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Sauvetage des Juifs du Danemark

Le sauvetage des Juifs du Danemark eut lieu pendant l'occupation du Danemark par le TroisiĂšme Reich lors de la Seconde Guerre mondiale. Le , Adolf Hitler ordonna l'arrestation et la dĂ©portation des Juifs du Danemark. MalgrĂ© de grands risques pour leur vie, la RĂ©sistance danoise, avec l'aide de nombreux citoyens danois, parvint Ă  faire Ă©vacuer 7 220 des 7 800 Juifs du pays, ainsi que 686 conjoints non-juifs, via la mer Ă  destination de la SuĂšde alors neutre[1].

MĂ©morial au square du Danemark Ă  JĂ©rusalem.

Le sauvetage permit Ă  la grande majoritĂ© de la population juive du Danemark d'Ă©viter sa capture par les nazis. Il est considĂ©rĂ© comme l'une des plus grandes actions de rĂ©sistance collective dans les pays occupĂ©s par l'Allemagne nazie. GrĂące Ă  ce sauvetage, et Ă  l'intercession ultĂ©rieure des Danois en faveur de 464 autres Juifs danois capturĂ©s et dĂ©portĂ©s au camp de concentration de Theresienstadt en BohĂȘme, plus de 99 % de la population juive du Danemark survĂ©cut Ă  l'Holocauste[1].

« Protectorat modÚle »

Le l’Allemagne nazie envahit le Danemark et la NorvĂšge. Conscient que la rĂ©ussite d’une rĂ©sistance armĂ©e Ă©tait impossible et souhaitant Ă©viter les victimes civiles, le gouvernement danois se rendit aprĂšs quelques escarmouches symboliques le matin de l’invasion.

Le gouvernement allemand dĂ©clara que son occupation n’était qu’une mesure contre les AlliĂ©s et qu’il n’avait aucunement l’intention de perturber l’indĂ©pendance politique du Danemark[2]. Le gouvernement danois ayant promis une « coopĂ©ration loyale » aux Allemands, l’occupation du Danemark Ă©tait relativement peu sĂ©vĂšre au dĂ©but. La propagande allemande se rĂ©fĂ©rait mĂȘme au Danemark comme Ă©tant le « protectorat modĂšle »[3], lui donnant le surnom de Front CrĂšme (en allemand : Sahnefront), en rĂ©fĂ©rence Ă  la relative tranquillitĂ© de l’occupation et Ă  l’importante quantitĂ© de produits laitiers[4]. Le roi Christian X a conservĂ© son trĂŽne, le gouvernement danois, le Rigsdag (parlement) et les tribunaux nationaux ont continuĂ© de fonctionner. MĂȘme la censure de la radio et la presse Ă©taient administrĂ©es par le gouvernement danois plutĂŽt que par les autoritĂ©s civiles et militaires de l’occupant allemand.

Pendant les premiĂšres annĂ©es de l’occupation, les autoritĂ©s danoises ont rĂ©pĂ©tĂ© Ă  plusieurs reprises aux autoritĂ©s allemandes qu’il n’y avait pas de « problĂšme juif » au Danemark. Les Allemands ont reconnu que le dĂ©bat sur la « question juive » au Danemark Ă©tait un problĂšme potentiellement explosif qui pouvait dĂ©truire la relation « modĂšle » entre le Danemark et l’Allemagne et qui entraĂźnerait des consĂ©quences politiques et Ă©conomiques nĂ©gatives pour l’Allemagne. De plus, le Reich s’appuyait fortement sur l’agriculture danoise, qui fournissait de la viande et du beurre Ă  3,6 millions d’allemands en 1942[5]. Par consĂ©quent, lorsque des officiels allemands Ă  Berlin ont tentĂ© de mettre en place des mesures anti-juives au Danemark, mĂȘme des nazis idĂ©ologiquement engagĂ©s tel Werner Best, reprĂ©sentant du Reich au Danemark, ont adoptĂ© une stratĂ©gie Ă©vitant et diffĂ©rant toute discussion sur les juifs du Danemark.

