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Programme EOLE

Le programme EOLE est un programme mĂ©tĂ©orologique expĂ©rimental dĂ©veloppĂ© en coopĂ©ration par les agences spatiales française CNES et amĂ©ricaine NASA utilisant Ă  la fois des satellites et des ballons-sondes. Les donnĂ©es mĂ©tĂ©orologiques fournies par 500 ballon-sondes dĂ©rivants dans le courant-jet de l'hĂ©misphère sud Ă  12 000 mètres d'altitude ont Ă©tĂ© recueillies et transmises au sol par le satellite EOLE de Ă  . Les rĂ©sultats scientifiques se sont rĂ©vĂ©lĂ©s beaucoup plus modestes que prĂ©vu mais le programme a servi de tremplin Ă  la rĂ©alisation des systèmes de localisation et de collecte de donnĂ©es tels que Argos.

Contexte

Les ballons-sondes et le programme GHOST

L'utilisation de ballons-sondes Ă  vol horizontal, dit plafonnants (c'est-Ă -dire restant Ă  une altitude correspondant Ă  une pression constante paramĂ©trĂ©e Ă  l'avance), pour mesurer in situ sur de longues pĂ©riodes les caractĂ©ristiques de l'atmosphère dĂ©bute dans les annĂ©es 1950 aux États-Unis avec le programme Transosonde de la Marine de guerre amĂ©ricaine. Des vols de ballons de ce type, d'une durĂ©e de plusieurs jours, sont rĂ©alisĂ©s sur le territoire amĂ©ricain mais Ă©galement depuis le Japon. Mais ce programme doit ĂŞtre interrompu car les ballons, qui se maintiennent Ă  une altitude de 9 000 m environ et emportent une nacelle de 300 kg, constituent une menace croissante pour la circulation des avions civils qui dĂ©sormais atteignent cette altitude avec des vols de plus en plus frĂ©quents. La masse de la nacelle, Ă  l'origine du risque pour les avions, dĂ©coule de la prĂ©sence d'un lest que ces ballons Ă  pression ambiante sont obligĂ©s d'emporter pour compenser le gaz perdu lors des changements de pression. Pour contourner ce problème des ingĂ©nieurs amĂ©ricains mettent au point un nouveau type de ballon caractĂ©risĂ© par son Ă©tanchĂ©itĂ©. Ceux-ci permettent de concevoir des nacelles beaucoup plus lĂ©gères et donc moins dangereuses pour la circulation aĂ©rienne. RĂ©alisĂ©s avec une enveloppe en mylar, un matĂ©riau plastique inextensible, les ballons plafonnants sont gonflĂ©s avec de l'hĂ©lium Ă  une pression qui permet de compenser la contraction du gaz durant la nuit. Le mĂ©tĂ©orologue amĂ©ricain Vincent Lally (en) propose d'utiliser ces nouveaux ballons pour rĂ©aliser des mesures in situ Ă  l'Ă©chelle de la planète. Il reçoit l'appui de certains mĂ©tĂ©orologues qui se sont lancĂ©s dans la modĂ©lisation de la circulation gĂ©nĂ©rale de l'atmosphère terrestre avec l'objectif de mettre au point des systèmes de prĂ©vision mĂ©tĂ©orologiques sur plusieurs semaines. Le programme GHOST (en) (Global Horizontal Sounding Technique) que Lally propose Ă  la NASA et au Service mĂ©tĂ©orologique amĂ©ricaine prĂ©voit le lancement de 2 000 ballons Ă  diffĂ©rents niveaux de l'atmosphère renouvelĂ©s quotidiennement par l'envoi d'une trentaine de nouveaux ballons. Les capteurs et les cellules solaires doivent ĂŞtre rĂ©partis sur la surface du ballon, le rendant inoffensif pour la circulation aĂ©rienne. La collecte de donnĂ©es doit ĂŞtre effectuĂ©e par des satellites. Le centre de vol spatial Goddard de la NASA met au point Ă  l'Ă©poque les Ă©quipements ILRS qui permettront d'Ă©mettre et de collecter les donnĂ©es des ballons sondes et de les localiser. Cet Ă©quipement doit ĂŞtre embarquĂ© sur les satellites mĂ©tĂ©orologiques Nimbus[1].

