SĂ©pulcre de saint Dominique
Le sĂ©pulcre de saint Dominique (arca di San Domenico en italien) mort le dans le couvent quâil fonda Ă Bologne, se trouve dans la basilique qui porte son nom dans cette ville (fig. 1), plus prĂ©cisĂ©ment dans une chapelle qui est dĂ©diĂ©e Ă saint Dominique (fig. 2), ouverte sur le collatĂ©ral de droite[1].
Fig. 1.Basilique Saint-Dominique, Bologne. Fig. 2.Chapelle Saint-Dominique.
Artiste |
Nicola Pisano; Arnolfo di Cambio; NiccolĂČ dell'Arca; Michelangelo; Alfonso Lombardi |
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Date |
1264 (début) |
Technique |
sculpture sur marbre |
Mouvement | |
Localisation |
Basilique Saint-Dominique, Bologne (Italie) |
Coordonnées |
44° 29âČ 22âł N, 11° 20âČ 40âł E |
Son aspect actuel est le fruit de plusieurs interventions effectuées entre les XIIIe et XVIIIe siÚcles.
C'est l'une des plus importantes Ćuvres d'art de la ville, elle tĂ©moigne de la virtuositĂ© de Nicola Pisano, Arnolfo di Cambio, NiccolĂČ dell'Arca, Michelangelo Buonarroti et Alfonso Lombardi.
Histoire
1er sépulcre (1221)
Ă sa mort, la dĂ©pouille fut placĂ©e dans un cercueil en bois. Celui-ci fut soigneusement fermĂ© avec des clous en fer et dĂ©posĂ© dans une fosse que l'on avait creusĂ©e semble-t-il, derriĂšre le maĂźtre-autel, entre celui-ci et un second autel qui s'Ă©levait au fond du chĆur de la petite Ă©glise du couvent (chiesa di San NicolĂČ delle Vigne) qui se trouvait Ă l'emplacement actuel de la basilique San Domenico. On entoura la tombe de forts murs en briques sur lesquels on plaça encore une grande pierre fixĂ©e par du ciment[2].
Le nombre des frĂšres ayant rapidement augmentĂ©, il fallut agrandir le couvent et lâĂ©glise. Pour cela, on dut dĂ©molir le chĆur oĂč se trouvait la tombe du grand patriarche et celle-ci resta dĂšs lors exposĂ©e au soleil et Ă la pluie, nâĂ©tant protĂ©gĂ©e que par les dĂ©bris de la dĂ©molition. Cet Ă©tat des choses Ă©tait en plein accord avec lâhumilitĂ© des frĂšres, dâaucuns trouvĂšrent toutefois que cela Ă©tait bien peu respectueux du fondateur de lâordre.
2e sĂ©pulcre (1233 â 1244 ?)
Une premiĂšre translation fut donc rĂ©alisĂ©e, avec lâaccord du pape GrĂ©goire IX, au cours de la nuit du 23 au . Les reliques furent placĂ©es dans un nouveau cercueil de bois, portĂ© dans la chapelle oĂč sâĂ©levait le nouveau tombeau de marbre sans ornement[3] (il sâagit de lâactuelle chapelle de sainte Catherine de Sienne qui sâouvre sur le collatĂ©ral de droite[4]).
Le de lâannĂ©e suivante, 1234, saint Dominique fut canonisĂ© par GrĂ©goire IX. Des auteurs ont avancĂ© que le aurait eu lieu une nouvelle translation des restes du saint ; ce rĂ©cit nâest nullement confirmĂ© par les documents de lâĂ©poque et si quelque changement eut lieu, ce fut seulement la translation de la tombe entiĂšre dâun endroit Ă un autre[3]. Ce nouveau tombeau aurait Ă©tĂ© une simple pierre en marbre blanc, de forme carrĂ©e, qui couvrait un sarcophage surĂ©levĂ© et sans sculpture[5]. Il nâest pas non plus possible de fixer avec certitude lâendroit oĂč se trouvait ce monument, tant on a modifiĂ© lâĂ©glise depuis cette Ă©poque. Il est nĂ©anmoins trĂšs probable quâil sâĂ©levait devant le chĆur des religieux, dans le collatĂ©ral de gauche, tout prĂšs de lâautel qui servait pour les fidĂšles[3].
Le , lâancienne Ă©glise San NicolĂČ delle Vigne, refaite et agrandie, fut consacrĂ©e Ă nouveau par le pape Innocent IV, et prit dĂšs lors le titre de San Domenico.
3e sépulcre ; 1re intervention (1264 - 1267)
Le sarcophage que nous connaissons fut probablement commencĂ© en 1264[6] - [7]. Il fut trĂšs certainement voulu et mis en Ćuvre par le bienheureux Giovanni da Vercelli , premier prieur du couvent dominicain de Bologne, Ă©lu la mĂȘme annĂ©e maĂźtre de lâordre des PrĂȘcheurs[8]. Le travail fut confiĂ© au sculpteur et architecte Nicola Pisano. LâĆuvre Ă©tant achevĂ©e, les reliques de saint Dominique furent translatĂ©es dans un nouveau cercueil de cyprĂšs et dĂ©posĂ©es dans le sarcophage le , jour de la PentecĂŽte. Quant Ă son emplacement, on suppose quâil fut celui du tombeau antĂ©rieur, il fut entourĂ© dâune balustrade en marbre et resta ainsi jusquâau [3].
Le les dominicains commencĂšrent la rĂ©alisation de lâactuelle chapelle dĂ©diĂ©e Ă saint Dominique, dont les travaux ne sâachĂšveront quâen 1413.
En , on ouvrit le sarcophage pour vĂ©rifier les reliques et sĂ©parer la tĂȘte du saint qui fut placĂ©e alors dans un reliquaire spĂ©cial rĂ©alisĂ© par Jacopo Roseto da Bologna (fig. 3)[3].
Le , le sarcophage fut transfĂ©rĂ© dans la nouvelle chapelle en cours de rĂ©alisation et placĂ© en position surĂ©levĂ©e, dans la zone occupĂ©e aujourdâhui par lâescalier dâaccĂšs[9] ; câest Ă lâoccasion de ce transfert que furent perdues les cariatides dont nous parlerons plus tard.
3e sĂ©pulcre ; 2e intervention (1469 â 1473)
PlacĂ© ainsi dans cette vaste chapelle, les Bolonais considĂ©rĂšrent que le sarcophage demandait Ă ĂȘtre parachevĂ©.
Le contrat en date du par lequel les sĂ©nateurs et les Anciens de la ville, ensemble avec la communautĂ© dominicaine, chargĂšrent NiccolĂČ da Puglia[10] de la rĂ©alisation dâune cimaise, nous est parvenu. En cette occasion, en prĂ©sence de toutes les personnalitĂ©s impliquĂ©es, lâartiste prĂ©senta la maquette dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©e de la partie architectonique et dĂ©corative de son projet, il sâengagea Ă le rĂ©aliser en 2 ans 1â2 Ă partie du . Lâacte Ă©numĂšre les 21 statues devant composer lâĆuvre. En outre, NiccolĂČ sâoblige Ă se rendre personnellement et immĂ©diatement Ă Carrare pour choisir et acheter le marbre nĂ©cessaire. De fait, NiccolĂČ implanta promptement son chantier dans lâenceinte mĂȘme du couvent et se mit Ă lâĆuvre. Il ne lâacheva que 4 annĂ©es plus tard ; plus prĂ©cisĂ©ment le , NiccolĂČ mit solennellement en place la cimaise sur le sarcophage de Nicola. Toutefois et malgrĂ© ce retard, la cimaise Ă©tait loin dâĂȘtre complĂšte : des 21 statues prĂ©vues il en manquait 5, ainsi que la prĂ©delle. Sans que les raisons nous soient parvenues, NiccolĂČ interrompit lĂ son travail[11]. Que NiccolĂČ soit revenu quelques annĂ©es avant sa mort, le , pour achever lâouvrage est possible car des documents mentionnent quâil aurait travaillĂ© Ă la cimaise jusquâĂ sa mort[12].
3e sépulcre ; derniÚres interventions
Ă la mort de NiccolĂČ on fut bien dĂ©sorientĂ©, celui-ci nâayant formĂ© aucun Ă©lĂšve pour continuer son Ćuvre.
On dĂ©cida de modifier lâidĂ©e premiĂšre ; dâabord on renonça, sur la face postĂ©rieure, au Christ ressuscitĂ©. On dĂ©cida Ă©galement que les statues de saint Thomas et de saint Vincent Ferrier seraient remplacĂ©es par celles de saint Procule et de saint Jean-Baptiste.
Parmi les statues manquantes se trouvait le saint PĂ©trone, patron de Bologne. Il nâest pas exclu que cette statue fut dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©e et quâelle ait subi des dommages ou mĂȘme quâil fallĂ»t la refaire complĂštement. Il est Ă©galement possible, comme mentionnĂ© plus haut que NiccolĂČ soit revenu pour lâachever mais que son dĂ©cĂšs en interrompĂźt lâexĂ©cution.
Câest Ă cette Ă©poque quâintervint un jeune homme qui nâavait pas encore vingt ans : Michelangelo Buonarroti. Les Ă©lĂ©ments qui nous sont parvenus sont les suivants : on sait que lâartiste quitta Florence avant le , quâil fit alors un sĂ©jour dâun peu plus dâun an Ă Bologne, quâil retourna Ă Florence fin 1495[13]. Durant son sĂ©jour Ă Bologne, Michelangelo rĂ©alisa trois statues pour complĂ©ter la cimaise.
MalgrĂ© lâintervention de Michelangelo, le sĂ©pulcre restait inachevĂ©, manquait toujours la prĂ©delle et une statue de saint Jean-Baptiste prĂ©vue Ă la partie postĂ©rieure.
La prĂ©delle fut exĂ©cutĂ©e en 1532 par le sculpteur Alfonso Lombardi ; la date et la signature sont gravĂ©es dans la partie mĂ©diane de lâĆuvre.
La statue de saint Jean-Baptiste fut réalisée en 1536 ou 1537 par le sculpteur bolonais Girolamo Cortellini[14].
En 1768, lâatelier de J.-B. Boudard exĂ©cuta le bas-relief de lâautel[15].
