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SĂ©isme de 1843 aux Petites Antilles

Le séisme de 1843 aux Petites Antilles est à ce jour le tremblement de terre le plus fort ayant affecté la Caraïbe depuis l'arrivée des Européens dans la région. Il est aussi un des premiers évènements sismiques bien documentés[1]. Un rapport scientifique détaillé[2] a en effet été écrit et publié dès par le géologue Charles Sainte-Claire Deville, présent en Dominique au moment du séisme. Les survivants ont de plus adressé de nombreux témoignages dans le monde entier. La catastrophe a induit un mouvement de solidarité régional d'abord (autres îles de la Caraïbe, mais aussi États-Unis, Venezuela), national (avec publication dans tous les journaux de listes de souscriptions dans tous les milieux et pendant plus d'un an) et international.

SĂ©isme de 1843 aux Petites Antilles
Date entre 10h30 et 11h00, heure locale
Magnitude env. 8
Épicentre 16° 30′ nord, 62° 12′ ouest
Régions affectées Petites Antilles, Amérique centrale
Victimes env. 3 000 morts annoncĂ©es (en rĂ©alitĂ© bien plus si on comptabilise les esclaves)

Contexte géologique

Carte de la plaque CaraĂŻbe

La Guadeloupe, comme l'ensemble des îles des Petites Antilles, est située aux abords d'une zone de subduction où les plaques sud-américaine et nord-américaine s'enfoncent sous la plaque caraïbe à une vitesse moyenne de cm/an. Ce secteur est constitué d'un ensemble dynamique de failles soumises à des contraintes, circulant sur ou sous les îles, et dans leur environnement proche. Il est supposé que trois principaux types de séismes existent au niveau des Petites Antilles :

  • les sĂ©ismes inter-plaques qui peuvent atteindre des magnitudes supĂ©rieures Ă  8. Ils se produisent Ă  la frontière de la plaque caraĂŻbe et des plaques amĂ©ricaines, soit Ă  une distance Ă©picentrale d'environ 80-100 km des cĂ´tes guadeloupĂ©ennes, pour une profondeur comprise entre 20 et 65 km. Un dĂ©bat existe actuellement au sein de la communautĂ© scientifique sur le fait que la zone de subduction Ă  l'Est des Petites Antilles soit capable ou pas de gĂ©nĂ©rer des mĂ©gasĂ©ismes. Les relevĂ©s gĂ©odĂ©siques rĂ©alisĂ©es par le Symithe en 2015 et van Rijsingen et al. en 2020[3] indiquent que la zone de subduction Ă  l'Est des Petites Antilles n'est que peu ou pas couplĂ©e (elle n'accumule que peu ou pas de dĂ©formation). Au contraire, les relevĂ©s effectuĂ©s sur les Micro-atolls de coraux semblent indiquer que la zone de subduction aurait accumulĂ© de fortes contraintes au cours du dernier siècle[4]. Ces rĂ©sultats sont incohĂ©rents puisque si la zone de subduction avait accumulĂ© des contraintes au cours du siècle dernier, cela devrait ĂŞtre visible sur les relevĂ©s GPS ;
  • les sĂ©ismes se produisant au sein de la plaque caraĂŻbe, qui, bien que de moindre magnitude, sont très superficiels et proches des Ă®les, ce qui peut occasionner de gros dĂ©gâts ;
  • les sĂ©ismes se produisant au sein de la plaque sud-amĂ©ricaine, qui peuvent atteindre de fortes magnitudes, mais sont très profonds, ce qui a tendance Ă  diminuer leurs consĂ©quences.

DĂ©roulement

Le tremblement de terre a lieu dans la matinée du un peu avant 10h40 (heures locales). Il se manifeste tout d'abord par un fort grondement caractéristique des ondes P. D'après Sainte Claire Deville, le séisme se caractérise par deux vagues successives d'oscillations principalement horizontales, très violente, la deuxième étant la plus forte. La secousse perdure pendant environ 1 minute 30 et se termine par des soubresauts verticaux. Le séisme cause de nombreux incendies qui ravagent notamment le centre ville de Pointe-à-Pitre. Si une très légère oscillation du niveau de la mer se produit dans des lieux très localisés, Deville et les autres témoins n'observent pas de tsunami d'ampleur dans les Petites Antilles. A English Harbour, dans le sud d'Antigua, une vague de 1,2 mètres est bien observée mais elle semble être le résultat d'un glissement de terrain sous-marin très localisé. Le séisme du 8 février 1843 provoque de très nombreux mouvements de terrain assez spectaculaires dont des phénomènes de subsidence, de liquéfaction (jets de boue, fissures dans le sol), des glissements de terrain, des écroulements de blocs rocheux en montagne et des coulées de boues.

Près de 300 répliques sont ressenties dans l'année qui suit la secousse principale dont celles du 24 février, du 10 mars, du 31 mars, du 24 avril et du 11 mai 1843 décrites comme particulièrement fortes.

Conséquences

Eugène Lami, Vente de charité pour les victimes de Guadeloupe dans le Grand Salon du Palais Royal à Paris.

