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Roland Jupiter-4

Le Roland Jupiter-4 (JP-4) a Ă©tĂ© un synthĂ©tiseur analogique conçu et fabriquĂ© par Roland Corporation de 1978 Ă  1981. Il fut le premier synthĂ©tiseur polyphonique de la compagnie, et fut connu pour avoir Ă©tĂ© le premier synthĂ©tiseur Ă  fournir des commandes numĂ©riques Ă  ses circuits analogiques (sous le terme de « Compuphonic Â» par Roland), permettant de nouvelles fonctions notables telles que des mĂ©moires programmables (l'enregistrement numĂ©rique de « patchs Â») et une plus grande souplesse dans l'assignement des voix de la synthèse par les oscillateurs.

Roland Jupiter-4.

Il était vendu 2 895 dollars, donc beaucoup moins cher que les synthétiseurs polyphoniques des marques concurrentes de la même époque (tels que le Sequential Circuits Prophet-5 ou l'Oberheim OB-X). Pourtant il ne fut pas aussi populaire et resta moins distribué que ces machines concurrentes. Cette désaffection fut totalement inversée lors de la mise sur le marché de son modèle successeur, le très populaire Jupiter-8.

Architecture

Les quatre cartes assurant les voix des oscillateurs

L'architecture de base du Jupiter-4 consistait en :

  • un LFO classique ;
  • quatre cartes Ă©lectroniques identiques contenant chacune un oscillateur commandĂ© en tension (VCO) fournissant les formes d'ondes traditionnelles impulsion, carrĂ©e, et dents de scie, et accompagnĂ© d'un sub-oscillateur une octave plus bas fournissant uniquement une forme d'onde carrĂ©e ;
  • un gĂ©nĂ©rateur de bruit blanc ;
  • un filtre passe-haut (HPF) ;
  • un filtre passe-bas (LPF) constituĂ© du cĂ©lèbre circuit intĂ©grĂ© IR3109 permettant l'entrĂ©e en auto-oscillation en poussant la rĂ©sonance Ă  un haut niveau ;
  • et un ampli commandĂ© en tension (VCA) contenant le cĂ©lèbre composant Roland BA662 lui aussi lĂ©gendaire dans la marque et dont il sera question plus loin dans l'article ;
  • l'ensemble Ă©tait pilotĂ© par deux microprocesseurs Intel (un 8048-011 et un 8048-012) administrant toute l'Ă©lectronique chargĂ©e de fournir les tensions de commande au LFO, aux quatre VCO, au VCF (constituĂ© du filtre HPF et du filtre LPF) et au VCA. Les deux microprocesseurs assuraient aussi la gestion des enveloppes ADSR et celle des mĂ©moires de prĂ©sĂ©lections usine et des prĂ©sĂ©lections utilisateur. Les microprocesseurs pilotaient aussi un arpĂ©giateur ainsi que les algoritmes d'unisson et de polyphonie.

De façon Ă©tonnante, alors que ce synthĂ©tiseur Ă©tait pilotĂ© par deux microprocesseurs (une innovation au point de baptiser ce synthĂ©tiseur du nom de « Compuphonic Â») les formes d'onde fournies par les VCO Ă©taient crĂ©Ă©s de façon très rudimentaire par la simple utilisation d'un banal inverseur CD4069 pour fournir les impulsions de base, suivi d'un multiplexeur TC-4052 pour fournir la forme carrĂ©e Ă  partir de la forme impulsionnelle fournie par le CD4069. La forme dents de scie Ă©tait produite par un simple amplificateur opĂ©rationnel TL082CP en sortie du mĂŞme multiplexeur TC-4052. Ce synthĂ©tiseur ne fournissait aucune forme d'onde sinusoidale par ces VCO, mais uniquement par le LFO aux très basses frĂ©quences.

Les capacités de modulations du Jupiter-4 incluaient :

  • la classique enveloppe Attack-Decay-Sustain-Release (ADSR) pour le VCA ;
  • une enveloppe ADSR identique mais dĂ©diĂ©e au filtre ;
  • un rĂ©glage du niveau de sortie (non mĂ©morisĂ© dans les prĂ©sĂ©lections mais dotĂ© d'une LED indiquant une surcharge).

L'enveloppe ADSR du filtre LPF était inversible (l'Attack démarre à un niveau réglable très supérieur à zéro et décroît jusqu'à zéro, puis le Decay croît jusqu'au niveau du Sustain, puis le Release part du niveau du Sustain non pour descendre à zero mais pour retrouver le niveau identique à celui du point de départ de l'Attack), chose courante aujourd'hui mais qui était innovante à l'époque, cette inversion de la tension de l'enveloppe ADSR autorisant une modulation de type upside down. Ce genre d'enveloppe inversée est très intéressant notamment dans la création d'effets sur l'évolution de la fréquence de coupure du filtre ou encore pour créer des nouveaux effets à partir du VCA des patchs utilisant le sens traditionnel de l'enveloppe, simplement en inversant ce sens, le timbre restant identique. Dans le cas du Jupiter-4, seul le filtre était doté d'une enveloppe inversible.