Le sarcophage de Nicola Pisano
Dans la chronologie des autres Ćuvres de Nicola, le sarcophage fut commencĂ© environ 4 ans aprĂšs lâachĂšvement de la chaire de Pise et un an avant le dĂ©but de lâexĂ©cution de celle de Sienne[6]. Lorsque la rĂ©alisation du sarcophage lui est confiĂ©e, Nicola et ses Ă©lĂšves, y compris son fils Giovanni, sont dĂ©jĂ occupĂ©s Ă des travaux de longue durĂ©e sur la cathĂ©drale et surtout le baptistĂšre de Pise. En 1265, quand se concrĂ©tise le contrat pour la chaire de Sienne, ni le chantier de Pise ni le sarcophage de Bologne ne sont achevĂ©s. Aussi, dans ce document qui nous est parvenu, Nicola se rĂ©serve-t-il le droit de retourner Ă Pise quatre fois lâan par pĂ©riodes de 15 jours[16]. Il est donc tout Ă fait probable que le sarcophage de saint Dominique fut rĂ©alisĂ© en grande partie dans lâatelier de Nicola Ă Pise. Ceci explique pourquoi la tradition a toujours assignĂ© lâĆuvre Ă Nicola, alors que le maĂźtre laissa la presque totalitĂ© de lâexĂ©cution aux soins de ses Ă©lĂšves ; elle devait dĂ©jĂ ĂȘtre bien avancĂ©e lorsquâen Nicola se transfĂ©ra Ă Sienne avec la plus grande partie de ses Ă©lĂšves, nâen laissant quâun minimum pour lâachever[17].
Ă cette Ă©poque, lâorganisation du travail est encore celle de lâatelier mĂ©diĂ©val. Les tĂąches sont non seulement divisĂ©es par parties de lâensemble mais les reliefs sont Ă©galement divisĂ©s par personnage et mĂȘme peut-ĂȘtre par parties de personnage. Cette rĂ©partition perdurera tout au cours du XIVe siĂšcle, spĂ©cialement en Italie. Pour le sarcophage, ce mode de collaboration rĂ©gira le travail de quatre des plus grands maĂźtres de lâĂ©poque, câest un fait qui ne se reproduira plus dans une telle mesure et dans une telle forme dans lâhistoire de lâart italien[18].
Nous verrons plus loin ce que nous pensons ĂȘtre le dĂ©roulement dĂ©taillĂ© des travaux du sarcophage mais lâon peut dĂ©jĂ noter que :
- la main de Guglielmo sur le sarcophage est certaine lorsque lâon compare ce qui lui est attribuĂ© sur le sarcophage avec la chaire de San Giovanni Fuorcivitas Ă Pistoia (fig. 4 & 5), et il est peut-ĂȘtre seul Ă la fin de lâexĂ©cution et Ă lâassemblage du sarcophage, alors que Nicola et tous ses aides Ă©taient absorbĂ©s par le travail siennois[19]. Le , lors de la translation du corps de saint Dominique, il est le seul reprĂ©sentant de lâatelier ; Nicola et ses Ă©lĂšves sont tous trop occupĂ©s Ă Sienne pour se dĂ©placer Ă Bologne[20] ;
- Arnolfo Ă©tait trĂšs jeune Ă lâĂ©poque de la rĂ©alisation du sarcophage et devait ĂȘtre fortement influencĂ© par le maĂźtre[21]. On ne peut supposer quâArnolfo, lâun des plus importants Ă©lĂšves de Nicola, soit restĂ© longtemps Ă Bologne. Il est attestĂ© par ailleurs quâau mois de , aprĂšs plusieurs demandes restĂ©es sans effet, le commanditaire de la chaire de Sienne menace Nicola de sanction financiĂšre pour obtenir la prĂ©sence immĂ©diate dâArnolfo sur le chantier, comme prĂ©vu au contrat[22] ;
- Giovanni Pisano nâa certainement pas participĂ© Ă la rĂ©alisation du sarcophage, trop occupĂ© Ă Pise et ensuite Ă Sienne[23] ;
- Fig. 4. Chaire de Fra Guglielmo, Pistoia.
- Fig; 5. Face antérieure de la chaire.
Description de lâĆuvre
Le monument pensĂ© par Nicola pour la sĂ©pulture du saint est un grand sarcophage parallĂ©lĂ©pipĂ©dique en marbre, animĂ© sur lâensemble de la pĂ©riphĂ©rie par des reliefs ininterrompus Ă©mergents dâun fond dâĂ©mail vitreux colorĂ© (fig. 6)[24], sĂ©parĂ©s de statues intercalĂ©es sans solution de continuitĂ©, terminĂ© en haut par une guirlande de feuilles et dâoiseaux de style gothique[25].
Les reliefs cĂ©lĂšbrent et dĂ©crivent la vie et les miracles du saint avec une richesse dans les inventions narratives, une intensitĂ©, une vivacitĂ© et des caractĂ©ristiques naturalistes dont on ne peut trouver aucun prĂ©cĂ©dent dans lâart italien[26].
La beautĂ© et lâoriginalitĂ© de lâarchitecture sont souvent oubliĂ©es du fait des modifications subies. Le sarcophage reposait sur des bases figuratives qui lui furent ĂŽtĂ©es au XVe siĂšcle quand il fut dĂ©placĂ© dans la nouvelle chapelle, rapprochĂ© de lâautel, fixĂ© sur une base de maçonnerie plus solide et couronnĂ© de la grande cimaise dressĂ©e en 1469 par NiccolĂČ dellâArca. Il faut dĂšs lors, pour retrouver son aspect primitif, faire abstraction de son couronnement postĂ©rieur et imaginer au-dessous du puissant soubassement polychrome, un espace scandĂ© par les cariatides perdues.
Il est incontestable que les cariatides devaient correspondre aux statuettes supĂ©rieures, comme sur le monument de saint Pierre de VĂ©rone dans SantâEustorgio Ă Milan (fig. 7) et que les chapiteaux de soutien devaient correspondre aux saillies du coffre en marbre. Les cariatides Ă©taient certainement au nombre de six : quatre aux angles, deux au centre[27].
Saint Dominique ressuscitant le jeune Napoléon Orsini tombé de cheval
Sur la face antĂ©rieure, un des deux reliefs reprĂ©sente le saint ressuscitant le jeune NapolĂ©on Orsini[28] tombĂ© de cheval et le mĂȘme saint rendant Ă sa mĂšre son fils ressuscitĂ© (fig. 8). Ce mode de composition se retrouve sur les sarcophages romains et palĂ©ochrĂ©tiens, il appartient substantiellement Ă Nicola, mais il semble quâil ne dut donner ici que quelques suggestions, que lâidĂ©e mĂȘme de la composition ait Ă©tĂ© conduite et dĂ©veloppĂ©e par un autre artiste[29].
Si on isole les femmes qui se trouvent Ă gauche (fig. 8a), il semble facilement reconnaissable dans ces raffinĂ©es et riches matrones, le sang aristocratique et antique que lâon retrouve dans les personnages des arts libĂ©raux de la chaire de Sienne, avec les mĂȘmes incisions minutieuses, le mĂȘme style dans les plis et les mains et la ressemblance des physionomies. Nettement distinguĂ© dâArnolfo, de Nicola et de Giovanni, il semble lĂ©gitime de supposer que ce quatriĂšme et notable artiste qui eut un rĂŽle important pour Bologne et pour Sienne ne soit autre que Lapo, le collaborateur principal du maĂźtre et dâArnolfo : en effet, Nicola devait avoir confiĂ© Ă Lapo et Arnolfo, deux ans auparavant, la part la plus importante du travail du sarcophage. Lâidentification de la part de Lapo est prĂ©pondĂ©rante sur la face antĂ©rieure du sarcophage.
Le saint Dominique qui prie en invoquant le miracle (fig. 8b) nous transporte dans un monde poĂ©tique et mystique que lâon dirait opposĂ© au prĂ©cĂ©dent. On se trouve avant tout, devant une simplification nue du visage qui sort impĂ©rieux et essentiel dâun marbre sculptĂ© avec force ; un visage qui descend dans le drame duquel les autres semblent sâĂ©vader distraitement. Si lâon regarde ce visage de face (et non de profil comme sur la photo), apparaĂźt encore plus surprenant, la tension, la puissance contenue, la concentration qui sâen dĂ©gage. Une courbe unique ferme en un bloc compact le corps en priĂšre ; les mains, rudes, se rejoignent dans les lignes dâun triangle. On ne peut ĂȘtre plus Ă©loignĂ© de la finition douce et polie de Lapo : en fait, dans aucun autre personnage du sarcophage la prĂ©sence dâArnolfo ne se prĂ©sentera dâune façon aussi claire[30].
Il semble bien que pourrait Ă©galement ĂȘtre de la main dâArnolfo le personnage placĂ© au-dessus du saint (fig. 8c), ce frĂšre plutĂŽt gras, aux yeux grands ouverts et dâune vitalitĂ© puissante Ă©voque la sculpture Ă©trusque qui fut un Ă©lĂ©ment actif dans la formation et le dĂ©veloppement de lâart dâArnolfo. Toutefois, la distinction entre Lapo et Arnolfo nâest pas toujours aussi nette que dans le personnage prĂ©cĂ©dent, tant le style des deux artistes comporte des points de rencontres et de convergences qui proviennent dâune Ă©ducation commune par beaucoup dâaspects[31]. En tout cas, il nous semble rencontrer dans la disposition plastique de ce frĂšre « enveloppĂ© », lâesprit artistique dâArnolfo, mĂȘme sâil est moins Ă©vident que dans le personnage de saint Dominique. Si lâon Ă©largit la vision, on dĂ©couvre plus clairement le visage Ă©mergeant du clerc, vers lequel converge comme un sommet, lâensemble de la composition du groupe de droite, qui se dĂ©tache ainsi de lâordre plus fluide et dĂ©nouĂ© de tout le reste du relief. De fait, dans toute cette partie de droite, lâintervention dâArnolfo semble prĂ©pondĂ©rante[32].
Une diagonale profonde descend du jeune avec un livre qui se penche pour observer, passe par le saint en priĂšre, jusquâau jeune homme tombĂ© Ă terre. Il est facile de sâapercevoir que dans cette partie du relief se trouve condensĂ©e une charge humaine et dramatique.
Le groupe de personnages (fig. 8d) rassemblĂ©s autour de celui indiquĂ© comme Ă©tant plus typiquement dâArnolfo, ainsi que le saint en priĂšre, semblent ĂȘtre une zone oĂč lâĆuvre dâArnolfo sâentremĂȘle avec celle dâun de ses proches collaborateurs que nous cernerons mieux plus loin, dans le relief de la CĂšne de saint Dominique. Afin de le distinguer de Nicola, Arnolfo, Lapo et Fra Guglielmo, nous lâappellerons « le 5e maĂźtre du sarcophage ». Il sâagit dâun sculpteur ayant en commun avec Arnolfo une formation plus directement liĂ©e Ă la culture gothique, dâune tendance naturaliste. Le personnage du groupe dans lequel le « 5e maĂźtre » est le plus reconnaissable est celui de saint Dominique prĂ©sentant lâenfant ressuscitĂ© Ă la mĂšre, tellement plus dĂ©licat et adouci que celui du saint en priĂšre.
