Accueil🇫🇷Chercher

Vin naturel

Un « vin naturel », ou vin nature, est un vin auquel aucun intrant n'est ajouté lors de sa vinification (fait parfois exception une faible dose de soufre)[1].

Vins naturels des CĂ©vennes

À l'heure actuelle il n'existe pas de législation ni de consensus autour de sa définition exacte. Cette dénomination n'est donc pas certifiée. Il est souvent issu de raisins cultivés selon des méthodes agroécologiques (viticulture biologique ou raisonnée) ou biodynamiques.

Histoire

Les grandes grèves des ouvriers viticoles de 1903 et 1904 tout comme la RĂ©volte des vignerons de 1907 dans le Languedoc exigeaient dĂ©jĂ  un « vin naturel », produit uniquement Ă  partir de jus de raisin et sans « fabrication artificielle »[2]. Ă€ Montpellier, le , 600 000 viticulteurs se sont retrouvĂ©s Ă  l'occasion d'un grand meeting dont l'un des mots d'ordre Ă©tait « Vive le vin naturel ! Â» Ces dernières rĂ©voltes ont abouti Ă  l'adoption de la loi du interdisant le mouillage du vin par ajout d'eau et l'abus de sucrage.

  • Le vin naturel triomphe du sucre, symbole de la fraude
    Le vin naturel triomphe du sucre, symbole de la fraude
  • Ce que nous voulons, nous l'aurons, plus de sucre dans le vin
    Ce que nous voulons, nous l'aurons, plus de sucre dans le vin

Cette vieille revendication du monde viticole a rejoint l'exigence des consommateurs pour une alimentation saine des années 1980 et le mouvement sociétal de retour à la nature pour donner naissance au concept actuel de « vin naturel »[3].

Principes

Objectif

La production d'un « vin naturel » vise à être l'expression naturelle d'un terroir, d'un cépage, d'un millésime, à rechercher un goût originel et « naturel » du vin, issu d'une vinification sans intrants et donc elle aussi naturelle.

Certains vignerons ont aussi par là la volonté de retourner à des pratiques œnologiques anciennes.

MĂ©thodes de production

Les méthodes présentées ci-dessous sont celles qui font l'union entre les différentes associations de producteurs de vins naturels, et ne constitue pas une liste d'obligations. En effet, la dénomination « vin naturel » n'est pas réglementée, et ne fait donc pas l'objet d'une certification sur un cahier des charges défini[4].

Viticulture

  • Vendanges manuelles
  • Pratique d'une viticulture souvent biologique, ou biodynamique, oĂą les vignes ne sont pas traitĂ©es avec des produits de synthèse, voire (de manière anecdotique) avec aucun traitement : les risques d'altĂ©ration des raisins dues aux maladies cryptogamiques de la vigne deviennent alors très importants.

Vinification

  • Fermentation par levures indigènes (prĂ©sentes naturellement, sur le raisin et dans la cave), pas de levures exogènes (LSA) nĂ©anmoins quelle que soit la levure utilisĂ©e le mĂ©tabolisme de celle-ci gĂ©nère une quantitĂ© plus ou moins importante de sulfites,
  • Limitation des manipulations et techniques brutales telles que pasteurisation Ă©clair ou thermo-vinification, utilisation prĂ©fĂ©rentielle de la gravitĂ©.
  • Pas d'intrants.

Le concept de « vin naturel » est cependant sujet à controverse. Les vignerons qualifiant leur propre production de « vin naturel » ont souvent des vues différentes sur d'autres vins naturels, la principale pierre d'achoppement étant la quantité d'intrants considérée comme acceptable.

Par exemple, des quantités minimales de soufre, de l'ordre de quelques mg/L de SO2, sont utilisées par certains vinificateurs, notamment avant la mise en bouteille. Cela remet en cause le concept même, voulant que les vins n'aient pas d'intrants.

Cela rend la dénomination de « vin naturel » non uniforme.

Nota : Il ne faut perdre de vue que la destination finale d'un grain de raisin est le vinaigre produit stable; seule l'intervention de l'homme permet d'Ă©viter cette destination.

