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Viaduc de Souzain

Le viaduc de Souzain a été conçu en 1903 par Louis Harel de La Noë pour les Chemins de Fer des Côtes-du-Nord. Détruit le du fait de sa vétusté, il était situé entre les villes de Saint-Brieuc et de Plérin.

Viaduc de Souzain
Le viaduc au dĂ©but du XXe siècle
Le viaduc au début du XXe siècle
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Bretagne
DĂ©partement CĂ´tes-d'Armor
Commune Saint-Brieuc - Plérin
CoordonnĂ©es gĂ©ographiques 48° 31′ 22″ N, 2° 45′ 42″ O
Fonction
Franchit Le Gouët
Fonction Ferroviaire et route
Itinéraire - Saint-Brieuc – Le Légué
- Saint-Brieuc – Plouha
Caractéristiques techniques
Type Viaduc à voûtes
Longueur 259 m
Largeur 10,80 m
Hauteur 32,60 m
Matériau(x) Briques, pierres et ciment
Construction
Construction 1904 Ă  1905
Inauguration 1905
Mise en service
DĂ©molition
Architecte(s) Louis Harel de La Noë
Ingénieur(s) Louis Harel de La Noë
Gestion
Concessionnaire Chemins de Fer des CĂ´tes-du-Nord
GĂ©olocalisation sur la carte : Saint-Brieuc
(Voir situation sur carte : Saint-Brieuc)
Viaduc de Souzain
GĂ©olocalisation sur la carte : Bretagne
(Voir situation sur carte : Bretagne)
Viaduc de Souzain
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Viaduc de Souzain

Description

Vue de face
Vue de trois quarts.

Ce viaduc construit entre 1903 et 1905 sous la direction d'Harel de La NoĂ« Ă©tait principalement un ouvrage en maçonnerie. Il comportait 3 ouvrages diffĂ©rents :

  • Un ouvrage d’accès de 9 travĂ©es droites continues en bĂ©ton armĂ© de 5,10 m entre axes rive gauche (cĂ´tĂ© PlĂ©rin).
  • Un viaduc principal de 210 m de longueur comportant 23 arches surbaissĂ©es en maçonnerie de 9,00 m d’entre axe et rehaussĂ© par des pilettes en bĂ©ton armĂ© de 15 m de haut.
  • Un ouvrage secondaire qui se dĂ©tache de l’ouvrage principal et support de la ligne du Phare, d’une longueur de 47 m pour 8 arches maçonnĂ©es courbes.

Ses principales caractéristiques sont :

  • longueur totale : 259 m
  • hauteur : 32,60 m
  • largeur : 10,80 m

Historique

Contexte et origine du projet

En 1900, les CĂ´tes-du-Nord est un dĂ©partement Ă  prĂ©dominance agricole. Sa dĂ©mographie accuse une perte de 50 000 habitants en cinquante ans ce qui la porte Ă  600 000 habitants au dĂ©but du siècle. Les moyens de transport terrestre sont peu nombreux et les dĂ©placements rares. Le conseil gĂ©nĂ©ral dĂ©cide alors de dĂ©velopper la construction de voies de chemin de fer afin de dynamiser l’économie du dĂ©partement.

Le premier train venant de Paris à Saint-Brieuc, préfecture des Côtes-du-Nord, arrive le sur une ligne appartenant à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest. D’autres lignes seront construites par la suite, notamment Saint-Brieuc - Quintin - Pontivy entre 1871 et 1872, Saint-Brieuc Port du Légué en 1887.

Le , la construction d’un nouveau réseau de chemin de fer d’intérêt local à voie métrique est déclarée d’intérêt public.

Le viaduc vu depuis la Rampe de Rohanec'h où circule une rame des Chemins de fer des Côtes-du-Nord, au début du XXe siècle.

