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Verbal Behavior

Verbal Behavior ou Comportement verbal est le titre d'un livre de Burrhus Frederic Skinner. Il paraĂźt en 1957, et est une analyse thĂ©orique du comportement linguistique du point de vue scientifique de l'analyse du comportement ou behaviorisme. Le comportement linguistique, d'aprĂšs Skinner 1957, obĂ©it aux mĂȘmes rĂšgles que d'autres comportements. Il s'en distingue cependant par le fait qu'il n’est pas directement renforcĂ© par l'environnement physique, mais seulement indirectement par le comportement des autres personnes. Dans cette approche thĂ©orique, le langage est un comportement social. Il peut ĂȘtre renforcĂ© ou Ă©teint par les interlocuteurs comme tout autre comportement.

Le comportement verbal est mis en forme et conservé par un environnement verbal - par des personnes qui répondent au comportement de certaines maniÚres en raison des pratiques du groupe dont ils font partie. Ces pratiques et l'interaction qui en résulte, entre celui qui parle et celui qui écoute, génÚrent les phénomÚnes qui sont considérés ici sous la rubrique du comportement verbal. [1]p.226

Verbal Behavior
Image illustrative de l’article Verbal Behavior

Auteur Burrhus Frederic Skinner
Pays Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre Analyse théorique
Version originale
Langue Anglais
Date de parution 1957

L'originalité de l'approche et son efficacité thérapeutique vient de son approche fonctionnelle et non pas formelle du langage. La linguistique et la psycholinguistique s'intéressent à la structure du langage, son vocabulaire, sa grammaire et ses liens avec la structure du psychisme. Dans l'approche du comportement verbal au contraire, le langage est considéré comme un moyen d'obtenir ou d'éviter une conséquence à l'instar des autres comportements et également de modifier l'environnement. Les approches linguistiques et comportementales du langage sont en fin de compte complémentaires.

Le livre est considĂ©rĂ© comme un des travaux les plus importants du bĂ©haviorisme. Cependant, il n'y en a pas, pour l'instant, de traduction ni en allemand ni en français. On connaĂźt presque mieux que l'ouvrage sa critique faite en 1959 par le linguiste Noam Chomsky[2], que l’on considĂšre comme un des points de dĂ©part du cognitivisme, et qui introduisit en psychologie la rĂ©volution cognitiviste.

Si initialement l'ouvrage fut ignorĂ© par la communautĂ© scientifique, y compris bĂ©havioriste, cette position a progressivement changĂ© au cours des annĂ©es 1980 et 1990[3]. Depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980, il a Ă©tĂ© l'objet d'un regain d'intĂ©rĂȘt en particulier dans ses applications pratiques dans le cadre de l'ABA ou analyse appliquĂ©e du comportement. Les principes thĂ©oriques de l'ouvrage sont dĂ©sormais totalement intĂ©grĂ©s aux diffĂ©rents programmes de soins aux enfants prĂ©sentant des Troubles Envahissant du DĂ©veloppement (TED) et des syndromes autistiques afin de leur apprendre Ă  interagir avec leur environnement au moyen du langage et ainsi les socialiser. C'en est un volet fondamental dont les bĂ©nĂ©fices ont Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©s[4].

Un journal scientifique est consacré aux recherches dans ce domaine : "The analysis of Verbal behaviour"[5].

Résumé

Skinner à Harvard dans les années 1950

Skinner commence par dĂ©finir le comportement verbal, et explicite l'utilisation de l'appareillage conceptuel de l'analyse bĂ©haviouriste dans le domaine de la langue. Ainsi, il prĂ©sente et explicite les diverses formes d'opĂ©rants verbaux (les unitĂ©s du comportement verbal). La discrimination opĂ©rĂ©e dans le comportement verbal permet une gĂ©nĂ©ralisation des formes, en permettant l'Ă©laboration de formes nouvelles, plus complexes, de comportement verbal. Skinner souligne particuliĂšrement la motivation multicausale des actes de langage : un comportement verbal n'est que rarement dĂ©clenchĂ© par un seul des processus dĂ©crits par Skinner, et Ă©galement, les variables du comportement verbal peuvent contrĂŽler plusieurs sortes de comportement. Sous la dĂ©signation de comportement autoclitique, Skinner Ă©nonce comment le comportement linguistique mĂȘme du locuteur peut se contrĂŽler soi-mĂȘme. Enfin, Skinner dĂ©crit le contrĂŽle du comportement linguistique par le locuteur, c'est-Ă -dire comment le comportement linguistique est contrĂŽlĂ© par les autres types de comportements. Et Skinner considĂšre la pensĂ©e aussi comme un comportement.

Skinner conduit ici jusqu'au bout bien des sujets qu'il n'avait fait qu'effleurer dans Science and Human Behavior[6], traduit en Science et comportement humain[7]. Ce livre ne contient cependant aucune nouvelle loi sur le comportement, qui ne pourraient servir que dans le cadre linguistique. Les seuls concepts nouveaux introduits par Skinner sont les opĂ©rants verbaux (mande et tact, l'Ă©choĂŻque, les comportements textuel et intraverbal, ainsi que l’autoclitique). Du point de vue Ă©pistĂ©mologique, Verbal Behavior constitue une thĂ©orie Ă©conomique[8]. Skinner illustre ses hypothĂšses au cours du livre avec des centaines d'exemples.

