Accueil🇫🇷Chercher

Urewe

Urewe est le nom d'un site archéologique au Kenya connu grâce aux publications de Mary Leakey en 1948. Elle désigne la phase de l’Âge du fer ancien dans la région des Grands Lacs en Afrique est-centrale, autour du lac Victoria.

Urewe
Localisation
Pays Drapeau du Kenya Kenya
Comté Siaya
Matériel archéologique artéfact, poterie
(72 → 476 apr. J.-C.)[1]
CoordonnĂ©es 0° 02′ 51″ sud, 34° 20′ 15″ est
Altitude 1 248 m
Superficie ~ 0,01 ha
GĂ©olocalisation sur la carte : golfe de Winam
(Voir situation sur carte : golfe de Winam)
Urewe
Urewe
GĂ©olocalisation sur la carte : Kenya
(Voir situation sur carte : Kenya)
Urewe
Urewe
Histoire
Époque âge du fer

Chronologie

Cette culture apparaît dans la région à l'époque de la transition entre le IIe et le Ier millénaire av. J.-C. ; elle semble avoir subsisté en quelques endroits jusque tard dans le IIe millénaire. Sa plus large expansion, liée à une importante activité métallurgique du fer, se situe dans les six premiers siècles apr. J.-C., depuis la région du Kivu (République démocratique du Congo) à l’ouest, jusqu’en Ouganda, au Rwanda, au Burundi, dans le nord-ouest de la Tanzanie, et le sud-ouest du Kenya.

Origines

« La céramique urewe que l'on a datée d'abord de la première moitié du premier millénaire après J.-C., a été découverte associée à des sites métallurgiques appartenant à ce qu'il est convenu d'appeler en Afrique orientale le « premier Âge du fer ». Mais de nouvelles datations ont montré que les débuts de la métallurgie y étaient nettement plus anciens, et l'on s'accorde aujourd'hui à les faire remonter – encore qu'il y ait des dates encore plus hautes – au VIIe siècle av. J.-C., ce qui permet de considérer la tradition urewe comme la culture la plus ancienne de cette région. L'apport des techniques de la métallurgie du fer a d'abord été attribué à la migration vers l'est de Bantouphones venus du Nigeria et du Cameroun : cette thèse est aujourd'hui abandonnée au profit de celle d'une création autochtone du travail du fer[2]. »

La culture

D’emblĂ©e la culture urewe apparaĂ®t comme pleinement dĂ©veloppĂ©e, reconnaissable Ă  la prĂ©sence d’une terre cuite originale, soignĂ©e et esthĂ©tique et de fourneaux de fonte de fer techniquement hautement sophistiquĂ©s. Ni l’un ni l’autre ne seront, selon nos connaissances, sujet Ă  Ă©volution ou changement durant près de 2 000 ans. Seule la cĂ©ramique montre des variantes locales mineures.

La culture urewe au Rwanda et au Burundi

La cĂ©ramique urewe est de dimensions modestes, mesurant 30 cm, au maximum 36 cm de haut. Trois formes s’y reconnaissent : le vase, le petit vase, formes Ă  profil en « s Â» fermĂ©es, et l’écuelle, forme ouverte. On y trouve un dĂ©cor incisĂ© stĂ©rĂ©otypĂ©, des lèvre biseautĂ©e, un col structurĂ© et hachurĂ© pour assurer la prise, une panse couverte d’une dĂ©coration rubanĂ©e faite de motifs gĂ©omĂ©triques incisĂ©s, le tout Ă©tant complĂ©tĂ© d’une fossette basale. Le registre dĂ©coratif est adaptĂ© Ă  la forme du vase et Ă  ses quatre composantes, quelquefois de façon simplifiĂ©e sur le petit vase. Il est, en revanche, collĂ© en son ensemble sur l’écuelle, sans tenir compte du nombre de composantes de celle-ci. Une hypothèse est que l’écuelle serait de crĂ©ation plus rĂ©cente que le vase. Elle se renforce par l’identification, en linguistique de la langue bantoue, d’un nouveau terme, apparaissant vers , signifiant « poĂŞle Ă  frire », qui pourrait ĂŞtre l’indice d’une modification culinaire qui aurait pu accompagner un passage vers un mode de vie plus sĂ©dentaire lors de l’installation des locuteurs bantous dans les collines du Rwanda et du Burundi.