A la fin de l’annĂ©e 1941, lors de la visite du ministre des Affaires Ă©trangĂšres danois Erik Scavenius Ă  Berlin, les autoritĂ©s allemandes (y compris Hermann Göring) ont insistĂ© pour que le Danemark choisisse de ne pas Ă©viter son « problĂšme juif ». Un journal danois antisĂ©mite a profitĂ© de ces dĂ©clarations pour profĂ©rer des propos calomnieux contre les Juifs du pays ; peu de temps aprĂšs, des individus ont tentĂ© de dĂ©clencher un incendie Ă  la Grande Synagogue de Copenhague. Le gouvernement danois a rĂ©agi avec vigueur : les tribunaux ont imposĂ© d’importantes amendes et des peines d’emprisonnement aux auteurs et aux Ă©ventuels incendiaires, ainsi que d’autres mesures administratives. La sanction des crimes antisĂ©mites par le Danemark a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e par les autoritĂ©s allemandes comme une indication sur les intentions danoises a l’égard de toute mesure future qui pourrait ĂȘtre prise par l’occupant allemand contre les Juifs danois.    

Au milieu de l’annĂ©e 1943, Ă  la suite des dĂ©faites allemandes Ă  Stalingrad et en Afrique du Nord, les Danois ont compris que vivre sous domination allemande n’était plus une certitude Ă  long terme, comme cela l’était en 1940. À la mĂȘme pĂ©riode, la RĂ©sistance danoise s’affirma dans ses actions de sabotage et dans sa presse clandestine. Durant l’étĂ©, plusieurs grĂšves Ă  l’échelle nationale conduisirent Ă  des affrontements armĂ©s entre les danois et les troupes allemandes. À la suite de l’augmentation des activitĂ©s de rĂ©sistances et des Ă©meutes, les autoritĂ©s d’occupation allemande prĂ©sentĂšrent au gouvernement danois un ultimatum le : elles exigĂšrent une interdiction de grĂšves, un couvre-feu et la sanction du sabotage par la peine de mort. ConsidĂ©rant ces termes inacceptables et violant la souverainetĂ© nationale, le gouvernement danois dĂ©clara l’état d’urgence. Une centaine de danois furent pris en otage, parmi lesquels le Grand rabbin Max Friediger et une douzaine d’autres Juifs. En rĂ©ponse, le gouvernement danois dĂ©missionna le . Le rĂ©sultat fut l’administration directe du Danemark par les autoritĂ©s allemandes. Cette forme directe de pouvoir signifiait la fin du « protectorat modĂšle », ainsi que la fin de la protection qu’avait fourni le gouvernement danois aux Juifs du pays jusqu’alors.

Ordre de déportation et sauvetage

DĂ©barrassĂ© du gouvernement danois peu coopĂ©ratif, les occupants nazis commencĂšrent Ă  planifier la dĂ©portation des quelque 7 800 Juifs du Danemark vers les camps de concentration nazis. Le diplomate allemand Georg Ferdinand Duckwitz tenta sans succĂšs d’assurer la sĂ©curitĂ© des Juifs danois en SuĂšde. Le gouvernement suĂ©dois dit Ă  Duckwitz qu’il n'accepterait les Juifs danois qu'avec l’approbation des nazis, qui Ă©videmment ignorĂšrent la demande. Le , Duckwitz divulga les plans de l‘opĂ©ration contre les Juifs danois au prĂ©sident du parti social-dĂ©mocrate danois, Hans Hedtoft. Hedtoft contacta le mouvement de RĂ©sistance danois ainsi que le chef de la communautĂ© juive, C.B Henriques, qui a son tour alerta le Grand rabbin provisoire, Dr Marcus Melchior. Lors des premiers offices du matin du , veille de Roch Hachana, les Juifs furent avertis par le rabbin Melchior de l’action prĂ©vue par les nazis, leur demanda de se cacher immĂ©diatement et de rĂ©pandre l’information Ă  tous leurs parents et amis juifs. 

