RĂ©unification de l'Irlande
La réunification de l'Irlande est un projet soutenu par une partie des habitants de l'ile d'Irlande et visant à mettre fin à la division de l'ile entre Irlande indépendante et Irlande du Nord sous souveraineté britannique.
Division politique
Lâile irlandaise est politiquement divisĂ©e en deux Ătats depuis la signature du traitĂ© anglo-irlandais signĂ© le qui reconnait simultanĂ©ment lâexistence du nouvel Ătat libre d'Irlande mais aussi la capacitĂ© de lâIrlande du Nord de dĂ©cider de sâunir ou de ne pas sâunir Ă cet Ătat. Le parlement nord-irlandais ne sâengage pas dans cette possibilitĂ©, et a souhaitĂ© se maintenir dans le Royaume-Uni, devenant ainsi une nation constitutive du Royaume-Uni. La pleine souverainetĂ© de l'Ătat libre dâIrlande est reconnue de maniĂšre informelle par la dĂ©claration Balfour de 1926, puis formalisĂ©e par le statut de Westminster de 1931. En 1937, lâĂtat libre dâIrlande prend pour nom simplement « Irlande », et en 1949 il achĂšve de se constituer en lâactuelle RĂ©publique d'Irlande et quitte le Commonwealth des nations.
Fractures idéologiques
La constitution dâun Ătat indĂ©pendant du Royaume-Uni sur lâintĂ©gralitĂ© du territoire de lâile est lâaspiration historique des rĂ©publicains et nationalistes irlandais. Ă lâopposĂ©, les unionistes et loyalistes sâopposent Ă cette idĂ©e, et appuient lâappartenance de lâIrlande du Nord au Royaume-Uni. En 2009, une enquĂȘte a reflĂ©tĂ© que 21 % des citoyens nord-irlandais appuient une Irlande unie[1]. En RĂ©publique dâIrlande, ce pourcentage monte jusquâĂ 80 % des sondĂ©s. Le Sinn FĂ©in est un parti favorable Ă la rĂ©unification[2]. En Grande-Bretagne, les enquĂȘtes montrent un appui proche de 40 % pour cette idĂ©e.
LâidĂ©e dâune Irlande unie a Ă©tĂ© envisagĂ©e selon diffĂ©rents modĂšles de rĂ©unification : le fĂ©dĂ©ralisme ou le confĂ©deralisme, en passant par lâĂtat unitaire. Lâarticle 15.2 de la Constitution de l'Irlande, promulguĂ©e en 1937, prĂ©voit la possibilitĂ© de dĂ©volution Ă lâĂtat irlandais. En 1999, les articles 2 et 3 de la Constitution ont Ă©tĂ© amendĂ©s pour abandonner la revendication territoriale sur le Nord, en complĂ©ment du pacte de lâaccord du Vendredi saint[3].
Histoire récente
1921-1973, la partition
La dĂ©limitation des frontiĂšres de lâIrlande en 1921 venait de facteurs dĂ©mographiques, Ă©conomiques, religieux et politiques. En termes dĂ©mographiques les six comtĂ©s constituant lâIrlande du Nord contiennent une majoritĂ© pro-britannique et protestante, ce qui favorise lâunion avec la Grande-Bretagne. Les 26 comtĂ©s de la RĂ©publique sont majoritairement peuplĂ©s de catholiques. En termes politiques, le gouvernement britannique sâest montrĂ© rĂ©ticent dans les annĂ©es 1920 Ă retirer sa juridiction Ă la totalitĂ© de lâile pour des raisons stratĂ©giques ; sa politique depuis 1921 a Ă©tĂ© â au moins formellement â par rapport Ă un accord favorable Ă lâunitĂ© irlandaise Ă chaque fois que le Nord Ă©tait volontairement consentant. En 1940, le Royaume-Uni offrit lâunion du Nord avec lâĂtat libre dâIrlande en Ă©change de lâabandon irlandais de la neutralitĂ© dans la Seconde Guerre mondiale et son entrĂ©e subsĂ©quente en guerre contre lâAxe, proposition qui fut rapidement refusĂ©e.
