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Registre des cancers

Un registre des cancers (ou registre des tumeurs) est un outil d'étude épidémiologique ou écoépidémiologique rassemblant des données sur l'occurrence spatiale et temporelle d'un type spécifique de cancer ou de l'ensemble des cancers détectés par les médecins. C'est un type de registre de population informatisé.

Principe

À partir d'une date donnée (création du registre), le registre inclut des données écrites les plus exhaustives possibles (âge, sexe, profession, lieu de vie et d'habitat, antécédents familiaux, siège du cancer diagnostiqué, date du diagnostic et degré d'extension au moment de ce diagnostic, survie du patient...) sur les cancers survenus et détectés dans une population définie (départementale, régionale, nationale en France)

Certains registres sont spécialisés, uniquement ciblés par exemple sur les cancers digestifs, les tumeurs de l’enfant, etc.
En France par exemple, les cancers de l'enfant (1 700 nouveaux cas/an en 2005) sont enregistrés sur deux registres nationaux spécialisés :

  • un registre des hĂ©mopathies malignes (crĂ©Ă© en 1990);
  • un registre des tumeurs solides (depuis 2000).

Utilité

Le nombre de nouveaux cas observés pour un « pas de temps » donné, rapportée à la population surveillée sur une zone géographique donnée, est « l’incidence des cancers » pour cette population.

Le registre est un des outils indispensables de la santé environnementale et de l'épidémiologie du cancer.

Le cancer Ă©tant une maladie souvent multifactorielle, ses causes sont difficiles Ă  Ă©tudier.

Les registres permettent, via des études statistiques et épidémiologiques, de

  • mieux estimer les besoins en matière de prĂ©vention, diagnostic et soins, par une meilleure connaissance de la prĂ©valence et de son Ă©volution temporelle et gĂ©ographique
  • mieux mesurer la gravitĂ© d'une situation rĂ©gionale ou locale
  • mieux comprendre les causes de certains cancers (c'est ainsi que l'implication du tabac et de l'alcool a pu ĂŞtre dĂ©montrĂ©e ou confirmĂ©e...)
  • mieux comprendre et prĂ©venir les facteurs de risques ou conditions d'apparition de certains cancers ou tumeurs
  • dĂ©tecter de manière plus prĂ©coce l'Ă©mergence de nouveaux cancers.
  • Ă©valuer l'efficacitĂ© d'actions prĂ©ventives ou curatives (dont allongement de la durĂ©e de vie après un cancer soignĂ©).

Histoire

Un registre des tumeurs a été établi dès 1935 aux USA, dans le Connecticut[1].

En Europe, le premier registre du cancer est réalisé à Hambourg (Allemagne) dès 1927[2].

Mais c'est en 1942 qu'est fondé au Danemark le plus ancien registre couvrant une population à l'échelle nationale[1] par Johannes Clemmesen[3] - [4]. Différentes initiatives se développent à partir de ces années là dans différentes régions[2].

Après la Seconde Guerre mondiale, il paraît nécessaire pour ces différentes initiatives de se regrouper et de s’harmoniser afin d’obtenir des données comparables. Un groupe de 12 experts internationaux dans le domaine de la lutte contre le cancer recommande la création de Registres de Cancers dans le monde entier, conduisant en 1950, l’OMS à établir une sous-commission sur l’enregistrement des cas de cancer et leur présentation statistique[2]. En 1955, 18 Registres de cancers de population avaient déjà été créés[1].

Au Canada, le Registre canadien du cancer (RCC) est établi en 1992 grâce à une collaboration entre Statistique Canada et les 13 registres provinciaux et territoriaux pré-existants[5].

