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Tithon (poĂšme)

Tithon (Tithonus en anglais) est l'Ɠuvre du poĂšte victorien Alfred Lord Tennyson, d'abord Ă©crit en 1833 sous le nom de Tithon et achevĂ© en 1859. Il apparait pour la premiĂšre fois dans l'Ă©dition de fĂ©vrier 1860 du Cornhill Magazine de Thackeray avec son appellation dĂ©finitive Tithonus.

Tithon
Image illustrative de l’article Tithon (poùme)
ƒuvre de Francesco Solimena (1704), Éos, dĂ©esse de l’aurore, dit adieu Ă  son amant Tithon et s’envole pour illuminer l’obscuritĂ© de la nuit.

Auteur Alfred Tennyson
Pays Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni
Genre Monologue dramatique
Version originale
Langue Anglais
Titre Tithonus
Éditeur Cornhill Magazine, fondĂ© et dirigĂ© par William Makepeace Thackeray
Date de parution février 1860

Le poĂšme est un monologue dramatique dans lequel Tithon, prince troyen, frĂšre de Priam et pĂšre de Memnon, s’adresse Ă  son amante Éos, dĂ©esse de l’aurore, qui l’a rendu immortel tout en oubliant de lui garantir une jeunesse Ă©ternelle. Sans Ăąge, Tithon, las de son inĂ©luctable vieillesse, aspire Ă  la mort.

Comme l'a soulignĂ© Tennyson, le rĂ©cit poĂ©tique fait Ă  bien des Ă©gards pendant Ă  Ulysse qui prĂ©sente des vues opposĂ©es sur la conception du trĂ©pas. Il n'est pas non plus sans rappeler, quoique indirectement, le deuil d'Arthur Hallam que Tennyson porte jusqu'Ă  son dernier souffle et qui s'exprime dans ses derniĂšres comme dans ses premiĂšres Ɠuvres.

Dans l’ensemble, Tithon se prĂ©sente comme un mĂ©lodrame narratif au mĂȘme titre que Maud (1855), (1860), Enoch Arden (1864), Queen Mary (1875), Ballades et autres poĂšmes (1880), Tiresias (1885), Demeter (1889) et la Mort d'ƒnone (1892) ; de plus, comme les trois derniĂšres Ɠuvres mentionnĂ©es ci-dessus, il ressortit Ă  la veine mythologique du poĂšte.


Vue d'ensemble

Dans la mythologie grecque, Tithon est un Troyen de naissance, fils du roi Laomedon et d’une nymphe des eaux nommĂ©e Strymo (sĂ©vĂšre). Éos[N 1], dĂ©esse grecque de l'aurore, a enlevĂ© GanymĂšde et Tithon de la maison royale de Troie pour en faire ses amants. À son tour, Zeus lui vole GanymĂšde pour qu'il devienne son Ă©chanson ; Éos exige en Ă©change que Tithon soit promu Ă  l'immortalitĂ©. Zeus lui accorde cette faveur, et c'est elle qui, en son nom, lui en confĂšre le privilĂšge, mais elle oublie d'y associer l’éternitĂ© de la jeunesse. De ce fait, Tithon est condamnĂ© Ă  une vie sans fin, mais aussi Ă  une vieillesse Ă  jamais aggravĂ©e. AbimĂ© et flĂ©tri, il est dĂ©sormais l'ombre de lui-mĂȘme et, au-delĂ  de la rĂ©signation, ne rĂ©sout plus Ă  son destin d’immortel.

La principale source classique sur laquelle Tennyson s’appuie est l’histoire de la relation d’Aphrodite avec Anchise dans l'Hymne d'homĂ©rique[N 2] dĂ©diĂ© Ă  la dĂ©esse de la beautĂ© qui raconte briĂšvement l'Ă©tourderie commise par Éos[1] :

« De mĂȘme, EĂŽs au thrĂŽne d'or enleva TithĂŽn, homme de votre race, semblable aux Immortels. Elle alla demander au KroniĂŽn qui amasse les nuĂ©es qu'il fĂ»t immortel et qu'il vĂ©cĂ»t toujours, et Zeus consentit par un signe de tĂȘte, et il accomplit son dĂ©sir ; mais la vĂ©nĂ©rable EĂŽs, l'insensĂ©e ! ne songea pas dans son esprit Ă  demander pour lui la jeunesse et Ă  le soustraire Ă  la cruelle vieillesse. Aussi longtemps qu'il possĂ©da la jeunesse chĂšre Ă  tous, charmĂ© par EĂŽs au thrĂŽne d'or, nĂ©e au matin, il habita, aux limites de la terre, sur les bords de l'OkĂ©anos ; mais, dĂšs que les premiers cheveux blancs se rĂ©pandirent de sa belle tĂȘte, et que sa barbe fut blanche, la vĂ©nĂ©rable EĂŽs s'Ă©loigna de son lit. Et elle le nourrit cependant, dans sa demeure, de froment et d'ambroisie, et elle lui donna de beaux vĂȘtements. Mais quand il eut atteint l'odieuse vieillesse, sans pouvoir remuer ses membres ni se lever, EĂŽs pensa que le mieux Ă©tait de le dĂ©poser dans la chambre nuptiale dont elle ferma les portes brillantes. LĂ , sa voix coule, inentendue, et la force n'est plus qui Ă©tait autrefois dans ses membres flexibles[2]. »