Le conseil gĂ©nĂ©ral confie l’étude des lignes au service des ponts et chaussĂ©es sous la direction de M. Montaron. Les Ă©tudes sont dĂ©licates et le conseil gĂ©nĂ©ral s’impatiente. Le il dĂ©cide de faire appel Ă  l'ingĂ©nieur conseil Louis Harel de la NoĂ«. Celui-ci rend son rapport le , son Ă©tude prĂ©cise que le coĂ»t des travaux est ramenĂ© de 67 000 Ă  45 000 francs du kilomètre. Son projet est adoptĂ© par le conseil gĂ©nĂ©ral. Pour faire baisser le prix, il ne va pas hĂ©siter Ă  innover dans la conception de ses ouvrages d’art et Ă  employer des techniques et des matĂ©riaux encore peu connus Ă  l’époque, il dĂ©clarait le au conseil gĂ©nĂ©ral : « Ma tranquillitĂ© voudrait que je me contente de chausser tout simplement les vieilles bottes des ingĂ©nieurs qui suivent les anciennes mĂ©thodes. »[1] Le premier rĂ©seau comporte 10 nouvelles lignes dont les lignes Saint-Brieuc – Plouha et Saint-Brieuc – Le LĂ©guĂ© (PlĂ©rin) dite ligne du Phare. Ces deux lignes seront supportĂ©es Ă  la sortie de Saint-Brieuc par un ouvrage d’art de 259 m de long, d’une hauteur maximum de 32,60 m et d’une largeur entre garde corps de 10,80 m pour enjamber la vallĂ©e du GouĂ«t : le viaduc de Souzain.

La construction et ses techniques

Outre Souzain, de nombreux autres viaducs sont mis en construction pour le premier rĂ©seau. PlutĂ´t que de faire appel a des entreprises privĂ©es, le Conseil GĂ©nĂ©ral dĂ©cide de les construire en rĂ©gie. Ce ne sont pas moins de 120 agents qui sont employĂ©s, rĂ©partis en Ă©quipes d’une vingtaine et dirigĂ©s par Harel de le NoĂ«. Ă€ partir de 1902, les ouvertures de chantiers se succèdent, Souzain dĂ©marrera au printemps 1903. Les ouvriers travaillent 10 h par jour (11 h Ă  partir de 1904), 6 jours sur 7.

La brigade topographique des Ponts et Chaussées implante l’ouvrage et réalise les nivellements. Pour les matériaux, les pierres sont extraites dans une carrière à proximité du chantier. Le ciment arrive de Dunkerque en bateau au port du Légué puis est acheminé par des transporteurs sur le chantier.

Au début de l’été 1903, les fondations sont commencées. Celles des piles sont de type superficiel, réalisées par un patin en béton armé. Elles reposent sur des éboulis schisteux sur le coteau rive gauche (Plérin), sur des graviers compacts dans la vallée du Gouët, et sur le rocher rive droite (Saint Brieuc). Les deux culées maçonnées sont bâties sur le roc, affleurant rive droite, il a fallu creuser côté rive gauche pour l’atteindre.

  • Plan du tablier et des voĂ»tes
    Plan du tablier et des voûtes
  • phase de construction des pilettes
    phase de construction des pilettes
  • phase de construction des sommiers
    phase de construction des sommiers

Le premier Ă©tage des piles est Ă©difiĂ© en maçonnerie et mesure 1,90 m de largeur par 8,80 m de longueur pour une hauteur d’environ 10 m. Les pierres extraites Ă  proximitĂ© sont grossièrement taillĂ©es et la section des piles en forme de I majuscule rĂ©duit le volume de matĂ©riaux, tout ceci permet de diviser par 4 voire par 5 le prix des ouvrages par rapport aux solutions traditionnelles. Pour Ă©viter la fissuration verticale et pour agrĂ©menter l’ouvrage, on rĂ©alise tous les m environ un chaĂ®nage en bĂ©ton armĂ© coffrĂ© en pĂ©riphĂ©rie par des briques rouges apparentes. Toutes les piles du premier Ă©tage sont reliĂ©es Ă  leur sommet par des anneaux de voutes surbaissĂ©s, participant au contreventement.

Élévation du viaduc rive droite

Un socle en bĂ©ton armĂ© est rĂ©alisĂ© au-dessus des piles du premier Ă©tage et vient accueillir pour chaque pile 8 pilettes de 60 Ă— 60 cm et de 9,55 m de hauteur. Elles sont rĂ©alisĂ©es en bĂ©ton armĂ© dosĂ© Ă  400 kg de ciment Portland par mètre cube, coffrĂ©es par des briques bicolores. Les armatures sont des fers ronds de diamètre 20 mm sans cadres ni Ă©triers. Des cornières mĂ©talliques en forme de Croix de saint AndrĂ© relient les pilettes entre elles et les contreventent (non visibles sur la photo). Ce mode constructif dĂ©jĂ  mis en Ĺ“uvre par Harel de la NoĂ« sur le viaduc de Toupin, apporte selon lui « la soliditĂ©, l’aspect, la rapiditĂ© d’exĂ©cution et l’économie. Ce sont en sommes des supports mixtes qui tiennent Ă  la fois des piles en maçonnerie par la nature de leur nervure qui sont en bĂ©ton armĂ©, et des piles mĂ©talliques par Ă©videment et le système de contreventement mĂ©tallique ». Mais Ă  la diffĂ©rence du viaduc de Toupin, Harel de la NoĂ« n’employa pas de rails de chemin de fer pour armer les pilettes de Souzain.