La comprĂ©hension du contenu de Verbal Behavior n'est que difficilement possible sans connaissances fondamentales de l’analyse du comportement (bien que Skinner Ă©crive avec une grande clartĂ©). En particulier, il est vain d'essayer de comprendre Verbal Behavior avec les prĂ©supposĂ©s traditionnels du phĂ©nomĂšne du langage, parce que l'hypothĂšse bĂ©haviouriste est plutĂŽt contraire Ă  l'intuition. Le prĂ©sent article ne peut donc que donner une brĂšve introduction dans le thĂšme. Avant tout, l'explication par Skinner des comportements langagiers les plus complexes ne peut prĂ©tendre Ă  entrer dans un article encyclopĂ©dique.

Conditions préalables

Skinner[9] - [6] est un des fondateurs de l'Ă©cole bĂ©havioriste de l’analyse du comportement. Dans Verbal Behavior, il applique les connaissances acquises sur le comportement des animaux et des hommes au comportement langagier.

Le comportement est soumis, dans la perspective béhavioriste, au contrÎle par l'environnement, ou sous une autre formulation : le comportement est formé par l'environnement (passé et présent) de l'organisme. Une premiÚre distinction s'impose :

  • Le contrĂŽle par les stimulus : ce sont les influences de tous les Ă©vĂ©nements de l'entourage de l’organisme qui se sont produits dans le passĂ© du comportement, donc les conditions prĂ©alables au comportement (AntĂ©cĂ©dents)

et

  • le contrĂŽle de renforcement : ceci est l'influence des Ă©vĂ©nements de l'entourage Ă  la suite temporelle du comportement, c'est-Ă -dire les ConsĂ©quences du comportement

au moyen du modĂšle ABC oĂč B reprĂ©sente le comportement (Behavior), on peut expliquer la forme et la frĂ©quence du comportement :

A → B → C

On parle ici de contingence à trois termes du comportement. Pour simplifier, l'énoncé fondamental de ce modÚle peut se formuler ainsi : le comportement est déclenché par les conditions préalables (les stimulus ou Antécédents) et par les conséquences prévisibles (renforcement ou Conséquences).

Le concept de contrĂŽle donne prise au malentendu que l'organisme, du point de vue bĂ©havioriste, se comporte d'une certaine maniĂšre mĂ©caniquement et dirigĂ© de l’extĂ©rieur. Mais Skinner souligne l'activitĂ© de l'organisme : le comportement (conditionnĂ©) de l’organisme est un rĂ©sultat. Skinner exprime ceci dans son introduction :

« Men act upon the world, and change it, and are changed in turn by the consequences of their action.

Les hommes agissent sur le monde, le changent, et sont à leur tour changés par les conséquences de leurs actions.

(Skinner 1957, p. 1) »

DĂ©finition

  • Skinner dĂ©finit le comportement langagier comme un comportement qui n’agit pas directement sur l'environnement physique, mais seulement indirectement, par le comportement d'autres hommes (« Behavior which is effective only through the mediation of other persons »[10]. Quand quelqu'un a soif, il peut aller chercher un verre d'eau, ou dire Ă  une autre personne « Donne-moi de l'eau, s'il te plaĂźt. » Ce second comportement ne donne lieu Ă  un renforcement que si quelqu'un d'autre (un auditeur) fait quelque chose (apporte de l’eau). L'auditeur doit pour cela ĂȘtre entraĂźnĂ© (pas forcĂ©ment explicitement) Ă  renforcer le comportement verbal, et par suite appartenir Ă  la mĂȘme communautĂ© linguistique que l'Ă©nonciateur.

Un exemple montrera combien Skinner pousse loin sa définition : un pigeon qui a appris dans une expérience d'analyse comportementale à picoter un guichet quand apparaßt un disque vert, n'est pas directement renforcé par l'environnement physique, mais par un « auditeur », l'expérimentateur, qui a appris à renforcer le comportement du pigeon dans ce cas (en lui donnant p. ex. une boulette de nourriture). Le picotement du pigeon est donc dans ce sens un comportement langagier.

Il est parfois reprochĂ© Ă  la dĂ©finition de Skinner[11] qu'elle ne permet pas de distinguer le comportement langagier d'autres comportements sociaux. Pour cela, il faut des informations sur l'histoire de l’apprentissage d'une autre personne (l'auditeur), pour pouvoir appliquer la dĂ©finition. Une dĂ©finition claire du comportement langagier est cependant (selon Matthew Normand[12]) aussi impossible que celle du comportement agressif. L'Ă©noncĂ© central de Skinner exprime que le comportement langagier ne diffĂšre pas essentiellement des autres types de comportement. Si la dĂ©finition contient aussi quelques cas que l'on n'appellerait pas d'habitude langagiers, mais que le lecteur dĂ©signerait plutĂŽt comme un comportement social, ceci ne constitue pas un dĂ©faut.

Il dĂ©coule en outre de la dĂ©finition de Skinner que le comportement langagier n'est pas liĂ© Ă  une forme dĂ©finie (Ă  un support physique). La forme la plus courante de comportement langagier est la parole (comportement vocal), qui en tous cas a la plus faible influence sur l’environnement physique (ce n'est que rarement, souligne Skinner, que la parole amĂšne les murailles de JĂ©richo Ă  s'effondrer, ou le Soleil Ă  interrompre sa course[10]). En outre s'ajoutent les formes les plus diverses de langage Ă©crit et la langue des signes ; Ă©galement les langues oĂč le locuteur touche la peau de l’auditeur (langue de Lorm pour les sourds-muets-aveugles). Les formes audibles de comportement langagier peuvent aussi ĂȘtre les applaudissements au thĂ©Ăątre, ou les sonneries de clairon pour les militaires. L'opĂ©rateur du tĂ©lĂ©graphe se comporte aussi selon Skinner comme un locuteur en remuant sa main, comme celui qui pointe des mots sur un tableau – toujours en supposant que ce comportement va modifier celui d'une autre personne.

