Pile Ă©lectrique de Bagdad
La « pile Ă©lectrique de Bagdad » est le surnom donnĂ© Ă une poterie datant du IIIe siĂšcle av. J.-C., dĂ©couverte en 1936 dans un village prĂšs de Bagdad dans l'actuelle Irak[1]. Cette poterie est renommĂ©e depuis que quelques archĂ©ologues, tels que Wilhelm König (de), aient Ă©mis lâhypothĂšse quâelle aurait pu servir de pile Ă©lectrique.
Cette thĂšse est toujours controversĂ©e en 2019, la thĂ©orie la plus vraisemblable et la mieux acceptĂ©e Ă©tant quâil sâagirait de vases conçus pour entreposer ou transporter des papyrus, le fait quâil ne manquĂąt presque rien pour obtenir une pile fonctionnelle nâĂ©tant alors quâune coĂŻncidence.
Introduction
Dans les annĂ©es 1930, lâarchĂ©ologue autrichien Wilhelm König dĂ©couvrit dans les sous-sols du musĂ©e archĂ©ologique de Bagdad une poterie de 15 cm de haut et dâun diamĂštre dâenviron 7,5 cm. Wilhelm König pensait que cette poterie datait de lâĂ©poque de lâEmpire parthe ( â ). Cependant, selon le docteur St. John Simpson du dĂ©partement du Proche-Orient Ancien du British Museum, le vase daterait plutĂŽt de lâĂšre des Sassanides (224â). Quelques-unes furent dĂ©couvertes dans les ruines de Khujut Rabua (en) prĂšs de Bagdad et dix autres Ă CtĂ©siphon.
Ce dispositif est fermĂ© dâun bouchon en bitume qui rend malcommode lâaccĂšs au contenu[2]. Sous le bouchon est disposĂ©e une tige de fer entourĂ©e dâun cylindre de cuivre qui sont isolĂ©s Ă la base par un tampon de bitume. Le cylindre est soudĂ© au fond par un alliage de plomb et dâĂ©tain. Les Ă©lĂ©ments manquants pour que cette « pile » antique fonctionne sont seulement des fils pour la brancher et de lâacide pour la rĂ©action. Une telle pile peut fonctionner avec du jus de fruit Ă la place de lâacide (le jus de fruit contenant gĂ©nĂ©ralement de lâacide) ou de lâeau salĂ©e[3]. Suivant les tests effectuĂ©s sur des reconstitutions, les chercheurs ont obtenu des tensions Ă©lectriques trĂšs faibles allant de 0,5 Ă 1 volt. Pour lâintensitĂ© du courant quâune telle pile pourrait produire, il semble quâil soit trĂšs faible, une expĂ©rience ayant donnĂ© par exemple seulement 24 ”A lorsque branchĂ© Ă une rĂ©sistance de 1 kΩ[4].
Controverses sur l'usage de l'objet
La patine bleue retrouvĂ©e sur le cylindre de cuivre est caractĂ©ristique de la galvanoplastie Ă lâargent (Ă lâinstar de certains sels mĂ©tallifĂšres â carbonate et le sulfure de plomb ou le sulfure dâantimoine prĂ©sent dans la composition du khĂŽl â les sels dâargent Ă©taient connus pour leurs propriĂ©tĂ©s antiseptique et antibactĂ©rienne), tout comme de lâoxydation du cuivre. On peut Ă©mettre la thĂ©orie que ces « piles » auraient pu ĂȘtre utilisĂ©es pour plaquer des objets avec des mĂ©taux prĂ©cieux[5]. Cette hypothĂšse serait conforme Ă la dĂ©couverte de bijoux dorĂ©s par catalyse. Cependant le dĂ©pĂŽt dâor ne nĂ©cessite pas dâavoir recours Ă la galvanoplastie : il peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© mĂ©caniquement par placage de fines feuilles de mĂ©tal, une technique trĂšs bien maĂźtrisĂ©e Ă lâĂ©poque. Qui plus est, la dorure par Ă©lectrolyse[6] supposerait que lâon ait disposĂ© dĂšs lâAntiquitĂ© de sels dâor en solution avec une concentration suffisante, ce qui est fortement improbable[3].
Dans l'entre-deux-guerres, des archéologues suggÚrent que les vases découverts en Irak seraient plutÎt des récipients destinés au transport de petits rouleaux de papyrus[7].
En 2001, Allan Mills proposa une hypothĂšse trĂšs originale mais compatible avec le mode de vie des anciens propriĂ©taires de ce dispositif, en soulignant comment il aurait pu servir Ă rĂ©parer les trous dans des outres faites de peau de mouton (qui Ă©taient trĂšs prĂ©cieuses lors des traversĂ©es des dĂ©serts). La tige de fer pointue, chauffĂ©e au feu, permet de fondre un peu de bitume et de lâappliquer afin de rendre Ă©tanche Ă nouveau lâendroit oĂč lâoutre est percĂ©e[4].
En 2012, les archĂ©ologues restent divisĂ©s sur lâutilisation rĂ©elle de lâobjet : mĂȘme si plusieurs expĂ©riences ont prouvĂ© que celui-ci pouvait produire un courant Ă©lectrique, le trĂšs faible rendement de celui-ci ainsi que certains dĂ©tails (absence de fils Ă©lectriques pour le brancher, fermeture hermĂ©tique du vase, niveaux de connaissances Ă cette Ă©poque) tout cela plaide contre lâhypothĂšse de lâutilisation du dispositif en tant que pile[3] - [4].
Notes et références
- (de) Wilhelm König, « Ein Galvanisches Element aus der Partherzeit? », Forschungen und Fortschritte, vol. 14,â , p. 8â9.
- Ce dispositif, si utilisĂ© comme pile, rendrait le remplacement frĂ©quent (et nĂ©cessaire) de lâĂ©lectrolyte trĂšs peu commode.
- Marie-HélÚne Wronecki, Christine Blondel et Bertrand Wolff, « La "pile de Bagdad" : une pile électrique il y a deux mille ans ? », sur @. AmpÚre et l'histoire de l'électricité, CNRS, (consulté le ).
- (en) Allan A. Mills, « The âBaghdad Batteryâ », Bulletin of the Scientific Instrument Society, no 68,â , p. 35â37 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Claire König, « Lâargent et lâhistoire : quelques pistes de recherche contemporaine : Les piles Ă©lectriques de Bagdad, mystĂšre ou mystification ? », sur Futura-Sciences, (consultĂ© le ).
- La dorure doit bien ĂȘtre distinguĂ©e de lâargenture en raison des propriĂ©tĂ©s chimiques des deux Ă©lĂ©ments. La dĂ©couverte de vases de cuivres plaquĂ©s dâargent vieux de plus de 2 500 ans nâa probablement aucun rapport avec la dorure par Ă©lectrolyse. Lâargenture est rĂ©alisĂ©e par une rĂ©action chimique dite « rĂ©action de Tollens ».
- Marie-HĂ©lĂšne Wronecki, Christine Blondel et Bertrand Wolff, « La prĂ©tendue âpileâ de Bagdad : une pile Ă©lectrique il y a deux mille ans ? », AmpĂšre et lâhistoire de lâĂ©lectricitĂ©, CNRS, mythes et lĂ©gendes de lâĂ©lectricitĂ© et du magnĂ©tisme,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
Annexes
Bibliographie
- (en) Gerhard Eggert, « The enigmatic âBattery of Baghdadâ », Skeptical Inquirer, vol. 20, no 3,â , p. 31â34.