De fait, certains vers du poÚme viennent en droite ligne de cet hymne : ainsi « Here at the quiet limit of the world » rappelle beaucoup les vers 226-227 : « Aussi longtemps qu'il posséda la jeunesse chÚre à tous, charmé par EÎs au thrÎne d'or, née au matin, il habita, aux limites de la terre, sur les bords de l'Okéanos »[2] - [N 3]

La version originale du poĂšme, intitulĂ©e "Tithon", est Ă©crite en 1833, peu aprĂšs la mort d’Arthur Hallam, ami intime du poĂšte depuis les annĂ©es de Cambridge, mais reste Ă  l’état de manuscrit[3]. Ce n’est qu’en , Ă  l’invitation de Thackeray de collaborer Ă  sa revue Cornhill Magazine, que Tennyson modifie de façon substantielle son premier texte[4], dĂ©sormais prĂ©sentĂ© sous le titre de Tithonus. PubliĂ© dans l'Ă©dition de fĂ©vrier, il se voit ensuite inclus dans le recueil Enoch Arden datĂ©e de 1864[4].

PoĂšme

Tithon est un monologue dramatique avec Tithon comme seul locuteur. Cependant, son discours rappelle constamment un auditeur silencieux par l’emploi de phrases ou expressions telles que « je t’ai demandĂ© », « ta beautĂ© », « ton guide », « reprends ton cadeau ». Autrement dit, le « je » du locuteur est accompagnĂ© par implication du « tu » de l’auditeur qu’une fois le contexte connu, s’identifie en tant qu’Éos, la dĂ©esse Ă  la jeunesse Ă©ternelle qui est son amante. Par son seul discours, le locuteur rĂ©vĂšle son identitĂ©, sa personnalitĂ©, ses dĂ©sirs et ses regrets, en somme sa philosophie de vie. Il utilise le vers blanc, pentamĂštre iambique non rimĂ©, dont l’aisance et la mallĂ©abilitĂ© s’adaptent sans heurt au rythme de la conversation, fĂ»t-elle un simple monologue.

Tithonus

The woods decay, the woods decay and fall,
The vapours weep their burthen to the ground,
Man comes and tills the field and lies beneath,
And after many a summer dies the swan.
Me only cruel immortality
Consumes: I wither slowly in thine arms,
Here at the quiet limit of the world,
A white-hair'd shadow roaming like a dream
The ever-silent spaces of the East,
Far-folded mists, and gleaming halls of morn.

Alas! for this gray shadow, once a man—
So glorious in his beauty and thy choice,
Who madest him thy chosen, that he seem'd
To his great heart none other than a God!
I ask'd thee, 'Give me immortality.'
Then didst thou grant mine asking with a smile,
Like wealthy men, who care not how they give.
But thy strong Hours indignant work'd their wills,
And beat me down and marr'd and wasted me,
And tho' they could not end me, left me maim'd
To dwell in presence of immortal youth,
Immortal age beside immortal youth,
And all I was, in ashes. Can thy love,
Thy beauty, make amends, tho' even now,
Close over us, the silver star, thy guide,
Shines in those tremulous eyes that fill with tears
To hear me? Let me go: take back thy gift:
Why should a man desire in any way
To vary from the kindly race of men
Or pass beyond the goal of ordinance
Where all should pause, as is most meet for all?

A soft air fans the cloud apart; there comes
A glimpse of that dark world where I was born.
Once more the old mysterious glimmer steals
From thy pure brows, and from thy shoulders pure,
And bosom beating with a heart renew'd.
Thy cheek begins to redden thro' the gloom,
Thy sweet eyes brighten slowly close to mine,
Ere yet they blind the stars, and the wild team
Which love thee, yearning for thy yoke, arise,
And shake the darkness from their loosen'd manes,
And beat the twilight into flakes of fire.

Lo! ever thus thou growest beautiful
In silence, then before thine answer given
Departest, and thy tears are on my cheek.

Why wilt thou ever scare me with thy tears,
And make me tremble lest a saying learnt,
In days far-off, on that dark earth, be true?
"The Gods themselves cannot recall their gifts."