Avec cette dĂ©finition, Skinner se dĂ©marque de la dĂ©finition de la vue linguistique du problĂšme de la langue : les linguistes s'occupent plus rarement du comportement langagier (ou de l’action verbale) d'une personne isolĂ©e mais ils Ă©tudient en gĂ©nĂ©ral les langages (c'est-Ă -dire le comportement langagier abstrait de nombreuses personnes). De façon traditionnelle, il est aussi supposĂ© que le comportement langagier (comme bien d'autres comportements) ne peut ĂȘtre expliquĂ© qu'Ă  partir d'Ă©vĂ©nements internes Ă  l’organisme : la langue sert dans cette optique Ă  exprimer des « idĂ©es » (ou des signifiĂ©s ou de l'information). Par contre, Skinner voit dans la signification de ce qui est dit quelque chose qui se passe hors de l'organisme (dans les relations entre les Ă©vĂ©nements de l’environnement et le comportement). C'est pour cela que la vision d'un langage de Skinner a plus Ă©tĂ© comparĂ©e Ă  celle de Ludwig Wittgenstein[13](« La signification d'un mot est son usage dans la langue »)[14] - [15] - [16].

Bases

L'opérant verbal, unité du comportement verbal

Le comportement verbal apparaĂźt comme un ruisseau : pour l'Ă©tudier, il faut le dĂ©couper en unitĂ©s. Les unitĂ©s traditionnelle, mot, phrase, etc. pourraient s'offrir pour ce travail. Mais Skinner a besoin d'une unitĂ© que l'on peut identifier de façon univoque, et qui se tient en rapport fonctionnel (c.Ă .d. rĂ©gulĂ©) avec des variables dĂ©finies. L'analyste du comportement ne pose pas l'unitĂ© de comportement (l’opĂ©rant) qu'il Ă©tudie, mais Ă  la suite de son apparition comme fonction d'autres variables dĂ©finies (par exemple des variables d'environnement). Ceci peut signifier dans le cas d'opĂ©rants verbaux que cette unitĂ© peut ĂȘtre aussi bien un signe aussi minime qu'une intonation, ou un seul son, qu'une tournure de phrase complĂšte, ou une phrase entiĂšre (comme « ne fais pas demain ce qui tu peux faire aujourd'hui »). Il est toujours supposĂ© que l'opĂ©rant verbal dĂ©pend d'une autre variable, c'est-Ă -dire reste avec elle en relation fonctionnelle. Exemple : quand l'accentuation ou son omission fait que le comportement langagier est renforcĂ© ou attĂ©nuĂ©, alors l'accentuation est l'unitĂ© d'Ă©tude appropriĂ©e. Ceci contredit naturellement les habitudes linguistiques. Cependant cette dĂ©finition d’opĂ©rant verbal (chaque unitĂ© du comportement langagier est en relation fonctionnelle avec une autre variable) est une consĂ©quence de l’application des mĂ©thodes de l'analyse de comportement bĂ©havioriste au domaine du comportement langagier.

Les opĂ©rants verbaux ne sont pas Ă©quivalents avec les mots. Ils sont beaucoup plus le comportement individuel d'une certaine personne dans un certain contexte. Les mots par contre sont des Ă©lĂ©ments du systĂšme abstrait d'une langue. Contrairement Ă  beaucoup de linguistes, Skinner ne part pas de l'hypothĂšse qu'une dĂ©notation est associĂ©e Ă  chaque mot, mais que tout comportement langagier possĂšde ses propres conditions et consĂ©quences. Chaque opĂ©rant verbal doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le produit d'une situation donnĂ©e, dĂ©pendant des conditions dans l'environnement qui contrĂŽlent si et quand l'opĂ©rant est Ă©mis. La capacitĂ© d'un enfant de dire « gĂąteau » quand il voit un gĂąteau (Skinner range cette expression dans la catĂ©gorie du tact) est diffĂ©rente de la capacitĂ© de dire « gĂąteau » quand il a faim (classĂ©e par Skinner dans la catĂ©gorie de la mande. Ces opĂ©rants verbaux sont donc fonctionnellement indĂ©pendants (mĂȘme s'ils ont la mĂȘme forme). L'hypothĂšse de Skinner que les opĂ©rants verbaux peuvent ĂȘtre acquis avec des fonctionnalitĂ©s indĂ©pendantes a Ă©tĂ© depuis confirmĂ©e de nombreuses fois par l'expĂ©rience[17] - [18]. Également, les capacitĂ©s de parler et d'entendre (de comprendre) sont fonctionnellement indĂ©pendantes entre elles[19].

Un autre secteur de recherche est le rĂ©pertoire langagier. On dĂ©signe sous ce vocable l'ensemble des comportements potentiels du locuteur. Cependant, il est tout aussi insensĂ© de demander oĂč se situe un opĂ©rant verbal, quand il n'est jamais prononcĂ©, comme de demander oĂč se situe le rĂ©flexe du tendon rotulien, s'il n'est pas dĂ©clenchĂ©.

