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Sigmar Polke

Sigmar Polke, né le à Oels (Silésie), maintenant Oleśnica (Pologne) et mort le à Cologne, est un artiste allemand contemporain qui a pratiqué essentiellement la peinture en faisant constamment l'analyse critique, dans ses aspects matériels et esthétiques autant que dans ses finalités culturelles[1]. Mais son œuvre multiforme comporte entre autres la photographie, le cinéma, les installations et performances.

Sigmar Polke
Dieter Frowein-Lyasso (de) et son meilleur ami Sigmar Polke (Ă  droite)
Naissance
Décès
(Ă  69 ans)
Cologne
SĂ©pulture
Période d'activité
Nationalité
Activités
Formation
Représenté par
Galerie David Zwirner (en), Artists Rights Society, Skarstedt Gallery (d)
Lieux de travail
Mouvement
Fratrie
Johannes Polke (d)
Wilfrid Polke (d)
Enfant
Anna Polke (d)
Distinctions

Vie et démarche

La famille de Polke a fui la République démocratique allemande en 1953. À son arrivée en Allemagne de l'Ouest, à Wittich, Sigmar Polke a commencé à passer du temps dans les galeries et les musées tout en travaillant comme apprenti dans une fabrique de vitraux appelée Düsseldorf Kaiserwerth, avant d'intégrer la Düsseldorf Kunstakademie (école d'art) à 20 ans. Là, il a fait des peintures qui incorporent des photographies sur la toile. À la remise des diplômes en 1968, il a publié un carton de 14 photographies faites avec un appareil-photo emprunté signifiant ses “sculptures de dessus de table” et ses performances. Pendant les quatre années suivantes, il a fait des milliers de photographies qui n'ont jamais été imprimées et plusieurs films jamais édités, pour des raisons financières. Autodidacte en photographie, Polke a fait avec l'aide de chimistes des expériences avec des produits chimiques, incorporant des erreurs et des éléments de hasard dans son travail fini.

Avec ses condisciples Gerhard Richter et Konrad Lueg[N 1], il a lancé à Kunstakademie un courant appelé le "Réalisme capitaliste"[2]. C'est un anti-style de l'art, s'appropriant la sténographie imagée de la publicité. Ce réalisme se rapportait au modèle de réalisme artistique connu sous le nom de « Réalisme socialiste soviétique », donc la doctrine officielle d'art de l'Union soviétique, mais il a également commenté l'art de l'incitation à la consommation, « doctrine » du capitalisme occidental.

Le côté anarchique du travail de Polke a été en grande partie guidée par son approche critique paradoxale de l'histoire, des valeurs de la société occidentale, mais aussi du rapport que nous entretenons avec le temps, et son œuvre reste encore largement énigmatique tout en étant éminemment stimulante, « un champ de bataille où s'affrontent matières et sujets dangereux » pour reprendre la formule de Bernard Marcadé [3]. Son irrévérence à l'égard des techniques traditionnelles de peinture et des matériaux, son plaisir à l'expérimentation et à se jouer des styles personnels (anciennes « marques de fabrique » qui permettaient d'identifier chaque artiste) comme des styles - figuration, abstraction, Expressionnisme, Romantisme... - ou des différents statuts de l'image - expressive, publicitaire, documentaire, ready-made... - toutes ces attitudes qui caractérisent sa démarche d'artiste ont établi sa réputation maintenant respectée de révolutionnaire visuel.

La peinture intitulée Paganini qui manifeste, mais comme un rébus peut le faire, la « difficulté de se défaire des démons du nazisme »[4], est typique de la tendance de Polke à accumuler différents moyens plastiques sur une unique toile, mais en restant dans le domaine bidimensionnel, sans en faire jamais une œuvre multimédia. Polke combine souvent les laques, les matériaux de ménage, les couleurs thermo-sensibles[5], la peinture, les colorants, ainsi que des couleurs aujourd'hui retirées du marché pour cause de toxicité, mais aussi des mixtures à base d'aluminium, de fer, de potassium, de cire à cacheter[3], ou ses propres photographies. Plusieurs de ces matériaux se retrouvent ensemble souvent dans une seule pièce au point de mettre en péril la conservation de l'œuvre.