Les secousses sont ressenties sur toutes les Ă®les des Petites Antilles. Les plus fortes sont reportĂ©es en Guadeloupe et Ă  Antigua (IX sur l'Ă©chelle MSK). L'Ă©picentre est en effet situĂ© devant la ville du Moule, sur la Grande-Terre (partie orientale de la Guadeloupe). La secousse est perçue très loin aussi bien au sud Ă  Caracas et Cayenne, qu'au nord des États-Unis. Pointe-Ă -Pitre est sĂ©vèrement touchĂ©e et quasiment dĂ©truite par l'incendie qui se dĂ©clenche après le sĂ©isme. Sous le coup de l'Ă©motion, les contemporains ont fait Ă©tat de plus de 3 000 (voire 6 000) morts et 1 500 blessĂ©s[5] - [6]. L'image des blessĂ©s, prisonniers des dĂ©combres, brĂ»lĂ©s vifs sous les yeux de leurs parents, a Ă©tĂ© un traumatisme majeur.

La force de la secousse et l'extension des isoséistes de la carte macrosismique permettent de définir la source de cette secousse à un séisme de magnitude estimée entre 8 et 8,5 dont l'épicentre est situé au large entre la Guadeloupe et Antigua[7]. Le type de mécanisme n'est pas clair en raison de l'absence de tsunami ou subsidence sur les deux îles les plus proches. Ce séisme pourrait donc ne pas avoir été un séisme de subduction.


Les conséquences sont énormes et durables : économiques (lancement des usines centrales en remplacement des vieux moulins du Père Labat, détruits), sociales (rapprochement entre les classes et les races face au drame commun, nombreux affranchissements), politiques (vote à Paris d'une loi sur les sucres, peu favorable au sucre de canne, sans grande opposition du lobby colonial, du fait de l'abondance des secours envoyés de France), médiatiques (lancement de l'Illustration en ) et urbanistiques (reconstruction de Pointe-à-Pitre sur de nouvelles bases).

Le gouverneur Gourbeyre (natif de Riom en Auvergne) a acquis en la circonstance le statut d'homme providentiel (la Guadeloupe donnera à l'une de ses communes le nom de Gourbeyre), de même le premier adjoint au maire de la ville, Charles Anatole Léger, à l'origine de la gloire de la famille Leger en Guadeloupe (le diplomate Alexis Leger, nom de plume du poète Saint-John Perse, est son petit-neveu).


Notes et références

  1. Site du BRGM SisFrance
  2. Charles Sainte-Claire Deville (Basse-Terre, juillet 1843 puis Paris, souvent réédité). Observations sur le tremblement de terre éprouvé à la Guadeloupe le 8 février 1843. texte intégral en ligne sur le site Gallica.
  3. (en) Eleonora van Rijsingen, « Inferring Interseismic Coupling Along the Lesser Antilles Arc: A Bayesian Approach », JGR Solid Earth,‎ (lire en ligne Accès libre)
  4. (en) Belle Philibosian, « 20th-century strain accumulation on the Lesser Antilles megathrust based on coral microatolls », Earth and Planetary Science Letters,‎ (lire en ligne Accès libre)
  5. Tract de 1843, Archives départementales de la Guadeloupe.
  6. Carole Petit, « Séisme du 8 février 1843 : il y a 177 ans, le premier "Big One" frappait la Guadeloupe », Guadeloupe la 1re, 8 février 2020.
  7. Bernard P. et J. Lambert (1988). Subduction and seismic hazard in the northern Lesser Antilles: Revision of the historical seismicity. Bull. Seismo. Soc. Am., no 78, pp. 1965-1983.

Annexes

Bibliographie

  • La Guadeloupe : Basse-terre, la Soufrière, Pointe-Ă -Pitre : Histoire, description, catastrophe du 8 fĂ©vrier, Paris, Aubert et Cie, (OCLC 900539529, SUDOC 183233492)
  • La Pointe-Ă -Pitre n'existe plus...! Relations du tremblement de terre de 1843 en Guadeloupe, collectif, Jacqueline Picard (dir.), Gosier : Ă©ditions CARET, 2003.
  • Sur les ruines de la Pointe-Ă -Pitre. Chronique du . Hommage Ă  l'amiral Gourbeyre, manuscrit conservĂ© Ă  Vincennes, Service historique de la DĂ©fense, DĂ©partement de la marine, 1843-1844, Ă©ditions l'Harmattan, Paris, 2008 – texte Ă©tabli, prĂ©sentĂ© et annotĂ© par Claude ThiĂ©baut, 2 volumes.

Liens externes

  • Marbeau, Tremblement de terre de la Guadeloupe (8 fĂ©vrier 1843), Paris, Imprimerie Panckoucke, , 42 p. (lire en ligne)
  • ClĂ©ment Villecourt, Lettre pastorale de Monseigneur l'Ă©vĂŞque de la Rochelle Ă  l'occasion des dĂ©sastres de la Guadeloupe : suivi de Lettre du ComitĂ© central des souscriptions pour la Guadeloupe, S.l., s.n., , 6 p. (lire en ligne)
  • ClĂ©ment Villecourt, État des QuĂŞtes faites dans les paroisses du diocèse de la Rochelle, pour les sĂ©minaires, et des Offrandes pour Dispenses de CarĂŞme pendant l'annĂ©e 1843, QuĂŞtes pour la Guadeloupe, S.l., s.n., , 8 p. (lire en ligne)
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