Tommaso Garzoni
Tommaso Garzoni, nĂ© Ottaviano Garzoni, Ă Bagnacavallo, dans l'actuelle province de Ravenne, en Ămilie-Romagne en ou il est mort le , est un Ă©crivain italien. Ses Ćuvres, Ă©clectiques, ont Ă©tĂ© diffusĂ©es dans toute l'Europe et ont connu diverses rĂ©impressions Ă diffĂ©rentes Ă©poques, au point qu'il est devenu l'un des auteurs italiens les plus traduits du Cinquecento.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
Nom de naissance |
Ottaviano Garzoni |
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Ordre religieux |
Ordre des chanoines réguliers du Latran (à partir de ) |
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MaĂźtre |
Orazio Spannocchi (d) |
Aperçu biographique
Tomaso Garzoni naquit Ă Bagnacavallo dans la Romagne, au mois de . Son enfance annonçait un prodige ; il nâavait que onze ans, et Ă©tudiait les belles-lettres sous Filippo Ossano dâImola, lorsquâil composa un poĂšme, in ottava rima, sur les jeux mĂȘmes des enfants et sur leurs petits combats.
EnvoyĂ© Ă quatorze ans Ă Ferrare, il y commença lâĂ©tude du droit, quâil alla ensuite continuer Ă Sienne. Il avait dans ce changement un autre but, câĂ©tait dâĂ©purer son langage et son style, et de se dĂ©faire, en Ă©crivant, des mauvaises locutions lombardes. Il commença aussi un cours de philosophie ; mais il se fit tout Ă coup une rĂ©volution dans ses sentiments et dans ses idĂ©es : avant dâentrer dans le monde, il sâen dĂ©goĂ»ta, câest du moins ce que Niceron dit de lui dans ses MĂ©moires (t. XXXVI), et il alla en 1566 prendre Ă Ravenne lâhabit de chanoine rĂ©gulier du Latran ; il nâavait alors que dix-sept ans.
Depuis ce moment, Garzoni se livra Ă lâĂ©tude avec une nouvelle ardeur : la philosophie, la thĂ©ologie, lâhistoire, les langues savantes et mĂȘme lâhĂ©breu, lâespagnol parmi les langues vivantes, furent Ă la fois lâobjet de ses travaux. On ignore sâil commença de bonne heure la composition de plusieurs ouvrages quâil fit paraĂźtre successivement en peu dâannĂ©es.
Le premier quâil publia, est un ouvrage satirique et singulier, intitulĂ© : Il theatro deâ varj diversi cervelli mondani, Venise, 1583, in-4°. Les cervelles humaines y sont divisĂ©es dâabord en cinq espĂšces, dont chacune est plus ou moins subdivisĂ©e, et le tout forme une suite de cinquante-cinq discours.
La premiĂšre division est propre Ă faire sentir lâavantage que les diminutifs et les augmentatifs donnent Ă la langue italienne. I cervelli, les cervelles, dans le sens absolu du mot, sont les bonnes cervelles, les unes paisibles et reposĂ©es, les autres braves et guerriĂšres, dâautres gaies et joviales, ou adroites et rusĂ©es, vives et Ă©veillĂ©es, ou judicieuses et subtiles, ou sages et intelligentes, ou vertueuses et nobles. Chacune de ces qualitĂ©s est le sujet dâun discours oĂč lâauteur en rassemble diffĂ©rents exemples, tirĂ©s de lâhistoire ancienne et moderne.
AprĂšs les cervelli, viennent i cervellini, les petites cervelles, qui sont vaines, inconstantes, changeantes, lĂ©gĂšres, curieuses, lunatiques, colĂ©riques, bizarres, capricieuses, passionnĂ©es ; et lâhistoire fournit encore dans autant de discours, des traits de ces diffĂ©rents vices : i cervelluzzi, sont encore pires; ils sont paresseux, dĂ©sĆuvrĂ©s, stupides, insensĂ©s, balourds, grossiers, dĂ©sagrĂ©ables, insipides, timides, irrĂ©solus, faibles, obtus, distraits, niais, imbĂ©ciles, etc. : i cervelletti valent encore moins ; les petites cervelles de ce genre ne sont pas seulement bornĂ©es, mais mĂ©chantes, bavardes, mordantes, pĂ©dantesques, sophistiques, etc. Vient enfin lâaugmentatif cervelloni, qui est pris comme il doit lâĂȘtre, en bonne part. Les fortes cervelles sont expĂ©rimentĂ©es, mĂąles, fermes, libres, hardies, rĂ©solues, graves, industrieuses, ingĂ©nieuses, et mĂȘme cabalistiques, ce qui parait Ă lâauteur un sujet dâĂ©loges comme tout le reste : mais i cervellazzi, qui sont un autre augmentatif, rassemblent au contraire ce quâil y a de pire au monde, de plus vicieux, de plus vil ; et les vices que lâauteur leur attribue fournissent Ă eux seuls la matiĂšre de ses dix-neuf derniers discours.
