Treillis (assemblage)
Un treillis, ou système triangulé, est un assemblage de barres verticales, horizontales et diagonales formant des triangles, de sorte que chaque barre subisse un effort acceptable, et que la déformation de l'ensemble soit modérée.
Cette structure est devenue courante en construction à partir de la révolution industrielle, pour des ponts, fuselages d'avion, etc. En effet, un tel assemblage allie résistance, rigidité et légèreté, et permet d'utiliser des éléments normalisés (barres) ; par ailleurs, le treillis peut éventuellement être préassemblé.
Lorsqu'un treillis est soumis à un effort, certaines parties de l'assemblage sont mises en compression et d'autres parties en tension. Par exemple, dans le cas d'un pont en treillis, les poutres supérieures sont comprimées, les poutres inférieures sont tendues, et les pièces en diagonale évitent le vrillage des poutres principales.
Les axes des barres concourent en nœuds ; ce sont les points d'assemblage des barres. D'un point de vue mécanique, les nœuds sont modélisés par des articulations parfaites. Initialement, pour simplifier les calculs, les charges n'étaient appliquées qu'aux seuls nœuds ; l'utilisation de la méthode des éléments finis permet de s'affranchir de cette simplification.
Calculs de résistance et de stabilité
Les calculs de treillis ou structures sont une application de la mécanique statique. Pour mener les calculs, on considère les hypothèses suivantes :
- le poids des barres est négligé ;
- les liaisons sont toutes des rotules (ou des pivots dans le cas d'un treillis plan), les barres peuvent librement tourner les unes par rapport aux autres ; en effet, même si les poutres sont fixes entre elles, si l'on applique un effort transversal à une extrémité d'une barre, le moment de la force à l'autre extrémité et la concentration de contrainte à l'angle feront que l'articulation bougera, ce qui mènera à la rupture ;
- les charges extérieures sont appliquées aux nœuds.
Ces hypothèses sont indispensables pour les calculs à la main. L'utilisation de logiciels permet de s'affranchir de ces hypothèses, notamment en prenant en compte la déformation des barres. La résistance de chacune des barres relève de la résistance des matériaux. Par contre, ces hypothèses restent la base des calculs de stabilité.
Calculs de stabilité
La stabilité consiste à déterminer l'isostatisme : chaque poutre pouvant tourner, il faut « suffisamment de barres » pour qu'elles se bloquent entre elles. Si l'on a juste le nombre suffisant de barres, on est dans un cas isostatique : c'est le cas le plus économique et le plus léger, puisque l'on a le minimum de barres et de liaisons à réaliser, mais si une seule poutre cède, l'ensemble n'est plus stable. Les structures sont donc fréquemment hyperstatiques. Cependant, les calculs dans le cas hyperstatique sont plus compliqués, puisque les équations de la statique ne suffisent plus.
Lors de calculs manuels, il est souvent possible de transformer un treillis hyperstatique en un cas isostatique, en négligeant les barres comprimées (en admettant qu'elles flambent) sous un cas de charge donné. Dans les exemples qui suivent, nous ne considérerons que des problèmes isostatiques.
Le calcul de stabilité revient donc à vérifier que le degré d'hyperstaticité est positif ou nul[1]. Pour simplifier, on se place dans le cas d'un problème plan :
- on a une structure statique, elle n'a donc aucune mobilité : m = 0 ;
- on a p poutres (barres) ; on peut écrire le principe fondamental de la statique (PFS) pour chaque poutre, on a donc 3×p équations (équilibre des forces selon x, équilibre des forces selon y, équilibre des moments) ;
- on a un certain nombre de liaisons, et chaque liaison a ns inconnues (efforts transimssibles), le nombre total d'inconnues est Ns = ∑ns.
Le degré d'hyperstatisme est défini par
- H = Ns - 3×p.
La structure est stable si H ≥ 0 :
- elle est isostatique si H = 0 ;
- elle est hyperstatique si H > 0 ;
- elle est instable si H < 0.
