ©ennes, il a ajoutĂ© des langues qui n’avaient jamais Ă©tĂ© dĂ©crites, et qui nĂ©cessitaient la crĂ©ation de nouveaux outils formels. Par aprĂšs, il s’est orientĂ© vers l’étude des langues amĂ©rindiennes. Whitney a Ă©galement rĂ©alisĂ© une importante Ɠuvre lexicographique, rĂ©visant notamment les dĂ©finitions du dictionnaire Webster (1864).

DĂ©finition de l'objet de la linguistique

L’originalitĂ© des travaux de Whitney est d’avoir pu, Ă  partir de la grammaire comparĂ©e, dĂ©gager une vision du langage en gĂ©nĂ©ral. Pour lui, la science du langage devait avoir un objet ambitieux :

« Cette science a pour objet de comprendre le langage d’abord dans son ensemble, comme moyen d’expression de la pensĂ©e humaine, ensuite dans ses variĂ©tĂ©s[2] »

Whitney est donc le premier Ă  dĂ©finir la linguistique comme Ă©tant une science intĂ©ressĂ©e par le langage en tant que tel. Souvent, on dĂ©finit Ferdinand de Saussure comme l’initiateur unique de la linguistique moderne, mais on rĂ©aliserait une analyse plus fine en concĂ©dant Ă  Whitney qu’il l’y a prĂ©cĂ©dĂ© en ce sens[3]. Saussure a, de ce cĂŽtĂ©, davantage travaillĂ© Ă  mettre cette idĂ©e en pratique. Pour Whitney, l’objet de la linguistique est double : Ă©tudier le langage en tant que tel, mais Ă©galement le considĂ©rer comme une source d’informations pour la recherche anthropologique. De plus, pour lui, la linguistique devrait Ă©galement ĂȘtre capable de renouveler l’enseignement des langues. À l’époque de Whitney, les langues qui Ă©taient enseignĂ©es Ă©taient le grec et le latin. La didactique des langues se renouvelle Ă  cette Ă©poque et ajoutent Ă  des langues « mortes » d’autres langues parlĂ©es aujourd’hui. Il y a donc des rapports entre la linguistique thĂ©orique et les Ă©tudes appliquĂ©es, par exemple au niveau de la didactique des langues ; Whitney problĂ©matise ceux-ci de maniĂšre prospective.

DĂ©limitation du champ de la linguistique

Un autre Ă©lĂ©ment qui permet de voir Whitney comme un prĂ©curseur en linguistique gĂ©nĂ©rale est qu’il en vient Ă  fixer des limites thĂ©oriques internes Ă  la linguistique : il marque une limite nette entre ce qui est linguistique et ce qui ne l’est pas, proposant une dĂ©finition par la nĂ©gative en prenant ses distances par rapport Ă  certaines orientations de la linguistique historique. On peut donc considĂ©rer qu’il y a, dans cette dĂ©limitation du domaine, une double rupture marquĂ©e par Whitney. Whitney s’oppose Ă  une conception mĂ©taphysique et thĂ©ologique du langage. Il est pour lui nĂ©cessaire de s'intĂ©resser aux causes de l'Ă©mergence et de l'existence du langage sans s'encombrer de l’idĂ©e d'un « miracle » (Ă©voquĂ© notamment par la Bible); pour lui, le langage est un produit, un rĂ©sultat historique[3]. Whitney est Ă©galement contre toute confusion qui pourrait laisser confondre la linguistique et la psychologie : « Il n’appartient pas au linguiste, pas plus qu’à l’historien, d’expliquer les mystĂšres de l’esprit humain. Cela est l’affaire du psychologue. » Il conçoit la relation entre psychologie et linguistique de maniĂšre complĂ©mentaire. « l’affirmation d’une science du langage s’édifie en amont sur le refus de la mĂ©taphysique, en aval sur celui du mentalisme psychologiste. »[3]

Langue et langage

Concernant la facultĂ© de langage, on peut dire que Whitney fait une distinction fondamentale entre le langage en tant que facultĂ© anthropologique, rĂ©sultant d’une capacitĂ© innĂ©e, et la langue, activitĂ© spĂ©cifique qui est un produit acquis. Il est non seulement prĂ©curseur de Saussure dans sa distinction langue-parole, mais Ă©galement de Chomsky. Pour lui, le langage est une disposition innĂ©e de l’espĂšce, qui par apprentissage est susceptible de se dĂ©velopper en acquis.