Ce livre fut traduit en français par Gabriel Chappuys, Paris, 1586, in-16.
Le plan, et en quelque sorte la structure de lâouvrage, peut donner une idĂ©e de la plupart de ceux du mĂȘme auteur. Le plus considĂ©rable parut le second, et câest le plus cĂ©lĂšbre ; il est intitulĂ© : Piazza universale di tutte le professioni del mondo, Venise, 1585, in-4°. Il y traite en cent cinquante-cinq discours, de toutes les professions des hommes, depuis les rois, les princes et les tyrans ; les prĂ©lats, les moines, chanoines, et chevaliers dâordres religieux ; les savants et docteurs dans toutes les facultĂ©s ; les professeurs de toutes les sciences ; les Ă©crivains, les poĂštes et les orateurs ; les devins, les sibylles et les prophĂštes ; les courtisans et les courtisanes ; les hĂ©rĂ©tiques et les inquisiteurs ; les sauteurs, danseurs, coureurs, faiseurs de tours, etc., jusquâaux arts purement mĂ©caniques, et aux mĂ©tiers les plus communs et les plus vils. Dans chacun de ces discours et sur chacune de ces professions, lâantiquitĂ©, lâhistoire moderne, et mĂȘme contemporaine, fournissent Ă lâauteur des moyens dâĂ©taler son Ă©rudition et ses connaissances, sans quâil en rĂ©sulte ni un trĂšs-grand plaisir, ni une vĂ©ritable instruction pour le lecteur.
Cet ouvrage, qui contient plus de huit cents pages in-4°, fut traduit en latin par Nicolas Bellus, et publiĂ© dans le mĂȘme format Ă Francfort-sur-le-Main, en 1623.
LâHĂŽpital des fous suivit de prĂšs ; il est intitulĂ© : LâHospidale deâ pazzi incurabili, con tre capitoli in fine sopra la pazzia, Venise, 1586, in-4° de 95 pages. Garzoni passe en revue, Ă sa maniĂšre, dans 33 discours, toutes les sortes de folies ; et ce quâil y a ici de particulier, câest une priĂšre quâil adresse Ă la fin de chacun de ces discours, Ă lâun des dieux ou dĂ©esses du paganisme, pour la guĂ©rison de lâespĂšce de fous dont il vient de parler. Lâouvrage fut traduit en français par François de Clarier, sieur de Longval, Paris, 1620, in-8°. PrĂ©cĂ©demment traduite en anglais en 1600 et en allemand en 1618, cette Ćuvre, a suscitĂ© un intĂ©rĂȘt manifeste et exercĂ© une grande influence sur la littĂ©rature europĂ©enne[1]. Pour Valeria Pompejano Natoli LâHospidale serait la source de LâHospital des fous de Charles Beys (1635)[2].
La sinagoga degli ignoranti parut trois ans aprĂšs LâHospidale Ă Venise, in-4°, lâannĂ©e mĂȘme de la mort de lâauteur, qui mourut dans sa patrie le , nâĂ©tant ĂągĂ© que de 40 ans. Câest celui de ses ouvrages dont lâidĂ©e est la plus philosophique ; mais il lâa exĂ©cutĂ© dans le mĂȘme genre que tous les autres, et avec plus dâĂ©rudition que de philosophie : il y examine dans seize discours, ce que câest que lâignorance ; combien il y en a de diffĂ©rentes espĂšces ; quelles en sont les causes, quelle en est la propriĂ©tĂ© ou la matiĂšre ; Ă quels signes on la reconnait ; combien de choses la fomentent et lâentretiennent; quelle est la profession de lâignorant ; quelles sont ses fonctions dans le monde, ses actions, ses occupations, ses prouesses, etc. , etc. On nâest pas surpris de voir lâauteur donner pour principale occupation, aux ignorants, de blĂąmer les savants et les gens de lettres, de les calomnier auprĂšs des princes, des grands, des autoritĂ©s, des gens du monde ; cela Ă©tait ainsi avant lui, et le sera encore aprĂšs nous.