Différences avec le vin biologique et le vin biodynamique

  • Le vin biologique est produit Ă  partir de raisins issus de l'agriculture biologique, et sa vinification doit rĂ©pondre Ă  un cahier des charges biologique. Cette dĂ©nomination existe depuis 2012, et est certifiĂ©e par des organismes indĂ©pendants. Des intrants peuvent ĂŞtre utilisĂ©s, mais ils doivent ĂŞtre eux-mĂŞmes prĂ©vus par la rĂ©glementation et/ou certifiĂ©s Agriculture Biologique. Le « vin naturel » respecte en gĂ©nĂ©ral les règles de la viticulture biologique, la diffĂ©rence avec le vin biologique se faisant surtout Ă  la vinification : un « vin naturel » doit provenir d'une « vinification naturelle », qui tend donc Ă  abolir tout intrant, en particulier le soufre.
  • Les vins certifiĂ©s en biodynamie (label Demeter ou Biodyvin), ainsi que ceux marquĂ©s du label « vin biologique » qui suivent le règlement CE 203/2012[5], ne se rĂ©clament jamais de la mention « vin naturel », celle-ci n'Ă©tant encore soumise en 2022 Ă  aucune certification de l'INAO[6]. La stricte dĂ©nomination « Vin mĂ©thode nature », son logo et son cahier des charges contraignant ne sont en 2022 qu'en observation et n'auront force rĂ©glementaire qu'au plus tĂ´t en 2023[7].

Conservation

Il est impératif de conserver le « vin naturel » à une température raisonnablement fraîche.

À la différence d'un vin contenant des sulfites, il va y avoir une activité de micro-organismes lorsque sa température augmente (une fermentation peut reprendre s'il reste des sucres, une déviation ou une maladie du vin, etc). Une conservation à température trop fraîche favorise la dissolution de l'oxygène dans le vin et donc les phénomènes d'oxydation.

La température maximale de conservation est l'objet d'opinions divergentes qui vont de 12 °C à 15 °C.

Caractéristiques organoleptiques

Les vins naturels peuvent laisser apparaître des arômes qui auraient pu être masqués par l'utilisation d'intrants œnologiques. La présence d'arômes néfastes dans le vin résulte de l'utilisation d'une portion de raisins impropres lors la vinification du vin[8]. L'utilisation d'intrants tels que le SO2 ou des procédés mécaniques tels que filtrations, collages peuvent corriger ces anomalies gustatives ainsi que certains caractères gustatifs propres aux raisins et au terroir.

Le meilleur moyen de limiter l'apparition de défauts visuels ou gustatifs dans les vins est l'utilisation de raisins sains et mûrs pour les vinifications.

Les vins naturels prĂ©sentent plus souvent des dĂ©fauts organoleptiques[9], les plus courants sont :

  • la prĂ©sence de Brettanomyces avec des arĂ´mes d'Ă©curie dus aux 4-ÉthylphĂ©nols, de clou de girofle dus aux 4-ÉthylgaĂŻacols, de camphre dus aux 4-ÉthylcatĂ©chols,
  • l'oxydation des vins avec des arĂ´mes de pomme blette, d'aigreur,
  • les arĂ´mes rances dus Ă  une activitĂ© non contrĂ´lĂ©e des bactĂ©ries lactiques,
  • maladie de la graisse qui donne au vin un Ă©coulement filant semblable Ă  de l'huile,
  • tout dĂ©faut issu d'une absence de contrĂ´le des populations de micro-organismes qui conduit gĂ©nĂ©ralement Ă  une augmentation très significative de l'aciditĂ© volatile rendant le vin impropre Ă  la consommation (le seuil maximal est règlementĂ© en gĂ©nĂ©ral Ă  0,98 g/L pour les vins rouges et 0,88 g/L pour les vins blancs et rosĂ©s).

Les déviations organoleptiques peuvent amener à une standardisation des vins, ces derniers ayant tous les mêmes arômes provenant du défaut en question. Cela peut amener le consommateur à penser que le « vin naturel » a une signature aromatique. L'idée de standardisation du vin va souvent à l'encontre des volontés des producteurs de « vin naturel », ce qui peut être contradictoire.

La disparité entre les bouteilles d'un même vin est plus importante, du fait de la variabilité non contrôlée de l'action des micro-organismes. Une bouteille peut donc être organoleptiquement différente d'une autre dans un même lot[10].