Les premiĂšres phases du sauvetage furent improvisĂ©es. Lorsque les fonctionnaires danois dans diffĂ©rents ministĂšres ont appris le plan allemand de rassembler tous les Juifs danois, ils ont indĂ©pendamment pris diffĂ©rentes mesures dans le but de trouver les Juifs et de les cacher. Certains ont simplement contactĂ© des amis leur demandant de feuilleter les annuaires tĂ©lĂ©phoniques et d’avertir les personnes ayant un nom Ă  consonance juive pour qu’ils se cachent. La plupart des Juifs se cachĂšrent durant plusieurs jours ou plusieurs semaines, incertains de leur sort. Le dimanche , on lut en chaire une lettre paroissiale dans la plupart des Ă©glises. Celle-ci commençait par dire que la persĂ©cution allait contre les Évangiles : « Nous lutterons pour le droit de nos sƓurs et nos frĂšres juifs Ă  conserver cette libertĂ© Ă  laquelle nous attachons plus de valeur qu'Ă  la vie ».

Bien que la majoritĂ© des Juifs danois aient Ă©tĂ© cachĂ©s, ils auraient certainement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s si un passage vers la SuĂšde n’avait pu ĂȘtre assurĂ© en toute sĂ©curitĂ©. La SuĂšde avait auparavant reçu des Juifs norvĂ©giens avec une sorte de connexion suĂ©doise. Mais les actions pour sauver les norvĂ©giens n’ont pas Ă©tĂ© pleinement efficaces, en raison du manque d’expĂ©rience dans la maniĂšre de traiter avec les autoritĂ©s allemandes. Lorsque la loi martiale a Ă©tĂ© introduite au Danemark le , le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres suĂ©dois rĂ©alisa que les Juifs danois Ă©taient en danger immĂ©diat. Dans une lettre datĂ©e du , l’ambassadeur suĂ©dois Ă  Copenhague a Ă©tĂ© autorisĂ© par le Directeur juridique Gösta Engzell (qui avait reprĂ©sentĂ© la SuĂšde Ă  la ConfĂ©rence d’Evian de 1938 tenue dans le but de discuter des Juifs fuyant le rĂ©gime nazi) de dĂ©livrer des passeports suĂ©dois afin de « sauver les Juifs danois et les amener ici »[6]. Le , le gouvernement suĂ©dois a annoncĂ© via une dĂ©claration officielle que la SuĂšde Ă©tait prĂȘte Ă  accepter tous les Juifs danois en SuĂšde. C’était un message parallĂšle Ă  une dĂ©claration antĂ©rieure officieuse faites aux autoritĂ©s allemandes en NorvĂšge[6]. Des groupes comme le club de couture d'Elseneur (en danois : HelsingĂžr Syklub) ont aidĂ© Ă  transporter des Juifs en secret et en toute sĂ©curitĂ©[7].

Le physicien danois Niels Bohr, dont la mĂšre Ă©tait juive, a adoptĂ© une position rĂ©solue pour ses concitoyens dans un appel personnel au roi de SuĂšde et aux ministres du gouvernement[8]. Le roi Gustav V lui accorda une audience Ă  la suite d'un appel convaincant de Greta Garbo, qui connaissait Bohr[9]. Il a Ă©tĂ© sorti de SuĂšde, le gouvernement suĂ©dois lui ayant organisĂ© son transport immĂ©diat pour les États-Unis afin de travailler sur le projet Manhattan. Lorsque Bohr est arrivĂ© sur le sol suĂ©dois, les reprĂ©sentants du gouvernement lui ont dit qu'il devait embarquer immĂ©diatement sur un aĂ©ronef pour les États-Unis. Bohr refusa. Il a dit aux fonctionnaires, puis au roi, que tant que la SuĂšde n’annoncerait pas sur ses ondes et dans la presse que ses frontiĂšres sont ouvertes pour accueillir les Juifs danois, il n’irait nulle part. Bohr lui-mĂȘme raconta ces Ă©vĂšnements[10]. Comme le rapporte l'historien Richard Rhodes[8], le , Bohr persuada le roi Gustaf V de SuĂšde de rendre publique la volontĂ© de la SuĂšde de donner l'asile, et le la radio suĂ©doise annonçait que la SuĂšde Ă©tait prĂȘte Ă  recevoir les rĂ©fugiĂ©s juifs. L'historien Richard Rhodes et d'autres[8] interprĂštent les actions de Bohr en SuĂšde comme Ă©tant un prĂ©curseur nĂ©cessaire sans lequel le sauvetage de masse n'aurait pu avoir lieu. Cependant, selon Paul A. Levine, qui ne mentionne pas du tout le facteur Bohr, le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres suĂ©dois a donnĂ© suite Ă  des instructions claires donnĂ©es beaucoup plus tĂŽt par le Premier ministre Per Albin Hansson et le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Christian GĂŒnther, suivant une politique dĂ©jĂ  Ă©tablie en 1942. MĂȘme si les efforts de Bohr en SuĂšde Ă©taient peut-ĂȘtre superflus, il fit tout ce qu'il pouvait pour ses compatriotes[11].