En France, en 2023, il n'existe pas encore de registre national des cancers. Le premier registre français, départemental, n'a été créé qu'en 1975 dans le Bas-Rhin, avant ceux du Doubs (en 1976) et du Calvados, puis de l’Isère en 1978. Puis l'observation et la surveillance des cancers se sont peu à peu structurées en un réseau français des registres des cancers dit FRANCIM, lequel s'est associé en 2008 à un « programme de travail partenarial » avec le Service de biostatistique des Hospices civils de Lyon (HCL), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa)[6]. . Le plan cancer III (2014-2019) invite les registres à innover sur de nouveaux modèles de rapprochements avec les centres de dépistage des cancers et les réseaux régionaux de cancérologie. Mais cet ensemble de registres qui servent pourtant de base pour le calcul de l'incidence des cancers au niveau national, posent différentes limites[7] et couvrent seulement 24 % de la population française (environ 14 millions de personnes)[8], ce qui pousse le Parlement français, en 2023, à proposer un projet de loi pour un Registre national du cancer [9].

Difficultés et sources de biais

  • Un manque de recul nait du fait que les registres (français notamment) sont souvent rĂ©cents (après 1980) et reprĂ©sentatif que de petites parties du territoires alors que beaucoup de cancers mettent des dĂ©cennies Ă  ĂŞtre diagnostiquĂ©s et que leur incidence prĂ©sente des variations territoriales significatives, souvent encore non-expliquĂ©es) ; Le cancer n'Ă©tant souvent diagnostiquĂ© que plusieurs dĂ©cennies après le contact avec une substance cancĂ©rigène, d'un point de vue Ă©coĂ©pidĂ©miologique, il serait important de pouvoir disposer d'information sur l'environnement de vie et de travail de la personne, bien avant la date de diagnostic du cancer, voire Ă  propos de celui de la mère et du père au moment de la conception puis de la grossesse (dans le cas des cancers hormonaux et du jeune enfant) ;
  • Des incertitudes ou manques pĂ©riodiques de financement et d'harmonisation des diagnostics rendent difficile un bon suivi (sans double-comptage) dans le temps des personnes, qui au cours de leur vie se dĂ©placent de plus en plus ;
  • Le manque de donnĂ©es ou la confidentialitĂ© des donnĂ©es exigĂ©es par la protection de la vie privĂ©e des personnes ne permet pas toujours d'affiner les hypothèses explicatives.
  • La dĂ©finition des entitĂ©s Ă©tudiĂ©es (tumeurs et types de cancers) a variĂ© dans le temps par exemple entre la pĂ©riode 1980-2005 et suivante, « ce qui rend impossible toute comparaison » (par exemple entre les Ă©tudes d'avant 2005[10] et les suivantes). Pour toutes ces entitĂ©s, une « pĂ©riode d’incidence utilisable » a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e (« annĂ©es pour lesquelles l’ensemble des registres (spĂ©cialisĂ©s ou gĂ©nĂ©raux) du rĂ©seau Francim a recueilli de façon homogène l’entitĂ© correspondante. En consĂ©quence, en fonction des entitĂ©s, l’estimation de la tendance porte sur des pĂ©riodes de longueur diffĂ©rente. Celle-ci est prĂ©cisĂ©e au dĂ©but de chaque localisation (avec les codes morphologiques. »)[11] ;
  • Le codage des donnĂ©es "mortalitĂ©" Ă  partir du certificat de dĂ©cès ne permet pas en France de classer les dĂ©cès selon la classification adoptĂ©e par certaines Ă©tudes, ce qui interdit d'utiliser certaines mĂ©thodes (par exemple basĂ©es sur le rapport incidence/mortalitĂ©) pour l'estimation d'une incidence nationale (comme on l'a fait pour l’incidence des tumeurs solides[12]). L’incidence nationale est alors estimĂ©e Ă  partir de l’incidence de la zone registre en supposant que la zone registre est reprĂ©sentative de la France en termes d’incidence pour les hĂ©mopathies malignes, ce qui est discutable Ă©tant donnĂ© les diffĂ©rences d'incidence observĂ©es selon les rĂ©gions, zones ou dĂ©partements français) ;
  • Biais possibles : Par exemple certains cancers (ex : leucĂ©mie aiguĂ« myĂ©loĂŻde promyĂ©locytaire ont des taux d’incidence très bas, qui dans les graphiques de tendances et dans les analyses de taux annuel moyen d’évolution « peuvent faire apparaĂ®tre des variations qui ne sont pas restituĂ©es dans les diffĂ©rents taux d’incidence car ces taux d’incidence sont arrondis Ă  la première dĂ©cimale » ;
  • Enfin, les procĂ©dures administratives, scientifiques et de mise Ă  jour imposent un certain dĂ©lai entre la crĂ©ation d'une donnĂ©e de base et son exploitation par la communautĂ© scientifique.
  • Pour une Ă©pidĂ©miologie plus efficace, il est maintenant recommandĂ© - par l'OMS et l'OIE notamment - de suivre parallèlement les pathologies animales et humaines (approche « One health Â»), mais les registres du cancer n'ont pas Ă©tĂ© prĂ©vu pour cela.

