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Psychophysique

La psychophysique est une branche de la psychologie expérimentale qui cherche à déterminer les relations quantitatives qui existent entre un stimulus physique et la perception qu'on en a. La psychophysique s'intéresse aux sens physiologiques tels que la vue, l'ouïe, le toucher (plus rarement l'odorat ou le goût) mais aussi à des sensations comme la perception du temps ou du mouvement.

Histoire

On considère que Gustav Fechner, auteur du Elemente der Psychophysik en 1860, est le fondateur de la psychophysique. Même si on peut faire remonter ses influences aux physiciens allemands comme Johann Friedrich Herbart, Fechner fut le premier à avoir entrepris une mathématisation systématique de la relation entre stimulation et sensation à partir des travaux de Ernst Weber.

Élève de Fechner, influencé par les travaux de Hermann von Helmholtz et les théories de la méthode expérimentale dans les sciences naturelles, le physiologiste allemand Wilhelm Wundt va donner à la psychophysique ses fondements méthodologiques et théoriques. Nommé professeur à l'université de Leipzig, il crée le premier laboratoire de psychologie expérimentale dans lequel viendront étudier de nombreux psychologues européens et américains. Sur le continent américain, un tournant s'opéra à la fin des années 1950 avec les travaux de Stanley Stevens, alors psychologue au laboratoire de Harvard. En s'intéressant aux propriétés physiologiques de la transduction acoustique des sons par l'oreille, il replaça sur le devant de la scène le rôle des organes périphériques dans la sensation. À partir des années 1960, la mise en relation des mesures psychophysiques avec des observations neurophysiologiques a largement participé à la convergence de la psychologie expérimentale avec les neurosciences.

Concepts et méthodes

La démarche expérimentale en psychophysique consiste en général à isoler une grandeur physique afin de déterminer comment elle est reliée à une sensation. Par exemple, pour étudier comment la fréquence d'un son est perçue, l'approche psychophysique va consister à manipuler la hauteur du son (la grandeur physique) et à recueillir les jugements du sujet participant à l'expérience.

La psychophysique repose essentiellement sur le concept de seuil, en l'occurrence deux sortes de seuils :

  • Le seuil de dĂ©tection est la valeur minimale du stimulus Ă  partir de laquelle un individu est capable de dire qu'une stimulation est prĂ©sente.
  • Le seuil diffĂ©rentiel est la diffĂ©rence de valeur du stimulus Ă  partir duquel il parvient Ă  distinguer deux stimulations.

Le seuil de détection et le seuil différentiel permettent d'échafauder une métrique: cette métrique est indispensable aux psychologues pour comparer l'influence des conditions expérimentales sur les sensations.

Les méthodes utilisées pour déterminer ce seuil de détection sont multiples. Les progrès de la méthodologie expérimentale en psychophysique ont, dans une large mesure, consisté à éliminer les biais dans le mode de présentation des stimulations qui pourraient fausser l'évaluation du seuil de détection. Les principales méthodes sont :

  • la mĂ©thode des ajustements : le sujet de l'expĂ©rience fait varier lui-mĂŞme la stimulation afin de la placer au niveau qu'il juge ĂŞtre la limite de son seuil de dĂ©tection
  • la mĂ©thode des limites : l'expĂ©rimentateur prĂ©sente au sujet de l'expĂ©rience une sĂ©rie de stimuli d'intensitĂ© croissante ou dĂ©croissante et relève le niveau Ă  partir duquel le sujet de l'expĂ©rience parvient ou ne parvient plus Ă  dĂ©tecter le stimulus.
  • la mĂ©thode des stimuli constants : Ă  la diffĂ©rence de la mĂ©thode des limites, le niveau de la stimulation varie de façon non prĂ©dictible par le sujet de l'expĂ©rience. Ce dernier doit dire Ă  chaque fois si oui ou non un stimulus Ă©tait prĂ©sent.

Ces mĂŞmes mesures appliquĂ©es Ă  la dĂ©termination expĂ©rimentale du seuil diffĂ©rentiel ont conduit Weber puis Fechner Ă  proposer la loi de Weber-Fechner, selon laquelle le seuil diffĂ©rentiel pour un mĂŞme type de stimulation le seuil diffĂ©rentiel est proportionnel Ă  la grandeur physique. Autrement dit, le seuil est une fraction, par exemple un dixième, de la grandeur physique. Dans le domaine de l'audition, par exemple, le seuil de discrimination du volume sonore de sons autour de 1 000 Hz correspond Ă  une augmentation ou une diminution d'environ un huitième de la pression acoustique.