Les pilettes sont ensuite coiffĂ©es par un sommier Ă©galement en bĂ©ton armĂ©, servant d’appui aux arches. Les 23 arches maçonnĂ©es de 7,10 m d’ouverture reprennent le tablier par l’intermĂ©diaire de potelets et de voutains en brique. Le plancher du tablier est ensuite coulĂ© en place. Les trottoirs du viaduc sont en encorbellement dont le porte-Ă -faux est de 1,22 m, les entretoises du tablier formant corbeaux.

On dĂ©plora la mort d’un ouvrier durant la construction de ce viaduc en juillet 1904 Ă  la suite d’une chute d’échafaudage de plus de 24 mètres de hauteur.

Les travaux du viaduc s’achèvent fin 1904 après la pose du ballast et des rails. Les épreuves par poids mort et poids roulant commencent le et concluent à la solidité du pont.

Exploitation du viaduc


Le décrochement de la ligne du Phare
Fissures des pilettes et détail des chevêtres de 1955.

Le 20 juin 1905, le premier train reliant Saint-Brieuc Ă  Plouha et Guingamp emprunte le viaduc de Souzain.

En 1934, des travaux d’élargissement de 3m du tablier sont rĂ©alisĂ©s sur 50 m pour permettre une meilleure circulation routière.

Le , l'autorail De Dion-Bouton OC1 no 16 déraille sur le viaduc de Souzain alors qu'il était en rodage à la suite de la révision d'après-guerre (les autorails n'avaient pas pu circuler pendant la Seconde Guerre mondiale du fait de la pénurie de carburant). Une défaillance des freins était à l'origine de ce déraillement. La vitesse de l'autorail a été évaluée à plus de 120 km/h[2].

Du 11 au 26 février 1955, des travaux de l’entreprise Coignet, dirigé par le service des Ponts et Chaussées, sur les pilettes ont lieu : suppression d’entretoises, réalisation de trois étages de chevêtres, réparation des fissures au cément-gun, mise en place d’un chariot de roulement.

Faute d’être rentable, la ligne ferroviaire est définitivement fermée le 31 décembre 1956. Le viaduc de Souzain devient exclusivement routier.

DĂ©terioration

Le pont est régulièrement inspecté du fait de la détérioration rapide des pilettes. Un rapport du service des Ponts et Chaussées montre que nombre de fissures augmente d’année en année : il est passé de 130 en 1976 à 300 en 1985. En effet Louis Harel de la Noë était un des pionniers du béton armé, les connaissances sur ce matériau n’étaient alors pas avancées comme aujourd’hui et deux innovations majeures vont lui faire défaut : la vibration du béton découverte en 1927, et la maîtrise de la granulométrie. Son béton trop poreux laisse l’humidité s’infiltrer, l’enrobage des aciers n’étant que de cm, ceux-ci se corrodent et font éclater les pilettes.

La vallée du Gouët, le viaduc de Souzain et le viaduc du Gouët en arrière-plan

Face Ă  cette menace, l’accès au viaduc sera restreint aux vĂ©hicules de moins de 2,30 m le 11 septembre 1991, puis sera fermĂ© Ă  la circulation le 21 dĂ©cembre 1992. Dès lors procĂ©dures sont engagĂ©es pour restaurer le viaduc et rĂ©tablir aux 8 500 usagers quotidiens du pont la liaison entre Saint-Brieuc et PlĂ©rin.

Le 15 dĂ©cembre 1992 est passĂ©e commande d’une Ă©tude de restauration du viaduc financĂ©e moitiĂ© par la DRAC , moitiĂ© par le DĂ©partement. Le coĂ»t de restauration du viaduc est de 60,2 MF. Le 24 novembre 1993, une nouvelle Ă©tude de restauration Ă©valuĂ©e Ă  53,6 MF, la dĂ©molition et la reconstruction d’un ouvrage neuf est elle estimĂ©es Ă  35 MF. Le viaduc fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [3].