La probabilité d'apparition

Certains opĂ©rants verbaux apparaissent avec une plus grande probabilitĂ© que d'autres. La probabilitĂ© (au sens de la frĂ©quence d'occurrence) d'un opĂ©rant verbal dans une situation donnĂ©e est la grandeur la plus intĂ©ressante pour l'analyse du comportement langagier. On ne s'intĂ©resse pas Ă  la probabilitĂ©, au sens oĂč un certain mot serait dit n'importe quand (au sens oĂč on le trouve dans les listes de frĂ©quences de mots), mais leur probabilitĂ© d'apparition Ă  un instant donnĂ©, dans une situation donnĂ©e. On appelle ceci aussi la force de l’opĂ©rant.

Opérants verbaux

Dans le cadre du modÚle ABC, Skinner voit un comportement langagier (B pour behavior) comme déterminé par les conditions antécédentes (A) et les conséquences (C). Il identifie quatre antédédents pour le comportement langagier :

  • Un Ă©tat de manque, ou de stimulation aversive, ou une opĂ©ration Ă©tablissant dans un certain sens (selon Jack Michael[20]). Le concept d’opĂ©ration Ă©tablissante est Ă  prĂ©fĂ©rer Ă  celui aussi utilisĂ© par Skinner d'« Ă©tat motivationnel », car il ne suppose aucun rapport Ă  des Ă©tats internes de l’organisme comme cause du comportement, et en outre il a un spectre plus large.
  • DĂ©tails de l'environnement physique
  • Le comportement langagier d'autres personnes
  • Son propre comportement langagier

En face, on peut envisager deux classes de conséquences possibles :

  • Les consĂ©quences qui sont spĂ©cifique d'une opĂ©ration Ă©tablissante pour une certaine forme de manque ou d'Ă©tat de stimulation aversive, et ont une action directe (une action directe sur le locuteur).
  • Les consĂ©quences sociales (ou « Ă©ducatives ») (la rĂ©action de l'auditeur, p. ex. « C'est ça » ou « Oui », etc.)

Le comportement langagier est contrÎlé par une combinaison définie d'antécédents et de conséquences. Cette combinaison définit un opérant verbal. Skinner distingue entre l'opérant verbal pur et le contrÎle multiple.

La mande

Un opérant verbal qui a en général dans une communauté linguistique une conséquence donnée dans l'environnement du locuteur est nommé par Skinner par le mot artificiel mande. Il dérive ce mot de parents tels que demande ou commande.

  • Une mande est un opĂ©rant verbal qui n'est renforcĂ© que par une certaine consĂ©quence, et qui est donc sous le contrĂŽle fonctionnel des Ă©tats de motivation ou d'opĂ©rations Ă  effectuer.

Dans le modÚle ABC, la mande se décrit ainsi :

  • A : La condition prĂ©alable de la mande est une certaine opĂ©ration Ă  faire.
  • B : La mande
  • C : La consĂ©quence de la mande doit ĂȘtre spĂ©cifique.

Exemple :

Une personne dit au snack : « Une frites ketchup mayonnaise », et en reçoit une portion.

  • A : La personne a faim (Ă©tat de motivation) ou n'a pas pris de nourriture depuis longtemps (opĂ©ration Ă©tablissante).
  • B : « Une frites ketchup mayonnaise ».
  • C : La personne reçoit une portion de frites ketchup mayonnaise.

Le comportement langagier « Une frites ketchup mayonnaise » est dans ce cas une mande, puisqu'elle suppose une certaine opĂ©ration Ă©tablissante, et n'est renforcĂ©e que par une certaine consĂ©quence. Le comportement « Une frites ketchup mayonnaise » ne surviendra plus souvent que dans des situations semblables (notamment, p. ex. au mĂȘme snack), s'il est renforcĂ© par une consĂ©quence dĂ©finie (les frites ketchup mayonnaise) mais pas si une autre consĂ©quence survient, p. ex. si la personne ne reçoit pas de frites ketchup mayonnaise.

Une mande « dĂ©crit » le renforcement souhaitĂ© : « Écoute ! », « ArrĂȘte ! », « Dis : oui ! », etc. dĂ©crivent le comportement souhaitĂ© de l’auditeur. « Encore de la soupe ! » ou « Du sel ! » dĂ©crivent le renforcement en tant que tel.

Le tact

Le comportement langagier du locuteur et celui des autres est un des dĂ©clencheurs les plus efficaces pour le comportement langagier. Skinner dĂ©crit ces cas comme des opĂ©rants Ă©choĂŻque, textuel, et intraverbal. Deux espĂšces de stimulus sont d'habitude non verbaux : la (prĂ©sence de) l’auditoire et l'ensemble de environnement physique.

Skinner utilise pour le cas oĂč l'environnement physique est le stimulus dĂ©clenchant pour un comportement langagier le concept de tact, dĂ©rivĂ© du contact dans lequel l'individu entre avec l'environnement physique.

Un tact est défini comme un opérant verbal par lequel le locuteur fait surgir ou au moins renforce une réponse comportementale donnée d'une forme donnée par un objet donné, un signe d'un objet, ou un événement dans son environnement.

Dans le modĂšle ABC, le tact peut ĂȘtre dĂ©crit ainsi :

  • A : La condition antĂ©cĂ©dente est la prĂ©sence d'un stimulus donnĂ© (d'un objet, p. ex.) L'Ă©tat de l’organisme ou les opĂ©rations Ă©tablissantes ne sont pas pertinents dans ce cas.
  • B : Le tact.
  • C : La consĂ©quence est un renforcement non spĂ©cifique, social, du tact. Tandis que la mande « Une frites ketchup mayonnaise » n'est renforcĂ©e que par une consĂ©quence tout Ă  fait spĂ©cifique, un tact sera soutenu par des renforcements gĂ©nĂ©ralisĂ©s.

