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Portes du palais royal d'Abomey

Les quatre portes du palais royal d'Abomey[1] figurent parmi les œuvres les plus importantes et les plus représentatives de l'art de l'ancien royaume du Danhomè (actuel Bénin). Exposées au musée du Quai Branly, elles se rattachent au vaste ensemble patrimonial des palais royaux d'Abomey, inscrits sur la liste du Patrimoine mondial en 1985. Les quatre portes font partie des 26 œuvres restituées par la France au Bénin en novembre 2021[2].

Musée du Quai Branly no 71.1893.45.4.
Musée du Quai Branly no 71.1893.45.5.
Musée du Quai Branly no 71.1893.45.6.
Musée du Quai Branly no 71.1893.45.7.

Le 9 novembre 2021 l'acte de transfert de propriété des œuvres a été signé entre les deux pays, les objets sont arrivés au Bénin par avion le 10 novembre 2021[3].

Histoire

Les portes ont été sculptées sous le règne de Glélé (1858-1889) – à sa demande – par l'artiste fon Sossa Dede à Abomey. Elles marquaient peut-être les ouvertures du bâtiment de réception et salle de conseil du roi, l'ajalala[4]. Selon d'autres interpérations, elles étaient destinées à son tombeau[5].

En 1892-1994, le gĂ©nĂ©ral Dodds, commandant supĂ©rieur des troupes françaises au SĂ©nĂ©gal depuis 1890, lui-mĂŞme mĂ©tis par ses deux parents, entreprend la conquĂŞte du Dahomey, prend Abomey et dĂ©pose le roi Behanzin. La colonne expĂ©ditionnaire française dĂ©couvre les portes sculptĂ©es dans des caches souterraines Ă  Abomey[6]. Alors que ce fut le cas en d'autres lieux et circonstances, l'État n'a pas ordonnĂ© la saisie de ces biens qui se serait organisĂ©e « spontanĂ©ment Â», « soit par tradition militaire, soit en raison de l'Ă©merveillement des hommes qui s'emparent des objets pour les emporter en France[7] Â». Le gĂ©nĂ©ral Dodds les remet au musĂ©e d'ethnographie du TrocadĂ©ro (futur musĂ©e de l'Homme) Ă  Paris, oĂą elles sont enregistrĂ©es Ă  l'inventaire en 1893[6].

En , le journaliste Guy Tomel (1855-1898[8]) publie ses observations dans Le Monde illustrĂ© : « Les quatre portes proviennent du palais royal d'Abomey. Behanzin et ses fidèles y attachaient sans doute une haute valeur, car, au moment de la prise de la ville, ils les avaient enfouies dans le sol. Nos soldats les ont heureusement dĂ©terrĂ©es, et maintenant qu'elles ont Ă©tĂ© soigneusement nettoyĂ©es, on peut les admirer dans un Ă©tat de parfaite conservation [9] ».

En 2003, les collections extra-européennes du musée de l'Homme sont transférées au musée du Quai Branly en gestation. À l'ouverture du nouveau musée en 2006, les portes du palais d'Abomey y sont exposées dans des vitrines sur le plateau Afrique (AF 066[4]).

En 2016, en réponse à une demande de restitution formulée par Aurélien Agbénonci, ministre béninois des Affaires étrangères et de la Coopération, le président français Emmanuel Macron confie à Felwine Sarr et Bénédicte Savoy une mission sur ce sujet, dont les conclusions sont publiées en . Les quatre Portes du palais royal d'Abomey figurent parmi les suggestions de restitution de ce rapport[6].

Les modalités précises de ce transfert ne sont pas encore arrêtées, car les autorités béninoises préfèrent attendre l'achèvement d'un nouveau musée, annoncé pour 2021[10].

Par loi n°2020-1673 du , vingt-six œuvres provenant d'Abomey, dont les portes du palais royal, cessent de faire partie des collections nationales placées sous la garde du musée du Quai Branly - Jacques-Chirac pour être transférées à la République du Bénin dans le délai d'un an[11].

Description

En 1894, Guy Tomel dĂ©crivait les bas-reliefs avec quelques rĂ©serves quant Ă  leur valeur artistique (selon lui, il ne faut pas y chercher « une grande puretĂ© de lignes ni un goĂ»t attique Â»). Il note cependant que les objets reprĂ©sentĂ©s le sont « avec assez d'exactitude Â» et que leurs couleurs très vives « donnent Ă  l'ensemble un aspect des plus pittoresques[9] Â».

Dans l'intervalle, les sites royaux d'Abomey ont obtenu une large reconnaissance avec leur inscription sur la liste du patrimoine mondial[12]. L'exposition Artistes d'Abomey[13], en 2009-2010, a également permis de mettre en avant les créateurs, jusque là relégués dans l'anonymat. Plus généralement, la critique d'art africaine contemporaine propose une déconstruction et une réappropriation de la notion d'art africain en s'affranchissant des regards étrangers[14].