La notion de conservation d'un vin et l'utilisation d'un conservateur tel que le SO2 ne sont pas directement corrélés. Par contre la durée de conservation d'un vin est directement liée à la qualité des raisins utilisés pour l'élaboration de ce dernier[8]. Les vins naturels n'ayant pas de soufre ajouté réagissent plus fortement au contact de l'air (le SO2 étant un anti-oxydant). Il peut être préférable d'ouvrir une bouteille une heure ou deux avant la dégustation, ce qui permet au vin de s'ouvrir en s'oxygénant[11] - [12].

LĂ©gislation

En France

Le « vin naturel » ne possède ni certification officielle ni cadre réglementaire. Une étude de l'institut national de l'origine et de la qualité (Inao), avec l’aide de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a pourtant été menée entre 2015 et 2018[13]. Il était proposé la reconnaissance d’une mention réglementée « nature » ou « naturel » suivant globalement la charte de l'Association des vins naturels (AVN)[14]. Ces termes ont cependant été jugés trop exclusifs, ce suspendant les discussions sur le sujet[15].

Face à cette situation, un groupement de vignerons et de professionnels du vin a créé le syndicat de défense des vins naturels fin 2019. Ils adoptent une charte dont l'adhésion est reconnue par le label « Vin méthode nature ». Cette charte est validée en par la DGCCRF après des ajustements mineurs. « Vin méthode nature » est une marque privée, mais l'objectif du syndicat reste une intégration du cahier des charges à la réglementation[16] - [17]. Au 1er mai 2020, l'association revendique 251 adhérents dont 84 vignerons pour 178 cuvées du millésime 2019 engagées dans l'obtention du label[18].

Production

La proportion de vin nature dans la production est croissante, mais reste très faible. Elle est confidentielle à la fin du XXe siècle, marginale au début du XXIe siècle, et en augmentation depuis les années 2010, entre 1 % et 2 % du vignoble pour la France, soit environ 500 producteurs en 2017[19], et moins de 2 % en Italie[20].

La quantification reste difficile du fait de l'absence de label officiel regroupant les producteurs, chacun pouvant se définir ou non comme producteur de « vin naturel ».

Commercialisation

La commercialisation se fait principalement auprès d'un public averti, à la recherche de ce type de produit particulier. Il existe des bars à vin, des cavistes, des salons des vins et des sites de vente en ligne, tous spécialisés dans le marché des vins naturels.

Annexes

Bibliographie

  • Laetitia Laure et HervĂ© Guillaume, Vignerons "nature" de la Loire (ISBN 9782912548467).
  • Christelle Pineau, La corne de vache et le microscope. Le vin nature entre sciences, croyances et radicalitĂ©s, Paris, 2019, La DĂ©couverte, 248 p.
  • Dominique Lacout,Guide de l'amateur de vins naturels - Vignerons et adresses parisiennes, Jean-Paul Rocher Ă©diteur (ISBN 2-911361-55-5).
  • Dominique Lacout,Guide de l'amateur de vins naturels - Vignerons, cavistes, bars-Ă -vins, restaurants en France, Jean-Paul Rocher Ă©diteur (ISBN 2-911361-68-7).
  • Étienne Davodeau, Les Ignorants, Paris : Futuropolis, 2011, 276 p. (Bande dessinĂ©e).
  • Jules Chauvet, Le Vin en question - Entretien avec Hans Ulrich Kesselring, Jean-Paul Rocher Ă©diteur (ISBN 2-911361-08-3).
  • JĂ©rĂ´me van der Putt,Vin bio, mode d'emploi, du vin bio au vin naturel, Jean-Paul Rocher Ă©diteur (ISBN 978-2-917411-16-2).
  • François Morel, Le Vin au naturel, Ă©ditions Sang de la Terre (ISBN 978-2869851900).
  • SĂ©bastien Lapaque, Le petit Lapaque des vins de copains, Ă©ditions Actes Sud, 1996 & 1999 (ISBN 978-2742760244).
  • SĂ©bastien Lapaque, Chez Marcel Lapierre, Stock, collection Écrivins, 2004 (ISBN 2234056748) ; rĂ©Ă©dition en poche, La Table Ronde, collection La petite vermillon, 2010.
  • Jean-Claude Ribaut, « Les Militants des vins naturels », Le Monde, Paris,‎ , p. 26 (ISSN 0395-2037).
  • Jean-Pascal Revol, « Le Vin naturel, cet objet vinicole non identifiĂ© », L'Ĺ’il de la brousse !, Montpellier, vol. 4,‎ (ISSN 1961-9324).
  • Anonyme, « Les Vins naturels », Charcuterie & Gastronomie, le magazine des charcutiers-traiteurs, Paris, SEPA, no 331,‎ , p. 28-29 (ISSN 0222-0377).
  • Antonin Iommi-Amunategui, Manifeste pour le vin naturel, Ă©ditions de l'Épure, 2015 (ISBN 978-2-35255-219-2).
  • SĂ©bastien Barrier, Savoir enfin qui nous buvons, Actes Sud Théâtre, 2016 (ISBN 978-2-330-05741-1)[N 1] - [21].
  • Antonin Iommi-Amunategui, Manuel pour s'initier au vin naturel, Ă©ditions de l'Épure, 2017.
  • Éric Morain, Plaidoyer pour le vin naturel, Ă©ditions Nouriturfu, 2019.
  • (es) Joan GĂłmez PallarĂ©s, Vinos naturales en España : Placer autĂ©ntico y agricultura sostenible en la copa, Barcelone, RBA Libros, , 224 p. (ISBN 978-84-15541-92-9, lire en ligne [PDF]).