Exemple :

Un enfant voit une poupée et dit « Poupée ».

  • A : PrĂ©sence de la poupĂ©e
  • B : « PoupĂ©e »
  • C : La mĂšre fĂ©licite l'enfant (ou lui sourit, ou continue Ă  lui parler : le renforcement n'est pas spĂ©cifique, c'est un renforcement gĂ©nĂ©ralisĂ©)

Le tact n'est pas la mĂȘme chose que la rĂ©fĂ©rence Ă  un mot. Un mot qui se rapporte Ă  un rĂ©fĂ©rent donnĂ© peut aussi ĂȘtre utilisĂ© dans des situations oĂč il n'y a pas de tact. Par exemple, le mot « Eisenhower » se rapporte Ă  un homme dont c'est le nom. Ce ne pourrait ĂȘtre un tact que si M. Eisenhower Ă©tait prĂ©sent. S'il n'est pas lĂ , « Eisenhower » est un textuel, un intraverbal ou un Ă©choĂŻque. Le mot est dĂ©clenchĂ© dans chaque cas par un stimulus, mais en dehors de sa prĂ©sence il y a beaucoup d'autres stimulus. Sa personne n'a pas besoin d'ĂȘtre prĂ©sente (mentalement ou hypothĂ©tiquement), ni intĂ©riorisĂ©e (driven back to the organism comme l'Ă©crit Chomsky[2]) pour que quelqu'un dise le mot « Eisenhower ».

L'intraverbal

L'intraverbal est un comportement langagier dĂ©clenchĂ© par celui d'un autre locuteur, mais qui ne lui correspond pas par la forme. Des exemples pour des intraverbaux sont les rĂ©ponses Ă  des questions comme : « OĂč habites-tu ? », « Combien font deux et deux ? », ou la continuation d'une phrase comme « Allons enfants de la 
 ».

Le comportement intraverbal est souvent trĂšs simple, par exemple, quand on rĂ©pond « TrĂšs bien, merci ! » Ă  « Comment allez-vous ? ».Le bavardage est pour la plus grande partie un comportement intraverbal. Mais il y a des cas plus intĂ©ressants, par exemple, quand la rĂ©ponse Ă  « Pourquoi ? » est pour la plupart du temps une phrase commençant par « Parce que 
 ». Quand un poĂšme assez long est rĂ©citĂ©, la suite est souvent conditionnĂ©e par ce qui est dit. Si l'orateur est interrompu, il perd le fil. La mĂȘme chose est valable pour la rĂ©citation de l'alphabet, l'Ă©numĂ©ration, et les additions et multiplication simples.

L'Ă©choĂŻque

L'Ă©choĂŻque est un comportement langagier qui est dĂ©clenchĂ© par un autre comportement langagier, et oĂč la forme du contenu est semblable Ă  celle de ce qui vient d'ĂȘtre entendu. Le comportement Ă©choĂŻque est la rĂ©pĂ©tition – au moins en partie – par le locuteur de ce qu'il vient d'entendre. Ceci arrive la plupart du temps sans que le locuteur y ait Ă©tĂ© explicitement incitĂ© (« Dis : ... ! ») : ce ne serait alors pas un Ă©choĂŻque pur, mais un combinĂ© d'intraverbal et d'Ă©choĂŻque (donc un comportement langagier Ă  contrĂŽles multiples). L'Ă©choĂŻque suit en rĂšgle gĂ©nĂ©rale immĂ©diatement ce qui a Ă©tĂ© entendu. Un comportement partiellement Ă©choĂŻque se prĂ©sente quand le locuteur ne reprend qu'un aspect de ce qui a Ă©tĂ© dit prĂ©cĂ©demment, par exemple, l'accent, ou un maniĂ©risme. Souvent, nous chuchotons quand l'autre chuchote sans connaĂźtre la raison du chuchotement de l’autre.

L'exigence explicite d'une rĂ©action Ă©choĂŻque par quelqu'un d'autre n'est qu'une des possibilitĂ©s de survenue de ce genre de rĂ©action. ObĂ©ir Ă  la demande « Dis : chien ! » par « Chien » peut conduire Ă  une rĂ©action positive de l’autre (« Oui, bien ! »), ou Ă  la terminaison de la situation aversive (l'autre cesse de demander au locuteur la rĂ©pĂ©tition des Ă©noncĂ©s). Que l'on pense ici Ă  leçon de langues Ă©trangĂšres : Celui qui rĂ©ussit Ă  imiter les sons bizarres de la maĂźtresse est « absous », et Ă©chappe au foyer de son attention.

À cĂŽtĂ© de cela, il y a aussi des formes moins explicites du renforcement du comportement Ă©choĂŻque. On sera ici ou lĂ  renforcĂ© pour la rĂ©pĂ©tition du comportement langagier, par exemple en rĂ©pĂ©tant les mots que quelqu'un d'autre utilise dans la conversation : ces formes verbales sont parfois plus efficaces que les siennes propres pour se faire comprendre de l’autre. Les rĂ©actions Ă©choĂŻques servent souvent de remplissage pour faciliter la rĂ©ponse, par exemple quand le candidat rĂ©pĂšte les mots de l’examinateur avant de rĂ©pondre Ă  la question : la situation aversive de devoir trouver une rĂ©ponse est ainsi provisoirement Ă©vitĂ©e. Les rĂ©actions Ă©choĂŻques servent aussi Ă  mieux enregistrer ce que l'on a entendu (par exemple, quand on rĂ©pĂšte un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone que l'on a entendu), ou pour exiger de l'autre qu'il rĂ©pĂšte ou clarifie un Ă©noncĂ© (« Chien ? Quel chien ? »).

