AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Subprime

Les « subprimes » sont des emprunts plus risquĂ©s pour le prĂȘteur (et Ă  meilleur rendement) que la catĂ©gorie prime, particuliĂšrement pour dĂ©signer une certaine forme de crĂ©dit hypothĂ©caire (en anglais : mortgage). Le terme s'est fait connaitre en français Ă  la suite de la crise des subprimes aux États-Unis, qui a dĂ©clenchĂ© la crise financiĂšre de 2007 Ă  2011.

Le prime lending rate[1] est le taux d'intĂ©rĂȘt accordĂ© aux emprunteurs jugĂ©s les plus fiables, pour le prĂȘteur l'avantage est un risque minime mais l'inconvĂ©nient est un rendement faible. Un crĂ©dit subprime est accordĂ© Ă  des emprunteurs moins fiables dont on exige en compensation un taux plus Ă©levĂ© ; pour le prĂ©teur le risque est plus fort mais le rendement plus intĂ©ressant ; enfin, encore plus risquĂ© mais de rendement encore meilleur, on trouve la catĂ©gorie junk[2] (littĂ©ralement : « pourrie »). Pour qu'un crĂ©dit subprime reste intĂ©ressant pour l'emprunteur, des montages sophistiquĂ©s avec des taux variables et des produits financiers complexes pouvaient permettre de maintenir des taux bas en dĂ©but de prĂȘt.

Pour les crĂ©anciers, les prĂȘts subprime Ă©taient considĂ©rĂ©s comme individuellement risquĂ©s, mais globalement sĂ»rs et rentables. Cette perception reposait sur une hausse rapide et continue du prix de l'immobilier. Si un emprunteur ne pouvait pas payer, la revente du bien immobilier permettait au prĂȘteur de rĂ©cupĂ©rer son dĂ»[3].

Les prĂȘts subprime se sont dĂ©veloppĂ©s principalement aux États-Unis et au Royaume-Uni. En 2006, ils reprĂ©sentaient aux États-Unis 23 % du total des prĂȘts immobiliers souscrits. En France ce marchĂ© s'est peu dĂ©veloppĂ©. En 2007, prĂšs de trois millions[4] de foyers amĂ©ricains Ă©taient en situation de dĂ©faut de paiement.

Caractéristiques de ces crédits

Les dĂ©biteurs Ă©taient des mĂ©nages Ă  faible revenu, ayant eu des retards de paiement ou des absences de paiement par le passĂ©. Tout individu a trĂšs tĂŽt dans sa vie un score de crĂ©dit, Ă©tabli par une agence privĂ©e d'aprĂšs ses caractĂ©ristiques socio-professionnelles et qui va varier en fonction des Ă©vĂ©nements de sa vie (emploi, chĂŽmage, mariage, incidents de paiement, utilisation du dĂ©couvert, etc). L'Ă©chelle de scores va de 300 Ă  850. Par extension au type de prĂȘts auxquels ils pourront souscrire, les emprunteurs sont nommĂ©s « Prime » lorsqu'ils sont considĂ©rĂ©s comme les plus solvables (> 700 gĂ©nĂ©ralement), et « Subprime » pour les emprunteurs Ă  risque (infĂ©rieur Ă  620, la borne Ă©tant indicative). Entre les deux, la catĂ©gorie intermĂ©diaire est appelĂ©e « Alt-A » ou, plus rarement, « Mid-prime ».

Les crĂ©anciers Ă©taient les banques et organismes de crĂ©dit spĂ©cialisĂ©s, qui ont titrisĂ© une partie de ces crĂ©ances, placĂ©es par des rĂ©hausseurs de crĂ©dit auprĂšs de fonds de placement divers (hedge funds en particulier mais pas seulement), de banques et d'assureurs. Le marchĂ© amĂ©ricain du crĂ©dit n'est pas aussi intĂ©grĂ© qu'en France par exemple oĂč le mĂȘme Ă©tablissement assure en rĂšgle gĂ©nĂ©rale la totalitĂ© de la relation bancaire et la rĂ©alisation du prĂȘt de l'Ă©tude prĂ©liminaire jusqu'au recouvrement en cas de contentieux. Aux États-Unis, chaque Ă©tape peut ĂȘtre sous-traitĂ©e Ă  un intervenant diffĂ©rent avec un vendeur de crĂ©dit chargĂ© de « sourcer » les emprunteurs, un organisme prĂȘteur pour dĂ©bloquer les fonds (gĂ©nĂ©ralement sans Ă©pargne en face : l'organisme se finance lui-mĂȘme Ă  court terme sur les marchĂ©s, ce qui est un problĂšme supplĂ©mentaire en cas de crise de liquiditĂ©), un organisme pour rĂ©cupĂ©rer les mensualitĂ©s du prĂȘt (un « servicer »), un organisme pour packager les prĂȘts afin d'en faire des titres nĂ©gociables sur un marchĂ©, etc. En consĂ©quence, la notion de banque ne recouvre pas toujours la mĂȘme rĂ©alitĂ© qu'en France.