Lâespace dâintervention dâArnolfo comprend aussi, Ă la base du relief, la superbe scĂšne du jeune tombĂ© (fig. 8e), un des endroits de la plus haute poĂ©sie et de la plus Ă©levĂ©e expression de tout le sarcophage, que lâon doit certainement Ă la directe exĂ©cution dâArnolfo. Un de ses camarades soutient doucement le corps privĂ© de vie, lâautre maintient la tĂȘte surĂ©levĂ©e du sol, le bras inerte et pesant retombe Ă terre. Sur la face immobile semble sâĂȘtre figĂ© un sourire affleurant. Surprenant, aprĂšs avoir vu les prĂ©cĂ©dents personnages, de dĂ©couvrir en Arnolfo cet aspect dâune grĂące limpide, dâune eurythmie sereine, de dĂ©couvrir ses capacitĂ©s Ă trouver des formes et des rythmes dâune puretĂ© hellĂ©nique.
ArrĂȘtons le regard sur quelques points bien prĂ©cis de ce premier relief qui dĂ©montrent combien il est nĂ©cessaire de rĂ©viser lâopinion excluant de tout le sarcophage lâintervention directe de Nicola, soit en assignant toute lâĆuvre Ă Fra Guglielmo, soit en attribuant une trop grande part Ă Arnolfo comme cela a Ă©tĂ© fait trop souvent. Ainsi par exemple, la tĂȘte de la matrone au milieu du plan supĂ©rieur du relief (fig. 8f), alors quâil est superflu de noter quâelle est assez Ă©loignĂ©e du style dâArnolfo, se diffĂ©rencie aussi notablement des tĂȘtes de Lapo mĂȘme si dans ce cas elle apparait assez proche et quâil soit intervenu dans son exĂ©cution, elle est nĂ©anmoins en totale adĂ©quation avec la maĂźtrise de Nicola. Ăgalement dans le plan supĂ©rieur du relief, apparaĂźt la marque incomparable du gĂ©nie de Nicola dans la tĂȘte de la vieille et dans celle du personnage viril qui se trouve Ă son cĂŽtĂ© (fig. 8g) : morceau dâinspiration classique, Ă©laborĂ© ici par Nicola, croyons-nous sans intervention dâaucun aide, comme pour apposer ici sa signature et le tĂ©moignage de sa prĂ©sence Ă cĂŽtĂ© des Ă©lĂšves Ă qui il avait confiĂ© lâexĂ©cution de la presque totalitĂ© du relief[33].
- Fig. 8. La résurrection de Napoleone Orsini (Nicola, Lapo et Arnolfo).
- Fig. 8a. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Lapo).
- Fig. 8b. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Arnolfo).
- Fig. 8c. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Arnolfo).
- Fig. 8d. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Arnolfo et 5e maßtre).
- Fig. 8e. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Arnolfo).
- Fig. 8f. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Nicola et Lapo).
- Fig. 8g. La résurrection de Napoleone Orsini, détail (Nicola).
LâĂ©preuve du feu
Le second relief de la face antĂ©rieure reprĂ©sente lâĂ©preuve du feu qui Ă©pargne le livre sacrĂ© et brĂ»le les livres des hĂ©rĂ©tiques albigeois (fig. 9), oĂč lâon voit Ă droite les sentiments tristes et corrompus des hĂ©rĂ©tiques, la joie et le triomphe des fidĂšles Ă gauche. Il prĂ©sente dans lâensemble des caractĂ©ristiques similaires au prĂ©cĂ©dent : composition du mĂȘme type que celui des sarcophages des premiers siĂšcles, avec la prĂ©pondĂ©rance du travail de Lapo dont lâexĂ©cution sâĂ©tend Ă presque tout le relief. Plus rares sont les interventions dâArnolfo, Nicola est quasiment absent de lâexĂ©cution. Le style de Lapo apparaĂźt avec le maximum de clartĂ© dans le groupe des trois hĂ©rĂ©tiques Ă droite et spĂ©cialement dans le couple des deux jeunes, mais il sâĂ©tend Ă©galement aux deux personnages intercalĂ©s en haut (fig. 9a)[34]. Partout on trouve ce style minutieux des ivoires et la survivance encore plus Ă©vidente du maniĂ©risme Byzantin, dans les mains accablĂ©es, dans la modulation plastique des mouvements, dans le fastueux goĂ»t ornemental particuliĂšrement visible dans les magnifiques cnĂ©mides (fig. 9b).
Comme toujours dans lâĆuvre de Lapo, les rĂ©fĂ©rences aux idĂ©es de Nicola sont frĂ©quentes. Ici le personnage dans lequel se remarque le plus la prĂ©sence du maĂźtre est celui du vieil albigeois (fig. 9c) (Ă droite du couple des deux jeunes dĂ©jĂ citĂ©s) qui possĂšde une force dramatique supĂ©rieure Ă celle des deux jeunes. De mĂȘme le personnage qui surplombe les deux jeunes albigeois (fig. 9d), bien quâexĂ©cutĂ© comme les autres par Lapo, se distingue par une influence plus directe de Nicola[35].
De mĂȘme nous retrouvons ici lâauthentique esprit et lâexĂ©cution directe de Nicola dans le personnage Ă cĂŽtĂ© du jeune (fig. 9e).
La supposition que ce relief fut le premier exĂ©cutĂ© est suggĂ©rĂ©e par le fait que la personnalitĂ© dâArnolfo y est moins prĂ©sente que celle de Nicola et de Lapo. Ici la collaboration directe dâArnolfo se limite peut-ĂȘtre au magnifique personnage central de la rangĂ©e du haut (fig. 9f). Alors mĂȘme que le visage et les tissus sont traitĂ©s selon des critĂšres encore proches de Nicola, Arnolfo se manifeste, croyons-nous, par la claire disposition spatiale, dans la concise dĂ©finition plastique, dans lâĂ©laboration ouverte et lumineuse de la poitrine. Ce personnage anticipe et annonce ceux du miracle de NapolĂ©on Orsini. On reconnaĂźt aussi Arnolfo dans le jeune qui attise le feu Ă lâaide dâun soufflet Ă la partie basse du relief, il est un prĂ©lude aux formes dâArnolfo des ciboriums romains.
La partie gauche du relief (fig. 9g) est une zone plus confuse de collaboration dans laquelle il est quasi impossible dâisoler des styles biens dĂ©finis. Ă lâĆuvre de Lapo que nous avons pu discerner dâune façon cohĂ©rente dans la partie opposĂ©e, sâentremĂȘle ici la collaboration de culture gothique du « 5e maĂźtre »[36].
- Fig. 9. L'Ă©preuve du feu (Nicola, Lapo et Arnolfo).
- Fig. 9a. L'épreuve du feu, détail (Lapo).
- Fig. 9b. L'épreuve du feu, détail (Lapo).
- Fig. 9c. L'épreuve du feu, détail (Nicola et Lapo).
- Fig. 9d. L'épreuve du feu, détail (Lapo).
- Fig. 9e. L'épreuve du feu, détail (Nicola).
- Fig. 9f. L'épreuve du feu, détail (Arnolfo).
- Fig. 9g. L'épreuve du feu, détail (Lapo et 5e maßtre).
Face postérieure
Que lâesprit et la maniĂšre mĂȘme de la composition change radicalement dans les reliefs postĂ©rieurs est une chose qui apparaĂźt tout de suite avec Ă©vidence. La raison en est claire : les prĂ©cĂ©dents reliefs sont composĂ©s en partie selon Nicola et principalement par Lapo direct disciple de Nicola. Les compositions de ces nouveaux reliefs sont conçues exclusivement par le troisiĂšme maĂźtre qui jusque-lĂ nâavait eu que des tĂąches quantitativement secondaires : Arnolfo di Cambio. Nicola et Lapo disparaissent[37].
Suivant avant tout les indications des styles et en second lieu les indices fournis par les documents se rapportant aux travaux de lâatelier pisan de Nicola au cours de ces annĂ©es, il est possible de reconstituer le dĂ©roulement des travaux du sarcophage.
Le , Nicola signe le contrat de la rĂ©alisation de la chaire de la cathĂ©drale de Sienne par lequel il sâengage ainsi que ses collaborateurs Arnolfo, Lapo et Giovanni son fils, Ă se rendre sur place le . Parmi les travaux en cours Ă la signature de la commande devaient certainement se trouver le sarcophage bolonais dont bien avant cette date Nicola, probablement dĂ©jĂ occupĂ© par la dĂ©coration du baptistĂšre de Pise, avait confiĂ© lâexĂ©cution Ă ses deux principaux Ă©lĂšves et collaborateurs : Ă Lapo en premier lieu car il devait ĂȘtre plus ancien et au jeune Arnolfo ; Nicola se limitant lui-mĂȘme Ă fournir quelques idĂ©es directrices et Ă sculpter quelques personnages. Ainsi, le travail des reliefs de la face antĂ©rieure commença avec Lapo dans un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant, Ă cĂŽtĂ© dâArnolfo et de Nicola. Lorsque ce dernier signa le contrat siennois, peut-ĂȘtre pensait-il que le travail du sarcophage pouvait ĂȘtre achevĂ© en et donc il sâengageait Ă amener avec lui ces deux disciples. Ce ne fut pas le cas et au moment de se rendre Ă Sienne pour commencer la chaire, il partit seul avec Lapo Ă qui il confia lâexĂ©cution des statues des arts libĂ©raux ainsi que toute la base de la chaire (dont la rĂ©alisation avait peut-ĂȘtre commencĂ© Ă Pise) et Arnolfo, Ă qui il avait confiĂ© la charge dâachever le sarcophage ne partit pas. Les religieux siennois protestĂšrent auprĂšs de Nicola afin de faire venir immĂ©diatement Arnolfo comme convenu dans le contrat. Lâintimation nâeut pas dâeffet immĂ©diat, Arnolfo se hĂąta dâachever le sarcophage de saint Dominique en utilisant largement lâaide de Fra Guglielmo, convers du couvent dominicain de Pise et dâun autre collaborateur inconnu. Le sarcophage fut assemblĂ© Ă Bologne en . Dans les derniers mois il est possible que Fra Guglielmo travailla seul. Il est certain quâArnolfo se rendit Ă Sienne avant juillet 1267 mais lâon ne connaĂźt pas la date exacte Ă laquelle il commença Ă y travailler.