Le textuel

Le textuel est une rĂ©action vocale qui est sous contrĂŽle d'un stimulus verbal non-auditif (p. ex. un texte Ă©crit), ou qui est dĂ©clenchĂ© par un tel stimulus. L'acquisition du comportement textuel arrive le plus souvent dans un contexte Ă©ducatif. Une personne donne des renforcements conditionnĂ©s gĂ©nĂ©ralisĂ©s (p. ex. des louanges) quand une rĂ©action vocale de l'Ă©lĂšve observe un certain rapport aux signes Ă©crits sur la page. Le comportement textuel est maintenu par les nombreux effets collatĂ©raux de la lecture. Le comportement textuel est automatiquement renforcĂ© parce que le lecteur retire beaucoup d'avantages de sa lecture (p. ex. il est averti de dangers, ou orientĂ© vers d'autres renforcements possibles, etc.). En fait la lecture est tellement renforcĂ©e qu'un adulte normalement Ă©duquĂ© ne peut Ă©viter de lire un Ă©crit qu'il aperçoit (circonstance utilisĂ©e par la publicitĂ© dans la rue ou dans le mĂ©tro). Le comportement textuel peut aussi ĂȘtre dĂ©clenchĂ© par des stimulus engendrĂ©s par le locuteur : on crĂ©e couramment des textes (on note quelque chose) pour contrĂŽler son comportement futur.

L'autoclitique

L'autoclitique est le plus complexe de tous les opĂ©rants verbaux. Il est contrĂŽlĂ© par le comportement langagier du locuteur (autoclitique signifie Ă©tymologiquement « s'appuyant sur soi-mĂȘme »). L'influence sur le comportement langagier est subtile. Comparons les deux phrases : « Je pense qu'il va pleuvoir » et « Je suis sĂ»r qu'il va pleuvoir ». « Je pense » et « Je suis sĂ»r » sont des autoclitiques diffĂ©rents, qui n’ont rien Ă  voir avec la pluie (un trait de l'environnement physique), mais avec un aspect de la position de locuteur qui contrĂŽle son comportement langagier. « Je pense » et « Je suis sĂ»r » disent Ă  l'auditeur quelque chose sur la caractĂ©risation de la conviction du locuteur qu'il va pleuvoir. S'il ne pleut pas, la rĂ©action de l’auditeur Ă  l'Ă©gard du locuteur sera bien diffĂ©rente selon qu'il a dit « Je pense » ou « Je suis sĂ»r ».

Revue des opérants verbaux « purs »

La table suivante (selon Frost et Bondy[21]) résume et compare les opérants verbaux :

Antécédent Opérant
verbal
Conséquence ABC Exemple
Opération
Ă©tablissante
Mande Action
directe
A
B
C
L'enfant demande Ă  sa mĂšre :
« Du lait ! »
Sa mĂšre lui en donne.
Trait de
l'environnement
physique
Tact Social A
B
C
L'Ă©lĂšve regarde dehors :
« Aujourd'hui, il fait chaud. »
Le maßtre : « C'est vrai. »
ÉnoncĂ© d'autrui Intraverbal Social A
B
C
La mÚre : « Ta note en math ? »
La fille : « Dix-huit ».
La mÚre : « Bien !»
ÉnoncĂ© d'autrui ÉchoĂŻque Social A
B
C
Le maßtre : « Vrai se dit en anglais true ».
L'élÚve : « Vrai se dit true ».
Le maßtre : « Bien !».
ÉnoncĂ© du
locuteur
Autoclitique Action
directe
A
B
C
L'enfant se lĂšve :
« J'ai envie de vomir ».
Sa mĂšre le conduit aux toilettes.

Outre les prĂ©cĂ©dents, Skinner reconnaĂźt encore quelques catĂ©gories d'opĂ©rants verbaux purs, comme la transcription (un texte dĂ©clenche le comportement d'Ă©criture de son contenu), et avant tout, diverses extensions du tact (p. ex. l’extension mĂ©taphorique ou la dĂ©nomination)

ContrĂŽle multiple du comportement verbal

Les opĂ©rants verbaux purs sont plutĂŽt rares, il est bien plus frĂ©quent de trouver un contrĂŽle multiple, oĂč diverses combinaisons d'antĂ©cĂ©dents et de consĂ©quences sont Ă  l’Ɠuvre. Par exemple : un professeur montre l'image d'une maison et demande « Qu'est-ce que c'est que cela ? ». Le comportement langagier de l'Ă©lĂšve : « Une maison » est maintenant sous le contrĂŽle multiple de la question du professeur (comportement langagier d'un autre) et de l’image (caractĂ©ristique de l’environnement physique).

