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Vocabulaire technique et critique de la philosophie

Le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, nommé également "Le Lalande" par antonomase, est un dictionnaire de lexicographie philosophique spécialisée, créé lors de séances de la Société française de philosophie animées par André Lalande dont le but était de contribuer à l'unité de la philosophie, devenu un manuel du « bon usage » du langage philosophique pour l'accord des esprits, et fréquenté par des générations d’étudiants et de professeurs[1].

Vocabulaire technique et critique de la philosophie
Auteur André Lalande
Pays France
Genre Philosophie
Distinctions Couronné par l'Académie Française
Date de parution 1902-1923
Éditeur Bulletin de la Société française de philosophie, Alcan, Presses Universitaires de France
Collection Quadrige
Lieu de parution Paris
Date de parution 1926, 1928, 1932, 1947, 1951, 1956, 1960, 1968, 1972, 1976, 1980, 1983, 1985, 1988, 1991, 1992, 1993, 1997, 1999, 2002, 2006, 2010
ISBN 2 13 044512 8

Couronné par l'Académie française (à une date non retrouvée), l'ouvrage est d'abord publié – en fascicules – dans le Bulletin de la Société française de philosophie, entre 1902 et 1923. On peut compter au moins seize éditions, et 8 rééditions. À sa parution en édition “de poche” (reliés en un seul volume) dans la collection « Quadrige » des Presses universitaires de France dans les années 1990, il est salué par le philosophe Jacques Follon comme le « plus célèbre des dictionnaires philosophiques en langue française »[2].

Présentation de l'ouvrage

Entrées et collaborateurs

Chaque terme ou locution recensé par le Vocabulaire est présenté avec ses différentes définitions, et parfois des critiques ainsi que des traductions en grec, latin, allemand, anglais et italien. Chaque article ainsi constitué est parfois pourvu d'un radical international selon le système ido, ainsi que de commentaires, précisions et observations en notes de bas de page signés par les plus grands philosophes et psychologues de l'époque. En effet, les conférences de la Société française de philosophie ont vu passer la plupart des grands philosophes et scientifiques du XXe siècle : Henri Bergson, Émile Meyerson, Édouard Le Roy, Maurice Blondel, Jules Lachelier, Léon Brunschvicg, Henri Delacroix, Frédéric Rauh, Raymond Ruyer, Georges Sorel, Pierre Janet, Edmond Goblot, Louis Couturat, Victor Delbos… mais aussi Edmund Husserl, Albert Einstein, Paul Langevin, Henri Poincaré, Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Jacques Lacan, Jacques Derrida, et a compté jusqu'à 350 membres[3].

Public visé

Ce dictionnaire de lexicographie spécialisée cherche à satisfaire en utilisant un terme technique, le philosophe doit savoir de quoi il parle, ainsi qu’à quelle utilisation historique et à quel utilisateur il se réfère. Il est devenu à la philosophie ce que le «Gaffiot» est au latin, le «Bailly» au grec ou le «Laplanche et Pontalis» à la psychanalyse, selon le philosophe Robert Maggiori[4]. Le plus important dictionnaire du même type est celui qui est dirigé par James Mark Baldwin (Dictionary of Philosophy and Psychology, 1901–1905 (en)) selon le linguiste Dan Savatovsky[5].

Appuyé par son expérience d'enseignement en lycée pendant dix ans, il y écrit, pour de cet ouvrage qui était encore en projet, que : « beaucoup de professeurs se feront un honneur d'enseigner suivant ses principes. Les élèves, pour qui l'incohérence et le manque d'accord en philosophie sont aujourd'hui la pierre de scandale et d'achoppement dans leurs études, se jetteront tous avec avidité sur n'importe quelle publication qui leur exposera d'une façon claire et solide un plan d'études objectif » (p.585)[6]. Cela s'est réalisé, ce dictionnaire devient pendant plusieurs décennies l'ouvrage de référence[7].

