Tefnakht
Shepsesre Tefnakht (en berbère : ⵜⴼⵏⴰⵅⵜ), connu aussi sous le nom de Tnephachthos, en grec ancien, est un prince de Saïs, et le fondateur de la courte XXIVe dynastie pharaonique de l'Égypte antique ; il se présente pour devenir un chef des Mâs dans sa ville natale, bien que ne descendant pas réellement d'une lignée de chefs libyens des tribus Mâ et Libou, comme il a pu être cru[1].
Tefnakht | |
Stèle de Tefnakht - Musée national archéologique d'Athènes | |
Période | Troisième Période intermédiaire |
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Dynastie | XXIVe dynastie (parallèle aux XXIIe et XXIIIe dynasties) |
Fonction | Prince de Saïs de v. -740 à -727, puis pharaon jusqu'en -720 |
Prédécesseur | Interrègne (en tant que pharaon) Osorkon C (en tant que grand chef des Mâ) Ânkhhor (en tant que grand chef de l'ouest) |
Dates de fonction | v. -740 à -720 |
Successeur | Bakenranef |
Famille | |
Père | Gemnefsoutkapou |
Enfant(s) | Bakenranef |
On pense qu'il règne d'environ -740 à environ -720. Tefnakht commence sa carrière en tant que « Grand Chef de l'Ouest », et prince de Saïs, et est un contemporain tardif de l'avant-dernier dirigeant de la XXIIe dynastie pharaonique d'Égypte, Sheshonq V... Tefnakht est en fait le deuxième souverain de Saïs ; il y est précédé par Osorkon C, qui est attesté par plusieurs documents le mentionnant comme chef des Mâs, et chef des armées de cette ville, selon Kenneth Anderson Kitchen[2], alors que son prédécesseur en tant que Grand Chef de l'Ouest est un homme nommé Ânkhhor[3]. Une statue récemment découverte, consacrée par Tefnakht à Amon-Rê, révèle des détails importants sur ses origines personnelles[4]. Le texte de la statue indique que Tefnakht est le fils d'un certain Gemnefsoutkapou, et le petit-fils de Basa, un prêtre d'Amon, près de Saïs[5]. Par conséquent, Tefnakht ne descend pas réellement d'une lignée de chefs des tribus Mâ et Libou, comme on le croyait traditionnellement, mais plutôt d'une famille de prêtres, dont l'origine plus précise n'est pas connue.
Tefnakht est absent de la tradition manéthonienne, peut-être en raison de la forme abrégée sous laquelle l'Ægyptiaca nous est parvenue, peut-être encore parce que Tefnakht aura pu être considéré comme un usurpateur[6]...
Biographie
Tefnakht érige deux stèles de donation, dans les années 36 et 38 de Sheshonq V, en tant que prince à Saïs. Sa stèle de Bouto de l'an 38 est significative, non seulement parce que Tefnakht emploie l'épithète plutôt vantarde de « grand chef de la terre entière », mais aussi en raison de la liste de ses titres religieux, comme prophète de Neith, Edjo et la dame d'Imay[7]. Cela reflète son contrôle sur Saïs, Bouto au nord, et Kom el-Hish au sud-ouest, même avant la fin de la XXIIe dynastie - déjà politiquement fragmentée, aux morts de Sheshonq V puis d'Osorkon IV -, et cela reflète aussi sa base politique dans la partie occidentale du delta du fleuve Nil. Tefnakht établit sa capitale à Saïs, et forme une alliance avec d'autres rois mineurs, de la région dudit delta, afin de conquérir les Moyenne et Haute-Égypte(s), qui sont sinon sous la domination du roi nubien Piye, initiateur quant à lui de la naissante XXVe dynastie. Il est ainsi capable de prendre possession et d'unifier de nombreuses villes du delta, se rendant, de la sorte, considérablement plus puissant que ses prédécesseurs voire contemporains, de la finissante XXIIe et de la concomitante XXIIIe dynasties.