Droit

En tant que registre de population, il est soumis aux législations européennes, nationales, régionales de protection de la personne.

Par exemple, en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) via la loi (du « relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé » a cadré les registres de cancers qui sont supervisés par un comité consultatif protégeant les personnes concernées, tout en permettant les transmissions de données nécessaires. Seuls 15 départements avaient un registre des cancers en 2005, ces registres sont organisés en un réseau dit FRANCIM, acronyme de France cancer incidence mortalité.

Les registres de cancer, comme les registres d'autres pathologies, doivent être qualifiés tous les quatre ans, au plus, par le Comité d'évaluation des registres (co-présidé par l'Agence régionale de santé (ARS) de la région dans laquelle se trouve le registre, l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'Institut national du cancer (Inca)) et reçoivent, s'il y a qualification, une subvention du Comité de pilotage (déterminé par l'Inca lorsqu'il s'agit d'un registre en cancérologie). Ces deux comités étaient réunis en un Comité national des registres (CNR, créé en 1986, co-présidé par l'InVS et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avant sa suppression par décret en [13].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. « Enregistrement des Cancers : Principes et Méthodes Publication scientifique du CIRC No. 95 », sur publications.iarc.fr/, Centre International de Recherche sur le Cancer, (consulté le )
  2. Saracci R et Wild CP, Centre international de Recherche sur le Cancer: Les 50 premières années, 1965–2015, IARC Publications, (ISBN 978-92-832-0446-6, lire en ligne)
    PREMIERES ETAPES DE L’ENREGISTREMENT DU CANCER A L’ECHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE, p.107
  3. Dr Hans Henrik Storm, « Johannes Clemmesen – pionnier et fondateur de l'épidémiologie du cancer au Danemark, est décédé le 20 décembre 2010 à l'âge de 102 ans », sur iarc.who.int/, (consulté le )
  4. « PROGRAMME " L' EUROPE CONTRE LE CANCER ": PROPOSITION DE PLAN D' ACTION 1987-1989. JOCE du 26. 2. 87 », sur eur-lex.europa.eu, (consulté le )
  5. « Projet de couplage des données sur le traitement du cancer au Canada », sur https://www150.statcan.gc.ca/, (consulté le )
  6. Alain Monnereau, Zoé Uhry, Nadine Bossard, Anne Cowppli-Bony, Nicolas Voirin, Patricia Delafosse, Laurent Remontet, Xavier Troussard & Marc Maynadié (2016) Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2013 ; Partie 2 – Hémopathies malignes « Copie archivée » (version du 22 juillet 2018 sur Internet Archive), à partir des registres des cancers du réseau Francim, février 2016
  7. F. Guilhot, R. Villet, J. Rouëssé et H. Sancho-Garnier, « Rapport 21-14. Les cancers en France : vers un registre national de fonctionnement centralisé », Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, vol. 206, no 3,‎ , p. 275–283 (DOI 10.1016/j.banm.2022.01.012, lire en ligne, consulté le )
  8. « Registre national des cancers (France). Exposé des motifs », sur senat.fr/, (consulté le )
  9. « Registre national des cancers. Proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers (Dossier législatif). », sur senat.fr/, (consulté le )
  10. Belot A, Velten M, Grosclaude P, Bossard N, Launoy G, Remontet L, et al. Estimation de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2005. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire ; 2008. 132 p.
  11. INVS (2013° Estimation nationale de l’incidence des cancers en France entre 1980 et 2012. Partie 2 – Hémopathies malignes, sept 2013
  12. Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff A-S, Bossard N. (2013) Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire . 122 p.
  13. , Article 19.

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