Œuvre collective

Une société pour l'écrire

Dans un article de 1898, Lalande défend la nécessité de s’entendre entre philosophes sur le sens des mots, et annonce la formation de ce qui deviendra la Société française de philosophie à qui incombera, selon lui un travail de révision des définitions des termes essentiels à la philosophie[6].

Ne pouvant être l'œuvre d'un homme seul, et pour éviter qu'il fût l'expression d'un système ou une doctrine d'une école ou d'un groupe, il propose pour réaliser ce chantier lexical : « premièrement, la recherche individuelle, en tant qu'elle est animée de cet esprit qui la fait tendre vers des résultats, et rend ces résultats totalisables ; secondement, la collaboration permanente, comme celle des académies, des sociétés de physique ou de biologie ; troisièmement, la collaboration temporaire pour le règlement par congrès aussi larges que possible, internationaux s'il se peut » (p.583)[6], et pour unir ces efforts « une société [de philosophie] est nécessaire : elle seule peut avoir l'autorité suffisante, en l'absence d'un ministre philosophe et chef d'école comme on en vit jadis, pour mettre de l'ordre dans ce qui est actuellement un chaos » (p.585)[6].

À cette société de philosophie qu'il n'a alors qu'esquissée, il fixe les deux objectifs suivants :

  • « En premier lieu, réviser le vocabulaire philosophique en en définissant les termes essentiels par une double méthode : l'une historique, ayant pour objet de faire connaître leurs acceptions diverses chez les auteurs qui les ont employés, leurs équivalences entre les grandes langues classiques modernes […] — l'autre, dogmatique, et par conséquent conventionnelle, à faire, ratifier ou modifier ultérieurement par un congrès, et fixant de cette manière l'usage qui doit être fait de ces mots dans l'enseignement, dans la rédaction des ouvrages classiques, et par degrés, s'il se peut, dans toutes les publications philosophiques.
  • En second lieu, et parallèlement, car la première œuvre elle-même suppose celle-ci, publier un cours élémentaire de philosophie sur un plan nouveau, caractérisé d'abord par un soin particulier donné à la classification des parties et des subdivisions des sciences philosophiques, suivant la méthode de Wundt que nous avons déjà indiquée […] » (p.586-587)[6].

Méthodologie de travail collectif

À la suite de ce programme, la Société française de philosophie est fondée en 1901 sur l’initiative de Xavier Léon et de André Lalande[3].

André Lalande expose la méthodologie adoptée pour rendre annotables les entrées lexicales :

« Une première rédaction des articles est d'abord faite, qui doit servir de base à la discussion. Elle est relue, en petit comité, par deux ou trois collaborateurs du premier degré. Une fois que le texte en est ainsi établi, il est imprimé sur une seule colonne et envoyé à tous les membres de la Société de philosophie, en même temps qu'à ceux des correspondants étrangers qui ont eu l'obligeance d'accepter cette collaboration. […] Les brochures provisoires reviennent donc ainsi, annotées, complétées, corrigées, approuvées ou contestées. Le tout est mis en ordre. Sur tous les points où l'accord existe, soit sans modifications, soit après des corrections qui ne soulèvent pas de doutes, le texte devient définitif.

[…] Il reste cependant d'autres points où les opinions sont vraiment opposées. Ceux-là sont alors portés devant la Société de philosophie, et c'est la dernière épreuve. Quand une rédaction qui paraît satisfaisante est enfin atteinte, elle prend place dans le corps de l'ouvrage. S'il y a des dissidences, ou si, parmi les observations des correspondants, il se trouve quelques remarques utiles à conserver, sans les insérer dans le texte même, elles sont imprimées au bas des pages, en forme de commentaire perpétuel, de manière que le fascicule soit aussi exactement que possible le résumé de tout ce qui a été mis en avant sur chaque définition. »[8] - [9].

Sylvain Auroux, chercheur au Laboratoire d'histoire des théories linguistiques et directeur de Les Notions philosophiques. Dictionnaire (en 1990), souligne combien « cette méthode de travail illustre l'effort de clarification et de normalisation du vocabulaire philosophique »[10].

