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Vincent de Moro-Giafferri

Vincent de Moro-Giafferri, né le à Paris et mort le [1] au Mans, est un avocat[2] et un homme politique français.

Vincent de Moro-Giafferri
Illustration.
Vincent de Moro-Giafferri, en 1913.
Fonctions
Député de la Seine
–
Gouvernement IVe RĂ©publique
Groupe politique RRRS
Député de la Corse
–
Gouvernement IIIe RĂ©publique
Groupe politique PRS
Biographie
Date de naissance
Date de décès
RĂ©sidence Seine puis Corse

Vincent de Moro-Giafferri

Biographie

Origines familiales et formation

Xavier Étienne Eugène de Moro-Giafferri, issu d'une famille originaire du village corse de Brando, est le fils d'Ours (Orso) Joseph Giafferi (di u Moro, « du Maure Â»[3]), employĂ© des chemins de fer. NĂ© dans le quartier de Montmartre (18e arrondissement), il y reste avec ses tantes quand son père repart en Corse en 1883[4].

Il fait ses études secondaires au collège Rollin, puis dans un collège religieux de Senlis, enfin au lycée Louis-le-Grand puis étudie le droit à la Sorbonne. Il est alors proche des milieux bonapartistes.

Débuts de carrière

Il devient avocat au Barreau de Paris à l'âge de 20 ans (), puis pendant quatre ans pratique l'assistance judiciaire[2], étant élu septième Secrétaire de la Conférence du stage pour 1901-1902.

Il appelle Ă  la crĂ©ation de « la ligue pour la dĂ©fense des petits criminels, pour les voleurs Ă  la tire, les cambrioleurs plus ou moins invĂ©tĂ©rĂ©s, les assassins maladroits et solitaires... Â». Outre son talent oratoire et littĂ©raire, il se fait connaĂ®tre pour sa dĂ©fense des dĂ©shĂ©ritĂ©s.

En 1913, il participe au procès de la bande à Bonnot, défendant Eugène Dieudonné (1884-1944), qui est condamné à mort, puis gracié et envoyé au bagne.

Mobilisé comme auxiliaire, il se porte volontaire pour aller sur le front et participe en 1916 à la bataille de Verdun, puis aux opérations autour de Salonique ; il termine la guerre avec le grade de capitaine d'infanterie[2].

L'entre-deux-guerres

Moro-Giafferi devant son client, Henri Landru, en novembre 1921.

Les années 1920 : Il est élu député de la Corse pour le Parti républicain-socialiste en 1919 et président du Conseil général en 1920.

Peu après la guerre, il plaide de grandes affaires, notamment celle de Landru (1869-1922), celle de madame Bassarabo (dite Héra Mirtel), et il participe à celle de Joseph Caillaux (1863-1944), accusé de trahison pendant la guerre. En 1924, il fut appelé pour défendre Guillaume Seznec, en raison de la disparition du conseiller général Pierre Quémeneur survenue un an plus tôt, de laquelle on accuse Guillaume Seznec d'être l'auteur.

Réélu député cette même année, il est nommé sous-secrétaire d'État à l'Enseignement technique du au dans le Gouvernement Édouard Herriot (1) (Cartel des Gauches). Il ne pourra pas assurer la défense de Guillaume Seznec, qui avait fait appel à ses services, quelques mois plus tôt. Il proposa son plus proche collaborateur, Me Marcel Kahn, un jeune avocat qui n’avait jamais plaidé jusqu’alors devant une Cour d’assises.

Battu en 1928, il participe à la mise en place de l'Association juridique internationale, devenant membre du Comité d'honneur de cette association.

Les années 1930

Il est Ă©lu membre du Conseil de l'Ordre des avocats du Barreau de Paris (1930-1934),

En 1933, il envisage de participer à la défense du communiste bulgare Georgi Mikhailov Dimitrov, impliqué par les nazis dans l'incendie du Reichstag de février 1933. Mais il est récusé du fait qu'il ne connaît pas l'allemand. Il organise une sorte de procès parallèle à Londres, s'en prenant directement à Hermann Göring. Il préface alors le Livre brun sur l'incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne, publié aux Éditions du Carrefour en 1933.

Il obtient l'acquittement de l'Ă©pouse d'Alexandre Stavisky.

Avec le soutien de plusieurs organisations, dont la LICA de Bernard Lecache, Moro-Giafferi est le principal avocat d'Herschel Grynszpan, qui, le , a abattu Ernst vom Rath, conseiller de l'ambassade d'Allemagne.

Il est aussi l'avocat du tueur en série allemand Eugène Weidmann (1908-1939), arrêté en et jugé en , le dernier condamné à mort exécuté en place publique en France.

La Seconde Guerre mondiale

L'affaire Grynszpan (1939-1942)

Le procès, prévu en , est ajourné du fait de la déclaration de guerre, étant donné que (selon les autorités judiciaires), la partie civile étant allemande, la justice ne pourrait pas être rendue en toute sérénité.

En , se sentant menacé par l'arrivée de l'armée allemande à Paris[5], Moro-Giafferi se réfugie dans le sud de la France (en zone non occupée), puis en Corse, libérée dès 1943.

Grynszpan, n'ayant pas pu obtenir d'élargissement, est livré aux Allemands en . Il mourra dans des conditions mal précisées au cours de la guerre, probablement à Sachsenhausen.

En 1942, paraĂ®t le livre L'Affaire Grynspan[6] (sic), Ă©crit par le juriste nazi Friedrich Grimm sous le pseudonyme de « Pierre Dumoulin Â», dans lequel Moro-Giafferi est frĂ©quemment citĂ©, de façon dĂ©favorable, aux cĂ´tĂ©s de Bernard Lecache et d'autres personnalitĂ©s (Campinchi, Herriot, Blum, etc.).