Mesures météorologiques in situ et satellites de télédétection

Dans les années 1960 les premiers satellites météorologiques développés par l'agence spatiale américaine(TIROS...) sont mis en orbite. Il s'agit de satellites de télédétection c'est-à-dire qui utilisent des instruments (caméra, spectromètre...) qui évaluent à distance l'état de l'atmosphère. Les scientifiques à l'origine des instruments installés sur ces satellites estiment pouvoir surpasser, grâce à cette nouvelle technique, les méthodes de mesure traditionnelle (c'est-à-dire les relevés effectués in situ). Dans ce contexte le projet GHOST qui relève de cette dernière méthode ne reçoit pas le soutien espéré de l'agence spatiale américaine. Le professeur J.E. Blamont, responsable scientifique de l'agence spatiale française, le CNES, décide en 1962 de reprendre l'idée de Lally. Il parvient à convaincre les responsables du CNES de lancer le programme EOLE qui doit mettre en œuvre l'idée du météorologue américain. La NASA accepte de participer au programme car les ingénieurs français ont pu développer un transpondeur de moins de kg conforme aux recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale. EOLE est le deuxième programme spatial faisant l'objet d'une coopération franco-américaine[2]. Dans les années 1960 un programme météorologique mondial très ambitieux, le Global Atmospheric Research Program (GARP), est lancé avec comme objectif de fournir des prévisions météorologiques à une ou deux semaines. Le programme EOLE est retenu par les responsables du programme comme projet pilote dans l'optique d'un déploiement généralisé en 1979[3].

DĂ©veloppement du programme

Conception et mise en Ĺ“uvre des ballons

Schéma d'un ballon-sonde Eole
La station de Mendoza

Ă€ l'Ă©poque, le CNES n'a pas d'expĂ©rience dans la mise en Ĺ“uvre des ballons plafonnants en mylar. Après avoir acquis matĂ©riel et conseils auprès de ses partenaires amĂ©ricains, l'agence spatiale française entreprend plusieurs campagnes de lancement pour parvenir Ă  maĂ®triser l'utilisation de ces engins. Le matĂ©riau est fragile et les expĂ©rimentateurs dĂ©couvrent que les ballons ne pourront stationner Ă  l'altitude de 9 000 mètres, idĂ©ale sur le plan scientifique, car les conditions mĂ©tĂ©orologiques sont trop violentes Ă  ce niveau pour la survie des ballons. En consĂ©quence le plafond des ballons est relevĂ© Ă  12 000 m ce qui diminue fortement le retour scientifique attendu. Les expĂ©rimentateurs du CNES dĂ©couvrent Ă©galement que les opĂ©rations de lancement nĂ©cessitent une infrastructure au sol importante[4]. Pour limiter les interactions avec la circulation des avions, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que le lancement des 1 000 ballons-sondes prĂ©vus par le programme se ferait dans l'hĂ©misphère sud caractĂ©risĂ©e par un trafic aĂ©rien limitĂ©. MalgrĂ© ce choix le CNES et les autoritĂ©s amĂ©ricaines dĂ©cident que la nacelle du ballon-sonde utilisĂ©e pour Eole devra dĂ©montrer que sa collision avec un avion de ligne n'entraine pas de dĂ©gât majeur sur celui-ci. Un test au canon Ă  poulet est rĂ©alisĂ© Ă  300 m/s (vitesse de croisière des avions Ă  rĂ©action Ă  haute altitude). MalgrĂ© sa masse rĂ©duite Ă  kg, la nacelle Ă©choue au test en fracassant le pare-brise de l'avion. Les ingĂ©nieurs français doivent revoir la conception de la nacelle en distribuant les Ă©quipements Ă©lectroniques et les Ă©lĂ©ments de la batterie rechargeable sur une longueur de 2 mètres. Le cout du programme s'en trouve fortement relevĂ© et le nombre de ballons est ramenĂ© Ă  500 alors que l'atteinte des objectifs scientifiques nĂ©cessite de disposer des relevĂ©s de 300 ballons sur une durĂ©e d'un mois[5]. Le dĂ©ploiement des 500 ballons-sondes nĂ©cessitent la crĂ©ation d'installations dĂ©diĂ©es. Le CNES choisit de crĂ©er trois stations de lancement en Argentine : ce pays prĂ©sente en effet l'avantage de couvrir pratiquement toutes les latitudes l'hĂ©misphère sud. Les trois stations sont Ă©chelonnĂ©es du nord au sud et positionnĂ©es Ă  Mendoza (33° sud), NeuquĂ©n (39° sud) et Lago Fagnano près UshuaĂŻa (56° sud)[6].