On ne publia que depuis sa mort, un de ses opuscules intitulĂ© : Il mirabile cornucopia consolatorio, Bologne, 1601, in-8°, espĂšce dâouvrage burlesque Ă la louange des cornes, quâil avait Ă©crit, dit-on, pour consoler un mari dâun certain accident dont elles sont lâemblĂšme. Il avait laissĂ© en manuscrit un ouvrage plus considĂ©rable, qui avait pour titre Il serraglio degli stupori del mondo : il Ă©tait divisĂ© en dix appartements, selon les diffĂ©rents objets admirables et extraordinaires, tels que les monstres, prodiges, prestiges ; les sorts, les oracles, les sibylles , les songes, les curiositĂ©s astrologiques, les miracles, et toutes les merveilles, tirĂ©s des meilleurs auteurs, des historiens, des poĂštes, et dont il entreprenait dâexaminer la probabilitĂ© ou lâimprobabilitĂ©, selon les lois de la nature. Bartolomeo Garzoni, son frĂšre, prĂ©lat de Saint-Ubalde dâEugubio, et thĂ©ologien privilĂ©giĂ© de la congrĂ©gation de Latran, fit imprimer ce manuscrit avec des notes, Venise, 1613, in-4°, volume de prĂšs de 800 pages, oĂč lâĂ©rudition est prodiguĂ©e, et les citations entassĂ©es plus encore que dans les ouvrages prĂ©cĂ©dents.
Garzoni avait donnĂ©, un an avant sa mort, une Ă©dition en trois volumes in-fol., des Ćuvres latines de Hugues de Saint-Victor, chanoine de cette maison Ă Paris dans le 12e siĂšcle, dâaprĂšs lâĂ©dition, en pareil nombre de volumes, donnĂ©e Ă Paris en 1526, mais avec des apostilles, des notes, et des scholies de lui, et une vie de cet Ă©crivain. Les auteurs de lâHistoire littĂ©raire de la France, t. 12, lui reprochent avec raison, dâavoir, dans cette vie, par un zĂšle mal entendu pour lâhonneur de son corps, et sans Ă©gard pour la vraisemblance, qualifiĂ© notre Victorin chanoine rĂ©gulier de Latran. On lui attribue encore, mais avec peu de certitude, deux ouvrages intitulĂ©s, lâun lâHuomo astratto, Venise, 1604, in-4° et lâautre, qui paraĂźtrait assez dans son genre, Le vite delle donne illustri della Scrittura sacra, con lâaggiunta delle donne oscure e laide dellâuno e dellâaltro Testamento, Venise, 1588.
Ćuvres
- en italien
- Il Theatro de' vari, e diversi cervelli mondani, Venezia, 1583
- Le vite delle donne illustri della Scrittura sacra. Con l'aggionta delle vite delle donne oscure e laide dell'uno e l'altro Testamento e un discorso in fine sopra la nobiltĂ delle donne, 1586
- L'hospidale de pazzi incurabili, 1586
- La sinagoga de gl'ignoranti, 1589
- La mirabile cornucopia consolatoria, Bologne, 1601 (posthume)
- La piazza universale di tutte le professioni del mondo. Di Tommaso Garzoni da Bagnacauallo. Con l'aggiunta di alcune bellissime annotazioni Ă discorso per discorso, 1585
- Il serraglio de gli stupori del mondo, di Tomaso Garzoni da Bagnacauallo. Diuiso in diece appartamenti, secondo i vari, & ammirabili oggetti. CioĂš di mostri, prodigii, prestigii, sorti, oracoli, sibille, sogni, curiositĂ astrologica, miracoli in genere, e marauiglie in spetie, narrate da' piu celebri scrittori, e descritte da' piu famosi historici, e poeti, le quali talhora occorrono, considerandosi la loro probabilitĂ , ouero improbabilitĂ , secondo la natura. Opera non meno dotta, che curiosa, cosĂŹ per theologi ... come per filosofi ... arricchita di varie annotationi dal m.r.p.d. Bartolomeo Garzoni suo fratello ... Con tre copiosissime tauole., Venezia, 1585
- en français
- Le Théùtre des divers cerveaux du monde, traduict d'italien par Gabriel Chappuys, Paris, J. Houzé, 1586