De surcroît le niveau final de l'enveloppe du VCA pouvait être mémorisé dans les présélections et était prioritaire sur le niveau général de volume de sortie de l'ampli stéréo du synthétiseur.

En amont de la synthèse, l'oscillateur basse-fréquence (LFO), fournissant les formes d'ondes sinus, carrée, dents de scie, et dents de scie inverse (rampe), pouvait être assigné au pitch des VCO, ainsi qu'à la largeur d'impulsion (Pulse Width) de la forme d'onde Pulse, à la fréquence de coupure (Cutoff) du filtre, et à la modulation de l'amplitude du VCA. Ce LFO avait la particularité de monter en fréquence jusqu'à atteindre les fréquences audio (donc au-delà de vingt hertz), permettant une rudimentaire mais déjà intéressante approche de la synthèse FM et de la synthèse AM (synthèse par modulation d'amplitude).

Tous ces paramètres étaient mémorisables dans les présélections tout en autorisant en parallèle un jeu restant indépendant sur la profondeur de ces modulations par l'utilisation de la classique molette de modulation à gauche du clavier (la seconde molette restant bien entendu assignée au Pitch Bend).

La précision des VCO du Jupiter-4 avait la fâcheuse tendance à devenir instable avec l'âge, en raison de la médiocre qualité des deux condensateurs utilisés sur chacune des quatre cartes VCO. Les boutiques-ateliers de réparation de synthétiseurs remplacent aujourd'hui sans problème et en quelques minutes ces condensateurs d'origine par des condensateurs équivalents plus récents et de bien meilleure qualité. Ce problème de l'instabilité de la fréquence des VCO était récurrent sur les synthétiseurs tous analogiques dans les années 1970 et fait aujourd'hui le charme de ces anciennes machines, mais cette instabilité est parfois excessive au détriment de la qualité musicale des morceaux joués. Roland avait prévu la possibilité de réétalonner les VCO de temps en temps, en ouvrant simplement un petit capot situé sur la face arrière du synthétiseur pour accéder à des réglages d'ajustement en ayant bien pris soin au préalable d'avoir effectué un warm up, c'est-à-dire un préchauffage du synthétiseur pendant une petite demi-heure.

Le Jupiter-4 se caractérisait par deux fonctions très originales fournies par le contrôle numérique Compuphonic des quatre cartes VCO, contrôle numérique reposant sur l'utilisation de deux microprocesseurs Intel 8048. Ces deux fonctions originales (pour l'époque) étaient[1] :