Composition de l'équipe éditoriale

André Lalande a rédigé l’essentiel des articles, mais il a été aidé par un ensemble de collaborateurs prestigieux. Comme l'indique le titre : Vocabulaire technique et critique de la philosophie. Texte revu par les membres et correspondants de la Société française de philosophie et publié avec leurs corrections et observations, la composition de ce dictionnaire est une œuvre collective. Cette publication, d'abord échelonnée sur 21 ans (1902-1923), a nécessité un principal instigateur de l’œuvre et qui dirige les opérations éditoriales : André Lalande. Il choisit les thèmes abordés, les personnes y participant, et leur donne des directives précises puis regroupe leurs travaux en un tout harmonisé avant de la publier.

Lalande s'attachait à prouver la possibilité d’une œuvre collective d’unification du langage contre « l’individualisme » philosophique[11]. « Cet équilibre entre visée cumulative et respect de l’inspiration individuelle est au fondement de la représentation du progrès philosophique. Pour Lalande, l’un des philosophes sociables du tournant du siècle, ce progrès passait par un travail d’unification du vocabulaire dans le cadre d’une « société philosophique ». »[12]

Une équipe s'était constituée autour du maître d’œuvre André Lalande et également de Xavier Léon, administrateur de la Société française de philosophie[13] - [12]

La préface de la 8e édition note que le travail de révision n'a pas pu être effectué par André Lalande seul, « en raison de son âge et du mauvais état de sa vue » : René Poirier et Roger Martin l'y ont grandement aidé.

Dans son avant-propos à la 10e édition (en 1968), René Poirier remercie Roger Martin et Jean Largeault pour leurs améliorations.

Éditions

Remaniements, suppléments

Dans l'avant-propos de la 10e édition, René Poirier écrit qu'il faudrait « sans doute envisager quelque jour une refonte plus complète » (p.v) que de nouvelles éditions comportant seulement des rectifications et des suppléments.

Bien qu’elles aient été largement revues, corrigées et complétées, « elles peuvent présenter au regard d’un lecteur contemporain quelques inévitables lacunes. Elles n’en demeurent pas moins d’une utilité et d’une pertinence tout à fait fondamentales », selon les termes de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon[1].

Selon le philosophe Jacques Follon, « l'Encyclopédie philosophique universelle […] se présenterait précisément comme cette refonte du Lalande. Or on sait qu'il n'en a rien été. En effet, le premier tome de cette encyclopédie, intitulé L'univers philosophique, n'est finalement rien d'autre qu'un recueil d'essais consacrés aux problématiques de la philosophie actuelle et signés par la plupart des grands noms de la république des lettres philosophiques françaises, et l'on admettra qu'un tel recueil n'a pas grand chose à voir avec un vrai dictionnaire. Quant au tome suivant, intitulé Les notions philosophiques, il a, lui, effectivement l'apparence d'un dictionnaire, mais quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit vite qu'il s'agit, non pas d'un ensemble de mots suivis de définitions (ce qui constitue proprement un dictionnaire), mais plutôt d'une suite de réflexions et de discussions portant (souvent selon un fil conducteur historique) sur les termes de la langue philosophique rangés par ordre alphabétique […]. On ne saurait donner à pareil ouvrage l'appellation de «dictionnaire», du moins au sens strict du terme. Bref, le Lalande n'a donc pas encore été remplacé, et partant il demeure irremplaçable. »[2].

Éditions successives

De la deuxième édition à l'édition de 1999, la tomaison s'est répartie en 2 volumes, avec parfois un 3e volume de supplément. À partir de l'édition de 2002, l'œuvre est publiée en un volume unique, « rendue plus accessible par son format de poche et son prix modique »[2].

Les premières éditions sont publiées aux éditions Alcan, puis passent aux Presses Universitaires de France pour la 5e édition. Enfin, la collection « Quadrige » aux PUF réédite en fac-similé le dictionnaire.