La table suivante, toujours appuyée sur Frost und Bondy[21], liste quelques-uns de ces opérants verbaux complexes :

Antécédents Opérant
verbal
Conséquences ABC Exemple
  • OpĂ©ration
    Ă©tablissante
  • Traits de l'environ-
    nement physique
Mande -
tact
Effet direct ;
social
A L'enfant voit des biscuits.
B Il dit « Des biscuits ! ».
C La mĂšre lui en donne un.
  • OpĂ©ration
    Ă©tablissante
  • Comportement
    langagier
    d'autrui
Intraverbal -
mande
Effet direct ;
social
A Aux cahiers, la mÚre dit « Quelle couleur ? »
B La fille : « Bleu ».
C La mĂšre achĂšte un cahier bleu.
  • OpĂ©ration
    Ă©tablissante
  • Traits de l’environ-
    nement physique
  • Comportement
    langagier
    d'autrui
Intraverbal -
mande -
tact
Effet direct ;
social
A La mÚre montre une balle et dit « Que veux-tu ? »
B L'enfant : « Une balle ».
C La mĂšre lui donne la balle.
  • Traits de l’environ-
    nement physique
  • Comportement
    langagier
    d'autrui
Intraverbal -
tact
Social A Papa montre une photo : « Qui c'est ? »
B L'enfant : « Maman ».
C Papa sourit.
  • Traits de l’environ-
    nement physique
  • Comportement
    langagier
    d'autrui
Échoïque -
tact
Social A Le maßtre voit qu'il pleut et dit : « Il pleut ! »
B L'élÚve : « Il pleut ! »
C Le maĂźtre soupire.
Comportement
langagier
d'autrui
Intraverbal -
Ă©choĂŻque
Social A Le soignant : « Deux et deux font ? Réponds quatre ».
B L'enfant retardé : « Quatre ».
C Le soignant : « Bien ! »
  • Traits de l’environ-
    nement physique
  • Comportement
    langagier
    d'autrui
Échoïque -
tact -
intraverbal
Social A Le soignant lÚve un crayon : « Dis : crayon ».
B L'enfant retardé : « Crayon »
C Le soignant : « Bien ! »

Histoire de la conception et réception

L'impulsion initiale pour Verbal Behavior remonte à 1934, pendant un entretien de Skinner avec le professeur de philosophie Alfred North Whitehead à un dßner à Harvard. Skinner exposa ses idées jusqu'à ce que Whitehead le pousse à expliquer son comportement langagier quand il va dire maintenant : No black scorpion is falling upon this table (Il ne tombe pas de scorpion noir sur cette table). Au cours de la nuit, Skinner va commencer, sur le coup de cette conversation avec Whitehead, à entreprendre un travail d'interprétation béhavioriste du langage. Il consacra une grande partie de l'année 1944 à ce projet, et en résuma les résultats en 1947 dans un cours à l'université Columbia[22] - [23], et dans son cours William James à l'université Harvard. Des copies du texte des cours se diffusÚrent vite parmi les étudiants[24] - [25]. Pendant un semestre sabbatique, en 1955, que Skinner passa à Putney, il écrivit l'esquisse de Verbal Behavior. Skinner répond à la provocation de Whitehead dans le dernier chapitre du livre.

Dans la conception de Verbal Behavior, Skinner Ă©tait restĂ© dans le paradigme du bĂ©haviorise, mais il reprend parfois les termes de la linguistique. Pour cela, il suivit en premier lieu les orientations de Leonard Bloomfield[26] - [27] - [28], mais aussi sur celles d'Otto Jespersen et de Hermann Paul[29]. À son tour, Skinner influença par sa conception du langage la philosophie du langage de Quine[30].

Skinner considérait Verbal Behavior comme son ouvrage le plus important[31]. La parution du livre coïncide cependant avec le début de ce que l'on appelle la révolution cognitiviste et la séparation de l'analyse du comportement d'avec la psychologie. Dans le public de la psychologie au sens large, le livre n'est donc pratiquement pas pris au sérieux, et n'est aujourd'hui dans tous les cas cité que par des sources secondaires[32]

Dans les premiĂšres critiques, le livre a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© en partie de maniĂšre positive, en partie mĂȘlĂ©e[33] - [34]. Mais ce qui Ă©merge est la critique du livre par le linguiste Noam Chomsky de 1959. Chomsky[2] juge que Verbal Behavior ne peut pas expliquer le phĂ©nomĂšne du langage et qu'il simplifie le problĂšme outre mesure. Skinner prĂ©tend avoir lui seul Ă©laborĂ© une thĂ©orie gĂ©nĂ©rale du comportement, et essayĂ© de montrer que celle-ci s'applique au cas (extrĂȘme) du comportement langagier de façon sensĂ©e et sans contradiction. Mais si on prend Skinner au mot (donc si on interprĂšte les concepts utilisĂ©s comme ils ont Ă©tĂ© dĂ©finis par lui Ă  l'origine), il se trouve dans le domaine du langage humain clairement en position fausse. Si on considĂšre son analyse dans un sens mĂ©taphorique, alors elle n'est rien de plus qu'une considĂ©ration de tous les jours, exprimĂ©e dans un langage technique (« This creates the illusion of a rigorous scientific theory with very broad scope, although in fact the terms used in the description of real-life and laboratory behavior may be mere homonyms. (p. 31) » – Ceci crĂ©e l'illusion d'une thĂ©orie scientifique rigoureuse de portĂ©e trĂšs gĂ©nĂ©rale, bien qu'en fait la description du comportement de tous les jours et celui du laboratoire peuvent ĂȘtre de simples homonymes. – Voir aussi le rĂ©sumĂ© par Chomsky de sa position dans une interview avec Javier Virues-Ortega 2006[25]). Chomsky souligne que des concepts comme « stimulus », « probabilitĂ© » et « contrĂŽle des stimulus » sont impropres quand ils sont transposĂ©s au comportement humain. Par exemple, le concept d'« intensitĂ© de rĂ©action » n'est qu'une rĂ©Ă©criture pour des expressions bien moins impressionnantes comme « intĂ©rĂȘt », « intention », « croyance », etc. Skinner exprime dit Ă  peu prĂšs, au sujet du processus oĂč une affirmation scientifique qu'il y a dans ce cas des variables supplĂ©mentaires qui sont engendrĂ©es, qui Ă©lĂšvent la probabilitĂ© de l'assertion « generating additional variables to increase its probability, p. 425 ». Si l'on prenait cette dĂ©finition Ă  la lettre, selon Chomsky (p. 34), alors on pourrait mesurer le degrĂ© d'affirmation d'une assertion scientifique selon que celle-ci est Ă©noncĂ©e fortement, sur un ton aigu, ou souvent.