Tefnakht n'est pas membre de la XXIIe dynastie, basée sur Tanis, puisque Tanis est situé(e) dans le delta oriental, alors que sa ville locale de Saïs est située dans le delta ouest, plus près de la Libye. Son titre modeste de « Grand Chef de l'ouest » laisse également entrevoir un arrière-plan non royal. Avant d'assumer le titre de « Grand chef de l'ouest », Tefnakht réussit à étendre son contrôle vers le sud, s'emparant de la ville de Memphis, et assiégeant celle d'Héracléopolis, qui est une alliée du roi kouchite Piânkhy de Nubie. Cela l'amène à faire face à une opposition considérable de Piye, surtout après que Nimlot III, le dirigeant local d'Hermopolis, quitte la sphère d'influence de Piânkhy pour se ranger à ses côtés. Une paire d'engagements navals arrête rapidement toute nouvelle avancée de la coalition de Tefnakht dans les territoires égyptiens de Piânkhy, et Memphis est rapidement reprise par Piânkhy. Après d'autres campagnes, les alliés de Tefnakht se rendent à Piânkhy, et Tefnakht se trouve bientôt isolé. Il envoie finalement une lettre reconnaissant formellement et jurant sa loyauté envers Piânkhy. Tefnakht, cependant, est le seul prince de Basse-Égypte à éviter de voir Piânkhy face à face. Ces détails sont racontés dans la stèle de la grande victoire de Piye, que ce souverain nubien fait ériger le jour de début de sa 21e année de règne. Peu de temps après, Piânkhy rentre chez lui en Nubie au Gebel Barkal, et ne reviendra jamais en Basse-Égypte.
Malgré cet échec, Tefnakht est laissé seul en tant que prince local de sa région de Saïs. Il a réussi, avec le temps, à rétablir le contrôle de son royaume sur la région du delta, à la suite du vide politique qui a résulté du départ de Piânkhy de ces parages. On croit généralement que le prince Tefnakht s'est officiellement proclamé comme roi Shepsesre Tefnakht, et a adopté un titre royal peu après le départ de Piânkhy de la Basse-Égypte. Son successeur à Saïs est Bakenranef.
Existence historique
Alors que la plupart des spécialistes, tels que Kenneth Kitchen, assimilent le Tefnakht de Manéthon au roi Shepsesrê Tefnakht de Saïs, attestés par la stèle de donation de l'an huit d'Athènes, un article récent d'Olivier Perdu[8] suggère que ce Tefnakht est plutôt Tefnakht II, le roi non pharaon qui règne sur la seule Saïs plus tardivement, au milieu des années 690 avant notre ère, durant le début de la fin de la XXVe dynastie. Dans son article, Olivier Perdu publie une nouvelle stèle, datant de la deuxième année du règne de Nékao Ier (XXVIe dynastie), qui, selon lui, est similaire en style, en texte, et en contenu, à la stèle de Shepsesrê Tefnakht. Olivier Perdu en déduit que ces deux rois de Saïs, Tefnakht II et Nékao Ier, sont de proches contemporains. Cependant, ses arguments ne sont pas acceptés par la plupart des égyptologues, comme Dan'el Kahn et Kenneth Kitchen, qui croient encore que la stèle d'Athènes du roi Shepsesrê Tefnakht, de l'an 8, relève probablement de Tefnakht (Ier), plutôt que d'un hypothétique Tefnakht II qui aurait alors assumé le pouvoir en -685 à Saïs, tôt pendant le règne de Taharqa, l'un des plus puissants souverains nubiens d'Égypte, initiateur direct de la XXVe dynastie en tant que pharaon. Kahn souligne également, lors d'une conférence égyptologique à Leyde, que les critères épigraphiques de Perdu - ici sur la célèbre stèle d'Athènes, tels que l'utilisation de la perruque tripartite, méthode par laquelle le dieu à tête de faucon garde la tête droite, dans la même stèle et sur le temple, les reliefs muraux contemporains de l'époque de Tefnakht, la décoration de la stèle (le ciel soutenu par des sceptres ouas) - apparaissent déjà en usage lors de la XXIVe dynastie libyenne, ou au début de la XXVe dynastie nubienne, durant les règnes successifs voire concomitants de Bakenranef, Piye, ou Chabaka[9]. Le revers invisible de la perruque tripartite se trouve sur la stèle de don de Shebitku de Pharbaitos et sur le vase de Bakenranef / Bocchoris datant des derniers jours de Piye et du début de Chabaka - tous paraissant proches du règne présumé de Tefnakht. En outre, la tête du dieu à tête de faucon Horus est, comme Perdu l'a lui-même noté, semblable dans le style à la stèle de Tefnakht, chef des Mâchaouach et principal rival de Piye[10].