Les éditions faites dans la collection « Quadrige » reproduisent en fac-similé la 16e édition, et reproduisent les avant-propos à la 1re, 2e, 5e, 8e, et 10e éditions. En effet, le philosophe Jacques Follon montre que l'édition de 1991 dans la collection « Quadrige » « n'est que la réimpression de la seizième et dernière édition (1988) en volume relié, laquelle ne différait elle-même de la 10e édition (1968) que par l'adjonction, dans le supplément, de deux articles de logique formelle («Complet» et «Consistant») dus à la plume du Prof. Poirier, ainsi que d'une notice complémentaire sur «Psychologie», rédigée par Mme P. Carrive. » [2].

Notes et références

  1. 1963 : Décès de Pierre-André Lalande, philosophe
  2. Jacques Follon, « André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie », dans Revue philosophique de Louvain, 4e série, t. 91, no 91, 1993. p. 512-513. [lire en ligne]
  3. Fonds de la Société française de philosophie sur le site du Répertoire de fonds pour l'histoire et la philosophie des sciences et des techniques
  4. Robert Maggiori, « Penser à tout. Quatrième et dernier volume de l'«Encyclopédie philosophique universelle»: un chantier d'un quart de siècle, deux mille collaborateurs, treize mille pages imprimées. La banque de données des savoirs », Libération, le 21 janvier 1999
  5. Dan Savatovsky, « Le Vocabulaire philosophique de Lalande (1902-1923) : lexicographie spécialisée ou prototerminographie ? », Langages, 2007/4 (n° 168), p. 39-52. DOI : 10.3917/lang.168.0039. [lire en ligne]
  6. André Lalande, « Le langage philosophique et l'unité de la philosophie », Revue de métaphysique et de morale, vol. 6, 1898, p. 566-588. [lire en ligne]
  7. [PDF] Marcel Côté et Gilles Paradis, « Les dictionnaires généraux de philosophie en langue française », Philosophiques, vol. 23, no 2, automne 1996, p.350.
  8. André Lalande, « Les récents dictionnaires de philosophie », Revue philosophique de la France et de l'étranger, vol. 28, n°LVI, 1903, p. 640-641. Lire en ligne sur Wikisource
  9. Méthodologie de travail reprise également dans l'avant-propos de la deuxième édition : Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 1932, 4e édition, p. ii.
  10. Sylvain Auroux, « Le Dictionnaire des notions philosophiques », dans Stanford French Review, vol. 14, no 3, 1990, p. 113.
  11. André Lalande, « Sur la critique et la fixation du langage philosophique », Bibliothèque du Congrès international de philosophie, Tome I, Paris, Armand Colin, 1900, p. 257-280. [lire en ligne]
  12. Stephan Soulié, Les philosophes en République. L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, Chapitre 3 : Le premier Congrès international de philosophie (1900) et la naissance de la Société française de philosophie (1901).
  13. René Poirier, avant-propos à la 10e édition (1968), 1997, p.viii
  14. ou 1005 p. selon des catalogues de bibliothèque.
  15. On trouve parfois le millésime 1938 dans des catalogues de bibliothèque, ce qui semble être erroné, ou alors seulement valable pour le volume des suppléments.

Voir aussi

Autres textes de référence de Lalande

  • André Lalande, « Le langage philosophique et l'unité de la philosophie », Revue de métaphysique et de morale, vol. 6, 1898, p. 566-588. [lire en ligne]
  • André Lalande, « Sur la critique et la fixation du langage philosophique », Bibliothèque du Congrès international de philosophie, Tome I, Paris, Armand Colin, 1900, p. 257-280. [lire en ligne]
  • André Lalande, « Les récents dictionnaires de philosophie », Revue philosophique de la France et de l'étranger, vol. 28, n°LVI, 1903, p. 628-648. Lire en ligne sur Wikisource

Bibliographie complémentaire

Articles connexes

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