Le support traditionnel est souvent abandonné au profit de la toile à motifs imprimés[1]. Il en assemble parfois plusieurs morceaux et cela peut constituer le l'essentiel et la raison d'être de l'œuvre : ce qui est habituellement caché apparait au grand jour. Il utilise aussi des voiles synthétiques transparents qui laissent visibles le châssis. Cette méthode révèle encore la démarche de l'artiste qui, sans jamais être démonstratif mais avec humour, se plait à révéler l'« envers du décor », et nous inviter à interroger le visible, ne pas évacuer ce qui le sous-tend. Des fragments de "récits" complexes utilisent souvent le médium photographique, ou la copie d'écran, mais manipulé au point que l'image est partiellement détruite[6] rendue à une matière plus ou moins informe, et pourtant transposée en peinture bien souvent avec le plus grand soin[N 2]. Ce récit fragmentaire[7] est souvent implicite dans l'image multicouche, donnant l'effet de la projection d'hallucinations ou d'images de rêve sur une série de voiles superposés. mais l'« image » peut aussi n'apparaître que s'il y a un observateur pour la « réchauffer » avec une lampe électrique [5]. Ou encore, c'est en travaillant des deux côtés de la toile en misant sur la transmigration lente du travail réalisé sur le dos de la toile vers la face. Ou en réalisant une peinture qui se métamorphose dans la lumière changeante de Venise[8], du matin au soir. Ici le temps nous est donné à voir comme un co-réalisateur de l'œuvre.

Polke a fait une série de voyages à travers le monde pendant les années 1970, dont il manipule les photographies au Pakistan, à Paris, à New York, en Afghanistan et au Brésil. Ces photographies font partie intégrante de son œuvre.

Enseignant : Il a également enseigné par intermittence en Allemagne de 1970 à 1978. Il s'est alors installé à Cologne, où il continua à vivre et travailler.

En 2010, Sigmar Polke obtient le Prix Haftmann, rĂ©compense artistique la plus richement dotĂ©e en Europe (150 000 Francs suisses, soit 120 000 €), dĂ©cernĂ© par la Fondation Roswitha Haftmann, une fondation suisse, Ă  un « artiste vivant ayant produit une Ĺ“uvre de première importance. »

Sigmar Polke est mort à l'âge de 69 ans, le .

  • Citation :

« Tout évènement, plastique ou même historique, peut se retourner contre lui-même, au point de signifier le contraire exact de ce qu'il était censé primitivement exprimer[9]. »

Courte chronologie

  • 1941 : Naissance Ă  Oels, SilĂ©sie, Allemagne
  • 1945 : Sa famille fuit en Thuringe, qui fera partie de l'Allemagne de l'Est lors de la crĂ©ation de l'État en 1949
  • 1953 : Ă€ 12 ans il Ă©migre Ă  Berlin-Ouest en faisant semblant de dormir dans le mĂ©tro de Berlin. Puis il s'installe Ă  DĂĽsseldorf, Allemagne de l'Ouest oĂą il apprend la peinture sur verre de 1959 Ă  1961
  • 1961-1967 : Étudie Ă  l'AcadĂ©mie des Beaux Arts de DĂĽsseldorf, auprès de Karl Otto Götz et Gerhard Hoehme[10]. Joseph Beuys y est alors enseignant, mais interdit Ă  ses Ă©lèves de peindre[11]. Le groupe Fluxus y est alors très actif.
  • 1963 : Fonde Kapitalistischen Realismus (RĂ©alisme capitaliste) un mouvement artistique avec Gerhard Richter et Konrad Lueg (Konrad Fischer) ; Demonstrative Ausstellung, exposition Ă  DĂĽsseldorf avec Kuttner, Lueg (Konrad Fischer) et Richter
  • 1964 : Neodada Pop Decollage Kapitalistischer Realismus, galerie RenĂ© Block, Berlin ; primĂ© auxYoung Germans award Ă  Baden-Baden avec Klaus Geldmacher et Dieter Krieg
  • 1975 : RĂ©compensĂ© dans la catĂ©gorie peinture Ă  la 13e Biennale de Sao Paulo
  • 1980 : Voyage en Australie et en Nouvelle-GuinĂ©e, au contact des Aborigènes
  • 1986 : RĂ©compensĂ© par un Lion d'or de peinture Ă  la 42e Biennale de Venise
  • 1988 : LaurĂ©at du Bade-Wurtemberg International Prize for Painting
  • 1977 - 1991: Professeur Ă  l'AcadĂ©mie des Beaux-Arts Hambourg
  • 1995 : Carnegie Award[N 3] au Carnegie International, Pittsburgh, Pennsylvanie
  • 1998 : International Center of Photography : Infinity Award for Art ; P.S. 1 Contemporary Art Center, New York
  • 2002 : Praemium Imperiale dĂ©cernĂ© par l'association d'art du Japon.