Ay me! ay me! with what another heart
In days far-off, and with what other eyes
I used to watch—if I be he that watch'd—
The lucid outline forming round thee; saw
The dim curls kindle into sunny rings;
Changed with thy mystic change, and felt my blood
Glow with the glow that slowly crimson'd all
Thy presence and thy portals, while I lay,
Mouth, forehead, eyelids, growing dewy-warm
With kisses balmier than half-opening buds
Of April, and could hear the lips that kiss'd
Whispering I knew not what of wild and sweet,
Like that strange song I heard Apollo sing,
While Ilion like a mist rose into towers.

Yet hold me not for ever in thine East:
How can my nature longer mix with thine?
Coldly thy rosy shadows bathe me, cold
Are all thy lights, and cold my wrinkled feet
Upon thy glimmering thresholds, when the steam
Floats up from those dim fields about the homes
Of happy men that have the power to die,
And grassy barrows of the happier dead.
Release me, and restore me to the ground;
Thou seëst all things, thou wilt see my grave:
Thou wilt renew thy beauty morn by morn;
I earth in earth forget these empty courts,
And thee returning on thy silver wheels.

Tithon (traduction non publiée et libre de droit due à la courtoisie de Henri Suhamy)
Les forĂȘts dĂ©pĂ©rissent, les forĂȘts dĂ©pĂ©rissent et tombent,
Les vapeurs jettent en larmes leur fardeau sur le sol,
L’homme arrive, cultive le champ puis güt sous lui,
Et aprÚs maints étés le cygne meurt.
Le seul ĂȘtre je suis que la cruelle immortalitĂ©
Consume. Je flétris lentement dans tes bras,
Ici, Ă  la tranquille limite du monde,
Ombre aux cheveux blancs qui parcourt tel un rĂȘve
Les espaces de l’Orient Ă©ternellement silencieux,
Les brumes qui se resserrent au loin et les porches rayonnants du matin.
HĂ©las ! Pour cette ombre grise qui fut homme autrefois
Si splendide par sa beauté et par ton choix
Qui a fait de lui son Ă©lu, si bien qu’il sembla
Pour son cƓur exaltĂ© n’ĂȘtre rien d’autre qu’un Dieu !
Je t’ai demandĂ© : « Donne-moi l’immortalitĂ©. Â»
Alors d’un sourire tu exauças ma demande,
Comme les riches qui donnent sans souci de maniĂšres.
Mais tes puissantes Heures, courroucées, accomplirent leurs volontés,
Elles m’ont abattu, abĂźmĂ©, dĂ©vastĂ©,
Sans pouvoir m’achever, m’ont laissĂ© mutilĂ©
À demeurer au voisinage de la jeunesse immortelle,
Vieillesse immortelle jouxtant l’immortelle jeunesse,
Et tout ce que je fus, en cendres. Ton amour,
Ta beautĂ©, peuvent-ils me dĂ©dommager, bien qu’encore aujourd’hui
Tout prĂšs au-dessus de nous, l’étoile d’argent, ton guide,
Brille en ces yeux tremblotants qui s’emplissent de larmes
Quand elle m’entend ? LibĂšre-moi, reprends ce que tu m’as donnĂ©.
Pourquoi un homme désirerait-il de quelque façon
S’écarter de la noble race des hommes,
Ou dĂ©passer l’aboutissement ordonnĂ©
OĂč chacun doit s’arrĂȘter, ainsi qu’à tous il sied le mieux ?

Un doux souffle d’air fend le nuage ; voilĂ  que se prĂ©sente
Une brĂšve vision de ce monde obscur oĂč je suis nĂ©.
À nouveau la vieille lueur mystĂ©rieuse se glisse
De ton front immaculé, de tes épaules immaculées,
Et de la poitrine oĂč bat un cƓur rajeuni.
Ta joue rougit peu à peu à travers la pénombre,
Tes doux yeux s’éclairent lentement tout prĂšs des miens,
Avant mĂȘme d’aveugler les Ă©toiles et l’attelage impĂ©tueux
Qui t’aiment, qui aspirent Ă  porter ton joug, s’élĂšvent,
D’une secousse abattent la noirceur de leurs criniĂšres dĂ©liĂ©es,
Et font Ă©clater le petit-jour en flocons de feu.
Voilà comment toujours tu grandis en beauté
Dans le silence, puis avant de donner ta réponse
Tu pars, et tes larmes coulent sur mes joues.
Pourquoi m’effraies-tu sans cesse avec tes larmes
Et me fais-tu trembler de peur qu’un adage appris
En des jours lointains, sur cette terre obscure, soit vrai ?
« Les Dieux eux-mĂȘmes ne peuvent pas rĂ©voquer leurs dons. Â»
HĂ©las, hĂ©las, avec quel autre cƓur
En des jours lointains, et avec quels autres yeux
J’observais – si c’est bien lui qui observait –
Le contour lumineux qui se formait autour de toi ; je voyais
Les pĂąles volutes s’enflammer en anneaux ensoleillĂ©s,
Je muais au gré de tes métamorphoses mystiques, et je sentais mon sang
Se colorer du rougeoiement qui lentement empourprait toute
Ta prĂ©sence et tous tes portiques, tandis qu’étendu,
Bouche, front, paupiÚres échauffés comme par une rosée,
Avec des baisers plus délicieux que les bourgeons à demi-ouverts
D’avril, j’entendais le baiser de tes lùvres,
Chuchotant je ne sais quoi de violent et de doux,
Comme cette chanson Ă©trange que j’entendis Apollon chanter,
Tandis que telle une brume Ilion s’élevait en hautes tours.
Cependant ne me tiens pas Ă  jamais dans ton Orient ;
Comment ma nature peut-elle se mĂȘler Ă  la tienne ?
Tes ombres roses me baignent de froideur, froides
Sont tes lumiÚres et froids sont mes pieds ridés
Sur tes seuils scintillants, quand la vapeur
Émerge des champs à peine visibles qui entourent les maisons
D’hommes heureux qui ont le pouvoir de mourir,
Et des tumulus herbeux des morts plus heureux encore.
DĂ©livre-moi, rends-moi Ă  la terre ;
Toi qui vois tout, tu verras ma tombe.
Ta beauté renaßtra matin aprÚs matin.
Moi, terre dans la terre, oublierai le vide des palais royaux,
Et je t’oublierai quand tu retourneras sur tes roues d’argent.