Les Juifs ont Ă©tĂ© introduits clandestinement et transportĂ©s hors du Danemark par le dĂ©troit d'Øresund du Jutland Ă  la SuĂšde – une durĂ©e variable selon l'itinĂ©raire spĂ©cifique et le temps, mais la moyenne Ă©tait de moins d'une heure sur la mer houleuse d'hiver. Certains ont Ă©tĂ© transportĂ©s dans de grands bateaux de pĂȘche d'un maximum de 20 tonnes, mais d'autres ont Ă©tĂ© transportĂ©s en chaloupes ou en kayaks. Le ketch Albatros Ă©tait l'un des navires utilisĂ©s pour les passages clandestins en SuĂšde. Certains rĂ©fugiĂ©s ont Ă©tĂ© introduits clandestinement dans des wagons de marchandises sur les ferries rĂ©guliers entre le Danemark et la SuĂšde, cette route Ă©tant adaptĂ©e aux trĂšs jeunes ou trop ĂągĂ©s trop faibles pour endurer un difficile passage en mer. Les agents du Mouvement de la RĂ©sistance danois sont entrĂ©s dans des wagons de marchandises vides scellĂ©s par les Allemands aprĂšs inspection, ont aidĂ© les rĂ©fugiĂ©s Ă  y monter et les ont refermĂ©s avec des sceaux allemands falsifiĂ©s ou volĂ©s pour empĂȘcher d'autres inspections.

Les pĂȘcheurs ont rĂ©clamĂ© en moyenne 1 000 couronnes danoises par personne pour le transport, mais certains ont facturĂ© jusqu'Ă  50 000 couronnes. Le salaire mensuel moyen Ă  l'Ă©poque Ă©tait infĂ©rieur Ă  500 couronnes, et la moitiĂ© des Juifs sauvĂ©s appartenaient Ă  la classe ouvriĂšre. Les prix Ă©taient dĂ©terminĂ©s par les principes du marchĂ© de l'offre et de la demande, ainsi que par la perception du risque par les pĂȘcheurs. Le Mouvement de la RĂ©sistance danois a participĂ© activement Ă  l'organisation du sauvetage et Ă  son financement, principalement de riches danois qui ont fait don d'importantes sommes d'argent pour l’opĂ©ration. On estime que le sauvetage a coĂ»tĂ© environ 20 millions de couronnes, une moitiĂ© aurait Ă©tĂ© payĂ©e par des familles juives et l’autre moitiĂ© par des dons et des collectes[12].

Pendant les premiers jours du sauvetage, les Juifs se sont installĂ©s dans les nombreux ports de pĂȘche sur la cĂŽte danoise pour attendre le passage, mais les officiers de la Gestapo ont commencĂ© Ă  suspecter l'activitĂ© autour des ports (dans la nuit du , environ 80 Juifs ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s dans le grenier de l'Ă©glise de Gilleleje, aprĂšs la dĂ©nonciation d'une danoise amoureuse d'un soldat allemand)[13]. AprĂšs cela, les sauvetages devaient avoir lieu Ă  partir de points isolĂ©s le long de la cĂŽte. En attendant leur tour, les Juifs se cachĂšrent dans les bois et dans des chalets loin de la cĂŽte, hors de vue de la Gestapo.