Taux directeurs de la BCE (rouge) et de la FED (bleu)

Les taux d'intĂ©rĂȘt Ă©taient variables avec toute une palette de modalitĂ©s. La premiĂšre, l'indice de rĂ©fĂ©rence Ă  partir duquel le taux Ă©tait calculĂ©, pouvait ĂȘtre le taux directeur de la banque centrale amĂ©ricaine mais Ă©galement, frĂ©quemment, le taux auxquels les banques se prĂȘtent de l'argent entre elles sur le marchĂ© de Londres (« taux Libor »), ce qui ajoutait encore Ă  la confusion des emprunteurs, qui ignoraient totalement les consĂ©quences du recours Ă  un tel indice. La plus palpable Ă©tait que lorsque la RĂ©serve FĂ©dĂ©rale amĂ©ricaine a baissĂ© ses taux pour allĂ©ger les mensualitĂ©s des prĂȘts subprimes, cela n'a eu d'impact que sur les prĂȘts rĂ©alisĂ©s avec cet index mais absolument aucun sur les prĂȘts Ă  index Libor. Ce taux Ă©tait ensuite majorĂ© d'une marge et pouvait durer jusqu'Ă  30 voire 35 ans. Autres modalitĂ©s possibles : - le prĂȘt pouvait ĂȘtre Ă  un taux fixe et bas pendant les premiĂšres annĂ©es puis calculĂ© en regard d'un index, ce qui pouvait entraĂźner une brusque augmentation des mensualitĂ©s et les rendre insupportables pour le budget des mĂ©nages (prĂȘts reset, dits « 2/28 » - 2 ans taux fixe bas puis 28 ans Ă  taux variable - ou « 3/27 »). - le prĂȘt pouvait ĂȘtre Ă  amortissement nĂ©gatif (NegAm). La consĂ©quence ? Le capital empruntĂ© ne diminue pas mais augmente les premiĂšres annĂ©es, ce qui permet d'avoir des mensualitĂ©s moins Ă©levĂ©es mais en contrepartie, un alourdissement de l'endettement. - Le remboursement pouvait ne porter dans un premier temps que sur les intĂ©rĂȘts (interest-only ou IO), un mĂ©canisme s'apparentant Ă  celui du prĂȘt in fine tel qu'il est pratiquĂ© en France. Les garanties portaient le plus souvent sur le logement, avec une hypothĂšque. Jusqu'au dĂ©but 2007, la valeur moyenne des logements augmentait et en cas de dĂ©faillance de l'emprunteur, le prĂȘteur pouvait se rembourser par la revente du logement.

La pĂ©riode d'expansion des subprimes a commencĂ© dĂ©but 2004 et s'est arrĂȘtĂ©e Ă  la mi-2007. Les deux grands dĂ©rivĂ©s de crĂ©dit (ABS et CDO) qui ont ouvert un dĂ©bouchĂ© aux subprimes ont tous deux connu une croissance trĂšs rapide, Ă  la mĂȘme Ă©poque.

La titrisation des crĂ©ances consistait Ă  les regrouper par paquet (plus de 1 000) provenant de plusieurs États amĂ©ricains, de façon Ă  permettre en thĂ©orie une diversification du risque, ou dĂ©corrĂ©lation, en une obligation appelĂ©e Asset-backed security (ABS) revendue Ă  un rĂ©hausseur de crĂ©dits. L'ABS pouvait ensuite ĂȘtre mĂ©langĂ©e avec des obligations moins risquĂ©es pour Ă©mettre des Collateralised debt obligation (CDO), des obligations servant aux banques Ă  proposer aux Ă©pargnants des placements Ă  rendements garantis. L'opĂ©ration de titrisation permettait de sortir les crĂ©ances (prĂȘts) du bilan de la banque. En effet, une banque qui prĂȘte doit disposer d'une rĂ©serve de fonds propres pour faire face aux difficultĂ©s Ă©ventuelles de l'emprunteur (mĂ©canisme de prĂ©caution interne suivi par le rĂ©gulateur). Par la titrisation (prĂȘts agglomĂ©rĂ©s pour ĂȘtre transformĂ©s en obligations vendues Ă  des investisseurs), la banque pouvait ainsi sortir le prĂȘt de son bilan et Ă©vitait d'immobiliser cette rĂ©serve de fonds propres. Ainsi, elle pouvait continuer Ă  placer de nouveaux crĂ©dits, et ainsi rĂ©-alimenter un processus qui n'Ă©tait pas encore qualifiĂ© de bulle immobiliĂšre.