Ainsi, pour les reliefs de la face postĂ©rieure restĂšrent seuls Arnolfo avec Fra Guglielmo comme aide (les reliefs des flancs reprĂ©sentent une pĂ©riode intermĂ©diaire). Câest Arnolfo lui-mĂȘme qui inventa alors la composition, selon des idĂ©es complĂštement diffĂ©rentes et nouvelles et Ă partir de ce moment Arnolfo procĂšda rapidement Ă lâĂ©laboration de son style et se distancia nettement de la vision de Nicola[38].
Approbation de lâordre
Dans le relief de lâapprobation de lâordre (fig. 10), apparait immĂ©diatement avec Ă©vidence lâextraordinaire effet produit par les stries des tissus, les plis des vĂȘtements, la couverture qui descend du lit du pape : il ne sâagit pas dâun effet pictural ou dĂ©coratif mais rythmique et constructif. Ces lignes rĂ©solues, ces sillons dâombre qui fragmentent les zones de lumiĂšre, relient et coordonnent les divers plans de la composition.
Le rĂ©cit est divisĂ© en trois moments. Ă gauche, saint Dominique aux pieds dâInnocent III demande lâapprobation de la rĂšgle (fig. 10a). On constate que le collaborateur a en partie affaibli le personnage du pape, de toute Ă©vidence conçu par Arnolfo dans une monumentale frontalitĂ©. Arnolfo a lui-mĂȘme sculptĂ© le personnage du saint agenouillĂ©. Au centre, entre deux fractures qui le sĂ©parent des autres, se trouve le saint qui soutient lâĂglise dĂ©cadente (fig. 10b), personnage rigidement construit dans une correspondance architecturale des forces, de la jambe figĂ©e en terre jusquâau bras qui supporte le poids de lâĂglise. Lâesprit dâArnolfo apparaĂźt ici intact alors que le personnage du pape au-dessus, qui voit le saint en songe, porte dâune façon assez Ă©vidente les marques du modelĂ© de Guglielmo[39]. Ă droite, le pape approuve lâordre des PrĂȘcheurs et bĂ©nit le saint (fig. 10c). La construction dâArnolfo est clairement prĂ©sente dans le groupe des deux protagonistes de la scĂšne mais dĂ©cline dans lâexĂ©cution de la tĂȘte du pape et dans celles du frĂšre et des deux clercs du second plan. Ces reprĂ©sentations plus gĂ©nĂ©riques et estompĂ©es rompent lâunitĂ© sentimentale qui, dans lâidĂ©e dâArnolfo devait se concentrer dans le cercle Ă©troit des personnages et des regards. Cette plus imprĂ©cise dĂ©finition des volumes fait penser que lâexĂ©cution de Guglielmo est largement intervenue ici.
- Fig. 10. Approbation de l'ordre (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 10a. Approbation de l'ordre, détail (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 10b. Approbation de l'ordre, détail (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 10c. Approbation de l'ordre, détail (Arnolfo et Fra Guglielmo).
Vocation de Reginaldo
Dans lâautre relief (fig. 11) de la face postĂ©rieure le concept de la composition est le mĂȘme, trahi seulement dans lâĂ©pisode de droite par Fra Guglielmo[40].
Commençons par la partie gauche (fig. 11a) oĂč est figurĂ© le bienheureux Reginaldo remettant ses vĆux de religion dans les mains de saint Dominique, elle est de lâexĂ©cution dâArnolfo. Une taille plus profonde sĂ©pare lâespace oĂč se dĂ©veloppe cette scĂšne de celle oĂč le bienheureux Reginaldo est surpris de fiĂšvre violente entre les bras dâun religieux (fig. 11b). Le motif de la Vierge Ă©vanouie de Nicola Ă Pise acquiĂšrt une valeur toute diffĂ©rente dans le style dâArnolfo, bien sĂ»r il se rappelle la lĂąche courbure du corps abandonnĂ© de la Vierge, mais ici le mouvement se verrouille dans une construction ferme dâune masse pesante, dans une architecture prĂ©cise des volumes, dans une tension Ă©quilibrĂ©e des forces ; Ă la courbe du bras qui soutient le corps Ă gauche, rĂ©pond Ă droite celle du bras qui tombe, non encore privĂ© de vie mais rigidifiĂ© dans une contraction douloureuse. Plus Ă droite, le bienheureux est miraculeusement guĂ©ri par la Vierge qui lui apparaĂźt accompagnĂ©e de deux saintes et lui montre lâhabit dominicain (fig. 11c). Le jeune, couchĂ© sur un lit (fig. 11d), touchĂ© par la main miraculeuse, ouvre doucement les yeux Ă la lumiĂšre[41]. On nâhĂ©site pas Ă reconnaĂźtre dans ce personnage lâĆuvre directe dâArnolfo. Les tissus sont traitĂ©s avec encore une grande influence de Nicola mais une diffĂ©rente fermetĂ© et vigueur plastique. Peut-ĂȘtre ce relief aurait-il pu ĂȘtre le chef-dâĆuvre du sarcophage si Arnolfo ne lâavait pas laissĂ© inachevĂ©. Il est Ă noter lâĂ©lĂ©vation du style des motifs dĂ©coratifs, frises et broderies de goĂ»t archaĂŻque, arabesques sur les vĂȘtements, les tissus, les coussins. Cette Ă©vidence plastique dans la reprĂ©sentation des Ă©toffes ainsi ornĂ©es reviendra frĂ©quemment dans les Ćuvres plus tardives dâArnolfo (dans le monument du cardinal de Bray (fig. 12) : les anges et la tenture funĂšbre (fig. 13 & 14) ; dans le sĂ©pulcre dâHonorius IV (fig. 15) et plus particuliĂšrement dans celui de Boniface VIII (fig. 16) dans la grotte vaticane ; dans le ciborium de Sainte-CĂ©cile-du-Trastevere (fig. 17) et ainsi de suite), elle fait partie de son langage qui montre lâampleur et la richesse de son style[42].
- Fig. 11. Vocation de Reginaldo (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 11a. Vocation de Reginaldo, détail (Arnolfo).
- Fig. 11b. Vocation de Reginaldo, détail (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 11c. Vocation de Reginaldo, détail (Fra Guglielmo).
- Fig. 11d. Vocation de Reginaldo, détail (Arnolfo).
- Fig. 12. SĂ©pulcre du cardinal de Braye.
- Fig. 13. Sépulcre du cardinal de Braye, détail.
- Fig. 14. Sépulcre du cardinal de Braye, détail.
- Fig. 15. SĂ©pulcre d'Honorius IV.
- Fig. 16. SĂ©pulcre de Boniface VIII.
- Fig. 17. Ciborium de sainte CĂ©cile in Trastevere.
Faces latérales
Les deux reliefs latĂ©raux se rapportent Ă une pĂ©riode intermĂ©diaire de lâexĂ©cution du sarcophage.
Lâapparition des apĂŽtres et la mission confiĂ©e aux prĂȘcheurs
Moins claire que dans les plaques prĂ©cĂ©dentes, on retrouve la personnalitĂ© dâArnolfo dans le relief reprĂ©sentant saint Dominique recevant de saint Pierre le livre des Ă©vangiles et de saint Paul le bĂąton symbole du pĂšlerin apostolique et, dans un second plan, saint Dominique transmettant le livre aux confrĂšres continuateurs de sa mission (fig. 18). Cette plaque bien que rentrant dans ce groupe surtout « arnolfique » des sculptures du sarcophage porte encore la trace des maniĂšres de Nicola qui disparaĂźtront dans les deux reliefs de la face postĂ©rieure et dans celui du cĂŽtĂ© droit. Les deux personnages de saint Pierre et de saint Paul ont encore lâempreinte de Nicola, surtout dans le dĂ©veloppement des drapĂ©s qui se diffĂ©rencient de ceux purement du style dâArnolfo que nous avons vus dans les reliefs de la face postĂ©rieure. Le personnage le plus proche du style dâArnolfo est celui de saint Dominique agenouillĂ© (fig. 18a)[43]. Par contre la composition de la partie de droite (fig. 18b) se fait plus monotone dans les rĂ©pĂ©titions des comportements et des physionomies des jeunes frĂšres qui ont Ă©tĂ© laissĂ©s Ă lâexĂ©cution de Fra Guglielmo.
- Fig. 18. Apparition des apĂŽtres et mission aux prĂȘcheurs (Arnolfo et Fra Guglielmo).
- Fig. 18a. Apparition des apĂŽtres et mission aux prĂȘcheurs, dĂ©tail (Arnolfo er Fra Guglielmo).
- Fig. 18b. Apparition des apĂŽtres et mission aux prĂȘcheurs, dĂ©tail (Arnolfo er Fra Guglielmo).
Le miracle des pains apportés à la table du saint
Un chef-dâĆuvre de composition sereine et Ă©quilibrĂ©e, certainement dâArnolfo, organise le second relief latĂ©ral reprĂ©sentant deux anges Ă lâaspect de jeunes hommes portant le pain de la Providence Ă la table du saint (fig. 19). Câest le relief dans lequel la reprĂ©sentation de lâespace est la plus prĂ©cise. Sur les premiers plans sâinsĂšrent les deux superbes jeunes hommes (fig. 19a), nettement dĂ©tachĂ©s et isolĂ©s dans lâatmosphĂšre qui les entoure. Ils semblent ĂȘtre les mĂȘmes que ceux du premier relief examinĂ© du jeune NapolĂ©on Orsini tombĂ© de cheval. Les jeunes hommes, les pains, la table ornĂ©e des motifs « arnolfiques » sont exprimĂ©s avec la mĂȘme admirable clartĂ© et cette partie de la scĂšne constitue Ă elle seule un chef-dâĆuvre dâArnolfo.