Jeune femme dĂ©nudĂ©e dans une position de ballerine avec voile de mousseline blanche drapant les jambes et aprĂšs une volute tenu dans la main gauche, tandis que la tĂȘte, nĂ©gligemment posĂ©e sur le dos de la main, attarde son regard sur une silhouette assise sur une banc dĂ©jĂ  lointaine.
Aurore (Eos), déesse grecque de l'aube, par William-Adolphe Bouguereau (1881).

Le poĂšme commence par Tithon qui s'entretient avec Éos « Ă  la limite tranquille du monde » (vers 7) oĂč il vit avec la dĂ©esse. ConfrontĂ© Ă  la vieillesse et aux souffrances de l'Ăąge, il mĂ©dite sur la mort et la mortalitĂ©, dĂ©plorant que le trĂ©pas ne puisse le libĂ©rer de sa grande misĂšre. Il raconte comment Éos, en le choisissant comme amant, l'a empli d'une telle fiertĂ© qu'il lui a alors semblĂ© que « Pour son grand cƓur, nul autre qu'un Dieu ! » (vers 14). Bien qu'elle lui ait accordĂ© l'immortalitĂ© Ă  sa demande, il n'Ă©chappe pas aux outrages du temps. Les heures et les jours se sont accumulĂ©s, sa jeunesse et sa beautĂ© se sont Ă©vanouies. Il prie Ă  la dĂ©esse de le libĂ©rer de cette vie sans fin : Â« Laisse-moi partir ; reprends ton prĂ©sent », l'implore-t-il (vers 27), supplique qui le conduit Ă  se questionner sur le besoin qu'Ă©prouve chacun Ă  convoiter l'inaccessible.

Éos en pleurs part Ă  l'aube sans rĂ©pondre Ă  son souhait. Alors qu'elle s'envole dans les cieux, le dicton populaire, entendu alors qu'il rĂ©sidait sur la terre, revient Ă  Tithon : « MĂȘme les dieux ne peuvent rappeler leurs dons » (vers 49), et il conçoit que cette sentence contient une part de vĂ©ritĂ© :

« ጚᜌς ή’ ጐÎș λΔχέωΜ παρ’ áŒ€ÎłÎ±Ï…ÎżáżŠ ΀ÎčÎžÏ‰ÎœÎżáż–Îżáœ„ÏÎœÏ…Îžâ€™, ጔΜ’ áŒ€ÎžÎ±ÎœÎŹÏ„ÎżÎčσÎč φόως Ï†Î­ÏÎżÎč ጠΎáœČ ÎČÏÎżÏ„Îżáż–ÏƒÎč »

« L'Aurore, de son lit - quittant l'admirable Tithon - s'élançait, pour porter la lumiÚre aux immortels et aux humains[5]. »

Il se souvient de sa jeunesse et retrouve les impressions d'alors : l'animation qu'Ă©prouve son corps dĂšs l'aube aprĂšs qu'Éos l'a enlacĂ© et lui a murmurĂ© des mots « sauvage et doux » (vers 61), tels le chant entonnĂ© par Apollon lors de la construction d'Ilion (Troie). Dans la derniĂšre section du poĂšme, las de la vie et de l'immortalitĂ©, il n'Ă©prouve qu'une hĂąte, que la mort fasse son Ɠuvre et s'empare de lui, s'exclamant « bien heureux et chanceux sont les hommes dotĂ©s du pouvoir de mourir » (vers 70). Puisque son « Ăąge immortel » (22 ans) ne coĂŻncidera jamais plus avec la « jeunesse immortelle » d'Éos (22 ans), il la supplie encore une fois :