Tentatives de restauration et destruction

Le , le conseil général vote la restauration du viaduc et l'État finance 50 % du surcoût de la restauration par rapport à une reconstruction. Les pilettes seront reconstruites en éléments de deux mètres de hauteur, avec des parements en briques rouges et jaune paille, pour conserver à l'identique l’aspect extérieur. Le Ministère de la Culture autorise parallèlement la démolition d'un élément de culée sur l'ouvrage secondaire pour la réalisation d'une liaison routière provisoire. Le , le conseil municipal de Plérin s'émeut de la remise en cause de la réhabilitation du pont de Souzain par le Conseil général. Il estime que la voie de dérivation ne peut être qu'un palliatif, compte tenu de sa pente. Il se confirme que, quelques semaines après le vote du ď, le conseil général ne souhaitait plus procéder aux travaux de restauration du viaduc.

Au cours du mois de , le chef du service des transports, des routes et du patrimoine (STRP) réunit ses proches collaborateurs. Il décrit dans la presse « ses constatations et le risque de fracture qui résulte de la dégradation accélérée des piles ». Évidemment, la vision des fissures importantes sur les piles crée un vent de panique, accréditant l'idée que le viaduc de Souzain est irréparable. Le président du conseil général et quelques élus se rendent également sur place. Une visite du préfet a ensuite lieu le . C'est à cette date que le viaduc est définitivement condamné.

De plus, la DDE écrit au préfet le : « L’état actuel de la pile no 8 fait redouter un accident grave à brève échéance. »[4]

Le , après lecture du rapport du chef du STRP par le maire de Plérin, le conseil municipal de Plérin demande la démolition du viaduc et sa reconstruction. La liaison routière provisoire passant sous le viaduc est fermée face au risque de sinistre, les riverains sont évacués dans les jours qui suivent.

Le , le président du conseil général demande au préfet l'autorisation pour procéder à la démolition du viaduc. Le prologue du Tour de France organisé début juillet à Saint-Brieuc cette année-là va précipiter les événements, la liaison routière étant indispensable à son bon déroulement.

Début de la démolition à la pelle mécanique avant l'arrivée des explosifs

Malgré l'avis défavorable du ministre de la Culture, qui est contre la destruction, le Premier ministre Alain Juppé autorise la destruction du viaduc le . Le pont est finalement dynamité le à 16 h.

Devant la volonté politique de mettre un terme à ce viaduc, François Loyer, directeur de recherche au CNRS prit sa défense : « Sa destruction serait un acte de barbarie culturelle […] Il s'agit en effet du plus ancien des ouvrages d'art construits en béton armé subsistant dans notre pays. »[5]

Le viaduc est radié de l'inscription au titre des monuments historiques par arrêté du [3].

Vestiges

Vestiges du viaduc dans le Parc de Boutdeville

Des piles du viaduc ont été préservées au moment de la démolition par Pierre Gorreguès de l'Association Harel de la Noë. Une est exposée près d'un rond-point de Langueux et la seconde dans le parc de Boutdeville face au musée de la Briqueterie de Saint-Ilan.

Bibliographie

Revues et journaux

  • Revue d'histoire du MusĂ©e du Petit Train des CĂ´tes-du-Nord, ACFCdN, nos 1-19
  • Brochures d'AMENO sur les ouvrages d'art d'Harel de la NoĂ«

Livres et brochures

  • Alain Cornu, Le Petit Train des CĂ´tes-du-Nord, CĂ©nomane, 1987 (ISBN 2-905596-22-8)
  • Laurent Goulhen, Le Petit Train de Saint-Brieuc au Phare du LĂ©guĂ©, ACFCdN, 1997 (ISBN 2-9511761-0-4)
  • Louis Jourdan & Jean-LoĂŻc Heurtier, 20 promenades autour des ponts du Petit-Train, ACFCdN, 1999 (ISBN 2-9511761-1-2)
  • Fabien Bonic, Les autorails De Dion-Bouton OC1, ACFCdN, 2012

DVD

  • Les grands ponts du Petit Train, RS production, 2005
  • La grande Ă©popĂ©e du Petit Train des CĂ´tes-du-Nord, ACFCdN, 2006
  • Harel de la NoĂ« - Le père des ouvrages d'art du chemin de fer des CĂ´tes-du-Nord, RS production, 2007

Notes et références

  1. Le viaduc de Souzain - Cahier AMENO n°6 27 juin 2005, p7
  2. Fabien Bonic, « Les autorails De Dion-Bouton OC1 », Revue d'histoire du Musée du Petit Train des Côtes-du-Nord, Hors-Série, juin 2012, p. 13-14
  3. Notice no PA00125341, base Mérimée, ministère français de la Culture
  4. Louis Harel de la Noë son œuvre pionnière en péril - AMENO.
  5. Ouest-France, 20 - .

Voir aussi

Liens externes

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