Le fourneau de fonte de fer associĂ© Ă  cette cĂ©ramique se compose d’une cuvette contenant des branches feuillues et des herbes encore vertes, formant un filtre Ă  travers lequel les scories pouvaient s’écouler vers le fond. Au-dessus de la cuvette, Ă©tait bâtie une cuve conique, sorte de cheminĂ©e, obtenue en superposant des rouleaux d’argile humide. La dĂ©coration du fourneau, cannelures sur le rouleau supĂ©rieur, impressions profondes en croissant ou en « s Â» sur la paroi externe, rappelle celle du bord et du col de la cĂ©ramique. Des analyses de rĂ©sidus de fonte de fer n’ont pas encore renseignĂ© sur le rendement des fourneaux, ni si ceux-ci Ă©taient Ă  la mesure de leur technicitĂ©. Minerai de fer et combustible Ă©taient Ă  portĂ©e de main. Le mot ubutare, qui signifie « fer », se retrouve encore dans de nombreux lieux-dits. Le couvert arborĂ© a Ă©tĂ© exploitĂ© pour la fabrication de charbon de bois. Celui-ci a toujours, Ă  cet endroit, Ă©tĂ© fabriquĂ© Ă  partir de bois frais, ce qui rend les datations au radiocarbone relativement fiables.

Environnements privilégiés et activités humaines

L’étude de l’environnement combine l’identification anthracologique des charbons de bois recueillis dans les fourneaux de fonte de fer et dans un foyer ouvert, des analyses palynologiques de tourbes de marĂ©cages d’altitude et vallĂ©es ainsi que les structures archĂ©ologiques ; s'y ajoutent des donnĂ©es phytosociologiques et gĂ©omorphologiques. Cela nous apprend que la pĂ©riode d’installation de la culture urewe serait relation avec un refroidissement et un assèchement climatique vers Au Rwanda et au Burundi, les reprĂ©sentants de la culture urewe se sont installĂ©s exclusivement dans la rĂ©gion de collines (plateau central) dans la zone d’altitude comprise entre 1 700 m et 1 300 m, sur des sols argileux sur substrat primaire, qui comptent parmi les plus riches d’Afrique. Le paysage vallonnĂ©, couvert de savanes arborĂ©es (vĂ©gĂ©tation arborescente plus claire sur les pentes, plus dense dans les fonds et sur les crĂŞtes), conjuguait des conditions de vie propices Ă  des activitĂ©s diverses (tempĂ©rature et pluviositĂ© modĂ©rĂ©es, Ă  l’abri de vecteurs de maladies humaines et animales). Ils auraient vĂ©cu de façon plutĂ´t sĂ©dentaire, comme fermiers, s’adonnant en partie Ă  l’agriculture des cĂ©rĂ©ales et Ă  l’élevage bovin Ă  petite Ă©chelle. Ils ne semblent pas avoir chassĂ© ni pĂŞchĂ© pour complĂ©ter leur rĂ©gime alimentaire, comme ce sera la cas Ă  l’Âge du fer rĂ©cent dans ces rĂ©gions, et comme c'Ă©tait dĂ©jĂ  le cas Ă  l’Âge du fer ancien, dans les cultures urewe plus Ă  l’est, autour du lac Victoria, influencĂ©es peut-ĂŞtre par des contacts avec des communautĂ©s transhumantes le long du fossĂ© est-africain.

Les activités humaines combinées, défrichement, fonte de fer, agriculture céréalière… ont engendré une déforestation aux lisières de la grande forêt, qui couvrait naguère la dorsale nord-sud, ainsi que des forêts-galeries, le long des filets d’eau qui dévalaient les pentes. Ce phénomène a provoqué une phase d’érosion majeure, constatée sur la colline de Kabuye, près de Butare, à la suite de leur présence durant près de cinq cents ans sur le site.

La région des collines au Rwanda et au Burundi était probablement aussi un passage privilégié de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud en Afrique et aurait ainsi régulièrement connu une surpopulation relative de gens qui fuyaient l’assèchement des régions sahéliennes, ce qui a empêché une régénération des sols. Les effets de l’activité humaine, additionnés à des alternances climatiques sèches et chaudes ont aggravé la dégradation des sols, et ce, jusqu’à nos jours.

Dès le VIIe siècle, l’apparition d'une céramique plus fruste et décorée à la roulette, ainsi que de nouveaux types de fourneaux de fonte de fer, annoncent un changement majeur vers l’Âge du fer récent. Certaines entités de la culture urewe ont néanmoins réussi à survivre par endroits, au moins jusqu'au XIVe siècle.