  • un arpĂ©giateur, avec les actions up, down, up/down, random. Cet arpĂ©giateur est abondamment utilisĂ© dans le morceau populaire Rio de Duran Duran en 1982. Les micro-interrupeurs situĂ©s Ă  l'extrĂŞme gauche de l'arpĂ©giateur permettre de choisir la vitesse du tempo : soit une horloge interne ajustable soit une source externe telle que l'horloge de la boĂ®te Ă  rythmes Roland CR-78, de la mĂŞme Ă©poque, qui fut d'ailleurs la première boĂ®te Ă  rythme analogique entièrement programmable. Par ailleurs, un micro-interrupteur Hold permettait de maintenir la note autant que dĂ©sirĂ© (le niveau de volume Ă©tant dĂ©terminĂ© par le niveau « S Â» de l'enveloppe du VCA) et Ă©tait très intĂ©ressant Ă  utiliser en combinaison avec l'arpĂ©giateur ;
  • la modulation par la main gauche au clavier est inhabituelle avec ce synthĂ©tiseur. Le portamento polyphonique peut ĂŞtre utilisĂ© en conjonction avec l'arpĂ©giateur comme avec n'importe quel prĂ©sĂ©lection. La molette de modulation permet Ă©galement de transposer le jeu jusqu'Ă  une octave vers le haut, indĂ©pendamment des paramètres fixĂ©s par la prĂ©sĂ©lection. Ă€ la diffĂ©rence des habituelles molettes de modulation verticales de Moog ou de Sequential Circuits (considĂ©rer le Prophet 5), celle de Roland Ă©tait prĂ©sentĂ©e horizontale et dotĂ©e d'un retour automatique au centre (comme les habituelles molettes de Pitch-Bend mais c'est une originalitĂ© pour une molette de modulation). Une lĂ©gère pression du doigt sur la pointe de la molette de modulation permettait un rapide effet mais la molette Ă©tait fragile et l'utilisation excessive de cet effet conduisait rapidement Ă  une perte de la prĂ©cision mĂ©canique de la molette. Les potentiomètres du panneau du synthĂ©tiseur permettaient aussi de gĂ©rer manuellement la profondeur de la modulation du LFO ou l'intervalle du Pitch Bend de façon indĂ©pendante des valeurs fixĂ©es par la mĂ©morisation dans la prĂ©sĂ©lection en cours d'utilisation. Les assignations possibles de la molette de modulation Ă©taient très variĂ©es, la combinaison de micro-interrupteurs autorisant la modulation simultanĂ©e du LFO, du VCO, du VCF, et du VCA, l'ensemble autorisant pour l'Ă©poque un choix considĂ©rable et tout Ă  fait inhabituel de modulations par la simple molette ;
  • un mode Unison original pour l'utilisation des voix des VCO. En gĂ©nĂ©ral, Ă  la fin des annĂ©es 1970, les synthĂ©tiseurs ont la configuration classique un VCO pour une voix (une note) au clavier. Le Jupiter-4 autorisait quant Ă  lui deux combinaisons d'unisson de ces voix et deux modes de polyphonie, l'ensemble Unison+Polyphony Ă©tant conmbinable :
    • Unison-1 : les quatre VCO (chacun avec Ă©ventuellement une forme d'onde diffĂ©rente) deviennent monophoniques et jouent Ă  l'unisson lorsqu'une seule touche est enfoncĂ©e,
    • Unison-2 : si une seule touche est pressĂ©e, les quatre VCO sont Ă  l'unisson comme dans l'Unison-1 ci-dessus mais si deux touches sont enfoncĂ©es, les quatre VCO sont automatiquement appariĂ©s deux Ă  deux pour obtenir deux voix Ă  l'unisson pour la première touche et deux voix Ă  l'unisson pour la seconde touche, et si plus de deux touches (donc trois ou plus) sont enfoncĂ©es les quatre VCO reprennent leur indĂ©pendance. Ces diffĂ©rents modes d'unisson peuvent ĂŞtre entendus de façon bien distincte l'un de l'autre dans des morceaux tels que Seconds de The Human League ou I Dream of Wires de Gary Numan.

Comme évoqué ci-dessus, le clavier autorisait aussi deux modes de polyphonie :

  • Poly-1 affectait une touche par VCO. Quand vous passiez du jeu d'un accord de trois ou quatre notes au jeu d'une note individuelle, l'accord se terminait normalement lors du Release des trois ou quatre enveloppes de l'accord mais en faisant apparaĂ®tre progressivement la note individuelle jouĂ©e juste après cet accord. Il y avait donc un passage progressif de l'enveloppe des notes de l'accord Ă  l'enveloppe de la note individuelle jouĂ©e ensuite. Ce mode Ă©tait très intĂ©ressant en combinaison avec l'arpĂ©giateur ;
  • Poly-2 affectait aussi une touche par VCO, mais quand vous passiez du jeu d'un accord au jeu d'une note individuelle, la première note jouĂ©e de l'accord disparaissait immĂ©diatement au profit de la nouvelle note jouĂ©e individuellement. Dans ce mode de polyphonie ce qui Ă©tait mis en Ĺ“uvre n'Ă©tait donc plus un passage progressif de l'enveloppe des notes de l'accord Ă  l'enveloppe de la note individuelle jouĂ©e ensuite mais une rĂ©affectation (Ă  la nouvelle note) de la première note jouĂ©e dans l'accord se terminant. Ce mode Ă©tait très intĂ©ressant en combinaison avec le portamento ;
  • ces deux modes de polyphonie (Ă©ventuellement combinĂ©s aux deux modes d'Unison) permettaient des effets surprenants très intĂ©ressants en utilisant intelligemment de façon simultanĂ©e le micro-interrupteur Hold de maintien d'un sustain.

En sortie de la synthèse proprement dite (le cheminement du son par le VCO puis le VCF puis le VCA), le signal audio pouvait ensuite ĂŞtre injectĂ© dans un très rĂ©ussi module de chorus stĂ©rĂ©o basĂ© sur deux circuits intĂ©grĂ©s MN3004 hĂ©las devenus rares aujourd'hui bien que ce modèle (une ligne de Delay de type Bucket Brigade Device Ă  512 Ă©tages) Ă©tait aussi très utilisĂ© dans plusieurs synthĂ©tiseurs Korg cĂ©lèbres de cette Ă©poque (Korg Delta, Korg Trident, Korg Mono/Poly, et Korg Polysix). Ce chorus, situĂ© juste sous la molette de modulation n'a qu'une commande : On/Off. Mais ce chorus Ă©tait magnifique et donnait au musicien l'impression d'un vĂ©ritable instrument stĂ©rĂ©o alors que ce synthĂ©tiseur n'Ă©tait fondamentalement que mono sur ses sorties droite et gauche.

