Union des progressistes juifs de Belgique
L'Union des progressistes juifs de Belgique est un groupe d'extrĂȘme gauche belge non-sioniste[1] diasporiste[2] fondĂ© en 1969, actif dans la critique d'IsraĂ«l et la promotion du nationalisme palestinien[3] - [4] - [5] - [1], ainsi que dans la prise de position sur des questions politiques contemporaines[1].
Fondation |
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Sigle |
UPJB |
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Directrice |
Carine Bratzlavsky (d) (depuis ) |
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Publication | |
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L'association bruxelloise francophone a été formée par des membres du mouvement communiste belge d'orientation marxiste et trotskyste. L'UPJB n'est pas associée aux institutions juives de Belgique, étant jugée impopulaire[6] et marginale[7].
Histoire
L'opposition Ă IsraĂ«l au sein des milieux communistes prend de l'ampleur avec le revirement politique de l'Union soviĂ©tique et la crise du canal de Suez, voyant IsraĂ«l s'associer aux Ătats occidentaux. Cependant Ă la suite des purges antisĂ©mites de l'Union soviĂ©tique et la perte de soutien Ă la politique communiste antisioniste parmi les Juifs de Belgique, les derniers militants dĂ©cident de se regrouper pour former une organisation reprenant les dissidents juifs qui sont opposĂ© au besoin d'un Ătat juif et aux politiques de l'Occident[4].
En rĂ©action Ă une perte de soutien[8] et un affaiblissement des organisations communistes juives[9] lâUnion des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB), est crĂ©Ă©e par le regroupement de SolidaritĂ© juive en 1969, une organisation communiste et antifasciste, qui adopte alors une position « dissidente radicale », et attire de nouveaux membres plus jeunes avec une posture pro-palestinienne, contre le nĂ©o-nazisme et le racisme en Belgique et en France[8]. SolidaritĂ© juive avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1939 par des rĂ©volutionnaires communistes et antifascistes issus de l'Europe de l'Est. Il se dĂ©tache du parti communiste et s'associe avec d'autres groupes juifs radicaux : lâUnion Sportive des Jeunes Juifs (USJJ), de lâAmicale des Moniteurs de ses colonies de vacances, du ComitĂ© des Parents et Amis de lâUnion des Jeunes Juifs Progressistes (UJJP). Selon Le Soir, l'organisation bĂ©nĂ©fice d'une rĂ©putation de marginalitĂ© et d'infĂ©odation au parti communiste auquel elle s'en Ă©tait Ă©loignĂ© aprĂšs la dĂ©stalinisation[7].
Alors que l'UJJP, mouvance radicale et profondĂ©ment antisioniste est « indulgent » face au terrorisme contre des civils juifs par des groupes armĂ©s palestiniens, elle est exclue en octobre 1973 de la FĂ©dĂ©ration de la Jeunesse juive, tandis que l'UPJB est exclue de fait du CCOJB[10], celle-ci Ă©tablisant un lien entre des discours de Yasser Arafat et le programme hitlĂ©rien de destruction des Juifs[10]. Alain Lapiower, chroniqueur de l'UPJB, dĂ©crit l'Ă©tat d'esprit de son mouvement dans les annĂ©es 1970 : « Lâunique maniĂšre de manifester, bien haut, notre judaĂŻsme, consistait Ă tourner le dos, avec Ă©clat, en tant que Juifs, au reste de la communautĂ©. Mais, dâIsraĂ«l ou de la culture juive, nous ne savions rien ». Il dĂ©crit l'engagement comme une forme de provocation « contre nos anciens amis, contre les parents, dans nos familles, contre lâestablishment juif, contre les autres mouvements de jeunes⊠Nos opinions, bien plus tranchĂ©es dans lâimagination de nos opposants que dans nos tĂȘtes, nous singularisaient Ă la limite du supportable. Dâune certaine façon, notre prĂ©sence scellait lâunion de nos adversaires ; nous Ă©tions les mauvais juifs, les traĂźtres. »[10]. Par la suite, l'UPJB apporte publiquement son soutien a l'OLP[3] et entretenait des liens avec celle-ci â alors mĂȘme qu'elle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme terroriste â dĂšs ses dĂ©buts[11]. Elle organise une confĂ©rence le 10 mai 1976, en faveur du reprĂ©sentant diplomatique de l'OLP NaĂŻm Khader[12], et continuera par la suite d'organiser des confĂ©rences pour des activistes palestiniens et arabes, dont LeĂŻla Shahid et les autres reprĂ©sentants diplomatiques palestiniens en Belgique et Ă l'Union europĂ©enne[11]. En 2002, lors de la pĂ©riode d'attentats suicides de la Seconde Intifada, une trentaine de membres de l'UPJB, se joignent Ă Ramallah aux organisations nationalistes palestiniennes dont les militants du Jihad islamique et du Hamas pour apporter un soutien juif Ă Yasser Arafat et le rencontrer[13].
