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Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée

Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée (né le à Paris, où il est mort le ), fils d'un marchand mercier, Charles Claude Nivelle de La Chaussée, orphelin de père très jeune[1], est un auteur dramatique français. Connu comme créateur de la comédie larmoyante, genre théâtral auquel il est injustement réduit, il est l'auteur d'une œuvre riche et diversifiée.

Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  62 ans)
Paris
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Genre artistique

Biographie

La Chaussée a près de quarante ans lorsqu’il débute dans les lettres par un petit poème, une Épître de Clio, publiée à Paris en 1731, et dans laquelle il prend le parti de La Faye dans la controverse opposant ce dernier à Houdar de La Motte, qui soutenait que les vers n’étaient pas indispensables à la tragédie.

Deux ans plus tard, il fait jouer sa première pièce, La Fausse Antipathie, en trois actes et en vers, représentée le . Cette œuvre annonce le drame bourgeois, tout en conservant les règles canoniques de la comédie classique. C’est le premier essai d’un genre nouveau, qu’on appellera la comédie larmoyante ou comédie mixte, et qui n’est autre chose que le drame, mais bien modeste encore, respectant scrupuleusement les règles classiques des trois unités et la forme du vers.

Le public prend simplement La Fausse Antipathie pour une comédie dépourvue de comique et La Chaussée lui-même n’avait peut-être fait qu’entrevoir le genre qu’il allait développer avec succès, surtout dans les cinq pièces suivantes, toutes en cinq actes et en vers, données comme des comédies sans comique, où le but était d’intéresser par le spectacle des infortunes domestiques.

  • Le PrĂ©jugĂ© Ă  la mode () tourne en ridicule l’idĂ©e reçue selon laquelle un homme de naissance ne peut manifester de l’amour pour sa femme.
  • Dans L'École des amis (), le personnage principal, affligĂ© de malheurs imaginaires, est placĂ© entre trois amis dont un seul mĂ©rite ce nom.
  • MĂ©lanide () constitue le modèle de la comĂ©die larmoyante. L'hĂ©roĂŻne est sĂ©parĂ©e de l'Ă©poux de son choix par un arrĂŞt du Parlement. Elle le retrouve longtemps après sur le point d’épouser la fille d’un ami, dont il dispute la main Ă  son propre fils. Geoffroy l'appelait « MĂ©lanide la dolente », parce qu’elle Ă©tait constamment en larmes.
  • L'École des mères () met en relief le danger de la prĂ©dilection aveugle des parents pour l'un de leurs enfants. Cette pièce avait la prĂ©fĂ©rence de La Harpe « parce qu’elle rĂ©unit Ă  l'intĂ©rĂŞt du drame des caractères, des mĹ“urs et des situations de comĂ©die ».
  • La Gouvernante (), enfin, prend pour base un fait rĂ©el arrivĂ© Ă  M. de La Faluère, premier prĂ©sident du parlement de Bretagne. TrompĂ© par un secrĂ©taire qui avait soustrait une pièce dĂ©cisive, il fit rendre un arrĂŞt injuste et ruina la personne qui perdait son procès. Instruit de son erreur, le magistrat remboursa sur sa propre fortune la somme perdue. Dans la pièce, le prĂ©sident, après avoir cherchĂ© la victime de son erreur, la retrouve dans une femme de qualitĂ© qui a changĂ© de nom et qui est employĂ©e chez lui comme gouvernante.

Tirant ses principaux effets de la triste situation de personnages qui ne sont pas au-dessus de l'ordre commun, La Chaussée leur prête dans tous les moments où l'action n'est pas très vive, un entretien sérieux dont la langueur va facilement à l’insipidité. Comme il a en vue l'instruction morale plus directement que dans la comédie véritable, les préceptes et les sentences sont multipliées au point que quelques scènes ne sont que des traités de morale dialogués. Avec ses tendances et ses défauts, La Chaussée fait alors face aux attaques des envieux, des amis du sel comique et de ceux qui voient dans ses œuvres une sorte de profanation à la fois contre la comédie et contre la tragédie.

Ainsi, Collé donne à l’auteur de Mélanide le surnom de « Cotin dramatique », et Piron plaisante les « homélies du révérend père La Chaussée », composant à son sujet plusieurs épigrammes qui resteront fameuses, dont celle-ci :

« Connaissez-vous, sur l'HĂ©licon,
L'une et l'autre Thalie ?
L'une est chaussée et l'autre non,
Mais c'est la plus jolie.
L'une a le rire de VĂ©nus,
L'autre est froide et pincée :
Salut Ă  la belle aux pieds nus,
Nargue de la chaussĂ©e. Â»

— Alexis Piron, Épigrammes

Le « rĂ©vĂ©rend père La ChaussĂ©e » ne va cependant pas jusqu’à appliquer les stricts principes moraux qu'il met en scène dans ses pièces Ă  sa vie privĂ©e : il frĂ©quente des cercles libertins et compose Ă©galement des ouvrages grivois. Reçu Ă  l’AcadĂ©mie française en 1736, il s'opposera constamment Ă  l'admission d'Alexis Piron, ainsi qu'Ă  celle de Jean-Pierre de Bougainville, lequel finira toutefois par lui succĂ©der.