Les gouvernements de lâIrlande indĂ©pendante, en particulier ceux de Ăamon de Valera, ont poursuivi la rĂ©unification politique de lâIrlande unie durant tout le XXe siĂšcle[4].
La perspective dâune Irlande unie a acquis une particuliĂšre importance avec le conflit nord-irlandais, qui se dĂ©veloppa depuis les annĂ©es 1960 jusquâĂ la fin du siĂšcle. Durant cette pĂ©riode, le gouvernement britannique dynamite les routes transfrontaliĂšres non officielles et installe des tours de surveillance[5]. Avec l'Accord du Vendredi saint en 1998, les principaux partis politiques en Grande-Bretagne et dans les deux Irlandes acceptent le principe que la rĂ©unification ne peut ĂȘtre atteinte quâavec le consentement de la majoritĂ© de la population dâIrlande du Nord[6]. Les principaux partis politiques du sud se montrent favorables, tout comme le SDLP et le Sinn FĂ©in (ainsi que les groupes paramilitaires rĂ©publicains) dâIrlande du Nord[7]. Les partis unionistes pro-britanniques et les groupes paramilitaires unionistes pro-britanniques demeurent opposĂ©s Ă lâunification de lâIrlande, mais acceptent l'Accord du Vendredi saint[8].
1973-2019, lâUnion europĂ©enne
Le , la procĂ©dure dâadhĂ©sion de l'Irlande Ă la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne est le processus politique qui a permis Ă lâIrlande de rejoindre la CEE (devenue lâUnion europĂ©enne en 1993) . La CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne sâest ainsi Ă©largie Ă 9 Ătats (lâIrlande Ă©tant entrĂ© en mĂȘme temps que le Danemark et le Royaume-Uni). Lâinstauration du marchĂ© commun et le rapprochement des politiques Ă©conomiques des Ătats europĂ©ens sont perçus avec intĂ©rĂȘt dans le contexte de Guerre froide plus Ă lâest.
En 1992, le traitĂ© de Maastricht accorde la qualitĂ© de citoyennetĂ© de l'Union europĂ©enne subordonnĂ©e Ă la notion de nationalitĂ© (comme la nationalitĂ© britannique ou irlandaise), qui relĂšve de la seule compĂ©tence des Ătats. Ainsi, dâaprĂšs lâarticle 9 du traitĂ© sur l'Union europĂ©enne et lâarticle 20 du traitĂ© sur le fonctionnement de l'Union europĂ©enne[9]:
« Est citoyen de lâUnion toute personne ayant la nationalitĂ© dâun Ătat membre. »
Le est signĂ© lâaccord du Vendredi saint par les principales forces politiques dâIrlande du Nord acceptant une solution politique pour mettre fin aux trente annĂ©es (de 1969 Ă 1998) de troubles sanglants qui firent 3 480 morts.
Le gouvernement britannique est engagĂ© en vertu du Northern Ireland Act de 1998, Ă respecter les dĂ©sirs de la majoritĂ© de la population dâIrlande du Nord dans un sens ou l'autre.
2020 : le Brexit
Selon Matt Carthy, dĂ©putĂ© europĂ©en du Sinn FĂ©in â parti affiliĂ© au niveau europĂ©en au groupe de la Gauche unitaire europĂ©enne/Gauche verte nordique â, le Brexit a tout changĂ©[10].
Dans le cadre de sa politique de Brexit, le Royaume-Uni a Ă©mis un livre blanc dans lequel le gouvernement du Royaume-Uni rĂ©itĂšre son engagement dans lâaccord de Belfast. Sur le statut de lâIrlande du Nord, la position initiale du gouvernement britannique indique sa prĂ©fĂ©rence pour garder la position constitutionnelle de lâIrlande du Nord dans le giron britannique, mais avec des liens forts avec lâIrlande[11].
Toutefois, cette position devra sâaccommoder dâautres rĂ©alitĂ©s, lâIrlande Ă©tant, en tant que membre de lâUnion europĂ©enne, partie prenante dans lâUnion douaniĂšre.
Par ailleurs, le Brexit a crĂ©Ă© des perturbations lors des derniĂšres Ă©lections de lâassemblĂ©e nord-irlandaise[12].
