Roi Stevan
Le roi Stevan (Roue Stevan en breton) est un personnage du Vannetais du XVIIIe siècle. Mendiant, il est surtout connu pour ses nombreuses prophéties.
Biographie
De par sa condition, il est difficile de retracer la vie du roi Stevan au XVIIIe siècle. Malgré tout, plusieurs hypothèses courent sur ses origines.
- Une première hypothèse, peu probable, le nomme Jérôme Marzin de Baud[1].
- La deuxième hypothèse fait du roi Stevan le nommé Étienne Le Ray[1] ou Étienne Leroy[2] né à Meucon le . Selon cette dernière hypothèse, le roi aurait alors été, selon les registres paroissiaux, le fils de Mathias Leroy et Jeanne Even, baptisé du prénom de Pierre (mais il n'est pas rare que les prénoms ne demeurent pas fixés à cette époque)[2]. Cette conjecture explique par ailleurs son surnom : Étienne Leroy → Leroy Étienne → Le roi Étienne → Le roi Stevan (Stevan étant l'équivalent breton de Étienne). Cette hypothèse est sujette à caution, puisqu'un Pierre Le Ray, fils de Mathias, est décédé le et inhumé à Lesualenec en Saint-Avé[3].
- Troisième hypothèse : le roi Stevan serait un autre Étienne Le Roy né le à Pradic en Plumergat[4], fils de Louis et Olive Cadoret dont la lignée agnatique a ses origines sur Meucon.
Le roi Stevan est décrit comme étant de petite taille, parfois boiteux[2]. Mendiant, il parcourt les chemins entre la ria d'Étel et Elven, entre les landes de Lanvaux et les arrière-pays vannetais et alréen[2]. Lors d'arrêts prolongés, il lui arrive fréquemment de prêter main-forte aux travaux des champs[2].
Concernant ses dons de prophétie, il ne s'en est jamais expliqué, n'appréciant pas se confier. Tout juste avoue-t-il qu'il « ne li[t] pas, [il] voi[t] réellement ce qui va se passer. »[2].
Il a prophétisé sa propre mort : « Je perdrai la vie par la faute d'un clerc, ni dans une maison, ni dehors. » qui serait survenue en . Arrivé au milieu d'une noce à Plougoumelen, il annonce que « la jeune et belle mariée que vous voyez là sera dans la tombe avant un an ». Furieux de ce mauvais présage, le prêtre officiant le chasse et les personnes présentes se mettent à le poursuivre à coups de pierres. Il se réfugie dans un four à pain à Langarrio, dans la paroisse de Baden. Il est inhumé à Baden le . L'acte de décès établi par le prêtre indique qu'il serait soi-disant de Meucon[5].
Postérité
Le souvenir du mendiant prophète est demeuré vif dans le Vannetais, suffisamment pour que les traditions orales en aient conservé la mémoire et les prophéties. L'abbé Jean-Marie Guilloux (1848-1900) collecte la tradition orale concernant le mendiant à la fin du XIXe siècle. Il publie son travail en 1891 dans la Revue morbihannaise sous le titre Le Roi Stevan[2], texte réédité en 2021 par Stéphane Batigne éditeur sous le titre Le roi Stevan, mendiant et prophète[6]. Sa mémoire se transmet au-delà de sa zone de pérégrination habituelle (d'ailleurs rebaptisée pays du roi Stévan autour de Grand-Champ[7]) et couvre la partie bretonnante du Vannetais, de la presqu'île de Rhuys à Lorient et Pontivy[8].
Plusieurs rues portent son nom, à Grand-Champ, Meucon, Baden, Monterblanc. La maison de pays de Pluvigner, inaugurée en 2002, est baptisée Ti ar Roue Stevan[9].
Roland Becker compose en 2000 un album intitulé Er Roué Stevan[10].
Prophéties
Le roi Stevan a laissé de nombreuses prophéties, transmises oralement dans la mémoire collective. Elles concernent aussi bien des faits ponctuels très locaux relatifs à un individu, que de prophéties plus générales à plus lointaine échéance. Il ne faut pas oublier que, d'une part, celles-ci ont été collectés plus d'un siècle après sa mort et, d'autre part, le roi ne savait ni lire, ni écrire et ne parlait que le breton. Leur authenticité reste donc sujette à caution.
En voici quelques-unes[1] - [2] :
- Local :
- À Sainte-Anne-d'Auray, les carrières de Marc'h Guen seront comblées et on y construira des maisons.