À noter aussi dans ce synthétiseur, l'utilisation du circuit intégré BA662 qui fut un des meilleurs VCA ayant existé (il a contribué au succès des célèbres Roland SH-101, Roland Jupiter-8, Roland Juno-6, Roland Juno-60, Roland Jupiter-6, Roland MKS-80, Roland MKS-30, Roland Juno-106, Roland MKS-80, etc., et dans la première édition du Roland TB-303). C'est aussi ce circuit intégré qui a fait la réputation de la résonance du filtre passe-bas du Roland Juno-60 et qui était absent du filtre du Roland Juno-106, expliquant une grande partie de la différence entre ces deux synthétiseurs malgré un patch censé produire les mêmes résultats. Cet extraordinaire circuit intégré BA662 était déjà présent dans la gestion de la résonance du filtre des Roland SH-2, Roland SH-9, etc., et ceux de l'énorme modulaire Roland System 1000. Devant la rareté désormais exceptionnelle de cet extraordinaire circuit intégré, plusieurs compagnies, notamment Open Music Labs, ont récemment créé des circuits intégrés clônes du BA662 pour remplacer les originaux sur les machines de l'époque aujourd'hui en panne ou pour concevoir de nouveaux synthétiseurs (y compris Do It Yourself) tels que la x0xb0x.

Le Jupiter-4 fournissait dix présélections d'usine, non modifiables, mais également huit emplacements sauvegardables en mémoire (préservée par une petite batterie) pour des patchs de création personnelle. Afin d'éviter l'écrasement accidentel d'un patch personnel lors qu'une mauvaise manipulation, Roland avait trouvé une méthode efficace : il était nécessaire de presser deux micro-interrupteurs simultanément pour sauvegarder une présélection.

Pourtant distribué à un prix nettement moins cher, le Jupiter-4 n'a pas été très populaire comparé à d'autres synthétiseurs polyphoniques de la même époque (Oberheim OB-X, SCI Prophet 5, etc.) et il fut très vite remplacé par le Jupiter-8, mais il a tout de même contribué à la célébrité d'un certain nombre de musiciens tels que Simple Minds, Duran Duran, Human League, Gary Newman et Vangelis.

Promars

En 1979, Roland a produit une version monophonique du Jupiter-4 sous le nom de « Promars Â». Ce synthĂ©tiseur n'Ă©tait pas Ă©quipĂ© de l'arpĂ©giateur et ne contenait que deux VCO au lieu de quatre pour le Jupiter-4. Son clavier n'Ă©tait aussi que de trois octaves alors que le Jupiter-4 en contenait quatre. En revanche le Promars embarquait non pas un seul sub-oscillateur par VCO mais deux sub-oscillateurs par VCO. De plus le Promars avait d'emblĂ©e ses deux VCO attribuĂ©s par voix (par note) puisqu'il Ă©tait monophonique. Et tous ses 4 oscillateurs (deux VCOS de deux oscillateurs chacun) Ă©taient « dĂ©tunables Â», c'est-Ă -dire que leur Pitch pouvait ĂŞtre lĂ©gèrement altĂ©rĂ© volontairement pour obtenir des sonoritĂ©s très profondes, ce qui en faisait un synthĂ©tiseur produisant des sons extrĂŞmement « gras Â» très apprĂ©ciĂ©s pour les lignes de basses puisque chaque note jouĂ©e Ă©tait le produit de quatre oscillateurs. Pour cette raison, le Promars eu un succès proportionnellement plus important auprès des musiciens que celui du Jupiter-4, les musiciens prĂ©fĂ©rant gĂ©nĂ©ralement conserver l'Oberheim OB-X ou le SCI Prophet 5 pour les solos, les rythmes et les nappes plutĂ´t qu'opter pour un Jupiter-4 mais adopter le Promars pour les basses. Le Promars eut un tel succès qu'il est d'ailleurs Ă  nouveau produit par Roland aujourd'hui dans sa gamme logicielle des Plug-Out[2].

Le Promars a été très utilisé par Depeche Mode (à partir de 1982), Vangelis (dès 1980), The Enid, Jethro Tull, Landscape, Spandau Ballet (par exemple le solo dans 'To Cut a Long Story Short').

Musiciens et groupes connus pour avoir utilisé le Jupiter-4

Références

  1. Gordon Reid, « The History Of Roland, Part 1: 1930-1978 », The History Of Roland, Sound On Sound Magazine, (consulté le )
  2. http://fr.rolandce.com/products/promars_plug-out/

Liens externes

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