LâUnion europĂ©enne ne prend pas position sur la question de lâIrlande unie, qui appartient Ă lâIrlande et Ă lâIrlande du Nord selon lâaccord dit du Vendredi saint[13].
Par contre â Ă la demande de la RĂ©publique dâIrlande â le texte de nĂ©gociation du Brexit adoptĂ© par les 27 pays membres de lâUnion europĂ©enne lors dâun sommet dâ prĂ©cise quâen cas de rĂ©unification de lâile dâIrlande dans le cadre de lâaccord de paix pour lâIrlande du Nord du â dit accord du Vendredi Saint â lâIrlande unie (comprenant dâune part la RĂ©publique dâIrlande, et dâautre part lâIrlande du Nord) serait alors membre de lâUE[13]. Cela signifie que si Ă lâavenir lâIrlande du Nord rejoint une Irlande rĂ©unifiĂ©e, elle fera immĂ©diatement partie de lâUnion europĂ©enne, tout comme lâAllemagne de lâEst par le passĂ©[14].
De ce fait, le Sinn FĂ©in souhaite quâun rĂ©fĂ©rendum se tienne dans les cinq annĂ©es Ă venir, selon Gerry Adams[10]. Toutefois, en , 63 % des Irlandais du nord sont opposĂ©s Ă une union avec le sud selon un sondage insulaire, mais en mĂȘme temps, les catholiques (45 % de la population locale) sont en train de devenir majoritaires par rapport aux protestants (48 % de la population locale)[10].
Un rĂ©fĂ©rendum nâest pas prĂ©vu immĂ©diatement, une telle dĂ©cision nâĂ©tant attendue que si Ă la suite de lâaccord entre lâUE et le Royaume-Uni sur le Brexit les Irlandais du Nord voient leur intĂ©rĂȘt Ă©conomique dans la participation Ă lâUE[10].
DâaprĂšs Nigel Dodds lâaccord entre les tories et le DUP est fondĂ© sur la promesse de lâabsence de statut spĂ©cial post-Brexit pour lâIrlande du Nord[15], motivĂ© par un risque dâIrlande unie.
Mark Daly, le Fianna FĂĄil Senator, considĂšre quâun rĂ©fĂ©rendum sur lâIrlande est inĂ©vitable mais selon lui les 17 recommandations montrent clairement quâun travail doit ĂȘtre effectuĂ© avant le rĂ©fĂ©rendum, pour que la dĂ©cision du rĂ©fĂ©rendum soit suffisamment Ă©clairĂ©e, contrairement au rĂ©fĂ©rendum sur l'appartenance du Royaume-Uni Ă l'Union europĂ©enne. Il a notĂ© ses considĂ©rations dans un rapport intitulĂ© Brexit and the Future of Ireland: Uniting Ireland and its People in Peace and Prosperity et publiĂ© par le Joint Oireachtas Committee on the Implementation of the Good Friday Agreement[16] - [17].
Ce rapport est long de 1 200 pages[18].
Ce rapport sâorganise en sept sections :
- 1 : le Brexit et ses impacts pour l'Irlande ;
- 2 et 3 : la précédence de la réunification allemande pour l'Irlande & modÚle économique de l'unification ;
- 4 : le Brexit et le futur de l'Irlande ;
- 5 : l'accord du Vendredi saint ;
- 6 : le référendum tel que prévu par l'accord du Vendredi saint ;
- 7 : les changements constitutionnels et légaux avant et aprÚs le référendum.
Pour lui, la RĂ©publique dâIrlande doit pousser lâUnion europĂ©enne Ă obtenir un statut spĂ©cial pour lâIrlande du Nord afin d'Ă©viter lâexistence de nouveaux contrĂŽles aux frontiĂšres[19].
Pour Michelle OâNeill : « La seule solution au chaos du Brexit, câest lâunification. La question nâest plus de savoir si, mais quand se tiendra le rĂ©fĂ©rendum sur la rĂ©unification. Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar ne peut plus ignorer cette rĂ©alitĂ©. Jâappelle son gouvernement Ă rĂ©unir un forum pour mettre en place ces discussions. »[20]
Notes et références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en espagnol intitulĂ© « Irlanda Unida » (voir la liste des auteurs).