DĂ©finition du langage par la communication

Whitney rompt avec les prĂ©supposĂ©s mĂ©taphysiques de la grammaire comparĂ©e, mais retient de ce courant une approche qui lui permet de mettre au point une analyse fonctionnelle du langage. Il dĂ©finit donc le langage en fonction du dĂ©sir de communication : il est le produit d’une nĂ©cessitĂ© pour l’espĂšce humaine de traduire par la parole l’expression de ses besoins fondamentaux[3]. Ce n'est que plus tard qu'on se rendra compte que la parole n’exprime pas du tout que des besoins fondamentaux, mais constitue une rĂ©alitĂ© sociale bien plus complexe.

Arbitraire du signe

Whitney pose Ă©galement une rupture entre sa linguistique et la linguistique antĂ©rieure, en considĂ©rant chaque langue comme une institution, cette institution Ă©tant constitutive de la civilisation. Ses prĂ©dĂ©cesseurs, et notoirement August Schleicher, considĂ©raient en effet que le langage Ă©tait une propriĂ©tĂ© naturelle et gĂ©nĂ©tique de l'humain[3]. Whitney va dĂ©montrer le contraire en expliquant la diffĂ©rence entre l’expression humaine et l’expression animale. Whitney Ă©voque le fait que chez les animaux, les signes sont utilisĂ©s de maniĂšre instinctive, tandis que chez l’humain, ils sont Ă©tablis par des conventions et de nature fondamentalement arbitraire par rapport Ă  ce qu'ils dĂ©signent. Il n’énonce pas ainsi de tels concepts, mais c’est de cette maniĂšre que Ferdinand de Saussure les formalisera. Saussure se fonde, d’une certaine maniĂšre, sur des rĂ©flexions de Whitney ; dans le Cours de linguistique gĂ©nĂ©rale, au chapitre ImmutabilitĂ© et mutabilitĂ© du signe, Saussure crĂ©dite par ailleurs Whitney d’avoir avant lui insistĂ© sur le caractĂšre arbitraire des signes linguistiques :

« Sur le point essentiel, le linguiste américain nous semble avoir raison : la langue est une convention et la nature du signe dont on est convenu est indifférente[4]. »

Emploi par nature et par attribution

Whitney, en tant que lexicographe, cherche Ă©galement Ă  distinguer clairement l’emploi d’un mot par nature et par attribution :

« Il n’y a pas un seul mot dans aucune langue connue que l’on puisse dire exister phusei, par nature, mais chacun remplit son emploi, thesei, par attribution[3]. »

Cette division entre phusei (φυσΔÎč) et thesei (ΞΔσΔÎč), avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© utilisĂ©e par Platon pour parler de l’origine des noms[5]. En considĂ©rant le langage comme employĂ© par attribution, il consacre l’autonomisation de la linguistique. Dans ses Ă©crits, il a trĂšs frĂ©quemment pris position contre ses prĂ©dĂ©cesseurs, particuliĂšrement Schleicher dont il critique l’approche naturaliste.

ƒuvres

Dictionnaire

  • The Century Dictionary and Cyclopedia: Dictionary. William Dwight Whitney. Éd. The Century Co., 1897.

Ouvrages sur le sanskrit

  • The roots, verb-forms, and primary derivatives of the Sanskrit language: a supplement to his Sanskrit grammar. William Dwight Whitney. Éd. Motilal Banarsidass Publication, 2000. (ISBN 9788120804852)
  • Sanskrit Grammar. William Dwight Whitney. Éd. Courier Dover Publications, 2003. (ISBN 9780486431369)

Ouvrages généraux

  • La vie du langage. William Dwight Whitney. rĂ©Ă©d. fac-similĂ© de l'Ă©d. originale de 1875, Paris, Éditions L'Harmattan. (ISBN 9782296118058)

Bibliographie

  • William Dwight Whitney and the science of language. Stephen G. Alter. Éd. Johns Hopkins University, 2005. (ISBN 9780801880209) (Google Books)

Notes et références

  1. Phonology in the twentieth century: theories of rules and theories of representations. Stephen R. Anderson. Éd. University of Chicago Press, 1985, page 194. (ISBN 9780226019161)
  2. Avant Saussure. Choix de textes par C. Normand et P. Caussat, J.L. Chiss, J. MĂ©dina, C. Puech, A. Radzinski. Paris, Complexes, 1978 (Dialectiques). 216 p.
  3. Paveau M.-A. et Sarfati G.-E. (2003). Les grandes théories de la linguistique : de la grammaire comparée à la pragmatique. Paris : Armand Colin (U). 256p; p. 39
  4. Godel R. (1957). Les Sources manuscrites du Cours de linguistique générale de F. de Saussure. Paris : E. Droz. 282p.

Liens externes

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