Au cinéma

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes
  1. Ce livre est tiré d'un spectacle du même nom.
Références
  1. « Qu'est-ce que le vin naturel ? », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  2. Alain Raynal, Les Vendanges de la colère, Au diable vauvert, 2006, p. 56.
  3. Alain Raynal, Les Vendanges de la colère, Au diable vauvert, 2006, p. 67.
  4. « Notre définition du vin naturel », sur A la rencontre des vins naturels (consulté le ).
  5. « Règlement d’exécution (UE) n° 203/2012 de la Commission du 8 mars 2012, en ce qui concerne les vins biologiques. », sur eur-lex.europa.eu (consulté le )
  6. Alexandre Abellan, « Où en est la réflexion sur la réglementation des vins nature ? », sur vitisphere.com (consulté le )
  7. « LA DENOMINATION « VIN METHODE NATURE » OFFICIELLEMENT RECONNUE », sur avity-avocats.fr (consulté le )
  8. Léglise, Max., Les méthodes biologiques appliquées à la vinification et à l'oenologie. 2 Conservation, traitements, embouteillage, champagnisation artisanale, Le Courrier du Livre, (ISBN 2-7029-0321-5 et 9782702903216, OCLC 36549404, lire en ligne).
  9. « La fracture entre les "nature" et les "anti-nature" », sur La Revue du vin de France (consulté le ).
  10. « Les vins dits « nature Â» cherchent Ă  exister », SudOuest.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  11. Jules (1807-1872) Guyot, Culture de la vigne et vinification (2e Ă©dition) : par le Dr Jules Guyot, Librairie agricole de la Maison rustique, (lire en ligne).
  12. Compte rendu de l'exposition des produits vinicoles du département de Maine et Loire : 1849-1850. précédé de quelques généralités sur la viticulture et l'oenologie de l'Anjou : travaux du comice horticole de Maine-et-Loire, société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, Cosnier et Lachèse, (lire en ligne).
  13. INAO, « ÉlĂ©ments d'expertise sur le concept des vins dits « nature Â» ou « naturel Â» ou de « vinification naturelle Â» et ses conditions d'Ă©tiquetage », Blabla Vins,‎ (lire en ligne [PDF]).
  14. Association des vins naturels, « Cahier des charges d’un vin AVN », sur avn.vin, (consulté le ).
  15. « L’INAO met les vins naturels sous le tapis », sur La Revue du vin de France (consulté le ).
  16. « La dénomination "Vin méthode nature" est née », sur Terre de Vins, (consulté le ).
  17. « "Vin méthode nature" en phase de reconnaissance administrative », sur Vitisphere.com (consulté le ).
  18. Syndicat de défense des vins naturels, « Publication du 7 mai 2020 », sur www.facebook.com, (consulté le ).
  19. « Le vin naturel séduit de plus en plus », UP le mag,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. « Le vin nature sera-t-il la grande tendance 2018? », RTBF Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. « Sébastien Barrier, ce clown qui pousse le bouchon un peu loin », Télérama.fr,‎ le 15/01/2015. mis à jour le 27/02/2017 (lire en ligne, consulté le ).
  22. François Gorin, « Mondovino », sur telerama.fr (consulté le ).
  23. Fiche du film sur Allociné.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.