Crise des subprimes

Difficultés rencontrées à partir du début 2007

Entre 2004 et 2007, la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale des États-Unis a relevĂ© son principal taux d'intĂ©rĂȘt directeur, le portant de 1 % en 2004 Ă  plus de 5 % en 2007. Les familles endettĂ©es Ă  taux d'intĂ©rĂȘt variable, qui devaient verser les intĂ©rĂȘts au cours des premiĂšres annĂ©es du prĂȘt, ont alors Ă©chouĂ© Ă  honorer des Ă©chĂ©ances mensuelles en forte hausse. Mais le dĂ©veloppement des subprimes Ă©tant encore rĂ©cent, une majoritĂ© d'entre elles profitait encore du taux promotionnel trĂšs bas des premiĂšres annĂ©es.

La forte rentabilitĂ© de ces crĂ©ances avait amenĂ© les organismes de prĂȘts Ă  en proposer Ă  des familles peu informĂ©es du risque de saisie du logement, puis Ă  s'en dĂ©barrasser en les transformant en titres reprĂ©sentatifs, appelĂ©s asset-backed security. Ces ABS Ă©taient revendues Ă  des banques ou des rehausseurs de crĂ©dit, qui s'en servaient Ă  leur tour pour crĂ©er des collateralised debt obligation (CDO), produits financiers prĂ©sentĂ©s comme sĂ»rs, car mĂȘlant ces crĂ©ances immobiliĂšres Ă  des obligations Ă©mises par les gouvernements, pour recevoir la meilleure notation financiĂšre, le AAA.

Risques de bulle immobiliÚre dénoncés dÚs septembre 2006

DĂšs , des experts tels que Nouriel Roubini, Raghuram Rajan, Meredith Whitney (en) ou Steve Eisman (en), inquiets du dĂ©veloppement des subprimes ont donnĂ© l'alerte sur le risque de bulle immobiliĂšre. Vers la fin de 2006, le marchĂ© immobilier amĂ©ricain a cessĂ© de monter. Et Ă  partir de fĂ©vrier 2007, les Ă©changes de crĂ©ances immobiliĂšres ABS se sont presque arrĂȘtĂ©s. Les prĂȘteurs se sont montrĂ©s intraitables avec les familles en retard de paiement. Les logements saisis ont Ă©tĂ© mis sur le marchĂ©, faisant baisser peu Ă  peu leurs prix au cours de l'annĂ©e 2007.

Dans un contexte de retournement des prix de l'immobilier, la revente des maisons ne suffit plus Ă  assurer au prĂȘteur le recouvrement de sa crĂ©ance. Aux faillites personnelles des familles emprunteuses s'est ajoutĂ©e une sĂ©rie de difficultĂ©s financiĂšres pour les organismes prĂȘteurs et leurs banquiers.

Dans un premier temps, la crise des subprimes[5] a entraßné une baisse modérée des cours boursiers à l'été 2007, attendue par les spécialistes. La baisse la plus profonde s'est produite à l'automne 2008 lorsqu'il est apparu que beaucoup de banques n'avaient pas assez de réserves pour faire face à leurs pertes[6]. En quinze mois, la crise de liquidité a conduit à une crise de solvabilité puis à une crise financiÚre internationale.

Notes et références

  1. prime ou premium désigne, en anglais, la qualité supérieure.
  2. comme les junk bonds
  3. Washington organise le sauvetage de Lehman - Le Monde, 14 septembre 2008
  4. (en) Mortgage Foreclosures by the Numbers - Center for American Progress, 26 mars 2007
  5. Dominique Doise, in Subprime : le prix des transgressions/ Subprime: Price of infringments, Revue de droit des Affaires internationales (RDAI) / International Business Law Journal (IBLJ), N° 4, 2008 [lire en ligne]
  6. Jean-Marie WarĂȘgne, Les crises financiĂšres:les errements de la finance, Monee, Ilinois, Amazon, , 630 p. (ISBN 9798649767606), p219 Ă  p365

Voir aussi

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.