Certains rĂ©fugiĂ©s ne sont jamais arrivĂ©s en SuĂšde : quelques-uns ont choisi de se suicider, d’autres ont Ă©tĂ© capturĂ©s par la Gestapo en route vers leur point d’embarquement, 23 d’entre eux ont Ă©tĂ© perdus en mer quand les navires ont chavirĂ© et d'autres encore ont Ă©tĂ© interceptĂ©s en mer par des patrouilleurs allemands. La police portuaire danoise et la police civile ont souvent coopĂ©rĂ© avec l'activitĂ© de sauvetage. Au dĂ©part, la Gestapo Ă©tait Ă  court de personnel et l'armĂ©e et la marine allemandes ont Ă©tĂ© appelĂ©es pour aider la Gestapo Ă  empĂȘcher le transport. Cependant, dans l'ensemble les troupes militaires allemandes se sont montrĂ©es moins enthousiastes dans l'opĂ©ration et ont souvent fermĂ© les yeux sur les Ă©vadĂ©s. Les Allemands locaux au commandement ont peut-ĂȘtre rĂ©ellement facilitĂ© l'Ă©vasion, grĂące Ă  leurs propres calculs politique et leur inactivitĂ©[14] - [15]

Arrestations et déportations

A Copenhague, l'ordre de dĂ©portation fut exĂ©cutĂ© le Nouvel An juif, la nuit du 1er au , lorsque les Allemands supposaient que tous les Juifs seraient rassemblĂ©s Ă  la maison. Le rassemblement a Ă©tĂ© organisĂ© par les SS qui ont utilisĂ© deux bataillons de police et une cinquantaine de volontaires danois membres des Waffen SS choisis pour leur familiaritĂ© avec Copenhague et le nord de la ZĂ©lande. Les SS se sont organisĂ©s en Ă©quipes de cinq hommes, chacune avec un Danois, un vĂ©hicule et une liste d'adresses Ă  vĂ©rifier. La plupart des Ă©quipes n'ont trouvĂ© personne, sauf une qui a trouvĂ© quatre Juifs sur la cinquiĂšme adresse vĂ©rifiĂ©e. LĂ , un pot-de-vin de 15 000 couronnes fut rejetĂ© et l'argent dĂ©truit. Les Juifs arrĂȘtĂ©s ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  apporter deux couvertures, de la nourriture pour trois ou quatre jours, et une petite valise. Ils ont Ă©tĂ© transportĂ©s au port, Langelinie, oĂč deux grands navires les attendaient. L'un des membres danois des Waffen-SS croyait que les Juifs Ă©taient envoyĂ©s Ă  Dantzig[16].

Le , certains communistes danois arrĂȘtĂ©s ont Ă©tĂ© tĂ©moins de la dĂ©portation de quelque 200 Juifs de Langelinie via le navire Wartheland. Parmi ceux-ci, un jeune couple mariĂ© rĂ©ussit Ă  convaincre les Allemands qu'ils n'Ă©taient pas juifs et furent libĂ©rĂ©s. Le reste comprenait des mĂšres avec des nourrissons, des malades et des personnes ĂągĂ©es ainsi que le rabbin Max Friediger et les autres otages juifs qui avaient Ă©tĂ© placĂ©s dans le camp d'internement danois, HorserĂžd, du 28 au . Ils ont Ă©tĂ© conduits sous le pont sans leurs bagages sous des cris et des coups. Les Allemands prirent alors toute chose ayant de la valeur dans les bagages. Leur dĂ©chargement le lendemain Ă  Swinemunde fut encore plus inhumain. De lĂ , les Juifs ont Ă©tĂ© conduits dans deux wagons Ă  bĂ©tail, environ une centaine par wagon. Pendant la nuit, alors qu'elle Ă©tait encore enfermĂ©e dans le wagon, une mĂšre juive pleurait que son enfant Ă©tait mort. À titre de comparaison, les communistes danois Ă©taient conduits avec «seulement» une cinquantaine de personnes par wagons. NĂ©anmoins, ils ont rapidement commencĂ© Ă  souffrir de chaleur, de soif et de manque de ventilation. Ils n'avaient rien Ă  boire avant d'avoir reçu de l'eau salĂ©e le , peu de temps avant d'ĂȘtre dĂ©chargĂ©s Ă  Dantzig[17].