Release me, and restore me to the ground;
Thou seest all things, thou wilt see my grave:
Thou wilt renew thy beauty morn by morn;
I earth in earth forget these empty courts,
And thee returning on thy silver wheels. (72–76)

[Traduction libre] Rends-moi la liberté, redonne-moi la terre ;
Toi qui vois tout, tu verras ma tombe
Ta beauté se renouvellera chaque matin ;
Moi, terre dans la terre, j'oublierai ces palais vides,
Et tu reprendras ton vol sur tes roues d'argent.

Interprétations

Depuis le dĂ©but de sa carriĂšre, mĂȘme avant la mort de son pĂšre, Tennyson peuple ses poĂšmes de personnes ĂągĂ©es et se penche sur ce qu’Anna Barton appelle « la tragĂ©die de la vieillesse[CCom 1] ». Ici, Ă  l’opposĂ©, l'ombre d’Arthur Hallam, brutalement disparu en pleine jeunesse, plane sur le poĂšme, comme elle le fait sur ceux (Morte d'Arthur, Ulysse et TirĂ©sias) qu’il compose Ă  la suite de ce dĂ©cĂšs.

Arthur Henry Hallam, l’ami Ă  jamais pleurĂ©

Peu avant la publication du poĂšme, Tennyson reçoit une lettre de Benjamin Jowett qui vient de se recueillir devant la tombe d’Arthur Hallam et qui Ă©crit : « Étrange sensation que celle qu'on Ă©prouve devant ceux qui nous ont quittĂ©s dans leur jeunesse : alors qu’on vieillit et devient poussiĂ©reux, ils restent tels qu’ils Ă©taient[CCom 2] » : en quelque sorte, cette remarque est au cƓur du poĂšme de Tennyson, mais bien qu’il serait abusif de faire l’équation : Tennyson = Tithon et l’éternellement jeune Arthur Hallam = Aurora, puisque sa mort prĂ©maturĂ©e l’aura prĂ©servĂ©e des ravages de la vieillesse, il n’en demeure pas moins que cette constatation a pu inspirer le poĂšte pour cette mĂ©ditation sur l’ñge, la mort et l’immortalitĂ© Ă  travers le mythe du jeune prince troyen.

De fait, ce deuil jamais surmontĂ© hante aussi la poĂ©sie tardive de Tennyson. Pourtant, selon la critique Mary Donahue, « il n’est pas certain que l’identification d’Éos avec Hallam soit aussi Ă©vidente et aussi simple qu'il y peut paraĂźtre, non plus que la relation Ă©motionnelle entre Tennyson et Hallam soit entiĂšrement clarifiĂ©e par Tithon[CCom 3] ». Sous le masque de Tithon, Tennyson Ă©voque, pour exprimer la nature particuliĂšre de sa propre blessure, « deux des symboles les plus fondamentaux de l'humanitĂ©, l'amour entre un homme et une femme et la frustration de cet amour induite par l'Ăąge[CCom 4] ». Matthew Reynolds, Ă©rudit de l’époque victorienne, remarque qu'« en deuil d'Arthur Hallam, Tennyson Ă©crit des poĂšmes dĂ©crivant ce dont eux jouissent, une longĂ©vitĂ© – mais non l'Ă©ternitĂ© – qui traverse le temps[CCom 5] ».

Christopher Ricks explique que le sentiment de perte que Tennyson Ă©voque si souvent lorsqu'il est question de son ami enlevĂ© Ă  son affection est rarement suscitĂ© par un rĂ©cit Ă  la troisiĂšme personne, mais par les sentiments exprimĂ©s par une seule, et parmi les trois poĂšmes qu'il cite, il inclut Ulysse et Tithon[10]. Il ajoute que Tithon peut Ă©voquer la mort d'Hallam sous un angle diffĂ©rent : Ă©crit en 1833, le poĂšme est longtemps restĂ© Ă  l'Ă©tat de manuscrit, trop poignant peut-ĂȘtre, trop vulnĂ©rable aussi dans sa constante recherche de la mort. Vingt-six ans plus tard, Tennyson l'exhume pour Thackeray, change le titre en Tithonus, ajoute douze vers et le publie. Dans cette ultime version, si ce n'est en aucune sorte un rappel que le poĂšte porte Ă  son ami qu'il destine au public, le mythe demeure, sans doute nourri par l'amour Ă©vident qu'Hallam et Emily, sƓur du poĂšte, ont Ă©prouvĂ© l'un pour l'autre. Tennyson, quant Ă  lui, dĂ©peint Tithon d'oĂč remonte un thĂšme dĂ©jĂ  abordĂ© dans In Memoriam, XVI : prĂ©vaut partout une vague peur d'une tout autre nature : celle, en effet, de l'idĂ©e de la mort, qu'elle soit rĂ©elle ou redoutĂ©e, voire dans le cas de Tithon, ardemment souhaitĂ©e, mais dans le cas d'Hallam, la mort transcendĂ©e en immortalitĂ©[11].

