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Suite logistique

En mathématiques, une suite logistique est une suite réelle simple, mais dont la récurrence n'est pas linéaire. Sa relation de récurrence est

Suivant la valeur du paramĂštre ÎŒ (dans [0; 4] pour assurer que les valeurs de x restent dans [0; 1]), elle engendre soit une suite convergente, soit une suite soumise Ă  oscillations, soit une suite chaotique.

Souvent citée comme exemple de la complexité de comportement pouvant surgir d'une relation non linéaire simple, cette suite fut popularisée par le biologiste Robert May[1] en 1976. Une application de la suite logistique est la modélisation de la taille d'une population biologique au fil des générations.

Elle est la solution en temps discret du modĂšle de Verhulst. Le terme « logistique » provient de l'ouvrage de Pierre François Verhulst qui appelle courbe logistique la solution en temps continu de son modĂšle. Il Ă©crit en 1845 dans son ouvrage consacrĂ© Ă  ce phĂ©nomĂšne : « Nous donnerons le terme de logistique Ă  cette courbe ». L'auteur n'explique pas son choix mais « logistique » a la mĂȘme racine que logarithme et logistikos signifie « calcul » en grec[2].

Comportement selon Ό

Dans le modĂšle logistique, nous considĂ©rerons que la variable notĂ©e ici xn dĂ©signe le rapport de la population d'une espĂšce sur la population maximale de cette espĂšce (c'est un nombre compris entre 0 et 1). En faisant varier le paramĂštre ÎŒ, plusieurs comportements diffĂ©rents sont observĂ©s :

Cas 0 ≀ ” ≀ 1
la population s'Ă©teint.

L’espĂšce finira par mourir, quelle que soit la population de dĂ©part. Autrement dit, .

Cas 1 ≀ ” ≀ 3
l'effectif de la population se stabilise.
  • Si 1 ≀ ” ≀ 2, la population finit par se stabiliser autour de la valeur , quelle que soit la population initiale. Autrement dit .
  • Si 2 ≀ ” ≀ 3, elle finit Ă©galement par se stabiliser autour de aprĂšs avoir oscillĂ© autour pendant quelque temps. La vitesse de convergence est linĂ©aire, sauf pour ”=3 oĂč elle est trĂšs lente.
Cas
l'effectif de la population oscille entre 2, 4, 8
 valeurs (puissance de 2).
  • Si 3 < ” ≀ 1+√6 (environ 3,45), elle finit par osciller entre deux valeurs, dĂ©pendantes de ” mais pas de la population initiale.
  • Si 3,45 < ” < 3,54 (environ), elle finit par osciller entre quatre valeurs, lĂ  encore dĂ©pendantes de ” mais pas de la population initiale.
  • Si ” est lĂ©gĂšrement plus grand que 3,54, la population finit par osciller entre huit valeurs, puis 16, 32, etc. L’intervalle des valeurs de ” conduisant au mĂȘme nombre d’oscillations dĂ©croĂźt rapidement. Le rapport entre deux de ces intervalles consĂ©cutifs se rapproche Ă  chaque fois de la constante de Feigenbaum, ÎŽ = 4,669
. Aucun de ces comportements ne dĂ©pend de la population initiale.
Cas 3,57 ≀ ”
l'effectif de la population est chaotique, sauf exception.
  • Vers ”= 3,57, le chaos s’installe. Aucune oscillation n’est encore visible et de lĂ©gĂšres variations de la population initiale conduisent Ă  des rĂ©sultats radicalement diffĂ©rents.
  • La plupart des valeurs au-delĂ  de 3,57 prĂ©sentent un caractĂšre chaotique, mais il existe quelques valeurs isolĂ©es de ” avec un comportement qui ne l’est pas. Par exemple Ă  partir de 1+√8 (environ 3,82), un petit intervalle de valeurs de ” prĂ©sente une oscillation entre trois valeurs et pour ” lĂ©gĂšrement plus grand, entre six valeurs, puis douze, etc. D’autres intervalles offrent des oscillations entre 5 valeurs, etc. Toutes les pĂ©riodes d’oscillation sont prĂ©sentes, lĂ  encore indĂ©pendamment de la population initiale.
  • Au-delĂ  de ”=4, le rapport de la population de l'espĂšce sur la population maximale quitte l’intervalle [0,1] et diverge quasiment pour toutes les valeurs initiales.

Les périodes d'oscillation précédemment décrites répondent à la rÚgle suivante. Considérons l'ordre de Charkovski défini sur les entiers strictement positifs de la façon suivante :

Autrement dit, on place d'abord les impairs à partir de 3 par ordre croissant, puis les impairs multipliés par 2, puis par 4, etc. et on termine par les puissances de 2 par ordre décroissant. Si une valeur du paramÚtre ” correspond à une période d'oscillation n, alors tous entiers succédant à n dans l'ordre de Charkovski correspondent à des périodes d'oscillation déjà apparues pour des valeurs du paramÚtre inférieures à ”. Ainsi, puisque ”=3,82 correspond à une période 3, toutes les périodes d'oscillation possibles sont déjà apparues pour des valeurs de ” entre 0 et 3,82.


Un diagramme de bifurcation permet de résumer graphiquement les différents cas :

L'axe horizontal porte les valeurs du paramÚtre ” (noté r), tandis que l'axe vertical montre les valeurs d'adhérence possibles.

Commentaires

Quelques raisonnements simples et quelques graphiques permettent d'éclairer partiellement les résultats qui précÚdent.

Graphiques


L'Ă©volution de la suite logistique peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e dans le plan (xn, xn+1).