Les quatre portes sont semblables dans leur conception. Le poids de chacune est compris entre 23 et 28 kg. Sa hauteur varie entre 168 et 173 cm, sa largeur entre 94 et 109 cm. L'épaisseur est d'environ 5-7 cm. Chaque porte est constituée de deux registres (panneaux) ornés de bas-reliefs en bois polychrome. Les motifs sculptés sont fixés à la porte par des chevilles et des clous[5].

Les deux battants de la première double porte ne se distinguent que par l'orientation différente du cheval sur le panneau supérieur. Les éléments décoratifs constituent autant d'hommages à plusieurs rois d'Abomey. Ainsi la grenouille placée sur les coins de chaque registre est l'emblème qui renvoie à Glélé, de même que l'antilope tachetée (son esprit protecteur, le joto) et le calao. L'éléphant, le cheval, le sabre et le marteau évoquent Ghézo, tandis que le nez et les yeux humains font référence à Tegbessou[5]. Une récade, le couteau du migan de Kpengla et un fusil complètent l'ensemble[6].

Porte du palais royal d'Abomey-N° 71.1893.45.7-Musée du Quai Branly (10).

Les panneaux supĂ©rieurs de la seconde double porte mettent en scène un camĂ©lĂ©on marchant sur un fil tendu entre la lune et le soleil[5]. C'est le symbole de la divinitĂ© Lisa. RĂ©cades, sabres et fusils encadrent les motifs centraux du panneau infĂ©rieur, le serpent « queue-en-gueule Â»[15] et le lion royal. Également très semblables Ă  l'origine, ils paraissent diffĂ©rents car des Ă©lĂ©ments sont manquants[5]. Selon Tomel, « sur l'une des portes le serpent a Ă©tĂ© dĂ©tachĂ© – il manquait, paraĂ®t-il, dès l'Ă©poque de la conquĂŞte, – et l'on peut voir Ă  la place qu'il occupait, dans toute sa fraĂ®cheur, la couleur bleue qui couvrait le fond de la porte[9] Â».

Notes et références

  1. Parfois dĂ©signĂ© sous le nom de « palais du roi GlĂ©lĂ© »
  2. Isabel Pasquier, « La restitution de 26 pièces du Trésor d’Abomey au Bénin, une première historique », sur www.franceinter.fr, (consulté le )
  3. Viviane Forson, « Restitution au Bénin : « Ces œuvres ont encore une valeur mémorielle très forte » », sur Le Point, (consulté le )
  4. Porte du palais royal d'Abomey
  5. Jean-Louis Vullierme (et al.), Behanzin, king of Abomey, Fondation Zinsou, 2006, p. 112
  6. Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, novembre 2018, p. 140-143, [lire en ligne]
  7. GaĂ«lle Beaujean-Baltzer, « Les collections : une histoire mouvementĂ©e Â», in Artistes d'Abomey : dialogue sur un royaume africain, Beaux-Arts Ă©ditions, 2009, p. 14 (ISBN 9782842787189)
  8. Guy Tomel, BnF Data
  9. Guy Tomel, « Le trône de Béhanzin », in Le Monde illustré, 10 février 1894, p. 87, [lire en ligne]
  10. Maryline Baumard, « Demander à la France qu’elle retarde la restitution de nos œuvres d’art est une atteinte à notre fierté », Le Monde Afrique, 3 août 2019
  11. « LOI n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 », JORF,‎ (lire en ligne)
  12. Palais royaux d'Abomey (UNESCO)
  13. Artistes d'Abomey. Dialogue sur un royaume africain, dossier de presse, 20 p.
  14. Babacar Mbaye-Diop, Critique de la notion d'art africain, Hermann, 2018, 310 p. (ISBN 978-2705697006)
  15. Christian Merlo et Pierre Vidaud, « Le symbole dahomĂ©en du serpent queue-en-gueule Â», in Objets et Mondes, Tome VI, Fasc. 4, hiver 1966, p. 301-328

Annexes

Bibliographie

  • GaĂ«lle Beaujean-Baltzer (dir.), Artistes d'Abomey, musĂ©e du Quai Branly, Paris, Fondation Zinsou, 2009, 345 p. (catalogue de l'exposition du au au musĂ©e du Quai Branly) (ISBN 978-9-057791-10-9)
  • LĂ©a Dodane, L'Histoire exposĂ©e, Ă©tude de la rĂ©ception d'une chronologie par les publics sur le plateau des collections du musĂ©e du Quai Branly (sur la section consacrĂ©e au royaume du Dahomey du plateau des collections du MQB), 2015, 249 p. (documentation scientifique)
  • HĂ©lène Joubert et Christophe Vital, Dieux, rois et peuples du BĂ©nin : arts anciens du littoral aux savanes, Paris, 2008, 304 p. (ISBN 978-2-7572-0185-5)
  • Guy Tomel, « Le trĂ´ne de BĂ©hanzin », in Le Monde illustrĂ©, , p. 87-88, [lire en ligne] (saisie et description des portes en 1894).

Articles connexes

Liens externes

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