Seulement 580 Juifs danois n’ont pas rĂ©ussi Ă  atteindre la SuĂšde. Certains d'entre eux sont restĂ©s cachĂ©s au Danemark jusqu’à la fin de la guerre, quelques-uns sont morts d'accidents ou se sont suicidĂ©s, et une poignĂ©e a eu une permission spĂ©ciale de rester. La grande majoritĂ©, 464 des 580, ont Ă©tĂ© capturĂ©s et envoyĂ©s au camp de concentration de Theresienstadt en TchĂ©coslovaquie occupĂ©e par l'Allemagne[1]. AprĂšs la dĂ©portation de ces Juifs, d’importants fonctionnaires danois persuadĂšrent les Allemands d'accepter des paquets de nourriture et de mĂ©dicaments pour les prisonniers. En outre, le Danemark a persuadĂ© les Allemands de ne pas expulser les Juifs danois vers des camps d'extermination. Cela a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© grĂące Ă  la pression politique danoise, en utilisant la Croix-Rouge danoise pour surveiller frĂ©quemment l'Ă©tat des Juifs danois Ă  Theresienstadt. Au total, 51 Juifs danois - pour la plupart ĂągĂ©s - sont morts de maladie Ă  Theresienstadt, mais en , Ă  l'approche de la fin de la guerre, 425 Juifs danois survivants (dont quelques-uns sont nĂ©s dans le camp) furent parmi les milliers de Juifs livrĂ©s par les Allemands Ă  Folke Bernadotte de la Croix-Rouge suĂ©doise et transportĂ© en SuĂšde dans les Bus blancs[1]. Le nombre de victimes juives danoises pendant la Shoah figurent parmi les plus bas des pays occupĂ©s d'Europe. Selon Yad Vashem, 102 Juifs du Danemark seulement sont morts durant la Shoah.

Reconnaissances

À son initiative, le mouvement de rĂ©sistance danois a demandĂ© Ă  ĂȘtre honorĂ© par Yad Vashem comme faisant partie du « juste parmi les nations » uniquement tel un effort collectif et sans faire des dossiers pour les nombreux individus impliquĂ©s[18]. MĂȘme si normalement cette distinction est uniquement individuelle, exceptionnellement[19], le sauvetage des Juifs du Danemark est reprĂ©sentĂ© et honorĂ© collectivement Ă  Yad Vashem par une plaque et un arbre plantĂ© en hommage au roi et au mouvement de rĂ©sistance danois - et par un bateau de pĂȘche authentique du village danois de Gilleleje. Par ailleurs, une poignĂ©e d'individus fut honorĂ©e de la mĂ©daille de juste[20]. Et Georg Ferdinand Duckwitz, le fonctionnaire allemand qui a rĂ©vĂ©lĂ© l’organisation de la rafle, est Ă©galement sur la liste de Yad Vashem.

Dans le square du Danemark (Kikar Denya) à Beit Hakerem, Jérusalem, une statue de navire stylisé du sculpteur Roda Reilinger (he) rend hommage au sauvetage.

Le Musée américain de l'Holocauste à Washington DC expose en permanence un bateau de sauvetage authentique utilisé dans plusieurs passages dans le sauvetage de quelque 1400 Juifs.