Quoi qu'il en soit, ce substrat biographique contribue Ă  souligner l’originalitĂ© de Tithon au sein de la poĂ©sie tennysonienne : plutĂŽt qu'un hymne Ă  la vie, c’est une supplique Ă  la mort ; plutĂŽt qu’un chant Ă  l’immortalitĂ©, qu’elle soit mythique ou d’essence religieuse, c’est l’expression d’un dĂ©goĂ»t de l’éternitĂ©.

La mĂ©lancolie d’une vieillesse sans fin

Le poĂšme aborde d'emblĂ©e le ton de la mĂ©lancolie Ă  laquelle participe la nature tout entiĂšre, les bois, les brumes, le laboureur et mĂȘme le cygne ; le quatriĂšme vers, cependant rompt cette paix mourante, mais sans Ă -coups : l'inversion Me only (« moi seul «) jaillit soudain accompagnĂ©e de l'adjectif « cruel », que le substantif « cruautĂ© « reprend en Ă©cho selon un enjambement d'autant plus percutant que les vers prĂ©cĂ©dents se sont tous terminĂ©s par un point de ponctuation : Tithon, qui a atteint les limites du vivant, est condamnĂ© Ă  y rester, mĂȘme si pour lui ce n'est qu'une mort Ă  jamais en sursis. DĂšs lors, plus un son dans le poĂšme ; le lecteur entre dans un silence total : seules se perçoivent encore les roues d'argent de la dĂ©esse qui s'est enfuie[11].

La souffrance de Tithon rappelle Ă  chacun qu'il est inutile d'essayer de « transgresser l'ordonnance de choses », (vers 30). Tithon se trouve victime d'avoir voulu Ă©chapper Ă  l'humaine condition, d'avoir enfreint l'ordre rĂ©gissant « la douce humanitĂ© » (the kindly race of men (vers 29). DestinĂ© Ă  vivre Ă  jamais comme une « ombre aux cheveux blancs » (a white-haired shadow) (vers 6) et Ă  sans cesse errer « dans les espaces toujours silencieux de l'Est[C 1] », en raison de l'immortalitĂ© dont il jouit, il a volontairement sacrifiĂ© des prĂ©rogatives de tout ĂȘtre mortel et de ce fait a cessĂ© d'ĂȘtre lui mĂȘme[1].

L’harmonieux silence de l"Orient

Le lecteur peut ĂȘtre surpris que Tithon se trouve confinĂ© dans une terre situĂ©e Ă  l’Orient, Ă  l’opposĂ© de l’Ouest que convoite Ulysse, dans l’autre monde Ă  la fois parallĂšle et inconnu dont le froid fige la frange de l’univers. C’est une niche d’amour de silence, qui garde le souvenir de l’érotisme des jeunes annĂ©es tout en s’harmonisant secrĂštement avec l’incalculable Ăąge du trop vieil amant. Cruellement, les vers qui l’évoquent dĂ©roulent des accents d’une harmonieuse fĂ©licitĂ©[12] : car ici, la musique privĂ©e de sons est partout, avec ses doux refrains Ă©ternellement silencieux ; le sourire d’antan le cĂšde dĂ©sormais au mutisme des larmes que parcourent d’inaudibles frĂ©missements, alors que le doux souffle de l’air rafraĂźchit furtivement les nuĂ©es et que seuls se devinent les inaudibles battements du cƓur. DiscrĂšte, chaque aube voile son retour d’une douceur « argentĂ©e », Ă  la fois soyeuse et Ă©vanescente [13] - [14].

Combien d’annĂ©es se sont Ă©coulĂ©es depuis l’ardeur de leur amour ? La dĂ©solation de leur sentiment n’a rien d’une infidĂ©litĂ© : comme le fait remarquer Ricks, les pronoms « je » et « toi » traversent le poĂšme en Ă©cho, mais avec une impuissance qui se rĂ©vĂšle dĂšs leur premiĂšre mention : « Je me flĂ©tris doucement dans tes bras » (I wither slowly in thine arms). DĂ©jĂ , le baiser sans fin paraĂźt viciĂ©, faux travestissement de l’extase amoureuse. Dans ce duo, « toi » l’emporte toujours sur « je », ce que l’emploi curieusement de hold dans « Pourtant ne me garde pas Ă  jamais en ton Orient » (Yet hold me not for ever in thine East) laisse prĂ©sager ; hold est ici ambigu : garde-moi, embrasse-moi, douce et terrible contrainte, dont secrĂštement j’aspire Ă  me libĂ©rer[15].