Segment spatial

Maquette Ă  l'Ă©chelle 1 de Eole

Dans la distribution des taches entre les agences spatiales américaine et française la réalisation du satellite EOLE, chargé de collecter les données des ballons sondes, est confiée au CNES. La NASA prend en charge le lancement. Le CNES décide de réaliser un prototype PEOLE, lancé 6 mois avant le satellite opérationnel, qui doit permettre de valider les différents équipements embarqués.

Lancement et mise en Ĺ“uvre

Le satellite prototype PEOLE est lancĂ© le par une fusĂ©e Diamant depuis la base de Kourou. Les tests rĂ©alisĂ©s en orbite permettent de valider les principaux composants qui sont repris tels quels pour la conception du satellite EOLE. Celui-ci est lancĂ© avec succès depuis Wallops Island le par une fusĂ©e Scout de la NASA . Les ballons sont alors progressivement lâchĂ©s Ă  compter de fin aoĂ»t Ă  raison d'une dizaine par jour depuis les 3 sites argentins. Ces lancements s'achèvent en novembre. Les ballons Ă©tanches volent d'ouest en est Ă  200 hPa (12 000 mètres) et font le tour de la Terre en une dizaine de jours. ConformĂ©ment Ă  son programme, le satellite EOLE dĂ©tecte la prĂ©sence des nacelles Ă  portĂ©e puis rĂ©cupère les donnĂ©es mĂ©tĂ©orologiques et les paramètres de position (distance et vitesse radiale apparente). Le une erreur d'un opĂ©rateur de la station terrestre des ĂŽles Canaries dĂ©clenche l'ordre de destruction de 100 ballons rĂ©duisant Ă  380 le nombre de ballons-sondes utilisable ce qui limite encore la portĂ©e scientifique du programme. La durĂ©e de vie moyenne des ballons Ă©valuĂ©e Ă  103 jours dĂ©passe largement les espĂ©rances : 66 ballons survivent 6 mois et 14 plus d'un an[7].

Une fois l'expérience avec les ballons météorologiques achevée, le satellite est utilisé jusqu'en 1973 pour une série de tests sur des balises préparant le futur programme opérationnel Argos. C'est notamment la localisation de voiliers (Pen Duick IV), de navires (Le France), de véhicules sur route, de bouées dérivantes, d'icebergs, etc.

RĂ©sultats scientifiques et techniques

Le concept sous-tendant le programme EOLE est remis en question avant même le début des opérations : les impératifs de la sécurité aérienne et la fragilité des ballons-sondes dans les conditions régnant au niveau de pression le plus intéressant interdisent le déploiement généralisé prévu dans l'hémisphère nord prévu par le projet GARP. Le nombre de ballons fortement réduit par rapport à ce qui était prévu et l'absence d'étude approfondie sur la structure de l'atmosphère de l'hémisphère sud limitent fortement l'intérêt des données collectées dans le cadre du programme EOLE. Les seules informations exploitables sont les positions occupées par les ballons qui permettent d'évaluer la circulation horizontale de l'atmosphère. Ces mesures permettent de confirmer les théories de Charney et Leith sur les écoulements géophysiques à grande échelle. Le programme EOLE a néanmoins démontré l'intérêt et les performances du satellite pour la localisation et la collecte des données recueillies par des stations automatisées mobiles ou fixes réparties à la surface de la Terre. EOLE a ainsi joué un rôle de précurseur pour le système franco-américain Argos[8].

Notes et références

  1. Pierre Morel, « Note historique sur le projet Eole > Le contexte historique », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  2. Pierre Morel, « La naissance du projet EOLE », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  3. Pierre Morel, « EOLE dans le contexte scientifique international », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  4. Pierre Morel, « Les premiers vols de ballons pressurisés », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  5. Pierre Morel, « EOLE et la sécurité de la navigation aérienne », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  6. Pierre Morel, « La mise en place du système », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  7. Pierre Morel, « La mise en place du système (suite) », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )
  8. Pierre Morel, « Héritage technique et résultats scientifiques de l'expérience EOLE », sur Nospremièreannees.fr (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Les trente premières annĂ©es du CNES, Carlier et Gilli.
  • Rapports d'ActivitĂ© du CNES (1963 Ă  1982)

Articles connexes

Liens externes

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