Liste partielle des sauveteurs danois

Alors que seulement quelques Danois, la plupart non-membres de la rĂ©sistance, qui se trouvaient ĂȘtre connus par le Juif qu’il ou qu’elle a aidĂ©, sont inscrits sur la liste de Yad Vashem, il y avait plusieurs centaines, sinon quelques milliers, de Danois ordinaires qui ont pris part aux efforts de rescousse. Ils travaillaient le plus souvent au sein de petits groupes spontanĂ©ment organisĂ©s et «sous couverture». Connus seulement par leurs noms fictifs ils ne pouvaient gĂ©nĂ©ralement pas ĂȘtre identifiĂ©s par ceux qui ont Ă©tĂ© sauvĂ©s et donc ne rĂ©pondaient pas aux critĂšres de Yad Vashem pour recevoir l'honneur « Juste parmi les Nations ». Voici une liste partielle de quelques-uns des sauveteurs les plus importants, Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'extĂ©rieur du mouvement de rĂ©sistance formel, dont les noms ont fait surface au fil des annĂ©es[21] - [1] - [22] - [23] - [24]:

  • Fanny Arnskov
  • Knud Dyby
  • Ellen Marie Christensen
  • Aage and Gerda Bertelsen
  • Richard and Vibeke Ege
  • JĂžrgen Gersfelt
  • Ejler Haubirk
  • Steffen Hansen
  • Ole Helwig
  • Leif B. Hendil
  • Erik Husfeldt
  • Signe (Mogensen) Jansen
  • Robert Jensen
  • JĂžrgen Kieler
  • Elsebeth Kieler
  • Erling KiĂŠr
  • Karl Henrik KĂžster
  • Thormod Larsen
  • Steffen Lund
  • Ebba Lund
  • Ellen W. Nielsen
  • Robert Petersen
  • Paul Kristian Brandt Rehberg
  • Ole Secher
  • Svenn Seehusen
  • Erik StĂŠrmose
  • Henny Sunding
  • Laust SĂžrensen
  • Henry Thomsen
  • Henry Rasmussen
  • BĂžrge RĂžnne
  • Mogens Staffeldt
  • Ellen W. Nielsen
  • Hilbert Hansen
  • Thora Daugaard

Dans la culture populaire

Littérature

  • Le livre Compte les Ă©toiles (1989) de Lois Lowry est un rĂ©cit fictif du sauvetage d'une famille juive danoise.
  • Le livre de Carol Matas Lisa's war et Jasper sont des rĂ©cits fictifs sur une fille juive et sur l'implication de son frĂšre dans le mouvement de rĂ©sistance du Danemark.
  • Le roman populaire d'Elliot Arnold, A Night of Watching (1967), est un rĂ©cit fictif des Ă©vĂ©nements entourant le sauvetage. Certains des officiers allemands rĂ©els qui ont Ă©tĂ© impliquĂ©s, tels que Werner Best et Adolf Eichmann, sont intĂ©grĂ©s dans l'histoire.
  • Le roman de Sandi Toksvig, Le Canari d'Hitler, prend place au Danemark pendant l'occupation allemande, et l'histoire est centrĂ©e sur une famille impliquĂ©e dans le mouvement de rĂ©sistance.
  • LĂ©on Uris se rĂ©fĂšre au mythe du roi danois et de l'Ă©toile jaune dans son roman Exodus (1958) (rĂ©fĂ©rence supprimĂ©e dans la version danoise), tout comme le film du mĂȘme nom.