- Un lotissement y a pris place.
- Au Trihorn à Auray, on commencera un pont et jamais terminera.
- Le pont commencé dans les années 1810 est terminé dans les années 1830 par l'entrepreneur Jamais.
- À Sainte-Anne-d'Auray, les carrières de Marc'h Guen seront comblées et on y construira des maisons.
- Paysage :
- Les landes seront divisées par des clôtures.
- On plantera partout des arbres toujours verts comme des balais.
- Essence largement inconnue en Bretagne, le pin apparaît dans les années 1830.
- Progrès :
- Il y aura des routes jaunes, des routes rouges, des routes de fer qui se croiseront partout comme des toiles d'araignée. Certaines auront le droit de passage sur les autres.
- Un temps viendra où les hommes voleront dans les airs comme les oiseaux. Ils voleront enfermés dans des cages de fer.
- Lorsque la fin des temps sera proche, des chars à bancs se déplaceront sans être tirés par des bœufs ou des chevaux.
- Il viendra un temps où la parole sera transmise d'un bout de la Terre à l'autre.
- Société :
- Un temps viendra où tous les enfants passeront par l'école, rien n'égalera leur indocilité et ils ne respecteront plus les personnes âgées, ils iront jusqu'à leur arracher les yeux.
- Un temps viendra où les paysans planteront des râteaux sur les toits de leurs maisons.
- Il y aura de nouveaux impôts et le peuple sera de plus en plus malheureux.
- Les femmes et les jeunes filles porteront des souliers qui monteront à la moitié de la jambe.
- Les filles et les femmes seront habillées comme les hommes et de loin on les confondra.
- Les filles et les femmes seront si audacieuses que les hommes grimperont dans les arbres pour échapper à leurs entreprises.
- Guerres :
- Il y aura une grande guerre qui détruira tout... une guerre civile. On se battra jusque sur le seuil des maisons. Il y aura beaucoup de tristesse. On pourra passer la charrue sur les villes détruites car même les pierres ne resteront pas. Le pays entier brûlera. Les viles seront rasées le temps de faire son signe de croix. Ensuite la mer viendra sur le monde. Ce sera l'effroyable nuit blanche.
- Difficile de dire à quelle guerre il est fait référence : chouannerie, Première ou Seconde Guerre mondiale ?
- L'armée se fera en deux fois 24 heures. De nombreux pères feront la guerre en même temps que leurs fils.
- La conscription s'est faite en 48 heures, tant en 1914 qu'en 1939. Il n'était alors pas rare que deux générations fassent la guerre côte à côte.
- Il y aura une grande guerre qui détruira tout... une guerre civile. On se battra jusque sur le seuil des maisons. Il y aura beaucoup de tristesse. On pourra passer la charrue sur les villes détruites car même les pierres ne resteront pas. Le pays entier brûlera. Les viles seront rasées le temps de faire son signe de croix. Ensuite la mer viendra sur le monde. Ce sera l'effroyable nuit blanche.
- Fin des temps :
- Quand le peuple raffolera de l'eau-de-vie, la fin des temps sera proche. Quand l'excès de luxe règnera dans le peuple, de grands malheurs fondront sur le pays.
- Quand les gens auront la folie de la toilette, tous les malheurs seront proches.
Notes et références
- François de Beaulieu, « Roi Stevan », dans Dictionnaire du golfe du Morbihan, Le Télégramme, (ISBN 978-2-84833-229-1)
- Paul Boissière, « Un Nostradamus breton ? Er Roue Stevan », Bulletin mensuel de la société polymathique du Morbihan, no 116, (lire en ligne, consulté le )
- Vue 129 : archives paroissiale de Saint-Avé en Morbihan
- Vue 362 : Archives départementales du Morbihan
- Vue 551 : Archives paroissiales numérisées de Baden en Morbihan
- Guilloux, Jean-Marie, Le roi Stevan, mendiant et prophète, (ISBN 9791090887855), Stéphane Batigne Éditeur, Questembert, 2021,
- « Les pays historiques », sur infobretagne (consulté le )
- « Un Nostradamus Breton », sur Office de tourisme des landes de Lanvaux (consulté le )
- « L'ASSOCIATION : Ram'Dam ouvre sa maison de pays à Pluvigner le 14 octobre 2002 », sur Association Ram'Dam, (consulté le )
- Michel Toutous, « Roland Becker, une plume sonore », ArMen, no 169, , p. 50-54