Contrairement à Nékao Ier, aucun de ses présumés prédécesseurs en tant que rois saïtiens, qu'il s'agisse de Néchepso, de Tefnakht II, comme d'Ammeris, n'est attesté de manière monumentale en Basse-Égypte. Par conséquent, les deux derniers rois qui apparaissent dans les registres de l'épitomé de Manéthon peuvent bien être fictifs. De plus, il est improbable que Taharqa, peut-être l'un des plus puissants rois koushites, et pharaon de la XXVe dynastie nubienne, durant les dix-huit premières années de son règne, ait toléré l'existence d'une lignée rivale de rois égyptiens à Saïs, pendant la première moitié de son règne, quand il a exercé le plein contrôle sur Memphis et la région du delta du Nil. Après tout, la XXIVe dynastie, ses souverains saïtiens, Tefnakht et Bakenranef, avaient combattu le père de Taharqa, Piye, et résisté à l'expansion du pouvoir kouchite de Chabaka dans ladite région du delta.
Titulature
Notes et références
- (it) P.R. Del Francia, Di una statuette dedicate ad Amon-Ra dal grande capo dei Ma Tefnakht nel Museo Egizio di Firenze : Atti del V Convegno Nazionale di Egittologia e Papirologia, Florence, S. Russo, , p. 94
« Tefnakht n'était pas d'ethnie libou. Si nous appliquons ce même critère au moment de la première confrontation de Tefnakht contre Osorkon (vers 740 av. J.-C.), sachant que même dans ce cas le vainqueur a, pour ainsi dire, hérité de toutes les positions détenues par les vaincus, dans un sens plus large, le sacerdoce, à la fois le titre de grand chef Mâ, il ne peut y avoir aucun doute que Tefnakht n'avait rien à faire, en tant qu'origine familiale, avec l'ethnie Mâchaouach, contrairement à ce que Yoyotte avait supposé. »
- Kenneth Anderson Kitchen, The Third Intermediate Period in Egypt (1100–650 BC), 3rd ed. 1996, Aris & Phillips Limited, p. 351 & p. 355.
- Kenneth Anderson Kitchen, op. cit., § 316.
- P.R. Del Francia, Di una statuette dedicate ad Amon-Ra dal grande capo dei Ma Tefnakht nel Museo Egizio di Firenze, S. Russo (ed.) Atti del V Convegno Nazionale di Egittologia e Papirologia, Firenze, 10-12 décembre 1999, Firenze, 2000, p. 63-112 ; p. 76-82.
- Del Francia, p. 63-112 et p. 76-82.
- M.-A. Bonhême, Les noms royaux dans l'Égypte de la troisième période intermédiaire, Université du Michigan, IFAO, , 297 p. (ISBN 978-2-7247-0045-9, lire en ligne), p. 228
- Kenneth Anderson Kitchen, The Third Intermediate Period in Egypt, p. 362.
- Olivier Perdu, « La Chefferie de Sébennytos de Piankhy à Psammétique Ier », Revue d'égyptologie no 55 (2004), p. 95-111.
- Dan'el Kahn, « The Transition from Libyan to Nubian Rule » in Egypt: Revisiting the Reign of Tefnakht, The Libyan Period in Egypt, Historical and Cultural Studies into the 21st - 24th Dynasties: Proceedings of a Conference at Leiden University 25-27 october 2007, G.P.F. Broekman, R.J. Demarée & O.E. Kaper (eds.), p. 139-148.
- Olivier Perdu, De Stéphinates à Nécho ou les débuts de la XXVIe dynastie, Académie des inscriptions et belles-lettres – Comptes rendus (C.R.A.I.B.-L.), 2002, p. 1229, n.73.