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) Leo Goldberger, The Rescue of the Danish Jews: Moral Courage Under Stress, NYU Press, 1987, préface (XX-XXI).
  2. Goldberger, Leo., The rescue of the Danish jews : moral courage under stress, New York Univ. Press, (ISBN 0-8147-3010-8, OCLC 185913872, lire en ligne)
  3. (en) Shirer, William L., The Challenge of Scandinavia, Londres, Robert Hale,
  4. Christian-Albrechts-UniversitÀt (Kiel, Allemagne). Historisches Seminar., NeutralitÀt und totalitÀre Aggression : Nordeuropa und die GrossmÀchte im Zweiten Weltkrieg, F. Steiner, , 435 p. (ISBN 978-3-515-05887-2, OCLC 464227214, lire en ligne)
  5. (en) Yahil Leni, « The rescue of Danish Jewry: test of a democracy », Philadelphia: Jewish Publication Society of America,‎ , p.118
  6. (en) Levine Paul A., From Indifference to Activism – Swedish Diplomacy and the Holocaust : 1938–1944, Uppsala,
  7. Byers, Ann, Rescuing the Danish Jews : a heroic story from the Holocaust, Enslow Publishers, (ISBN 978-0-7660-3321-4, OCLC 784194026, lire en ligne)
  8. Chacune de ces sources dĂ©crit l’activitĂ© politique de Bohr au temps de l'occupation nazie.. Niels Bohr: Collected Works. The Political Arena (1934–1961), Page 14, Niels Bohr, LĂ©on Rosenfeld, Finn Aaserud, Elsevier, 2005. The Rescue of the Danish Jews: Moral Courage under Stress, page 10, Leo Goldberger, NYU Press, 1987. The Destruction of the European Jews. Volume 2, page 596, Raul Hilberg, Yale University Press, 2003. Niels Bohr's Times, in Physics, Philosophy, and Polity. page 488. Abraham Pais, Clarendon Press, Oxford, 1991 "Resistance Fighter: A Personal History of the Danish Resistance. Pages 91–93, JĂžrgen Kieler, Gefen Publishing House Ltd, 2001
  9. (en) Bret David, Garbo : Divine Star, The Robson Press,
  10. Aaserud, Finn., Rosenfeld, LĂ©on. et RĂŒdinger, Erik., Collected works / 11 The political arena : (1934-1961)., North-Holland, , 778 p. (ISBN 978-0-444-51336-6, OCLC 165893923, lire en ligne)
  11. Goldberger, Leo., The rescue of the Danish jews : moral courage under stress, New York Univ. Press, , 222 p. (ISBN 978-0-8147-3011-9, OCLC 185913872, lire en ligne)
  12. (da) « HjĂŠlpen til de danske jĂžder – hvorfor hjalp sĂ„ mange, og hvad var risikoen? », Folkedrab.dk,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (da) Christian Tortzen, Gilleleje Oktober 1943, Copenhague, Fremad,
  14. (en) Paulssen Gunnar S., « The bridge over the Oeresund: The historiography on the expulsion of Jews from Nazi-occupied Denmark », J.contemp. Hist. 30,‎ , p. 431–464
  15. Hans Kirchhoff, « Denmark: a light in the darkness of the Holocaust? A reply to Gunnar S. Paulsson », Journal of Contemporary History. 30 (3),‎ , p. 465–479
  16. BundgÄrd Christensen, Claus, Poulsen, Niels Bo et Smith, Peter Scharff, Under hagekors og Dannebrog : danskere i Waffen SS, Aschehoug, (ISBN 978-87-11-11843-6, OCLC 474724051, lire en ligne)
  17. (da) Nielsen Martin, Rapport fra Stutthof, , p. 26–36
  18. The Rescue of Denmark's Jews: Historical Background
  19. (en) « Related Sites », Au total, en 2021, 5 collectifs ont été honorés par Yad Vashem : La résistance danoise, le village néerlandais de Nieuwlande, celui de Le Chambon-sur-Lignon, la grÚve de 1941 à Amsterdam, et l'organisation Zegota en Pologne, sur www.yadvashem.org (consulté le )
  20. (en) « Righteous Among the Nations Honored by Yad Vashem by 1 January 2020 - Denmark » [PDF], sur yadvashem.org, Yad Vashem, (consulté le ).
  21. (en) Flender Harold, Rescue in Denmark, Londres, W.H. Allen,
  22. (da) Dethlefsen Henrik, De Illegale Svergiesruter, Denmark,
  23. (en) Werner Emmy E., A Conspiracy of Decency, Westview Press,
  24. « Modstandsdatabasen - Forside », sur modstand.natmus.dk (consulté le )
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