Veritas (déesse)
Dans la mythologie romaine, Veritas (latin classique : [ËweË.rÉȘ.tÌȘaËs], qui signifie vĂ©ritĂ©) est la dĂ©esse de la vĂ©ritĂ©.
Veritas | |
Statue de la vĂ©ritĂ© devant la Cour suprĂȘme du Canada | |
Caractéristiques | |
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Nom latin | Veritas |
Ăquivalent(s) par syncrĂ©tisme | Aletheia |
RĂ©gion de culte | Rome antique |
Famille | |
PĂšre | Saturne ou Jupiter |
Conjoint | pĂšre inconnu |
âą Enfant(s) | Virtus |
Symboles | |
Attribut(s) | miroir, habits blancs |
Dans la culture occidentale, le mot peut aussi servir de devise.
Famille
Veritas est une fille de Saturne (appelĂ© Cronos par les Grecs), le Titan du temps, considĂ©rĂ© comme tel peut-ĂȘtre d'abord par Plutarque), et la mĂšre de Virtus.
Elle est aussi parfois considérée comme la fille de Jupiter (appelée Zeus par les Grecs). Ainsi, Pindare écrit :
« Mais viens, Muse, toi et la fille de Zeus, VĂ©ritĂ© inoubliable : avec la main qui arrange les choses, garde de moi le blĂąme d'avoir menti, d'avoir fait du tort Ă mon ami. Approchant de loin, l'avenir est arrivĂ© et m'a fait honte de ma dette profonde. Pourtant, le paiement avec intĂ©rĂȘt a une maniĂšre de dissiper le reproche amer des hommes[1]. »
Veritas peut aussi parfois ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une crĂ©ation de PromĂ©thĂ©e[2].
Mythes
Création par Prométhée
Si Veritas est considĂ©rĂ©e le plus souvent comme la fille de Saturne ou Jupiter, d'autre versions existent faisant d'elle une crĂ©ation de PromĂ©thĂ©e. Le fabuliste PhĂšdre nous donne ainsi cette version d'Ăsope :
« PromĂ©thĂ©e, ce potier qui a façonnĂ© notre nouvelle gĂ©nĂ©ration, a dĂ©cidĂ© un jour de sculpter une statue de la VĂ©ritĂ©, utilisant tout son habiletĂ© pour qu'elle puisse rĂ©guler le comportement des gens. Alors qu'il travaillait, une convocation inattendue du puissant Jupiter l'appela. PromĂ©thĂ©e laissa Tromperie le rusĂ© en charge de son atelier (Tromperie Ă©tait rĂ©cemment devenu l'un des apprentis du dieu). AnimĂ© par l'ambition, Tromperie utilisa le temps dont il disposait pour façonner de ses doigts rusĂ©s une figure de la mĂȘme taille et de la mĂȘme apparence que la VĂ©ritĂ© avec des traits identiques. Quand il eut presque terminĂ© la piĂšce, ce qui Ă©tait vraiment remarquable, il manqua d'argile pour ses pieds. Le maĂźtre revint, alors Tromperie s'assit rapidement sur son siĂšge, tremblant de peur. PromĂ©thĂ©e Ă©tait Ă©tonnĂ© de la similitude des deux statues et voulait qu'il semble que tout le mĂ©rite soit dĂ» Ă sa propre habiletĂ©. Par consĂ©quent, il mit les deux statues dans le four et quand elles furent complĂštement cuites, il les insuffla de vie : la VĂ©ritĂ© sacrĂ©e marchait Ă pas mesurĂ©s, tandis que sa jumelle inachevĂ©e restait coincĂ©e dans son Ă©lan. Ce faux, ce produit de subterfuge, a ainsi acquis le nom de Mensonge, et je suis tout Ă fait d'accord avec ceux qui disent qu'elle n'a pas de pieds : de temps en temps quelque chose de faux peut dĂ©marrer avec succĂšs, mais avec le temps la VĂ©ritĂ© est sĂ»re pour l'emporter[3]. »
LĂ©gende moderne
La vĂ©ritĂ© est la protagoniste d'une lĂ©gende du XIXe siĂšcle[4]. Selon la lĂ©gende, la VĂ©ritĂ© rencontre Menzogna (Mensonge), la personnification du mensonge, qui commence Ă lui parler sincĂšrement, sans mentir. Peu de temps aprĂšs, les deux arrivent Ă un puits et Menzogna convainc Veritas de prendre un bain. Le Mensonge, cependant, en profite pour voler les vĂȘtements de la VĂ©ritĂ© et s'enfuir, se prĂ©sentant aux hommes comme la VĂ©ritĂ©. Veritas, Ă©tant sortie du puits pour rĂ©cupĂ©rer ses vĂȘtements, est regardĂ©e avec mĂ©pris par les hommes et est forcĂ©e de retourner au puits, oĂč elle se cachera. La morale de l'histoire est que la vĂ©ritĂ© nue est rejetĂ©e pour un beau mensonge[5].
Représentations
La figure de la VĂ©ritĂ© est prĂ©sente dans l'histoire de l'art surtout Ă un niveau allĂ©gorique. L'iconographie de cette dĂ©esse la reprĂ©sente Ă la fois comme une jeune vierge vĂȘtue de blanc et comme la "vĂ©ritĂ© nue" (nuda veritas), une jeune fille nue, souvent associĂ©e Ă des objets comme le miroir (qui symbolise le fait qu'il ne faut pas hĂ©siter Ă regarder Ă l'intĂ©rieur et Ă se connaĂźtre)[6] - [7] - [8].