La guerre et l'après-guerre

Pendant l'Occupation il réside en Corse pour ne pas être déporté en Allemagne.

Il est député de la Seine sous la Quatrième République pour le Rassemblement des gauches républicaines, de 1946 à 1956.

Hommages

La place de Moro-Giafferi dans le 14e arrondissement de Paris prend son nom en 1971.

Au Palais de Justice de Paris, une plaque a été apposée en son honneur.

En littérature

Dans son iconoclaste roman de science (et de politique)-fiction La Guerre des Salamandres (1936) , l'écrivain tchèque anti-nazi Karel Capek imagine un peuple d'animaux marins (les salamandres), réduits par l'homme à l'état de sous-prolétaires corvéables à merci, qui se révoltent et finissent par s'armer et détruire méthodiquement les côtes des pays civilisés.

Ă€ la fin du livre les salamandres imposent un traitĂ© de paix lĂ©onin Ă  l'humanitĂ© aux abois : la nĂ©gociation se fait par l'intermĂ©diaire d'un avocat international très lancĂ©, nommĂ© Julien Rosso-Castelli, allusion transparente Ă  Moro-Giafferi, cĂ©lèbre internationalement dans les annĂ©es 1930 pour la mĂ©diatisation d'un « contre-procès Â» de l'Incendie du Reichstag visant Ă  dĂ©noncer la manipulation politique menĂ©e par Hermann Göring.


Dans  "Le Palais et ses gens de justice" (Arthème Fayard, 1919), RenĂ© BENJAMIN offre le saisissant portrait de Moro-Giafferi, malicieusement pseudonymĂ© Piero-Piafferi. Qu'il s'agisse des audiences civiles ou qu'il s'agisse des audiences correctionnelles, Piero-Piafferi y est montrĂ© intervenant de manière intempestive, sans respect aucun pour ses Confrères : il dĂ©boule, gesticule, Ă©ructe, exige ici une remise (renvoi Ă  une audience ultĂ©rieure), lĂ  de plaider Ă  l'instant mĂŞme, car il se trouve dans l'impossibilitĂ© absolue de faire autrement. Et tous, avocats et magistrats, de s'incliner  : son arrogance exaspère, mais elle fait loi !

C'est toutefois dans la troisième partie de son ouvrage, consacrée à la cour d'assises, que BENJAMIN donne le mieux à voir Piero-Piafferi (pp. 268 à 290) usant d'une technique d'audience aucunement obsolète :

"Dix-neuf fois il a plaidé [au cours de l'audience, en multipliant incidents, interpellations et autres interventions au cours desquels il a pu, sans aucune retenue, s'imposer à des magistrats n'en pouvant mais], et il va replaider une vingtième, pendant trois heures, sans une redite, mais n'évitant aucun excès, ne redoutant aucun ridicule, riche de dons théâtraux inouïs pour l'oeil comme pour l'oreille, et débordant, enfin, d'un talent prestigieux qui symbolise, hélas, l'éternelle singerie de l'avocat aux Assises (p. 284)... Il est tout de même étonnant dans l'art de la tirade, de l'effet de tréteau ! Minute par minute, il raccroche l'attention, jette un mot, étonne par un silence, tient en arrêt par une grimace, enlève sa salle d'un geste ; et de même qu'au théâtre, pendant que se déroule la pièce, le public suit ou perd pied, s'oublie, s'énerve, se donne, proteste (p. 288)".

Et alors que la cour vient de rendre un arrêt d'acquittement du mari meurtrier de son ex-épouse, un journaliste de faire observer à une dame du public, qui trouve "épatant" le ténor : "... Regardez encore... Le pas léger, hein !... sa serviette ne lui pèse pas... Il sent bien qu'à la prochaine grosse affaire il pourra prendre vingt mille par mois... C'est cela, Madame, le grand résultat de la journée..." (pp. 289-290).

Notes et références

  1. France. Assemblée nationale (1946-1958). Auteur du texte, « Feuilleton / Assemblée nationale Moro-Giafferri », sur Gallica (consulté le ).
  2. Assemblée nationale 1.
  3. Assemblée nationale 2
  4. Assemblée nationale 2.
  5. Le SIPO-SD (communĂ©ment dĂ©signĂ© comme « la Gestapo Â») a, de façon illĂ©gale par rapport aux accords d'armistice, une antenne Ă  Paris dès juin 1940, mais seulement pour des activitĂ©s de renseignement ; le pouvoir d'arrĂŞter est, Ă  cette Ă©poque, rĂ©servĂ© Ă  la police militaire (Feldgendarmerie, GFP).
  6. Pierre Dumoulin (Friedrich Grimm), L'Affaire Grynspan, Paris, Jean-Renard éditeur, 1942. Le livre est fondé sur les documents relatifs à l'affaire saisis par les Allemands depuis 1940.

Voir aussi

Bibliographie

Notices
  • Biographie sur le site de l'AssemblĂ©e nationale (deux parties
    • 1) « Vincent de Moro-Giafferri », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960 (rĂ©fĂ©rence : AssemblĂ©e nationale 1)
    • 2) notice du dictionnaire des parlementaires (Documentation française) (rĂ©fĂ©rence : AssemblĂ©e nationale 2)
  • Article sur le site de l'Accademia Corsa
Livres
  • Dominique Lanzalavi, Vincent de Moro Giafferri, Ă©d. Albiana, 2011
  • Henri Rossi, D'enceintes judiciaires en arènes politiques C'Ă©tait le grand Moro ou l'Ă©loquence en marche, Ă©d. EGC, 1999

Liens externes

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