Activités
Activités politiques
LâUPJB prend rĂ©guliĂšrement publiquement position sous forme dâĂ©ditoriaux de sa revue, de communiquĂ©s de presse ou de « cartes blanches ». Elle participe aussi, avec dâautres associations, Ă des prises de position publiques et co-organise ou appelle Ă rejoindre des Ă©vĂ©nements publics, dont des meetings et des manifestations, concernant des questions politiques et en particulier la cause palestinienne. LâUPJB organise des Ă©vĂšnements de confĂ©rences et des dĂ©bats entre militants de gauches pour se rapprocher.
Selon le JCPA, l'UPJB a pour fonction de condamner IsraĂ«l dans les mĂ©dias et dans les Ă©coles avec une Ă©tiquette juive[14]. D'autres observateurs critiquent leur dogmatisme idĂ©ologique comme Ă©tant dommageable dans le combat contre l'antisĂ©mitisme, citant la banalisation de l'«anti-israĂ©lisme»[15]. Pour David Landy, tout comme l'UPJF, les membres de ces organisations souhaitent redĂ©finir l'identitĂ© juive, pour s'y inclure et y inclure leurs subjectivitĂ©s et leurs intĂ©rĂȘts politiques. Il note que dans leur critique de la subjectivitĂ© des IsraĂ©liens, ces activistes masquent la subjectivitĂ© palestinienne[16].
lâUPJB lance en 1979 le journal Points Critiques, dans lequel il critique par exemple la sĂ©rie amĂ©ricaine Holocauste comme justifiant trop le discours du sionisme[10].
Elle se focalise notamment sur les questions de l'accueil de l'immigration et pour les sans-papiers ainsi quâĂ des Ă©vĂ©nements qu'elle considĂšre comme en parallĂšle Ă la Shoah, comme le gĂ©nocide des Roms, ou la guerre de Bosnie[1]. L'UPJB marque notamment l'opinion en militant en 1998 lors de l'affaire Semira Adamu[17].
L'UPJB s'oppose Ă l'antisĂ©mitisme de l'extrĂȘme-droite, toutefois elle participe Ă des manifestations pro-palestiniennes dans lesquelles des dĂ©pliants antisĂ©mites ont Ă©tĂ© distribuĂ©s et que des cris de ralliement antisĂ©mites ont Ă©tĂ© scandĂ©s, notamment dans les annĂ©es 2000[18]. Cette situation est reproduite lors de la manifestation organisĂ©e en mai 2021 par l'UPJB au cĂŽtĂ© d'autres associations pro-palestiniennes[19], au cours de laquelle une partie des manifestants scandent un « appel au meurtre des juifs »[20] - [21].
Dans le contexte du conflit israélo-libanais de 2006, Jacques Ravedovitch, président de l'organisation, apporte son soutien aux groupes armés palestiniens et libanais affirmant que « la résistance en Palestine et au Liban est justifiée » et est ainsi considéré comme un Juif honorable par le Tehran Times[22].