La sĂ©rie des frĂšres disposĂ©s autour de la table (fig. 19b) pose par contre un autre problĂšme. Ici en effet se prĂ©sente pour la premiĂšre fois avec une belle Ă©vidence, la prĂ©sence dâun autre collaborateur dâArnolfo que nous avons dĂ©signĂ© faute de mieux le « 5e maĂźtre », dans les endroits de la face antĂ©rieure oĂč nous avons dĂ©jĂ cru le rencontrer. Il sâagit dâun artiste diffĂ©rent par son style des quatre dĂ©jĂ identifiĂ©s. Il semble plus proche dâArnolfo que les autres par son orientation culturelle, Ă telle enseigne que par moments les deux personnalitĂ©s convergent vers un point de rencontre oĂč il devient extrĂȘmement difficile de les distinguer. Les formes de ce sculpteur semblent quasiment sâidentifier avec la limite extrĂȘme du gothique dâArnolfo[44], mais en rĂ©alitĂ©, Arnolfo nâatteint jamais Ă aucun moment cette spontanĂ©itĂ© expressive que nous voyons sur les visages souriants et fins de ces frĂšres qui reprĂ©sentent peut-ĂȘtre le point extrĂȘme dans tout le XIIIe siĂšcle italien de ce naturalisme gothique de provenance nordique. Il y a lĂ une inspiration diffĂ©rente, un style diffĂ©rent, oscillant avec souplesse entre une Ă©lĂ©gance rythmique lĂ©gĂšre et une vive spontanĂ©itĂ© naturaliste : un Ă©cho plus direct de la culture artistique septentrionale et en particulier française. Il nâest pas Ă exclure que le « 5e maĂźtre » ne fut pas toscan, peut-ĂȘtre un moine sculpteur dâun autre niveau que celui de Fra Guglielmo.
Le visage de saint Dominique (fig. 19c) reprĂ©sentĂ© au centre de ce relief a des traits tellement plus tendres et subtils que ceux des autres visages du mĂȘme relief par Arnolfo et dâautre part, une telle affinitĂ© avec le visage du saint qui prĂ©sentant le jeune ressuscitĂ© Ă sa mĂšre et celui du saint qui assiste Ă lâĂ©preuve du feu, que cela confirme lâhypothĂšse que le « 5e maĂźtre » soit le mĂȘme qui se manifeste dans les parties plus gothiques et naturalistes des deux reliefs de la face antĂ©rieure du sarcophage[45], dans la pĂ©riode de travail encore dominĂ©e par Nicola et surtout par Lapo. Ici, dans la seule collaboration avec Arnolfo, son Ćuvre sâaccorde avec celle de son compagnon de travail dans une plus stricte homogĂ©nĂ©itĂ© de lâĂ©lĂ©ment naturaliste, de la mesure rythmique et spatiale qui se rencontrent et se fondent en un rĂ©sultat heureux.
- Fig. 19. Le miracle des pains (Arnolfo et 5e maĂźtre).
- Fig. 19a. Le miracle des pains, détail (Arnolfo).
- Fig. 19b. Le miracle des pains, détail (5e maßtre).
- Fig. 19c. Le miracle des pains, détail (5e maßtre).
Statues intercalées
Il nous reste à voir les statues intercalées entre les reliefs (fig. 20 & 21).
Nous retrouvons Ă nouveau dans les visages des deux saints docteurs (fig. 20 droite et 21 droite), parmi les quatre positionnĂ©s aux angles du sarcophage, les caractĂ©ristiques du saint Dominique de la CĂšne. En comparaison des frĂšres de la CĂšne, ces statues sont plus proches des modes constructives et de la rythmique dâArnolfo mais, effilĂ©es dans un rythme dĂ©licieusement chantant, elles correspondent mieux Ă la fluide et subtile Ă©lĂ©gance du « 5e maĂźtre ».
Cette autre statue dâangle (fig. 21 gauche), la plus mĂ©diocre du sarcophage, peut-ĂȘtre remaniĂ©e aprĂšs coup, surtout le visage, a Ă©tĂ© sculptĂ©e par un artiste, Fra Guglielmo, qui lâa faite plus basse que les autres ; il semble ne pas avoir compris la fonction assignĂ©e Ă cette statue dans lâarchitecture dâensemble.
Ă lâinverse, la statue du saint docteur (fig. 20 gauche) qui se trouve Ă la limite gauche de la face antĂ©rieure est dâune grande qualitĂ©. La relation entre-elle et des personnages de la chaire de la cathĂ©drale de Sienne apparaĂźt immĂ©diatement : le mĂȘme imposant drapĂ© que lâon retrouve dans les plus belles statues de Nicola[46], surtout la Vierge Ă lâenfant. Sâil y eut au cours de lâexĂ©cution lâassistance dâun collaborateur, qui dans cette Ă©ventualitĂ© pourrait avoir Ă©tĂ© Arnolfo, il nây a pas de signe visible dâune personnalitĂ© diffĂ©rente et lâĆuvre reste substantiellement la parfaite reprĂ©sentation du travail de Nicola Ă lâĂ©poque entre Pise et Sienne.
Le problĂšme se reprĂ©sente dâune façon analogue pour la statue du RĂ©dempteur(fig. 10d) : quelque chose dans lâexĂ©cution retient dâavancer comme certain le nom de Nicola ; une certaine rigiditĂ©, une certaine schĂ©matisation gĂ©omĂ©trique qui ne semble pas sâaccorder en tous points avec la fluiditĂ© hellĂ©nistique et dans laquelle lâinspiration classique est rĂ©solue en un nouveau chant plus libre. Mais presque tous les doutes et rĂ©serves disparaissent en observant la splendide tĂȘte qui nous transporte dans le monde poĂ©tique de Nicola. Si lâon observe dans son ensemble la face postĂ©rieure du sarcophage, il devient Ă©vident que cette statue du RĂ©dempteur, placĂ©e entre les deux plaques sculptĂ©es par Arnolfo, appartient Ă une phase et posture stylistique certainement exĂ©cutĂ©e ensemble avec la Vierge de la face opposĂ©e, dans la premiĂšre phase des travaux du sarcophage.
Sans aucun doute la Vierge Ă lâenfant au centre de la face antĂ©rieure (fig. 22) a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e selon les idĂ©es de Nicola, mais contrairement aux deux prĂ©cĂ©dentes statues, lâexpression directe du maĂźtre nây est pas reconnaissable, Ă©cartĂ©e par la qualitĂ© mĂȘme plus que par le style de la sculpture. Nous croyons que le problĂšme assez embrouillĂ© de cette sculpture trouve sa rĂ©solution dans le domaine dĂ©jĂ examinĂ© de la collaboration Lapo Arnolfo de la premiĂšre phase dâexĂ©cution du sarcophage rĂ©alisĂ©e sous la plus directe influence et en partie avec lâintervention de Nicola[47].
Nous pensons que cette lecture du monument peut convaincre non seulement de la complexitĂ© de son histoire mais aussi de la richesse des motivations poĂ©tiques quâil comporte et induit Ă le placer dans une position de prĂ©Ă©minence parmi les monuments de la plus haute importance de la sculpture pisane.
- Fig. 20. Statues intercalaires (gauche : Nicola et Arnolfo, droite : 5e maĂźtre).
- Fig. 21. Statues intercalaires (gauche: Fra Guglielmo, droite: 5e maĂźtre).
- Fig. 10d. Le rédempteur (Nicola et Arnalfo).
- Fig. 22. Vierge Ă l'enfant (Arnolfo et Lapo).
La cimaise de NiccolĂČ dellâArca
Un regard superficiel de la partie dĂ©corative de la cimaise de NiccolĂČ (fig. 23) suffit Ă dĂ©celer des affinitĂ©s avec lâart toscan. Plus dans le choix des motifs que dans leur rĂ©alisation formelle : on ne trouverait pas en Toscane cette charge opulente de lâornementation, cette accentuation des reliefs, cette intensitĂ© des couleurs, des clairs-obscurs aussi contrastĂ©s[48], qui sont les caractĂ©ristiques stylistiques de la somptueuse dĂ©coration du Castel Nuovo de Naples lesquelles[49], chez NiccolĂČ, se rencontrent et se fondent avec le goĂ»t gothique dâun Sluter.
Abstraction faite de telles particularitĂ©s dĂ©coratives, la cimaise prise dans les ondulations rythmĂ©es de ses personnages Ă©lancĂ©s, sâĂ©lĂšve telle une Ă©manation aĂ©rienne et lĂ©gĂšre au-dessus du compact et terrestre sarcophage, jusquâĂ lâĂternel sur son globe sommital et apparaĂźt lĂ aussi Ă©troitement liĂ©e au goĂ»t de lâart gothique (fig. 24). Ce que suggĂšre lâĆuvre dans son ensemble confirme et Ă©claire lâexamen des splendides statues disposĂ©es en un Ă©quilibre prĂ©caire sur des volutes, dont le summum de la plus haute poĂ©sie de lâouvrage se trouve peut-ĂȘtre dans les quatre Ă©vangĂ©listes placĂ©s sur les volutes supĂ©rieures ; ils font partie des plus grands chefs-dâĆuvre de la sculpture du XVe siĂšcle italien[50].
- Fig. 23. Putti et guirlande de la cimaise.
- Fig. 24. Ensemble de la cimaise sur le sarcophage.
Saint Jean lâĂ©vangĂ©liste
Vis-Ă -vis des autres personnages plus proches et terrestres, il semble comme suspendu dans une plus lointaine atmosphĂšre fantastique. Saint Jean (fig. 25), en habits de pĂšlerin, paraĂźt figĂ© dans le temps en une posture majestueuse, pris dans la vague dâun chant lent et grave qui parcourt tout son corps dâun romantique abandon. Dans lâimage plastique dâun flot continu, dans un dĂ©roulement ample et dĂ©nouĂ© : les cheveux tombent souples et ondulants, les vĂȘtements fluides enveloppent le corps et suivent dociles lâharmonieuse mouvance, dessinant comme une pose de danse, accentuĂ©e par la courbure de la jambe droite entre les deux lignes parallĂšles du manteau. Ce monde dĂ©libĂ©rĂ©ment fantastique trouvait son expression dans Sluter et plus gĂ©nĂ©ralement dans lâart franco-flamand, dans une forme potentiellement allusive, dans la prĂ©cision et Ă©vidente vie des choses. Un intense et profond clair-obscur anime et forme la masse modelĂ©e avec une extrĂȘme sensibilitĂ© et douceur. ParticuliĂšrement significatif est le traitement du marbre des Ă©lĂ©ments vestimentaires : la diffĂ©rence de couleur et de ton entre la saie laineuse et le manteau de peau rĂ©vĂšle clairement lâintention dâune vĂ©ritĂ© expressive qui semble hors du temps, une anticipation du XVII|e dans le cadre de la sculpture du XVe. Un motif similaire avec le mĂȘme rĂ©sultat stylistique se trouve dans quelques pleurants de Claus Sluter (fig. 26)[51], mĂȘme si cela ne se voit malheureusement pas sur la photo, le manteau y est traitĂ© de la mĂȘme maniĂšre. Mais câest surtout lâesprit de la premiĂšre et plus grande manifestation de la sculpture bourguignonne : Le puits de MoĂŻse, qui se reflĂšte ici dans les Ă©vangĂ©listes de la cimaise ; esprit pĂ©nĂ©trĂ©, dans lâexpression formelle de NiccolĂČ, par les Ă©lĂ©ments stylistiques qui dĂ©rivent de lâapport italien de sa formation[52].