Œuvres conservées en France

Œuvres conservées en Suisse

  • Zurich, GrossmĂĽnster, vitraux en lames d'agate 2009[13].

Expositions (sélection)

Références

  1. Guy Tosatto : Exposition Grenoble 2013-14, p. 10
  2. Grafik des kapitalistischen Realismus : KP Brehmer, KH Hödicke, Sigmar Polke, Gerhard Richter, Wolf Vostell, Druckgrafik bis 1971
  3. Catalogue Exposition Nîmes 1994, p. 27
  4. Bernard Marcadé : Catalogue Exposition Nîmes 1994, p. 24, qui fait une brève analyse de cette peinture.
  5. Suzanne Pagé : Exposition MAMVP, ARC 1988, p. 7
  6. Sur l'usage de la photographie par Polke : Sigmar Polke : Perdre le référent dans les transformations de l'image, p. 107-112, (dans la partie consacrée à : La photographie comme une image ouverte) in : Mémoire collectif soutenu à l'École Nationale Supérieure Louis Lumière en 2013 : Du détail à l'effacement de l'image
  7. Le jour de gloire est arrivé, 1988, ou Flüchtende (fugitifs), 1992 in Catalogue Exposition Nîmes 1994, p. 57 et 67
  8. 42e Biennale de Venise, 1986, pavillon allemand.
  9. Bernard Marcadé : Catalogue Exposition Nîmes 1994, p. 27
  10. Gloria Moure 2005, p. 310.
  11. Brenard Marcadé : Exposition Grenoble 2013-14, p. 14.
  12. « FRAC Bourgogne », sur www.frac-bourgogne.org (consulté le )
  13. Ulrich Gerster, Die Kirchenfenster des Grossmünsters Zürich : Augusto Giacometti, Sigmar Polke (Schweizerische Kunstführer 915/92), Société d'histoire de l'art en Suisse, Berne 2012

Notes

  1. Konrad Lueg, qui a pris le pseudonyme Konrad Fischer, et est devenu un célèbre galeriste. Arte 31/05/2010: Metropolis, exposition Barcelone : MACBA : http://www.macba.es.
  2. C'est le cas de Pasadena de Sigmar Polke, au Centre Pompidou.
  3. (en) Carnegie Art Award.

Bibliographie

  • Textes de Suzanne PagĂ©, Bernard Lamarche-Vadel, Demosthènes Davvetas, Bernard MarcadĂ©, Bice Curiger, Michael Oppitz, Hagen Lieberknecht et Felman & Dietman, Sigmar Polke : Exposition MAMVP, ARC 1988, Paris, Amis du MusĂ©e d'Art Moderne de la Ville de Paris, , 122 p. (ISBN 2-904497-06-4, BNF 37060261).
  • Textes de Guy Tosatto et Bernard MarcadĂ©, Sigmar Polke : [exposition, CarrĂ© d'art, MusĂ©e d'art contemporain, NĂ®mes, 7 juillet-9 octobre 1994, IVAM, Centro Julio Gonzalez, Valencia, 20 octobre-15 janvier 1995], Paris/NĂ®mes/Paris, RĂ©union des musĂ©es nationaux ; NĂ®mes : CarrĂ© d'art, , 103 p. (ISBN 2-7118-2966-9).
  • (en) Gloria Moure, Sigmar Polke, Barcelone, Ediciones PolĂ­grafa, , 327 p. (ISBN 978-0-7141-2446-9)
  • Textes de Guy Tosatto et Bernard MarcadĂ©, Sigmar Polke [Exposition MusĂ©e de Grenoble], Arles/Grenoble, Arles : Actes Sud ; Grenoble : MusĂ©e de Grenoble, , 183 p. (ISBN 978-2-330-02380-5).

Liens externes

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