Théorème d'irréductibilité de Hilbert
En théorie des nombres, le théorème d'irréductibilité de Hilbert, conçu par David Hilbert en 1892[1], stipule que tout ensemble fini de polynômes irréductibles en plusieurs variables et à coefficients rationnels admet une spécialisation commune d'un sous-ensemble propre des variables en des rationnels tels que tous ces polynômes restent irréductibles. Sur le cas le plus simple, si P(X, Y) est un polynôme irréductible de Q[X, Y], alors il existe t rationnel tel que P(t, Y) soit irréductible dans Q[Y]. Ce théorème joue un rôle important en théorie des nombres.
Formulation du théorème
Théorème d'irréductibilité de Hilbert — Soient des polynômes irréductibles dans l'anneau
Alors il existe un r-uplet de nombres rationnels (a1, ..., ar) tel que sont irréductibles sur
Remarques.
- Il découle du théorème qu'il existe une infinité de tels r-uplets. En fait, l'ensemble de toutes les spécialisations irréductibles, appelé ensemble de Hilbert, est grand à bien des égards. Par exemple, cet ensemble est dense pour la topologie de Zariski dans
- Il y a toujours (une infinité) de spécialisations entières, c'est-à-dire que l'assertion du théorème est vraie même si l'on demande que a1, ..., ar soient des entiers.
- Il existe de nombreux corps hilbertiens (en), c'est-à-dire des corps satisfaisant le théorème d'irréductibilité de Hilbert. Par exemple, les corps de nombres sont hilbertiens[2].
- La propriété de spécialisation irréductible énoncée dans le théorème est la plus générale. Un résultat de Bary-Soroker montre que pour qu'un corps K soit hilbertien il suffit de considérer le cas et absolument irréductible, c'est-à-dire irréductible dans l'anneau Kalg[X, Y], où Kalg est la clôture algébrique de K.
Applications
Le théorème d'irréductibilité de Hilbert a de nombreuses applications en théorie des nombres et en algèbre. Par exemple:
- Le problème de Galois inverse, motivation originelle de Hilbert. Le théorème implique presque immédiatement que si un groupe fini G peut être réalisé comme le groupe de Galois d'une extension galoisienne N de alors il peut être spécialisé en une extension galoisienne N0 des rationnels avec G comme groupe de Galois[3]. (Pour cela, prenons un polynôme unitaire irréductible f(X 1, ..., Xn,Y) dont les racines engendrent N sur E. Si f (a1, ..., an,Y) est irréductible pour certains ai, alors une racine de celui-ci engendrera le N0 annoncé.)
- Construction de courbes elliptiques de grand rang[3].
- Le théorème d'irréductibilité de Hilbert est utilisé comme étape dans la preuve d'Andrew Wiles du dernier théorème de Fermat.
- Si un polynôme est un carré parfait pour toutes les grandes valeurs entières de x, alors g(x) est le carré d'un polynôme dans Cela découle du théorème d'irréductibilité de Hilbert avec et
- (Des preuves plus élémentaires existent.) Le même résultat est vrai lorsqu'on remplace « carré » par n'importe quelle autre puissance entière.
Références
- (de) D. Hilbert, « Ueber die Irreducibilität ganzer rationaler Functionen mit ganzzahligen Coefficienten », J. reine angew. Math., vol. 110, , p. 104-129 (lire en ligne).
- (en) Serge Lang, Survey of Diophantine Geometry, Springer-Verlag, (lire en ligne), p. 41.
- Lang 1997, p. 42.
Bibliographie
- (en) J.-P. Serre, Lectures on the Mordell-Weil Theorem, Vieweg, 1989
- (en) Michael D. Fried et Moshe Jarden (en), Field Arithmetic, Springer-Verlag, (lire en ligne)
- (en) Helmut Völklein, Groups as Galois Groups, Cambridge University Press, (lire en ligne)
- (en) Gunter Malle (en) et B. Heinrich Matzat (de), Inverse Galois Theory, Springer, (lire en ligne)