L'organisation soutien la campagne de BDS et dĂ©ment systĂ©matiquement les accusations d'antisĂ©mitisme[23]. Elle s'Ă©tait engagĂ© dans une campagne de lobbying avec les autres associations pro-palestiniennes dĂšs 1999[24]. Elle boycott notamment en 2014 le Brussels Jewish International Film Festival organisĂ© par l'Institut de la MĂ©moire audiovisuelle juive du fait d'une participation israĂ©lienne Ă l'Ă©vĂ©nement[25]. L'UPJB ne reconnait pas l'existence d'un nouvel antisĂ©mitisme[26] et accuse l'Alliance internationale pour la mĂ©moire de l'Holocauste d'instrumentalisation politique[27]. L'UPJB au cĂŽtĂ© de lâAssociation belgo-palestinienne, affirme combattre l'antisĂ©mitisme en combattant la « confusion » sur l'identitĂ© juive ainsi que «lâimpunitĂ© dont jouit depuis si longtemps le prĂ©tendu âĂtat des Juifsâ.» et son influence sur lâopinion publique occidentale. L'UPJB explique que dans ce contexte «le monde occidental peut apparaĂźtre âsoumis aux Juifsâ.» pour les complotistes[28]. L'organisation affirme que pour sa part, elle s'oppose aussi bien Ă l'«exagĂ©ration» qu'au «dĂ©ni» de l'antisĂ©mitisme, tout en voulant s'opposer avant tout au racisme pour Ă©viter une «âconcurrence des victimesâ»[29]. Pour Michel Staszewski, l'existence de l'antisĂ©mitisme serait «bien rĂ©elle» mais toutefois nuance en affirmant que « les seuls vrais problĂšmes sont entre Juifs et en particulier dans ma famille. »[30]. Manuel Abramowicz se plaint pour sa part d'avoir Ă©tĂ© privĂ© d'antenne Ă la RTBF tout comme d'autres activistes belgo-juif pro-palestiniens de l'UPJB du fait de « groupes de pression de la droite sioniste »[31].
Activités sociales
« Rue de la Victoire » est une chorale qui interprĂšte des chants de lutte politique. En 2016 une troupe thĂ©Ăątrale est constituĂ©e. Une cĂ©lĂ©bration laĂŻque de la PĂąque juive constitue pour lâUPJB « lâoccasion dâactualiser un mythe fondateur » mis en parallĂšle avec des situations politiques contemporaines.
Le mouvement de jeunesse de lâUPJB est consacrĂ© aux enfants de 6 Ă 15 ans. LâUPJB-jeunes se regroupent pour des activitĂ©s sociales et politiques[2], et y former ses « futurs dirigeants »[11]. Des « camps » sont organisĂ©s chaque annĂ©e en Palestine[1].
Depuis 1989 l'UPJB, est agrĂ©Ă©e comme association dâĂducation Permanente par la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles[32]. Selon l'ONG israĂ©lienne NGO Monitor, elle est subventionnĂ©e depuis 2003, principalement concernant ses projets visant la jeunesse et l'Ă©ducation[33]. L'UPJB explique notamment le conflit israĂ©lo-palestinien dans les Ă©coles de Saint-Gilles avec des activistes maghrĂ©bins. Elle est Ă©galement partie d'initiatives de rapprochements interculturels avec les Belgo-MaghrĂ©bins Ă Saint-Gilles[11].
Notes et références
- Caroline SĂ€gesser, « Les structures du monde juif en Belgique », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 30, no 1615,â , p. 1-28 (DOI 10.3917/cris.1615.0001)
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- Kim Christiaens (Ă©d.), John Nieuwenhuys (Ă©d.) et Charel Roemer (Ă©d.), International Solidarity in the low countries during the twentieth century: new perspectives and themes, De Gruyter Oldenbourg, .
- Ziyad Abualrob et Marc Lits (prom.), Le conflit israélo-arabe dans la presse européenne : analyse critique de neuf quotidiens belges, français et britanniques (thyÚse), UCLouvain (présentation en ligne).
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- « Institutions Juives de Belgique : un panorama », sur le site de la Fondation de la mémoire contemporaine (consulté le )
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- (en) Post-holocaust and Anti-semitism, Issues 1-39, Jerusalem Center for Public Affairs, .
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- Document de travail, version 1,âlignes de force de l'UPJB contre le racisme et l'antisĂ©mitisme, adoptĂ© le 15 dĂ©cembre 2019 par lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâUnion des progressistes juifs de Belgique.
- J.-C. Verset, « Un Juif de Bruxelles: "Israël mÚne une politique d'apartheid" », sur RTBF, 2014, august 12 (consulté le ).
- « Ni Geerts, ni Goldman (carte blanche) », sur Le Vif, (consulté le )
- 20 ans du Prix RĂ©gine Orfinger-KarlinLe Prix de la Ligue des droits de lâHomme 10 dĂ©cembre 2016 â BibliothĂšque Solvay
- « Union Des Progressistes Juifs De Belgique (UPJB) », sur Ngomonitor, (consulté le )