Dans une représentation célÚbre par Cesare Ripa[9], Veritas tient un soleil dans une main et repose une jambe sur un globe, comme dans la sculpture présente dans le monument funéraire du pape Alexandre VII.
Par ailleurs, deux thÚmes présents dans l'histoire de l'art sont celui de la Vérité découverte par le Temps, repris par Gian Lorenzo Bernini, Bartolomeo Guidobono et Theodoor van Thulden[10], et celui du Temps qui sauve la Vérité du Mensonge, repris par François Lemoyne et Nicolas Poussin[11]
Lors des dĂ©bats sur la sĂ©paration entre l'Ăglise et l'Ătat et l'affaire Dreyfus, qui ont eu lieu dans la troisiĂšme RĂ©publique française de la fin du XIXe siĂšcle, l'iconographie de la VĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© beaucoup utilisĂ©e, comme dans le tableau La VĂ©ritĂ© sortant du puits d'Ădouard Debat-Ponsan et dans le tableau La vĂ©ritĂ© sortant du puits de Jean-LĂ©on GĂ©rĂŽme (dans ce dernier tableau cependant, au lieu du miroir, la dĂ©esse tient Ă la main un fouet avec lequel elle entend punir ceux qui l'ont forcĂ©e Ă rester dans le puits). Ăgalement de cette pĂ©riode est le tableau La VĂ©ritĂ© de Jules Joseph Lefebvre, qui montre une femme tenant un miroir d'oĂč jaillit une lueur lumineuse.
Vertu romaine
Veritas est aussi le nom donnĂ© Ă la vertu romaine de vĂ©racitĂ©, qui Ă©tait considĂ©rĂ©e comme l'une des principales vertus que tout bon Romain devrait possĂ©der. La dĂ©esse grecque de la vĂ©ritĂ© est Aletheia (grec ancien : áŒÎ»ÎźÎžÎ”Îčα). Le philosophe allemand Martin Heidegger soutient que la vĂ©ritĂ© reprĂ©sentĂ©e par Aletheia (qui signifie essentiellement "dĂ©voilement") est diffĂ©rente de celle reprĂ©sentĂ©e par Veritas, qui est liĂ©e Ă une comprĂ©hension romaine de la justesse et enfin Ă un sens nietzschĂ©en de la justice et Ă une volontĂ© de puissance[12].
Aphorisme
Un aphorisme célÚbre attribué à Démocrite dit que la déesse, insaisissable, se serait cachée au fond d'un puits sacré:
- « De la vérité nous ne savons rien, car la vérité est dans un puits. »[13]
Voir aussi
Pages connexes
- Aletheia
- Astéroïde (490) Veritas, nommé d'aprÚs la déesse.
Liens externes
- Page sur Aletheia ou Veritas sur Theoi.com
Notes et références
- Pindare Ode olympienne 10 .
- Samuel L. Macey, Patriarchs of Time: Dualism in Saturn-Cronus, Father Time, the Watchmaker God, and Father Christmas, University of Georgia Press, , 34â36 p. (ISBN 9780820337975, lire en ligne).
- Ăsope Fables 530 (d'aprĂšs PhĂšdre, Appendice 5):
- Marianna Archetti et Chiaretta Mannari, Burattinai e Galoppini: la gente dimentica, Lulu.com, 5 février 2020, (ISBN 978-0-244-25965-5)
- (en) Ahmed Amira, I Have Stories to Tell, Xlibris Corporation, (ISBN 978-1-7960-7986-9, lire en ligne)
- Mercatante, Anthony S. The Facts on File Encyclopedia of World Mythology and Legend. Facts on File, 1988, p. 654, (ISBN 0-8160-1049-8).
- Marina Warner, Monuments and Maidens: The Allegory of the Female Form, Berkeley, University of California Press, (ISBN 0520227336), p. 315
- Helena Goscilo, « The Mirror in Art: Vanitas, Veritas, and Vision », Studies in 20th & 21st Century Literature, vol. 34, no 2,â , p. 282â319 (DOI 10.4148/2334-4415.1733, lire en ligne, consultĂ© le )
- Vasselin Martine, Le corps dĂ©nudĂ© de la VĂ©ritĂ©, vol. 30, Rives mĂ©diterranĂ©ennes, , 77â91 p. (DOI 10.4000/rives.2363, lire en ligne)
- Allegorie du Temps dévoilant la Vérité, sur hermitagemuseum.org.
- Guillaume Horen, Le Temps protégeant la Vérité des attaques de l'Envie et de la Discorde (1641), sur Nicolas Poussin, peintre classique du XVIIe siÚcle
- Arleen B. Dallery, Charles E. Scott et P. Holley Roberts, Ethics and Danger: Essays on Heidegger and Continental Thought Issue 17 of Selected studies in phenomenology and existential philosophy, SUNY Press, (ISBN 9780791409831, lire en ligne), p. 72
- Diogenes Laertius, Lives of Eminent Philosophers, IX, 72. Perseus Project, Tufts University (lire en ligne).