- Fig. 26. Pleurant de la tombe de Philippe le Hardi.
Saint Marc
Ce style se ressent encore plus clairement dans le personnage de saint Marc (fig. 27), dans la grande distension des plans, de la lumiĂšre, dans lâamplification des volumes. Il acquiert ainsi la grandiose prĂ©sence dâun Ă©lĂ©gant motif gothique, comme un personnage sous une console ou saillant dâun Ă©coinçon, hardiment en suspens dans lâespace, sans poids, en un fragile Ă©quilibre. Ă cĂŽtĂ© de cette claire fonction constructive de la lumiĂšre, demeure toute lâintensitĂ© expressive bourguignonne. Nous ne rĂ©pĂšterons pas dâanalogues observations pour les autres Ă©vangĂ©listes, quoique magnifiques ils nâont pas la surprenante libertĂ©, lâinventivitĂ© des deux prĂ©cĂ©dents chefs-d'Ćuvre[52].
Saint Luc
Plus solennel dans la mystique sĂ©vĂ©ritĂ© de son visage, dans la barbe coulante, saint Luc (fig. 28) est le plus simple des Ă©vangĂ©listes dans sa composition. Dâune apparence plus massive et ferme, mais animĂ© intĂ©rieurement dâun mouvement cadencĂ©, selon lequel les plis du manteau descendent et se rencontrent en un jeu rythmique que lâon retrouve avec un accent gothique plus tranchĂ© dans les plus beaux pleurants de Sluter[52].
- Fig. 28. Saint Luc
Saint Matthieu
Dans saint Matthieu (fig. 29), nous dĂ©couvrons une grande variĂ©tĂ© de dĂ©tails : la bourse de piĂšces, lâĂ©charpe nouĂ©e en ceinture, le manteau recueilli sur le bras droit, les boutons mis en valeur comme nulle part ailleurs par un soin quasi flamand ; nous retrouvons, dans la masse des cheveux, dans le manteau pesant adossĂ© sur lâĂ©paule, dans le doux Ă©croulement du vĂȘtement, un thĂšme dâune grandiose abondance, dâune extraordinaire richesse expressive[52].
Ces quatre Ă©vangĂ©listes, dâune si surprenante beautĂ© plastique, se trouvent ĂȘtre probablement, selon Cesare Gnudi (it), la plus haute rĂ©alisation de NiccolĂČ dellâArca et appartiennent avec les saints François, Dominique et Florian, qui sont peut-ĂȘtre moins originaux, Ă la pĂ©riode initiale des travaux, lorsquâil nâĂ©tait pas encore effleurĂ© par des voix nouvelles de provenances et de natures diffĂ©rentes, dans le continuel renouvellement des sensibilitĂ©s de lâartiste. Les Ă©vangĂ©listes reprĂ©sentent une Ă©poque de serein Ă©quilibre dans laquelle la plĂ©nitude de lâinspiration correspond Ă une totale domination des moyens dâexpression, durant laquelle la richesse dâimagination se rĂ©alise complĂštement dans des formes dâune originalitĂ© inconfondable ; Ă©poque de maturitĂ© qui prĂ©suppose une longue pĂ©riode de formation[53].
Le PĂšre Ă©ternel
Le personnage qui participe le plus de lâatmosphĂšre fantastique des Ă©vangĂ©listes est celui, en haut, du PĂšre Ă©ternel (fig. 30). Cependant, au pur lyrisme se substitue ici un ton rhĂ©torique plus Ă©levĂ©, plus sonore et dĂ©clamatoire. Ă lâaccent plus dramatique correspond un clair-obscur plus contrastĂ©, une taille plus tourmentĂ©e et pĂ©nĂ©trante sur ce visage lĂ©onin. Difficile de dire si cette statue qui se rattache Ă lâesprit et aux maniĂšres slutĂ©riennes des Ă©vangĂ©listes leur est contemporaine ou si elle a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e quelques annĂ©es plus tard, au moment de la rĂ©alisation des derniĂšres statues de la cimaise, comme pourrait le laisser penser ce travail plus rapide et synthĂ©tique[53].
Saint Florian
Dans lâornementation de l'habillement de saint Florian (fig. 31), se trouve toute lâĂ©lĂ©gance dâun courtisan du monde gothique international, mĂȘme si le manteau disposĂ© en une monumentale ampleur digne dâun Piero della Francesca contraste avec une minutieuse description du visage ; la mĂȘme rencontre entre zones dĂ©taillĂ©es et style monumental que lâon retrouve par exemple dans les miniatures de Jean Fouquet. Comme dĂ©jĂ signalĂ©, il sâagit du rapprochement de lâempreinte italienne et de lâesprit nordique, gothique ou flamand. NicollĂČ ainsi que dâautres artistes nĂ©s ou opĂ©rant dans ces zones de croisement des deux cultures particuliĂšres, celle de lâItalie mĂ©ridionale et la française, en furent les catalyseurs[54].
- Fig. 31. Saint Florian.
Saint Dominique
Le saint Dominique (fig. 32), peut-ĂȘtre la statue la plus froide et conventionnelle de la cimaise, rĂ©vĂšle une gĂ©omĂ©trie structurale habituellement estompĂ©e par lâimagination inventive. De mĂȘme, le visage idĂ©alisĂ© dans une abstraite reprĂ©sentation iconographique, sâadapte au caractĂšre plus maniĂ©rĂ© et conventionnel de la statue. Se remarquent les beaux dĂ©tails du livre, des mains et spĂ©cialement du lys dĂ©ployĂ© sur la poitrine[54].
- Fig. 32. Saint Dominique.
Saint François
Beaucoup plus rĂ©aliste et vivant, le saint François (fig. 33) rappelle, surtout par la sĂ©vĂšre fixitĂ© du visage, le saint Ătienne de Fouquet (fig. 34), dans lequel lâĂ©lĂ©mentaire et claire structure ressemble Ă celles des statues de Francesco Laurana dans le triomphe dâAlphonse dâAragon du Castel Nuovo (fig. 35). Tout cela ramĂšne Ă cette sensibilitĂ© dâexpression que nous avons rencontrĂ©e dans les pleurants de Sluter ou les Ă©vangĂ©listes de NiccolĂČ, mais lâanimation expressive est ici ramassĂ©e dans une composition plus simple. Demeurent toujours clairement les Ă©lĂ©ments stylistiques de provenance bourguignonne dans la dĂ©finition rĂ©aliste des dĂ©tails comme le livre, le cordon nouĂ©, la matiĂšre vive des vĂȘtements torturĂ©s sur la poitrine[55].
- Fig. 33. Saint François.
- Fig. 34. Saint Ătienne de Fouquet.
- Fig. 35. Statues de Francesco Laurana; arc de triomphe d'Alphonse d'Aragon; Castel Nuovo.
Saint Agricole et saint Vital
Nous trouvons les mĂȘmes Ă©lĂ©ments stylistiques, Ă cĂŽtĂ© de nouveaux motifs, dans les statues des saints Agricole (fig. 36) et Vital (fig. 37), lâĂ©lĂ©gant chevalier et le rude et musclĂ© homme du peuple qui se trouvent sur les volutes postĂ©rieures de la cimaise. Dans le corset de saint Agricole, Ă stries rĂ©guliĂšres et parallĂšles, dans les larges manches, dans les jambes et les hauts-de-chausses moulants, nous retrouvons les mĂȘmes simplifications des plans et des volumes que dans les sculptures du Castel Nuovo Ă Naples (fig. 38, se remarquent particuliĂšrement sur les visages du prince et des autres personnages de la frise). Ă noter les virtuoses illusions de certains dĂ©tails comme la courroie de cuir pendant aprĂšs la boucle de la ceinture, ou bien celle enroulĂ©e autour de lâĂ©pĂ©e. Le visage de saint Agricole dont on est certain quâil prend les traits de Giovanni II Bentivoglio[56], dirigeant Ă lâimproviste un regard perçant dans une direction bien dĂ©terminĂ©e, avec Ă la bouche un sourire Ă peine effleurant, crĂ©e lâexpression dâun instantanĂ© pris sur le vif, bien Ă©loignĂ© des postures hĂ©roĂŻques des portraits toscans. Il se trouve plutĂŽt dans ce visage vivant, quelque chose dâacerbe et de sarcastique qui fait penser, mĂȘme si lâon nây peut trouver une influence de style, Ă quelques traces quâauraient laissĂ©es dans la fantaisie de NiccolĂČ, les hommes des fresques du Palazzo Schifanoia et du Polyptyque Griffoni[55].
Giovanni II Bentivoglio, nĂ© en 1443, devint le premier citoyen de Bologne en 1464, gonfalonier et prĂ©sident Ă vie du sĂ©nat. Câest Ă ce titre quâil dĂ©crĂ©ta, avec le lĂ©gat du pape, lâexĂ©cution Ă la charge de la ville, de la cimaise confiĂ©e Ă NiccolĂČ. Il est donc tout Ă fait naturel que NiccolĂČ en hommage Ă ce seigneur ait attribuĂ© son portrait au visage de saint Agricole. NiccolĂČ dut maintenir dâĂ©troites relations avec la famille Bentivoglio ; en effet lorsquâen 1481 NiccolĂČ fait baptiser son fils Cesare, on constate quâ Annibale II Bentivoglio (fils de Giovanni II) en est le parrain. Il est Ă noter que le registre baptismal de lâĂ©glise di San Giovanni Battista dei Celestini qui rend compte de cet acte, est le premier document officiel qui nous soit parvenu avec la mention « NiccolĂČ dellâArca »[57].