La loi de Weber est effectivement valide dans beaucoup de domaines de la perception (comme la perception de l'intensité sonore, la perception du temps, la perception de la température) toutefois on observe des déviations par rapport à cette loi lorsqu'on élargit la gamme de variation des paramètres physiques. En outre, les expériences montrent une importante dispersion des résultats d'une épreuve à l'autre, et d'un individu à l'autre.

Stanley Stevens a intégré l'estimation de la grandeur perçue par les sujets. Il n'a pas mesuré les seuils de discrimination, mais les évaluations, comme celle qu'on peut faire, par exemple, en plaçant un son variable de façon à percevoir sa hauteur comme moyenne entre deux sons de référence. En 1961, après des épreuves sur plusieurs types de sensations, il a proposé la loi de Stevens. Selon ses résultats, la perception est liée à la stimulation par une loi de puissance dont il a pu donner les exposants pour un grand nombre de domaines sensoriels[1]. La dispersion des résultats est, avec cette procédure aussi, très importante.

Par ailleurs, Stevens introduisit une distinction fondamentale entre les paramètres physiques qui reflètent un continuum sensoriel, dits prothĂ©tiques et ceux pour lesquels une variation quantitative du paramètre physique se traduit par un changement perceptif qualitativement diffĂ©rent, sensation mĂ©tathĂ©tique. Ainsi, si la hauteur tonale est bien un continuum sensoriel, il n'en est pas de mĂŞme pour la couleur : ce n'est pas en augmentant la longueur d'onde d'une stimulation lumineuse d'une certaine couleur, rouge par exemple, qu'on donne une sensation plus intense (« plus rouge Â» en l'occurrence).

Au cours des annĂ©es 1960, la thĂ©orie de la dĂ©tection du signal a Ă©tĂ© appliquĂ©e de manière très fĂ©conde aux mesures psychophysiques de la sensibilitĂ©. DĂ©veloppĂ©e dans le cadre de l'ingĂ©nierie des tĂ©lĂ©communications, cette thĂ©orie mathĂ©matique cherche Ă  dĂ©terminer la fiabilitĂ© d'un système de dĂ©tection lorsqu'il y a du bruit dans les mesures. L'intĂ©rĂŞt de cette thĂ©orie fut assez vite perçu par les psychologues dans la mesure oĂą le sujet de l'expĂ©rience lorsqu'on lui prĂ©sente des stimulations proches de son seuil de dĂ©tection se trouve dans une situation analogue Ă  une mesure dans un contexte bruitĂ©. En mesurant non pas seulement la performance par le nombre de dĂ©tections correctes mais en comptabilisant aussi les dĂ©tections manquĂ©es et les fausses alarmes (les cas oĂą le sujet a cru dĂ©tecter un stimulus ou une diffĂ©rence entre deux stimuli alors qu'il n'y en avait pas) on obtient un indice du rapport sensibilitĂ©/spĂ©cificitĂ© des capacitĂ©s de discrimination d'un individu donnĂ©. Cela permet de comparer la capacitĂ© purement perceptive d'un sujet qu'il soit conservateur (c'est-Ă -dire rĂ©ticent Ă  rapporter qu'il a vu un signal dont il n'est pas sĂ»r) ou libĂ©ral (ayant tendance Ă  dire « j'ai vu Â» mĂŞme s'il n'est pas sĂ»r de lui). La thĂ©orie de la dĂ©tection du signal reste le principal cadre mĂ©thodologique utilisĂ© en psychophysique.

Références

  1. Loi de Stevens sur la wikipedia anglophone

Liens

Articles connexes

Sources & bibliographie

  • Bonnet Claude (1986), Manuel pratique de psychophysique, Armand Collin.
  • AndrĂ© Delorme et Michelangelo FlĂĽckiger, Perception et rĂ©alitĂ© : Introduction Ă  la psychologie des perceptions, QuĂ©bec, GaĂ«tan Morin, (lire en ligne).
  • Gustav Theodor Fechner (1801-1887) et les prĂ©curseurs français de la psychophysique: Pierre Bouguer (1729) et Charles Delezenne (1828), Serge Nicolas, Psychologie et Histoire, 2001, vol. 2, 86-130.
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