Dans un problème plan, une articulation a ns = 2 inconnues statiques : elle peut transmettre une force de direction arbitraire (inconnue selon x et selon y) mais ne peut pas transmettre de moment. Un nœud entre deux barres a donc 2 inconnues statiques ; mais en dehors des angles extérieurs, un nœud lie trois barres ou plus.
Si un nœud lie trois barres, nous sommes en présence de deux articulations indépendantes ; d'un point de vue cinématique, on peut considérer que l'on a une barre de référence (le « bâti »), et les autres barres sont reliées à cette barre-là , de manière indépendante. On a donc 4 inconnues statiques. De manière générale, si un nœud lie q barres, on a 2(q - 1) inconnues statiques.
Par ailleurs, la liaison avec le sol ou les parois peut être de deux natures : articulation ou appui simple. Une articulation rajoute deux inconnues, et un appui simple une seule inconnue (la direction de la force est connue, perpendiculaire à l'appui).
Dans le cas où le treillis a deux liaisons avec l'environnement (sol, paroi), on peut encore simplifier l'approche[2] : soit b le nombre de poutres et n le nombre de nœuds,
- si la structure est sur deux appuis simples (ou une articulation et un appui simple), elle est stable si
- b = 2n - 3 ;
- si la structure est sur deux articulations, elle est stable si
- b = 2n - 4.
Exemple
Prenons le cas d'une ferme Polonceau sur deux appuis, une articulation à gauche et un appui simple à droite. Nous avons onze barres et sept nœuds.
Avec la méthode générale, nous avons :
- p = 11, donc 3×11 = 33 équations de la statique ;
- pour les différents nœuds :
- nœuds n2, n3 et n6 : liaisons entre quatre barres, donc 2×3 = 6 inconnues statiques par nœud, soit un total de 3×6 = 18 inconnues,
- nœuds n5 et n7 : liaisons entre trois barres, donc 4 inconnues par nœud, soit 8 inconnues au total,
- nœud n1 : lien entre deux barres et articulation avec le sol, soit 2 + 2 = 4 inconnues,
- nœud n4 : lien entre deux barres et appui simple avec le sol, soit 2 + 1 = 3 inconnues.
Le degré d'hyperstaticité vaut
- H = (18 + 8 + 4 + 3) - 33 = 0
le treillis est donc isostatique.
Avec la méthode simplifiée, nous avons :
- b = 11 ;
- n = 7 ;
donc
- 2n - 3 = 2×7 - 3 = 11 = b
la condition d'isostaticité est donc vérifiée.
Calculs de charge
La première chose est de savoir comment chaque élément va être chargé : intensité de la force et sens (traction ou compression). Il s'agit d'un calcul de statique.
La méthode analytique de référence est la méthode des nœuds : on isole les nœuds un par un et l'on écrit le principe fondamental de la statique. C'est une méthode précise mais longue et fastidieuse pour les grandes structures. On peut déterminer les efforts dans trois poutres simultanément en utilisant la méthode de Ritter, ou méthode des sections, qui utilise le principe de la coupure.
Pour les grandes structures, avant le développement des logiciels de calcul, on utilisait des méthodes graphiques :
- méthode de Ritter associée à la méthode de Culmann[3] ;
- épure de Cremona[4].
Dimensionnement de la structure
Les charges déterminées par la statique permettent de choisir les poutres : profil (qui détermine le moment quadratique) et matériau (qui détermine le module de Young). Les différents éléments doivent vérifier :
- les conditions de résistance des matériaux (stabilité de résistance), ce que l'on appelle « vérification de l'état limite ultime » (ELU) ;
- les conditions de déformation et de déplacement (stabilité de forme), ce que l'on appelle « vérification de l'état limite en service » (ELS).
Notes et références
- Claude Hazard, Frédy Lelong et Bruno Quinzain, Mémotech — Structures métalliques, Paris, Casteilla, , 352 p. (ISBN 2-7135-1751-6), p. 162-164
- Jean-Louis Fanchon, Guide de mécanique : Sciences et technologies industrielles, Nathan, , 543 p. (ISBN 978-2-09-178965-1), p. 68
- Karl Culmann
- Luigi Cremona