La critique de Chomsky a fait plus tard l’objet de critiques de la part des bĂ©havioristes. Cette critique concerne pour une part la qualitĂ© formelle de la formulation de Chomsky. Chomsky cite souvent lĂ©gĂšrement faussement ou hors contexte[35]. Par ailleurs, le contenu mĂȘme de la critique est rejetĂ©. Selon Kenneth MacCorquodale[36], Chomsky prĂ©suppose que dans le « monde rĂ©el » (du langage humain), d'autres lois de la nature sont valables qu'au laboratoire (ce qui s'oppose au principe de simplicitĂ©). Au moins, Chomsky a ignorĂ© ou mĂ©connu la complexitĂ© de l’analyse de Skinner. Chomsky feint de croire que quand Skinner nomme une variable de contrĂŽle, il veut dire qu'il a trouvĂ© la seule variable responsable – ce qui voudrait dire qu'il assimile le langage Ă  un ensemble de rĂ©flexes. La multiplicitĂ© des causes des actes langagiers s'Ă©tend pourtant comme un thĂšme tout au long du livre. Dans la critique, il n'en est pas une fois question. David Palmer[37] a rĂ©pondu Ă  l'assertion centrale de la critique de Chomsky que l'on pourrait utiliser le mĂȘme genre d'argument contre la MĂ©canique newtonienne : si l'on prenait les lois du mouvement de Newton Ă  la lettre, alors elles seraient Ă©videmment fausses dans la vie courante. Si on les prend au sens mĂ©taphorique, elles ne sont plus que des rĂ©Ă©critures dans un langage pseudo-scientifique des rĂšgles de bon sens de l’artisan. Mais Skinner n'a pas eu l'intention que l'on prenne son analyse pour mĂ©taphore. Il a fait la prĂ©diction forte que les principes du comportement dĂ©couverts dans le laboratoire peuvent ĂȘtre utilisĂ©s au sens technique pour l’interprĂ©tation du comportement langagier.

La réponse à la critique de Chomsky n'a cependant pas été prise au sérieux hors du cercle des béhavioristes. On peut toujours lire dans bien des livres spécialisés en psychologie et en linguistique, que Chomsky a démoli l'hypothÚse de Skinner pour expliquer le langage, et par-dessus le marché toute l'analyse du comportement et le béhaviorisme.

Parmi les bĂ©havioristes, Verbal Behavior a Ă©tĂ© favorablement accueilli. En particulier l'Analyse du comportement appliquĂ©e, qui s'applique avec certains succĂšs au cas d'enfants autistes, s'appuie sur Verbal Behavior[38] : la Relational Frame Theory (en) (RFT), et l'Acceptance and Commitment Therapy (en) (ACT) qui en dĂ©coule, sont des dĂ©veloppements dans le sens initiĂ© par Verbal Behavior[39]. La frĂ©quence des citations Ă  ce livre a constamment crĂ» depuis sa parution. De 1984 Ă  2004, Verbal Behavior a Ă©tĂ© citĂ© en tout 1093 fois dans des revues scientifiques Ă  comitĂ© de lecture[40] (par comparaison, Language and Mind de 1968[41] de Chomsky l'a Ă©tĂ© 250 fois, A First Language: The Early Stages de 1973[42] de Brown 1343 fois dans la mĂȘme pĂ©riode). La quantitĂ© de recherches empiriques reposant sur les concepts de Skinner a Ă©galement augmentĂ©. Leur nombre, de 1989 Ă  2004 a pratiquement quadruplĂ©[43] - [44], ce qui peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une preuve de la vitalitĂ© et de l'utilitĂ© de la thĂ©orie.

Références

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Bibliographie

Original

Littérature secondaire

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  • (en) Linda J. Hayes et Philip N. Chase, Dialogues on Verbal Behavior., Cambridge, MA, Context Press, (ISBN 1-878978-00-4) (Plusieurs auteurs discutent de la signification et de la portĂ©e de Verbal Behavior
  • (en) Steven C. Hayes, Linda J. Hayes, Masaya Sato et Koichi Ono, Behavior Analysis of Language & Cognition., Cambridge, MA, (ISBN 1-878978-18-7) (PrĂ©sentation de la vue bĂ©havioriste du langage et de la connaissance, sur la base du livre de Skinner.)
  • (en) Burrhus Frederic Skinner, Science and Human Behavior., New York, NY, The Free Press, (ISBN 0-02-929040-6, lire en ligne)
  • (en) Mark L. Sundberg et Jack Michael, A Collection of Reprints on Verbal Behavior, Pleasant Hill, CA, Behavior Analysts, (ISBN 0-9745151-4-0) (Rapport sur un certain nombre de travaux qui dĂ©veloppent les idĂ©es de Verbal Behavior)

Généralités

RĂ©ception

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