La diversitĂ© de langage utilisĂ©e par lâartiste pour le saint Vital, qui a du ĂȘtre exĂ©cutĂ© au mĂȘme moment que le saint Agricole, comme semble lâindiquer la correspondance du rythme, nous fournit la preuve du goĂ»t de lâartiste Ă suivre des voies diverses tout en les pliant Ă ses propres exigences expressives, avec une prompte imagination intuitive qui est plus chez lui un guide quâune conscience rigoureuse du style. La partie la plus en accord avec le style du saint Agricole est la cape qui tombe dâune Ă©paule, soutenue de la main droite et qui est disposĂ©e dans le dos en un Ă©ventail de plis cylindriques. Par contre, de façon tout Ă fait diffĂ©rente, jusque-lĂ jamais rencontrĂ©e dans lâĆuvre de NiccolĂČ, apparaĂźt sur le cĂŽtĂ© antĂ©rieur du personnage une empreinte florentine indĂ©niable dans lâarticulation plastique de ce corps athlĂ©tique, dans les plis Ă©crasĂ©s et plus marquĂ©s de la tunique, dans lâattitude mĂȘme du personnage, sĂ»r et impĂ©rieux, sur le visage, dans le regard. Si lâon compare le portrait de Bentivoglio avec celui-ci[58], on constate une rĂ©alisation moins spontanĂ©e, une interprĂ©tation plus classique du visage.
Par les Ă©videntes influences florentines dans le saint Vital et lâĂ©cho ferrarais qui sâentend dans le saint Agricole, ces sculptures qui sont entre les plus tardives de la cimaise, montrent une rupture avec la parfaite unitĂ© de vision des Ă©vangĂ©listes[59] - [60].
- Fig. 36. Saint Agricole.
- Fig. 37. Saint Vital.
- Fig. 38. Le prince et ses gens; arc de triomphe; Castel Nuovo.
Christ au tombeau
Que NiccolĂČ nâait pas pĂ©nĂ©trĂ© lâesprit formel toscan, mĂȘme sâil en a assimilĂ© quelques aspects extĂ©rieurs, est dĂ©montrĂ© par le fait que les trois sculptures du Christ au tombeau adorĂ© des anges (fig. 39 & 40), oĂč la rĂ©fĂ©rence aux modĂšles toscans est pourtant claire, ne sont joints que par des liens de proximitĂ© : ils ne participent pas Ă une stricte cohĂ©sion formelle, mais vivent sĂ©parĂ©ment comme des fragments lyriques oĂč dans aucun desquels, ni dans lâensemble du groupe, ne se dĂ©veloppe ni ne se conclut la phrase poĂ©tique[60].
Sur la pierre du tombeau sont posĂ©es, dans une grande Ă©vidence, les magnifiques mains du Christ, avec une intensitĂ© de concentration digne dâun peintre flamand. Des mains, les veines gonflĂ©es montent sur les lentes courbes des bras ; lâensemble du nu est analysĂ© avec la mĂȘme sensibilitĂ© et Ă©motion, composĂ© dans une calme version dâune traditionnelle simplicitĂ© antique.
Dans lâange Ă la gauche du Christ (fig. 40), comme dans le saint Vital, se rĂ©vĂšle lâinfluence de lâart toscan, non seulement une affinitĂ© gĂ©nĂ©rale, mais Ă©galement dans des Ă©lĂ©ments de style plus prĂ©cis ; encore plus que dans le fameux ange porte- candĂ©labre. Comme dans le saint Vital, lâoriginalitĂ© de lâartiste reste assez dissimulĂ©e et brouillĂ©e, par consĂ©quent certaines parties sont sans couleur et ne parviennent pas Ă cette vitalitĂ© qui dâhabitude se rencontre dans chaque dĂ©tail. Les drapĂ©s demeurent plus indĂ©terminĂ©s, les mains inanimĂ©es, les ailes dĂ©pourvues de caractĂ©ristique prĂ©cise, les cheveux Ă peine suggĂ©rĂ©s et esquissĂ©s. Seul dans le visage, dans les subtiles tailles des yeux et de la bouche, lâartiste semble retrouver toute lâintimitĂ© profonde de son expression poĂ©tique.
Lâange qui lui fait face (fig. 39) se rapporte au plus haut niveau de lâart de NiccolĂČ, que nous retrouvons ici enrichi de nouveaux Ă©lĂ©ments de culture et de goĂ»t, qui se pose et anime de la mĂȘme intensitĂ© vivante chaque dĂ©tail. On peut peut-ĂȘtre supposer ici lâinfluence de lâart de Desiderio da Settignano (fig. 41 & 42)[61], quelques aspects duquel devaient sans doute trouver une rĂ©sonance dans lâesprit de NiccolĂČ : ces frĂ©missements de vie trĂ©pidante qui affleurent, cette Ă©mouvante entr'ouverture des lĂšvres, cette formulation Ă©lĂ©gante et subtile, ce lĂ©ger passage de la lumiĂšre, dans cet ange qui avance vers le Christ mort avec la volante lĂ©gĂšretĂ© de la NikĂ© antique, tout enflammĂ© et brĂ»lant comme torche au vent, avec la chevelure flamboyante tirĂ©e en arriĂšre par lâimpĂ©tueuse marche[62]. Il convient de remarquer tout particuliĂšrement dans la partie supĂ©rieure du personnage, en rĂ©ponse Ă lâange de droite, comment NiccolĂČ retrouva ici, dans la dĂ©termination des tissus, des cheveux, des ailes, la riche et continue variĂ©tĂ© des tons que nous admirons dans les quatre Ă©vangĂ©listes. Il suffit de comparer ces ailes tellement sensibles en tous points Ă celles, plus gĂ©nĂ©riques et toscanes de lâautre ange pour constater combien est plus fortement affirmĂ©e ici lâoriginalitĂ© de lâartiste. Par contre, dans le dĂ©roulĂ© du drapĂ© en bas, dans les plis Ă©crasĂ©s du pan engagĂ© entre les jambes, apparaĂźt plus clairement une ascendance toscane, voire classique[63].
- Fig. 39. Ange de droite.
- Fig.40. Christ au tombeau et ange de gauche.
- Fig. 41. Ange, tombe de Carlo Marsuppini, détail.
- Fig. 42. Ange, tombe de Carlo Marsuppini, détail.
Ange porte-candĂ©labre (il sâagit de celui de gauche)
Dâune facture aussi originale et intense, mais dâun rythme plus fermĂ© et serein, se prĂ©sente lâange porte-candĂ©labre (fig. 43) qui est la plus fameuse et cĂ©lĂšbre statue de la cimaise. Peut-ĂȘtre parce quâelle est encore plus libĂ©rĂ©e que lâange prĂ©cĂ©dent de toute influence toscane, il semble rentrer plus que toutes autres Ćuvres de NiccolĂČ dans la sphĂšre du goĂ»t de la renaissance. De fait, lâorganisation du personnage est dâune telle rigueur de composition, dâune telle solennitĂ© placide dans sa structure, quâelle constitue un cas tout Ă fait particulier dans lâensemble de la production qui nous est connue de lâartiste. Sans aucun doute, cet ange reprĂ©sente, avec les Ă©vangĂ©listes et les Maries de la Lamentation sur le Christ mort (it), un des plus hauts sommets du parcours artistique de NiccolĂČ[63].
Les statues de Michelangelo Buonarroti (1494 â 1495)
Saint PĂ©trone
Les historiens sâaccordent mal Ă dĂ©finir la part de NiccolĂČ et celle de Michelangelo, les uns attribuent presque exclusivement lâĆuvre Ă Michelangelo, les autres prĂ©tendent quâil lâa simplement achevĂ©e.
Saint PĂ©trone Ă©tait Ă©vĂȘque et patron de Bologne (fig. 44). Il est reprĂ©sentĂ© tenant en ses bras une maquette de la ville ceinte de ses murailles. On y distingue les tours Garisenda et Asinelli.
Le drapĂ© animĂ© de nombreux plis fait alterner les zones dâombre et de lumiĂšre, il rĂ©vĂšle lâinfluence de Jacopo della Quercia combinĂ©e Ă celle de la peinture ferraraise.
- Fig. 44.Saint PĂ©trone.
Saint Procule
Fra Ludovico, alors ĂągĂ© de 80 ans, narre dans ses mĂ©moires que le le frĂšre convers qui lâassistait fit tomber Ă terre la statue qui se brisa en plusieurs morceaux. On la reconstitua aussi bien que possible.
Saint Procule de Bologne (fig. 45) Ă©tait un officier romain martyrisĂ© durant les persĂ©cutions de DioclĂ©tien. Il est reprĂ©sentĂ© avec la courte tunique des soldats, des chaussures montantes, un manteau posĂ© sur lâĂ©paule. Il tenait dans la main droite une lance en mĂ©tal qui nâexiste plus aujourdâhui.
Il sâagit dâune Ćuvre dâune grand originalitĂ© qui anticipe le style hĂ©roĂŻque de Michelangelo, celui dâun David ou dâun MoĂŻse. Le visage du jeune soldat a une expression fiĂšre et renfrognĂ©e, peut-ĂȘtre inspirĂ©e de la statue du Colleone (fig. 46) que Michelangelo avait dĂ» voir Ă Venise avant dâarriver Ă Bologne.
- Fig. 45. Saint Procule.
- Fig. 46. Statue du Colleone Ă Venise.
Ange porte candélabre
Michelangelo rĂ©alisa un personnage solide et compact qui sâĂ©loigne du gothique international de NiccolĂČ. Lâange (fig. 47) se tend en avant, crĂ©ant un ample et dynamique drapĂ© du vĂȘtement, complĂštement diffĂ©rent de lâĂ©thĂ©rĂ© et de la rythmique ondulation des Ćuvres mĂ©diĂ©vales.
- Fig. 47. Ange porte-candélabre.
La prĂ©delle dâAlfonso Lombardi (1532)
Sous le sarcophage de Nicola Pisano et ses collaborateurs se trouve la prédelle de marbre exécutée en bas-relief par Alfonso Lombardini. Elle est divisée en trois parties.
PremiĂšre partie
La premiĂšre partie, Ă gauche, est elle-mĂȘme divisĂ©e en trois tableaux retraçant la naissance, lâenfance et la jeunesse de saint Dominique (fig. 48).
- Fig. 48. Naissance, enfance, jeunesse de saint Dominique.
La naissance
En haut, au second plan, se trouve Jeanne dâAza, mĂšre de Dominique, assise sur son lit, des femmes lâentourent. En bas, au premier plan, une sage-femme tient le nouveau-nĂ© et sâapprĂȘte Ă le laver dans un bassin.
Lâenfance
Le second tableau représente le tout jeune Dominique couché sur le sol de sa chambre, au pied de son lit vide[64]. à ses cÎtés se trouve un chien tenant une torche dans sa gueule[65].