- L'Hospital des fols incurables, oĂč sont dĂ©duites de poinct en poinct toutes les folies et les maladies d'esprit, tant des hommes que des femmes, Ćuvre [...] tirĂ©e de l'italien de Thomas Garzoni, et mise en notre langue, par François de Clarier, sieur de Longval, Paris, F. Julliot, L. Sevestre, 1620
- L'hospidale deâ pazzi incurabili, trad. par François de Clarier, texte et trad. princeps prĂ©sentĂ©s et commentĂ©s par Adelin Charles Fiorato, Paris, HonorĂ© Champion, 2001
- en anglais
- The Hospital of Incurable Madness. L'Hospedale de' Pazzi Incurabili (1586), by Tomas Garzoni, édité par D. Pastina et J. W. Crayton, Turnhout, Brepols Publishers, 2009
- en allemand
- Spital unheylsamer Narren und NÀrrinnen Herrn Thomasi Garzoni, auss der italiÀnischen Sprach teutsch gemacht durch Georgium Fridericum Messerschmid, Gedruckt zu Strassburg, bey J. Carolo, 1618
- Piazza universale, das ist allgemeiner Schawplatz, Marckt und Zusammenkunfft aller Professionen, KĂŒnsten, GeschĂ€fften, HĂ€ndeln und Handtwerken... erstmaln durch Thomam Garzonum italianisch zusammengetragen, anjetzo [...] verdeutscht, Frankfurt am Mayn, in W. Hoffmanns Buchdruckerei, 1641
- en latin
- Emporium universale, trad. par Nic. Belli, Francfort, 1614[3]
- en espagnol
- Plaza universal de todas sciencias y artes, parte traduzida de toscano [de Thomaso Garzoni] y parte compuesta por el doctor Christóval Suårez de Figueroa, Perpiñan, 1630
Bibliographie
- « Tommaso Garzoni », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabĂ©tique de la vie publique et privĂ©e de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littĂ©rateurs français ou Ă©trangers, 2e Ă©dition, 1843-1865 [dĂ©tail de lâĂ©dition]
- (it) Paolo Cherchi, Enciclopedismo e politica della riscrittura : Tomaso Garzoni, Pise, Pacini, 1981.
- (it) Ouvrage collectif, Tomaso Garzoni : uno zingaro in convento, actes des celebrazioni garzoniane pour le 4e centenaire (1589-1989), Ravenne, Longo, 1990.
- (it) Valeria Pompejano Natoli, «La follia âospitalizzataâ. Dal trattato di Tommaso Garzoni al teatro di Charles Beys», Studi di Letteratura francese (Biblioteca dellâArchivum Romanicum) Serie I, Storia Lett., 1992, 19 (249), p. 229-245.
- (it) Riccardo Benedettini, « Chappuys e Garzoni: note sulla traduzione del âTheatro deâ vari, e diversi cervelli mondaniâ », Studi Francesi, vol. 161,â , p. 259-274 (DOI 10.4000/studifrancesi.6509)
Notes et références
- (it) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en italien intitulĂ© « Tommaso Garzoni » (voir la liste des auteurs).
- Voir lâintroduction dâAdelin Charles Fiorato Ă Tomaso Garzoni, LâHospidale..., p. 53. Sur lâinfluence de LâHospidale..., voir aussi lâintroduction de Valentina Nider et RamĂłn ValdĂ©s Ă leur Ă©dition du poĂšme satirique de Luis Hurtado de Toledo, Hospital de neçios, inĂ©dit jusquâĂ cette rĂ©cente Ă©dition effectuĂ©e dâaprĂšs un manuscrit datĂ© de 1582 : Luis Hurtado de Toledo, Hospital de neçios hecho por uno de ellos que sanĂł milagrosamente [1582] (ediciĂłn crĂtica, introducciĂłn y notas de Valentina Nider y RamĂłn ValdĂ©s), Viareggio-Luca, Mauro Baroni editore, 2000, p. 52.
- Sur les liens qui unissent LâHospidale et les piĂšces de Beys, voir : Valeria Pompejano Natoli, « La follia âospitalizzataâ. Dal trattato di Tommaso Garzoni al teatro di Charles Beys », Studi di Letteratura francese (Biblioteca dellâArchivum Romanicum) Serie I, Storia Lett., 1992, 19 (249), p. 229-245.
- Traduction citée in Jacques-Charles Brunet, Manuel du libraire, Paris, 1842, t. II, p. 367-368.
Notices d'autorité
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