ProblĂšme du vendeur de journaux
Le problĂšme dit « problĂšme du vendeur de journaux » est un modĂšle mathĂ©matique simple en recherche opĂ©rationnelle (microĂ©conomie) concernant le volume Ă©conomiquement optimal du stock dâun bien qui sera proposĂ© Ă une demande alĂ©atoire.
Lâanalyse de ce problĂšme acadĂ©mique montre que, lorsque des phĂ©nomĂšnes stochastiques interviennent dans les donnĂ©es dâun problĂšme dâoptimisation, le fait de remplacer ces variables alĂ©atoires par leurs espĂ©rances respectives dĂ©nature les rĂ©sultats et conduit Ă une sous-optimisation. La simplification avantageuse (en termes de rĂ©solution) dâune formulation dĂ©terministe dâun problĂšme qui ne lâest pas peut induire des prises de dĂ©cision erronĂ©es et coĂ»teuses.
Cadre du problĂšme
Au début de sa journée, un vendeur itinérant achÚte un certain nombre de journaux au prix unitaire afin de les vendre à la criée aux passants des rues, ceci à un prix unitaire (hypothÚse).
Ne connaissant pas prĂ©cisĂ©ment le volume de ses ventes, le vendeur cherche Ă dĂ©terminer la quantitĂ© lui permettant de maximiser lâespĂ©rance de son profit acquis durant sa journĂ©e :
- sâil choisit trop grand, il lui restera des journaux invendus quâil aura achetĂ© au prix pour les jeter en fin de journĂ©e.
- sâil choisit trop petit, il restera des acheteurs potentiels, soit autant de ventes perdues.
Formulations
Stochastique
La fonction objectif (Ă maximiser) est lâespĂ©rance du profit qui, en fonction de la quantitĂ© choisie, sâĂ©crit
oĂč la densitĂ© de probabilitĂ© de la variable alĂ©atoire de la demande.
Les deux premiers termes rĂ©pertorient les situations oĂč la demande est infĂ©rieure (respectivement supĂ©rieure) aux disponibilitĂ©s; le troisiĂšme terme concerne les coĂ»ts dâacquisition.
Le maximum de est atteint pour le choix optimal défini par la relation implicite :
oĂč est la fonction de rĂ©partition cumulative de la demande dĂ©finie par
En effet, pour tout , on vérifie :
Dans cette derniÚre relation, en posant (avec ), on déduit le profit espéré maximal :
Conséquemment, il existe un choix conduisant à un profit espéré positif.
DĂ©terministe
Bien que la demande soit alĂ©atoire, on suppose quâelle est dĂ©terministe, Ă©gale Ă sa valeur espĂ©rĂ©e notĂ©e et de variance nulle. Dans un contexte plus gĂ©nĂ©ral (et plus complexe), le but dâune telle approximation est de simplifier la rĂ©solution. Pour le vendeur de journaux, la fonction objectif (d'une formulation dĂ©terministe) sâĂ©crit alors[1] :
dont la solution est naturellement et le profit maximal est .
Puisque , la solution de cette formulation déterministe érode le profit espéré maximal : elle est sous-optimale.
Exemple numérique
Afin de quantifier la perte de profit espéré causée par la formulation déterministe, admettons les hypothÚses suivantes :
- la demande suit une loi log-normale (choisie pour assurer des valeurs positives) dâespĂ©rance 100 et dâĂ©cart type considĂ©rĂ© comme un paramĂštre libre pour lâĂ©tude,
- le prix dâachat : 1.0,
- le prix de vente : 1.1.
Sous ces conditions, pour toute valeur de , il est possible de déterminer :
- la solution ,
- le profit espéré associé ,
- le profit espéré qui prévaudrait avec la solution de la formulation déterministe.
La figure ci-contre visualise ces résultats associés aux deux formulations en fonction de :
- Lorsque la variabilitĂ© (sigma) de la demande augmente, la quantitĂ© optimale dĂ©croĂźt (courbe noire, Ă©chelle de gauche) afin dâĂ©viter lâachat de journaux qui seront perdus en cas de faible demande.
- Le profit espéré de la solution de la formulation stochastique décroßt également (courbe bleue, échelle de droite).
- Le profit espĂ©rĂ© de la solution de la formulation dĂ©terministe dĂ©croĂźt plus rapidement (courbe rouge, Ă©chelle de droite). Il prend mĂȘme des valeurs nĂ©gatives Ă partir dâun sigma relatif excĂ©dant 25 %.
- MĂȘme pour un faible sigma relatif de 10 % (valeur 10 sur les abscisses), la formulation dĂ©terministe conduit Ă une Ă©rosion significative du profit espĂ©rĂ©, soit une perte de lâordre de 25 %.
Ce simple exemple atteste des dangers encourus par lâapplication dâune formulation dĂ©terministe Ă un problĂšme qui ne lâest pas. En pratique, il est gĂ©nĂ©ralement prĂ©fĂ©rable dâutiliser une distribution mal connue au lieu de lâignorer.
IntĂ©rĂȘt Ă©conomique des prĂ©visions
Un outil de prĂ©vision sâappuyant sur des donnĂ©es statistiques des Ă©vĂ©nements enregistrĂ©s par le passĂ© apporte deux contributions essentielles aux donnĂ©es du problĂšme :
- une modification des espérances des données aléatoires au lieu de qui découle du potentiel « explicatif » des variables externes ou exogÚnes (espérance conditionnelle),
- une réduction du sigma de ces données dû au caractÚre projectif de la prévision.
Dans le contexte de lâexemple, le profit espĂ©rĂ© du vendeur augmentera sâil peut saisir les relations (rĂ©gression linĂ©aire par exemple) entre la demande et certaines variables exogĂšnes comme la mĂ©tĂ©o (peu d'acheteurs potentiels sâil pleut), lâintĂ©rĂȘt des nouvelles du journal, le type de jour, etc. Un vendeur expĂ©rimentĂ© sait interprĂ©ter les conditions qui influencent le volume de ses ventes et quantifier intuitivement leurs effets.
MĂȘme si, dans un cas particulier oĂč les variables exogĂšnes ne modifient pas lâespĂ©rance , un coefficient de corrĂ©lation est suffisant pour rĂ©duire dâun facteur 2. En reprenant les rĂ©sultats de lâexemple prĂ©cĂ©dent, si 20 peut ĂȘtre rĂ©duit Ă 10 grĂące Ă une prĂ©vision, le profit espĂ©rĂ© augmentera de 20 %.
Voir aussi
Notes
- On obtient ce mĂȘme rĂ©sultat en partant de la formulation gĂ©nĂ©rale dans laquelle est remplacĂ© par une distribution de Dirac translatĂ©e de , ce qui implique une rĂ©partition cumulative du type fonction de Heaviside