Tithon et Ulysse : le miroir déformant

Dans une de ses lettres, Tennyson dĂ©crit son poĂšme comme « un pendant aux Ulysse [publiĂ©s] dans mes anciens volumes »[C 2] ». De fait, le personnage de Tithon contraste fortement avec celui d'Ulysse. Les deux poĂšmes sont Ă  la fois aussi appariĂ©s et opposĂ©s que le sont les querelles et vocifĂ©rations des Grecs et des Troyens, vainqueurs et vaincus, hĂ©ros et victimes[1]. Selon le critique William E. Cain, Tithon a dĂ©couvert la malĂ©diction de l’accomplissement de son vƓu le plus cher. Il vit lĂ  oĂč personne ne devrait vivre, de l'autre cĂŽtĂ© de l'horizon, au-delĂ  de la frontiĂšre qu'Ulysse, lui, ne peut qu'essayer de franchir[17]

Selon l'Ă©rudit victorien A. A. Markley, Tithon diffĂšre radicalement dUlysse dans sa conception de l’acceptation de la mort[1] ; « tandis que Ulysse explore un esprit humain qui refuse de l’accepter, Ă©crit-il, "Tithon" se prĂ©occupe non seulement d’en apprivoiser l'inĂ©vitabilitĂ©, mais aussi de l’appeler de ses vƓux comme partie et fin du cycle de vie. Ainsi, deux visions extrĂȘmes se voient confrontĂ©es, chacune Ă©quilibrant l’autre lorsqu’elles sont considĂ©rĂ©es ensemble, ce qui constitue l’une des intentions premiĂšres de Tennyson lors de la premiĂšre rĂ©daction de 1833. NĂ©anmoins, considĂ©rer Tithon comme un simple pendant d’Ulysse , conduit Ă  des lectures inutilement rĂ©ductrices des deux poĂšmes[8].

Postérité

En grec ancien, l'expression « ΀ÎčÎžÏ‰ÎœÎżáżŠ Îłáż†ÏÎ±Ï‚ / TithĂŽnoĂ» gễras », signifiant littĂ©ralement « une vieillesse de Tithon », dĂ©signe une vie qui s'Ă©ternise[18].

Le titre d’un roman d’Aldous Huxley, traduit en français par Jouvence, initialement publiĂ© en 1939 et renommĂ© AprĂšs maint un Ă©tĂ© meurt le cygne (After Many a Summer Dies the Swan) lors de sa parution aux États-Unis, concerne un milliardaire hollywoodien qui, craignant sa mort imminente, emploie un homme de science pour l'aider Ă  atteindre l'immortalitĂ©[19].

Le dixiĂšme Ă©pisode de Tithon conte l'histoire d'Alfred Fellig, photographe en deuil de son Ă©pouse depuis si longtemps qu’il ne se souvient plus de son nom, qui est condamnĂ© Ă  l'immortalitĂ©. Il finit par ĂȘtre suspectĂ© de plusieurs crimes en raison de sa prĂ©sence constatĂ© chaque fois sur les lieux du forfait. En rĂ©alitĂ©, il saisit toutes les occasions de se rapprocher des gens susceptibles de mourir, qu'il perçoit en noir et blanc, pour les prendre en photo dans l’espoir de rencontrer face Ă  face la Faucheuse qui, Ă  la vue de son visage dĂ©fait par la maladie — il souffre de la fiĂšvre jaune — aura pitiĂ© de lui et le libĂ©rera enfin du monde des vivants[20].

Une longue citation extraite de Tithon est insĂ©rĂ©e dans L'Ombre du vampire (Shadow of the Vampire), film d’horreur amĂ©ricain avec pour interprĂštes principaux John Malkovich et Willem Dafoe. Le film s’appuie sur le classique Nosferatu, mis en scĂšne en 1922 par Friedrich Wilhelm Murnau. AprĂšs une sĂ©rie d’étranges Ă©vĂ©nements, l’équipe cinĂ©matographique commence Ă  se douter que l’acteur principal, Max Schreck, est un vampire pour de vrai. Dans l'une des scĂšnes les plus importantes, ce personnage rĂ©cite le poĂšme de Tennyson tout en contemplant le portrait d’une actrice. Les vers de Tennyson semblent lui convenir Ă  merveille, car il est « frappĂ© d’une cruelle immortalitĂ© » (consumed by cruel immortality)[21].