L'Ă©quation de base reprĂ©sente une parabole qui passe par les points d'abscisses 0 et 1 sur l'axe horizontal. Pour que les valeurs de xn+1 ne deviennent pas nĂ©gatives, il faut ne retenir que l'arc compris entre ces deux points ; celui-ci prĂ©sente, pour xn = 1⁄2, un maximum de valeur Ό⁄4. Cette valeur doit aussi ĂȘtre comprise entre 0 et 1, d'oĂč ÎŒ < 4.

Si la suite converge, sa limite satisfait l'équation lim xn+1 = lim xn. Cette limite éventuelle, notée x, est solution de l'équation du second degré

et peut donc prendre l'une ou l'autre des valeurs

Pour décrire le comportement de la suite, il faut partir d'une abscisse x0, déterminer sur la parabole la valeur x1 qui est alors transformée en une nouvelle abscisse en passant par la bissectrice xn+1 = xn et répéter ces deux opérations.

Domaines de convergence

Pour certaines valeurs du paramĂštre ÎŒ, la suite se comporte comme une suite classique et converge vers l'une des deux limites possibles. L'Ă©quation de base peut se rĂ©Ă©crire sous la forme

Si , la suite est majorĂ©e par une suite gĂ©omĂ©trique qui tend vers 0. Si , on peut montrer que quand  tend vers l'infini, et donc la suite tend vers 0.

Pour voir le comportement vis-Ă -vis de la seconde limite Ă©ventuelle, il suffit d'effectuer le changement de variable xn = un + 1 - 1/ÎŒ. La formule devient :

Dans ce cas, la condition de convergence exige que le second membre soit compris entre -1 et + 1 : .

On vĂ©rifie que, si un est proche de la limite 1 - 1/ÎŒ, alors 1-ÎŒ un est proche de 2 - ÎŒ et un tend vers sa limite par valeurs croissantes si ÎŒ est infĂ©rieur Ă  2, par valeurs alternĂ©es s'il est supĂ©rieur Ă  2.

  • ÎŒ = 0,95
    Ό = 0,95
  • ÎŒ = 1,60
    Ό = 1,60
  • ÎŒ = 2,80
    Ό = 2,80

Bifurcations

Dans le paragraphe précédent, la formule de récurrence de la forme xn+1 = f(xn) a permis d'obtenir les premiers attracteurs en cherchant une limite éventuelle conforme à l'équation x = f(x).

Lorsque ÎŒ devient supĂ©rieur Ă  3, il faut chercher une solution Ă  l'Ă©quation x = f(f(x)). Cela conduit Ă  une Ă©quation du quatriĂšme degrĂ© qui possĂšde naturellement les racines dĂ©jĂ  connues — mais ce ne sont plus des attracteurs — et la paire de nouvelles racines

Il n'y a plus de convergence : un cycle-limite apparaĂźt. Le rĂ©sultat de l'itĂ©ration bascule alternativement de l'une des deux derniĂšres racines Ă  l'autre : un+1 =un-1 tandis que un+2 =un. Pour ÎŒ = 3.4, les valeurs approchĂ©es successives 0.84, 0.45, 0.84, 0.45, 0.84.... apparaissent.

Au-delĂ  de la limite de stabilitĂ© de ce cycle, √6 + 1, deux nouvelles bifurcations se produisent, qui dĂ©pendent des solutions de x = f(f(f(f(x)))). Pour ÎŒ = 3.47, les valeurs successives sont de l'ordre de 0.47, 0.86, 0.40, 0.84, 0.47...

  • ÎŒ = 3,40
    Ό = 3,40
  • ÎŒ = 3,47
    Ό = 3,47

Chaos

De bifurcation en bifurcation, les Ă©volutions deviennent de plus en plus complexes. Le processus aboutit, pour ÎŒ > 3.57 environ, Ă  des systĂšmes qui ne prĂ©sentent gĂ©nĂ©ralement plus d'attracteurs visibles. Les graphiques reprĂ©sentent alors une Ă©volution « chaotique » au sens usuel du terme.

Cependant, dans le langage des mathĂ©maticiens, le mot chaos reprĂ©sente une forte sensibilitĂ© aux conditions initiales. Les deux graphiques correspondant Ă  ÎŒ = 3.9 avec des valeurs initiales u0 0.100 et 0.101 montrent que les trajectoires s'Ă©loignent l'une de l'autre jusqu'Ă  devenir rapidement distinctes. Dans un problĂšme concret les conditions initiales ne sont jamais connues exactement : au bout d'un certain temps, un phĂ©nomĂšne chaotique est devenu imprĂ©visible alors mĂȘme que la loi qui le dĂ©finit est parfaitement dĂ©terministe.

  • ÎŒ = 3,90 ; u0 = 0,1
    Ό = 3,90 ; u0 = 0,1
  • ÎŒ = 3,90 ; u0 = 0,101
    Ό = 3,90 ; u0 = 0,101

Notes et références

  1. (en) R. M. May, « Simple mathematical models with very complicated dynamics », Nature, vol. 261, no 5560,‎ , p. 459–467 (DOI 10.1038/261459a0)
  2. (en) Why logistic ogive and not autocatalytic curve?

Annexes

Bibliographie

  • Alain Hillion, Les ThĂ©ories mathĂ©matiques des populations, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je », , 127 p., n°2258 (ISBN 2-13-039193-1)
  • Nicolas BacaĂ«r, Histoires de mathĂ©matiques et de populations, Paris, Éditions Cassini, coll. « Le sel et le fer », , 212 p. (ISBN 978-2-84225-101-7, BNF 42035729), « Verhulst et l'Ă©quation logistique »

Articles connexes

Liens externes

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