La jeunesse
Ce tableau reprĂ©sente sur la gauche, le jeune homme en train de vendre ses livres dâĂ©tudiant. Sur la droite, il est Ă nouveau reprĂ©sentĂ© distribuant Ă trois pauvres le fruit de cette vente[66]. Le chien au flambeau est Ă©galement prĂ©sent en bas Ă gauche.
Partie centrale
La partie centrale de la prĂ©delle reprĂ©sente lâadoration des mages (fig. 49). Cette Ćuvre peut paraĂźtre insolite dans le contexte de la vie de saint Dominique, toutefois elle se rĂ©fĂšre Ă l'exhortation du saint faite Ă ses frĂšres, de rechercher le Christ avec la mĂȘme humilitĂ© et la mĂȘme passion que celle des Rois mages lorsquâils vinrent rendre hommage au Roi du monde.
- Fig. 49. Adoration des mages.
Le saint Jean-Baptiste de Girolamo Cortellini (1536 ou 1537)
Cette statue a beaucoup souffert. DâaprĂšs Fra Ludovico[68], une premiĂšre statue fut brisĂ©e ; la seconde fut Ă son tour malmenĂ©e, la jambe gauche a Ă©tĂ© brisĂ©e deux fois, lâagneau qui reposait sur le bras enlevĂ© (volĂ© ?) et refait par maĂźtre Pietro Francesco, la draperie endommagĂ©e. Le Bras dut Ă©galement ĂȘtre restaurĂ©.
Ce saint Jean-Baptiste (fig. 51) est considĂ©rĂ© par certains comme Ă©tant le chef- dâĆuvre de Cortellini, mais il sâagit dâune Ćuvre gauche et froide Ă laquelle nuit la proximitĂ© de celles de NiccolĂČ et de Michelangelo[69].
- Fig.51. Saint Jean-Baptiste.
Le bas-relief de Jean-Baptiste Boudard (1768)
Lâantependium de lâautel est constituĂ© dâun bas-relief rĂ©alisĂ© par lâatelier parmesan de J.-B. Boudard en 1768 et reprĂ©sente lâensevelissement de saint Dominique (fig. 52).
- Fig. 52. Ensevelissement de saint Dominique.
Voir aussi
Bibliographie
- Le tombeau de saint Dominique.FR. J.-J. Berthier. Librairie internationale de l'Ćuvre de saint Paul. Paris, 1895.
- Nicola Arnolfo Lapo - L'arca di S. Domenico in Bologna. Cesare Gnudi. Edizioni U. Firenze, 1948.
- Nicola Pisano. Giusta Nicco Fasola. Casa editrice Fratelli Palombi. Roma, 1941.
- NiccolĂČ dell'Arca. Cesare Gnudi. Giulio Einaudi, editore. Torino, 1942.
- L'arca di S. Domenico in Bologna. Stefano Bottari. Casa editrice Prof. Riccardo PĂ tron. Bologna, 1964.
Notes et références
- (it) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en italien intitulĂ© « San Procolo (Michelangelo) » (voir la liste des auteurs).
- Afin dâĂ©viter toute ambiguĂŻtĂ© de langage, nous parlerons de sarcophage pour dĂ©signer la premiĂšre partie du monument rĂ©alisĂ©e par Nicola Pisano et ses collaborateurs et de cimaise pour dĂ©signer la partie supĂ©rieure exĂ©cutĂ©e par NiccolĂČ dellâArca ; lorsque nous parlerons du sĂ©pulcre nous entendrons par lĂ lâensemble du monument funĂ©raire.
- (it) Giovambatista Melloni, Vita di S. Domenico fondatore dell'ordine de' predicatori, Naples, , Chap. XXXI.
- FR. J.-J. Berthier, Le tombeau de saint Dominique, Paris, , Chap. I.
- RP. Henri-Dominique Lacordaire, Vie de saint Dominique, Paris, , Chap. XVIII.
- Michele PiĂČ dit quâelle Ă©tait une simple pierre, blanche mais belle, de forme grossiĂšre et carrĂ©e, selon lâusage du temps. Uom. Ill., p. 1 ; col. 119.
- (it) Cesare Gnudi, Nicola Arnolfo Lapo, l'Arca di S. Domenico in Bologna, Firence, , p. 11.
- (it) Giusta Nicco Fasola, Nicola Pisano, Rome, , p. 141.
- Le FR. J. J. Berthier avance lâhypothĂšse que Humbert de Romans, le prĂ©cĂ©dent MaĂźtre de lâordre qui dĂ©missionna en 1263, ait dĂ©jĂ conçu ce projet. Ibid.
- (it) Stefano Bottari, L' arca di S. Domenico in Bologna, Bologne, , p. 51.
- lâ« egregius vir magister Nicolaus quondam Antonii de partibus Apulie ». Câest durant ou Ă la suite de ce chef-dâĆuvre, mais de son vivant, que lâartiste fut surnommĂ© NiccolĂČ dellâArca.
- Peut-ĂȘtre en raison de dĂ©saccords entre le sculpteur et les personnes chargĂ©es dâen suivre lâexĂ©cution.
- Stefano Bottari. Ibid, p. 56-61.
- (it) curata e commentata da P. Barocchi, La vita di Michelangelo nelle redazioni del 1550 e del 1568, Milano-Napoli, , p. 132 (note 110) et p. 136 (note 114) du tome II.
- Les auteurs ne sâaccordent pas sur la date de rĂ©alisation (entre fin 1536 ou 1537 et 1539). J. J. Berthier citĂ© Fra Ludovico qui indique que le 19 juin 1537 il fit exĂ©cuter Ă maĂźtre Andrea, sculpteur, un nouveau bras pour la statue.
- Stefano Bottari. Ibid, p. 83-85.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 85 (note 1).
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 6 (note 6) et p. 12.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 45.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 12.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 16 (note 3).
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 13.
- Archivi di Stato, Pergamene del Duomo di Siena. Doc. Du 11 mai 1266.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 52.
- Ce fond dâĂ©mail vitreux colorĂ© est un motif dâorigine française provenant des autels gothiques. Giusta Nicco Fasola. Ibid, p. 142.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 57.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 58.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 85 (note 2).
- Il s'agit plus précisément de Napoleone di Ceccano, neveu du cardinal Stefano ci Ceccano.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 59.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 60.
- En ce qui concerné Lapo, on constate par exemple que les visages de ses matrones évoquent souvent ceux des défuntes étendues sur les tombes et sur les urnes étrusques.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 61.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 62.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 67.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 68.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 69.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 70.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 71.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 73.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 74.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 75.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 76.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 77.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 78.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 79.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 80.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 81.
- Le caractĂšre non toscan, non seulement dans la dĂ©coration de la cimaise mais dans lâart de NiccolĂČ en gĂ©nĂ©ral, fut notĂ© par Schubring, qui vit dans la provenance mĂ©ridionale de lâartiste la cause de cette tendance Ă la surabondance et au fantastique. NiccolĂČ da Bari, in Zeitschrift fĂŒr Bildende Kunst. 1904. p. 209 et s.
- On peut par exemple comparer les festons de fruits de la cimaise avec les cornes dâabondance soutenues par les lions ailĂ©s qui se trouvent au-dessus de lâarche dâentrĂ©e du Castel Nuovo.
- (it) Cesare Gnudi, NiccolĂČ dell'Arca, Turin, Giulo Einaudi, , p. 25.
- Voir en particulier celui conservĂ© au musĂ©e de Cluny Ă Paris, qui faisait partie du sĂ©pulcre de Philippe le Hardi, ainsi que le pleurant no 27 au musĂ©e archĂ©ologique de Dijon, qui sont lâun et lâautre attribuĂ©s Ă Sluter.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 27.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 28.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 29.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 30.
- Cette effigie peut ĂȘtre confrontĂ©e avec les mĂ©dailles de Sperandio, celles de Francesco Raibolini dit « il Francia » et au portrait plus tardif attribuĂ© Ă Ercole.
- Magistri Nicolai de Arca.
- Sachant que saint Agricole est clairement reprĂ©sentĂ© sous les traits de Giovanni II Bentivoglio, on a avancĂ© lâhypothĂšse que NiccolĂČ ait donnĂ© ses propres traits Ă saint Vital, le serviteur et compagnon de saint Agricole. On pense quâils seraient les deux seuls portraits du sĂ©pulcre.
- LâĂ©lĂ©ment ferrarais dominera plus tard dans la lamentation sur le Christ mort de Santa Maria della Vita ; lâĂ©lĂ©ment florentin caractĂ©rise la pĂ©riode des derniĂšres statues de la cimaise et de la Vierge Ă lâenfant en terre-cuite du Palazzo Comunale rĂ©alisĂ©e peu de temps aprĂšs.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 31.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 32.
- K. Frey envisage mĂȘme que NiccolĂČ ait pu avoir frĂ©quentĂ© lâĂ©cole de Desiderio et quâil se soit formĂ© Ă Florence. Michelanglio Buanarroti, Quellen und Forschungen zu seiner Geschichte und Kunst. B.I., Berlin. 1907. p. 128-133.
- Cesare Gnudi. Ibid, p. 33.
- Cette anecdote de la jeunesse de saint Dominique est rapportĂ©e par Fra Constantin dâOrvieto, qui prĂ©cise que souvent lâenfant trompait la vigilance de sa nourrice dans un dĂ©sir dâaustĂ©ritĂ©.
- La lĂ©gende veut que Jeanne dâAza enceinte eĂ»t une vision oĂč il lui sembla porter en son sein un petit chien tenant en sa gueule une torche allumĂ©e. Ce symbole est repris dans beaucoup de reprĂ©sentations et permet dâidentifier saint Dominique.
- Cet Ă©pisode est rapportĂ© par Jourdain de Saxe ; Dominique vendit ses livres pour venir en aide aux pauvres alors quâune famine frappait lâEspagne.
- Selon cette vision, deux Ă©chelles reliaient le ciel et la terre. Le Christ tenait le sommet de lâune dâelles, la Vierge lâautre. En bas, entre les deux Ă©chelles se tenait un siĂšge et sur le siĂšge un frĂšre de lâordre. Peu Ă peu le Christ et la Vierge retiraient les Ă©chelles, jusquâĂ ce que celui qui Ă©tait en bas sur le siĂšge, fut Ă©levĂ© Ă la porte du paradis. Vie de saint Dominique. R.P. Henri-Dominique Lacordaire. Paris. 1872. Chap. XVII.
- (it) Fra Ludovico da Prelormo, Memorie.
- Stefano Bottari. Ibid, p. 84.