Chercheurs

Les auteurs et institutions importants liés à la recherche de la culture urewe dans la région des Grands Lacs sont Mary Leakey (publication de la collection Owen en 1948), Jean Hiernaux (fouilles et publications années 1950-1960), Merrick Posnansky (fouilles et publications années 1960-70), D.W. Philipson (synthèse sur l’Âge du fer ancien en Afrique de l'Est en 1976), le British Institute in Eastern Africa, à Nairobi, sous la direction de J.E.G. Sutton (dans le cadre du Bantu Studies Project, fouilles et publications années 1960-70), P.R. Schmidt (fouilles et publications années 1970-80, synthèse 1997), L’équipe Marie-Claude Van Grunderbeek, Émile Roche et Hugues Doutrelepont (fouilles années 1978-1987, publications jusqu’à présent). De nouvelles recherches sur le terrain dans la région des Grands Lacs sont en cours à l’initiative de l'université de Londres, en collaboration avec le British Institute in Eastern Africa.

Notes et références

  1. Datation par le carbone 14.
  2. Denise Robert-Chaleix, « Urewe, céramique », Encyclopædia Universalis en ligne (consulté le )

Bibliographie

  • Marie-Claude Van Grunderbeek, Émile Roche et Hugues Doutrelepont, « L'Ă‚ge du fer ancien au Rwanda et au Burundi. ArchĂ©ologie et environnement », Journal des africanistes, no 52,‎ , p. 5-58.
  • Marie-Claude Van Grunderbeek, Émile Roche et Hugues Doutrelepont, Le Premier Ă‚ge du fer au Rwanda et au Burundi : archĂ©ologie et environnement, Butare, Rwanda, Institut national de recherche scientifique, .
  • Marie-Claude Van Grunderbeek et Émile Roche, « Apports de la palynologie Ă  l'Ă©tude du Quaternaire supĂ©rieur au Rwanda » (Montpellier (1-3 octobre 1986), IXe symposium de l'APLF), MĂ©moires et travaux EPHE, Institut de Montpellier, vol. 17 « Palynologie et milieux tropicaux »,‎ , p. 111-127.
  • Marie-Claude Van Grunderbeek, « Essai d'Ă©tude typologique de cĂ©ramique urewe de la rĂ©gion des collines au Burundi et Rwanda », Azania, Nairobi, Kenya, no 23,‎ , p. 11-55.
  • Marie-Claude Van Grunderbeek et Hugues Doutrelepont, « Étude de charbons de bois provenant des sites mĂ©tallurgiques de l'Ă‚ge du fer ancien au Rwanda et au Burundi », PACT, Louvain-la-Neuve, no 22 « Bois et archĂ©ologie »,‎ , p. 281-295.
  • Marie-Claude Van Grunderbeek, « Essai de dĂ©limitation chronologique de l'Ă‚ge du fer ancien au Burundi, au Rwanda et dans la rĂ©gion des Grands Lacs », Azania, Nairobi, Kenya, no 27,‎ , p. 53-80.
  • Marie-Claude Van Grunderbeek, Émile Roche et Hugues Doutrelepont, « Type de fourneau de fonte de fer, associĂ© Ă  la culture urewe (Ă‚ge du fer ancien), au Rwanda et au Burundi », dans Jean-Paul DescĹ“udres, Éric Huysecom, Vincent Serneels, Jean-Louis Zimmerman (dir.), The Origins of Iron Metallurgy (Proceedings of the First International Colloquium on the Archaeology of Africa and the Mediterranean Basin, held at The Museum of Natural History in Geneva, 4-7 June 1999), coll. « Mediterranean archaelogy » (no 14), , p. 271-298.
  • (en) Marie-Claude Van Grunderbeek et Émile Roche, « Multi-Disciplinary Evidence of Mixed Farming during the Early Iron Age in Rwanda and Burundi », dans Timothy P. Denham, JosĂ© Iriarte et Luc Vrydaghs (dir.), Rethinking Agriculture. Archaeological en Ethnoarchaeological Perspectives (communication au Congrès archĂ©ologie mondial, Washington, 2003), Left Coast Press, inc., .
  • (en) Paul Craddock, Ian Freestone, A. Middleton et Marie-Claude Van Grunderbeek, « The Scientific Study of Some Early Iron Age iron Smelting Debris from Rwanda and Burundi, East Africa », Journal of the Historical Metallurgy Society, vol. 41, no 1,‎ , p. 1-14.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.