- (en) Northern Ireland Life & Times: Do you think the long-term policy for Northern Ireland should be� Access Reseach Knowledge. Northern Ireland.
- (en) Gerry Adams, « A united Ireland is possible », The Guardian, (consulté le ).
- Acuerdos de Viernes Santo. Texto completo. En Northern Ireland Office « The participants also note that the two Governments have accordingly undertaken in the context of this comprehensive political agreement, to propose and support changes in, respectively, the Constitution of Ireland and in British legislation relating to the constitutional status of Northern Ireland. »
- Inglaterra e Imperio. Los nacionalistas irlandeses. La Vanguardia, 14/11/34, pĂĄg. 27. Accedido el 1/4/11. « Hoy se ha celebrado la primera sesiĂłn de la convenciĂłn del partido gubernamental, conocido con el nombre de «Fianna Fail». Al aparecer De valera, el jefe del Gobierno, fue recibido con una entusiasta ovaciĂłn. Se aprobĂł una resoluciĂłn reafirmando la finalidad del partido de luchar por el logro de una Irlanda unida, independiente y en forma de RepĂșblica »
- (en) Glenn Patterson, « Life on the edge: how will Brexit affect the Northern Irish border? », sur The GUardian, (consulté le ).
- Major y Reynolds abren la puerta a una paz duradera en el Ulster La vanguardia, 16/12/93, pĂĄg, 3. Accedido el 1/4/11. « [En el acuerdo conocido como DeclaraciĂłn de Downing Street, firmada por los primeros ministros de Reino Unido e Irlanda] Al mismo tiempo, se quiere proteger los derechos de la probritĂĄnica mayorĂa protestante del Ulster, asegurĂĄndoles que no pertenecerĂĄn a Irlanda si la mayorĂa de los habitantes de la provincia no lo desea »
- Republicanos y protestantes comparten el primer Gobierno del Ulster en 25 años La Vanguardia, 30/1/99, pĂĄg. 3. Accedido el 1/4/11. « Gerry Adams, lĂder del Sinn Fein, proclamĂł que "los protestantes no tienen nada que temer por el hecho de compartir el poder con los catĂłlicos, porque el futuro estĂĄ en la unidad, en la camaraderĂa y en la cooperaciĂłnâ. Pero despuĂ©s de palabras tan conciliadoras añadiĂł que el objetivo de su partido "continĂșa siendo una Irlanda unida, libre e independiente". »
- Paisley cree que el acuerdo es una vĂa sin retorno a la Irlanda unida La Vanguardia, 23/2/95, pĂĄg. 4. Accedido el 1/4/11.« Todos los grupos polĂticos unionistas condenaron ayer el documento marco para el futuro del Ulster como "desequilibrado" a favor de los republicanos y una vĂa de un solo sentido hacia una Irlanda unida »
- Version consolidée du TUE et du TFUE, 30 mars 2010
- « Avec le Brexit, le scénario d'une Irlande unie se précise », sur Le Point, (consulté le ).
- HM Government The United Kingdomâs exit from and new partnership with the European Union; Cm 9417, February 2017
- (en-GB) « Our Brexit-driven disregard for Ireland is perilous », The Guardian,â (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consultĂ© le )
- « LâUE va discuter dâune adhĂ©sion post Brexit pour une "Irlande unie" », sur Le Point, (consultĂ© le ).
- « Le sort de lâIrlande du Nord au cĆur du Brexit », LâHumanitĂ©,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Paul Owen, « Non-Brits: here's what you need to know about the British election », sur The Guardian, (consulté le ).
- (en) « Irish Brexit report sets out united Ireland proposal », sur BBC, (consulté le ).
- (en) Joey Millar, « United Ireland referendum âWILL HAPPENâ thanks to Brexit, Irish senator warns », sur Express, (consultĂ© le ).
- (en) « Here are the things that must happen before and after a united Ireland becomes a reality », sur thejournal.ie, (consulté le ).
- (en) Rob Merrick, « United Ireland referendum is inevitable after Brexit, says Irish parliamentary report author », sur Independent, (consulté le ).
- RFI, « CongrÚs du Sinn Féin : le Brexit, une occasion pour la réunification », sur rfi.fr, (consulté le ).