Annexes

Citations originales de l'auteur

  1. « the ever-silent spaces of the East(vers 9 »
  2. « a pendent to the "Ulysses" in my former volumes[16] »

Citations originales des commentateurs

  1. « the tragedy of being old[6] »
  2. « It is a strange feeling about those who are taken young that while we are getting old and dusty they are just as they were »
  3. « It is not that anything so obvious and simple as the identification of Eos with Hallam is possible or that the emotional relationship between Tennyson and Hallam is wholly clarified by Tithonus[7] »
  4. « two of the most basic symbols, those of love between man and woman and the frustration of love by age, to express the peculiar nature of his own emotional injury[8] »
  5. « Grieving for Arthur Hallam, Tennyson wrote poems which describe what they themselves possess: a life unusually, but not eternally, prolonged through time[9] »

Ouvrages et articles généraux

  • Jean-Pierre Vernant, L'univers, les dieux, les hommes : rĂ©cits grecs des origines, Paris, Éditions du Seuil, coll. « France Loisirs », , 218 p., 18 cm (ISBN 2-7441-3780-4)
  • (en) Andy Meisler, The End and the Beginning : The Official Guide to the X-Files Season 6, Harper Collins, , 304 p. (ISBN 0-06-107595-7).

Ouvrages et articles spécifiques

  • Hallam Tennyson, Alfred Lord Tennyson : A Memoir by his son, Londres, Macmillan & co., , 968 p., 18cm
  • (en) Christopher Ricks, Tennyson, New York, Macmillan, , 362 p., 21 cm (ISBN 978-0-333-13510-5)
  • (en) Matthew Charles Rowlinson, Tennyson's Fixations : Psychoanalysis and the Topics of the Early Poetry, University Press of Virginia, (ISBN 0-8139-1478-7)
  • (en) James Kincaid, Tennyson's Major Poems, New Haven, Yale University Press, .
  • (en) Linda Hughes, The Many Faced Glass, Athens, Ohio, Ohio University Press, .
  • (en) Michael Thorn, Tennyson, New York, St. Martin's Press, , 566 p. (ISBN 978-0-312-10414-6).
  • (en) William E. Cain, Philosophical Approaches to Literature : New Essays on 19th and 20th Century Texts, Bucknell, Bucknell University Press, , 257 p. (ISBN 0-8387-5055-9)
  • (en) Matthew Charles Rowlinson, Tennyson's Fixations : Psychoanalysis and the Topics of the Early Poetry, Charlottesville, Virginie, University Press of Virginia, (ISBN 0-8139-1478-7)
  • (en) A. A. Markley, Stateliest measures : Tennyson and the literature of Greece and Rome, Toronto, University of Toronto Press, , 238 p. (ISBN 0-8020-8937-2, lire en ligne)
  • (en) Anna Barton, Tennyson’s Name : Identity and Responsibility in the Poetry of Alfred Tennyson, Aldershot and Burlington, Ashgate Publishing Limited, , viii + 166 (ISBN 978-0-7546-6408-6, lire en ligne).

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Aurore est l'Ă©quivalent romain d'Éos. Dans la mythologie romaine, c'est Jupiter qui confĂšre Ă  sa demande l'immortalitĂ© Ă  Tithon
  2. L’appellation Hymne homĂ©rique ne fait point rĂ©fĂ©rence Ă  l’aĂšde de l’Iliade et de l’OdyssĂ©e, mais au schĂ©ma prosodique qui, Ă  la façon d’HomĂšre, privilĂ©gie l’hexamĂštre dactylique.
  3. OcĂ©anos (en grec ancien ᜚ÎșΔαΜός) est un Titan, fils d'Ouranos (le Ciel) et de GaĂŻa (la Terre), frĂšre et Ă©poux de TĂ©thys.

Références

  1. Markley 2004, p. 127.
  2. HomĂšre (trad. Leconte de L’Isle), « Hymne Ă  Aphrodite », (consultĂ© le ).
  3. Rowlinson, p. 156.
  4. Markley 2004, p. 12.
  5. HomÚre, Iliade, chant XI, vers 1-2 et ''Odyssée, chant V, vers 1-2.
  6. Barton 2008, p. 39.
  7. Markley 2004, p. 228.
  8. Markley 2004, p. 128.
  9. Reynolds 2001, p. 248.
  10. Ricks 1972, p. 138.
  11. Ricks 1972, p. 129-131.
  12. Ricks 1972, p. 130.
  13. Oxford English Dictionary, "Silver", 13: ’Of sounds’, from 1526, including Milton and Pope.
  14. Ricks 1972, p. 131.
  15. Ricks 1972, p. 132.
  16. Rowlinson 1994), p. 127.
  17. Cain 1984, p. 127.
  18. Anatole Bailly, Dictionnaire grec-français, Hachette, 1950, Ă  l'article ΀ÎčΞωΜός.
  19. Aldous Huxley, After Many a Summer, Londres, Chatto & Windus, 1962.
  20. Meisler 2000, p. 9.
  21. Saverio Tomaiuolo, Neo-Victorian Studies, volume 3, numéro 2, 2010.

Référence à l'article en anglais

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