Postérité littéraire

La Chaussée a pavé la voie, avec sa comédie larmoyante qui ne visait plus le comique mais les larmes, au drame bourgeois. Brisant la séparation rigoureuse alors en vigueur entre la tragédie et la comédie, cette innovation s’inscrivait dans le fil des pièces de Marivaux et allait conduire tout naturellement au drame bourgeois de Diderot et de Sedaine.

Cette innovation conquit le public mais suscita de vives oppositions dans le monde des lettres. Voltaire, qui ne négligea pourtant pas le genre de la comédie larmoyante avec L'Enfant prodigue, affirma qu'il démontrait l'incapacité de l'auteur à produire soit des comédies, soit des tragédies, et écrira :

« Souvent je bâille au tragique bourgeois,
Aux vains efforts d’un auteur amphibie,
Qui défigure et qui brave à la fois,
Dans son jargon, Melpomène et Thalie. Â»

— Voltaire, Le Pauvre Diable

Au-delà de leur intérêt dans l’histoire de la littérature, les pièces de La Chaussée sont aujourd’hui difficiles à lire et le seraient plus encore à représenter. Les personnages y sont très nombreux et insuffisamment caractérisés. La morale y est omniprésente et s'épanche en longues et ennuyeuses tirades. Le style, facile, parfois bien trouvé, est le plus souvent relâché et négligé.

Ĺ’uvres

Sablier a publié les Œuvres de Monsieur Nivelle de La Chaussée (Paris, Prault, 1762, 5 vol. in-12). Ont également été publiées des Œuvres choisies (Paris, 1813, 2 vol. in-18 ; 1825, in-18).

  • ÉpĂ®tre de Clio Ă  M. de B*** au sujet des opinions rĂ©pandues depuis peu contre la poĂ©sie, 1731
  • La Fausse Antipathie, comĂ©die en 3 actes, en vers,
  • Le PrĂ©jugĂ© Ă  la mode, comĂ©die en 5 actes, en vers,
  • L'École des amis, comĂ©die en 5 actes, en vers,
  • Maximien, tragĂ©die, Paris, ComĂ©die-Française,
  • MĂ©lanide, comĂ©die en 5 actes, en vers, Paris, ComĂ©die-Française,
  • Amour pour amour, comĂ©die en 3 actes, en vers, avec un prologue, Paris, ComĂ©die-Française, janvier 1742
  • PamĂ©la, comĂ©die en 5 actes, 1743
  • L'École des mères, comĂ©die en 5 actes, en vers,
  • Le Rival de lui-mĂŞme, comĂ©die nouvelle en 1 acte, en vers, prĂ©cĂ©dĂ©e d’un prologue, avec des divertissements, Paris, ComĂ©die-Française,
  • La Gouvernante, Paris, ComĂ©die-Française,
  • L'Amour castillan, comĂ©die en 3 actes, en vers, avec un divertissement, Paris, Théâtre-Italien,
  • L'École de la jeunesse, comĂ©die en 5 actes, 1749
  • Élise ou la Rancune officieuse, comĂ©die en un acte, 1750
  • Le Retour imprĂ©vu, comĂ©die en 3 actes, Paris, Théâtre-Italien, 1756
  • Le Vieillard amoureux, comĂ©die en 3 actes, non reprĂ©sentĂ©e, du moins par un théâtre de Paris
  • L'Homme de fortune, comĂ©die en 5 actes, non reprĂ©sentĂ©e
  • Les Tyrinthiens, comĂ©die en 3 actes, non reprĂ©sentĂ©e
  • La Princesse de Sidon, tragi-comĂ©die en 3 actes, non reprĂ©sentĂ©e
  • Le Rapatriage, comi-parade en 1 acte, Ĺ“uvre grivoise
  • Contes en vers, Ĺ“uvre grivoise

Notes et références

Bibliographie

  • Gustave Lanson, Nivelle de La ChaussĂ©e et la comĂ©die larmoyante, Paris, Hachette, 1887. En ligne sur Gallica.
  • Catherine François-Giappiconi, « Des Ă©lĂ©ments nouveaux sur Nivelle de la ChaussĂ©e », Revue d'histoire littĂ©raire de la France, 102, 2002, p. 907-919.
  • Catherine François-Giappiconi, Pierre-Claude Nivelle de La ChaussĂ©e, 1692-1754  : un dramaturge prĂ©curseur mĂ©connu, Paris : HonorĂ© Champion, 2015.
  • La ChaussĂ©e, Destouches et la comĂ©die nouvelle au XVIIIe siècle, Jean Dagen, Catherine François-Giappiconi et Sophie Marchand, dir., Paris, PUPS, 2012 ( Actes du colloque international organisĂ© par le Centre d'Ă©tude de la langue et de la littĂ©rature française des XVIIème et XVIIIème siècles, CELLF 17e-18e de l'UniversitĂ© Paris-Sorbonne, UMR 8599 du CNRS, 11-, UniversitĂ© de la Sorbonne).

Éditions

  • Pierre-Claude Nivelle de La ChaussĂ©e, Théâtre. Tome II ; Ă©dition critique, par Catherine François-Giappiconi, Paris : Classiques Garnier, 2019.
  • Pierre-Claude Nivelle de La ChaussĂ©e, ComĂ©dies larmoyantes ; Ă©dition critique, par Maria Grazia Porcelli, Paris : Classiques Garnier, 2014.

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