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Philippe Renonçay

Philippe Renonçay est un écrivain français né à Paris en 1960.

Philippe Renonçay
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Biographie

Philippe Renonçay est l'auteur de six romans. Il vit à Paris où il enseigne la psychologie.

Ĺ’uvre

Analyse

Les romans de Philippe Renonçay prennent la forme d'enquêtes dont l'issue est incertaine et le trajet mystérieux. Ils portent sur le thème du mal, de la guerre, du terrorisme et de la mémoire historique mais aussi de la soif d'absolu, et de la quête esthétique et amoureuse.

L'enquête policière et la quête philosophique ne font qu'une. Elles mettent en scène de manière originale la dimension sociale et métaphysique du mal[1], réactivant une mythologie des origines et de la chute, relue à la lumière de notre époque contemporaine. Son œuvre propose ainsi une anthropologie philosophique où se réalise l'articulation de la pensée avec ce qui, dans l'ambiguïté de l'expérience humaine, l'excède[2].

Thierry Durand, dans son article Figurations du post-divin dans le roman de l’extrĂŞme-contemporain, a analysĂ© les rapports de l'Ĺ“uvre de Philippe Renonçay avec la pensĂ©e de Friedrich Nietzsche : « Dieu est certes mort mais son ombre, et notamment la grammaire, continue de nous hanter : “Quand toutes ces ombres de Dieu cesseront-elles de nous obscurcir ? Quand aurons-nous totalement dĂ©divinisĂ© la nature ?” (Gai savoir, parag. 109). Pour Renonçay, il faut poursuivre l’œuvre de Nietzsche et continuer de lutter contre l’ombre immense. Les romans de Renonçay sont un combat sans merci contre la tyrannie de la fin et de l’unitĂ© qui sont, selon l’auteur, les symptĂ´mes d’un mal portĂ© essentiellement par le langage. Le serpent se dissimule dans l’obsession pornographique pour la vĂ©ritĂ©, dans le dĂ©lire attachĂ© Ă  la maĂ®trise d’un regard qui embrasserait tout. C’est la volontĂ© scopique de vĂ©ritĂ© qui crĂ©e la vision, sa division et l’adversaire. Il faut donc introduire du non-sens, faire retour Ă  une forme de terrorisme littĂ©raire qui, s’il rappelle celui du surrĂ©alisme – "L’acte surrĂ©aliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, Ă  descendre dans la rue et Ă  tirer au hasard, tout ce qu’on peut dans la foule"–, demeure cette fois sans l’illusion d’un d’accès possible Ă  une rĂ©alitĂ© supĂ©rieure. L’effraction renoncienne demeure, et c’est lĂ  son objet, absolument nĂ©gative ; elle travaille au non-ĂŞtre. »[3]

Les quatre premiers romans de Philippe Renonçay ont fait l'objet d'une Ă©tude par Thierry Durand, professeur Ă  l'UniversitĂ© de Linfield (Oregon), intitulĂ©e « Le regard du mal chez Philippe Renonçay Â» et publiĂ©e dans la revue Études françaises[4].

Les Portraits de Laura Bloom (2019)

Emmanuel Lorne est photographe ; Hubert Leutze est taxidermiste au Muséum d’histoire naturelle. Chacun à leur manière, ils essaient, par leur art, d’arrêter le cours du temps. À un demi-siècle de distance, ils ont été confrontés à l’amour, au drame et à l’injustice de la perte. Se tisse bientôt un lien étrange entre ces deux hommes, hantés par une question universelle : jusqu’où peut-on aller pour garder l’être aimé ?

Un roman fort où les passions du siècle passé et les douleurs intimes se répondent, dans une folle ambition d’empêcher l’inéluctable.

Pierre-Edouard Peillon (Le Nouveau Magazine littéraire) écrit : « Conçu comme un miroir brisé, le récit disperse les morceaux de deux histoires d’amour tragiques, fait un crochet par la guerre d’Algérie, laisse planer l’ombre d’une obscure conspiration historique tirant le roman vers le polar et développe quelques belles réflexions sur le rôle de l’art et la mort. »[5]

Philippe Garnier (Philosophie Magazine) : « Dans l’œuvre de Philippe Renonçay, la vérité apparaît souvent insaisissable, doublée d’amnésie ou d’hallucination. Dans Les Portraits de Laura Bloom – et de là vient la capacité d’envoûtement de ce livre – à mesure que le récit progresse et que le suspense se construit, les indices et les signes, au lieu de se décanter, se multiplient et se densifient. »[6]

Le Monde des livres : « placé sous le signe de Maurice Blanchot, le sixième roman de Philippe Renonçay s’aventure aux confins du vivant et de sa figuration. Jouant avec les codes de l’enquête, il aborde un tabou de la représentation humaine avec une belle élégance. »[7]

Victorine de Oliveira (La Vie) : « Quel sens cela a-t-il de fixer une histoire d'amour ? Chacun s'essaye à résoudre la question dans une fiction qui emprunte aussi bien au roman noir - une enquête à la Philip Marlowe - qu'à la Nouvelle Vague, avec ses dialogues poétiques et ses déambulations dans Paris. »[8]

Isabelle Theillet (Page des libraires) : « Magnifiquement écrit, ce livre est une œuvre d’art en soi. »[9]

Sophie Joubert (L’Humanité) : « Entrecroisant deux histoires et deux époques, citant Pasolini, Hopper et Pessoa, Philippe Renonçay signe un roman à la beauté étrange sur le deuil, la persistance des images et la tentation déraisonnable de maintenir en vie les êtres aimés. »[10]

Claire Julliard (L’Obs) écrit : « On est happé par le mystère de ce roman virtuose, labyrinthe dans lequel on déambule fasciné. »[11]

Le DĂ©faut du ciel (2012)

À propos du Défaut du ciel, dans lequel le personnage principal est entraîné sur les traces d'un officier retraité de la guerre d'Indochine alors qu'il enquête sur la disparition d'un ancien ami, Jérôme Garcin écrit qu'« en quelque cent trente pages serrées comme les vis d'un cercueil, et avec une impressionnante économie de moyens, Philippe Renonçay décrit l'Histoire comme un puits sans fond où tombent, les uns après les autres, non seulement ceux qui ont du sang sur les mains, mais aussi les innocents aux mains pleines. » et remarque « sa façon de se saisir avec une grande économie de moyens de la mémoire collective »[12]. Dans le même esprit, Jean-Claude Lebrun écrit que « le récit déplie ses différentes enveloppes. Restituant un pan ténébreux d’histoire. Comme la difficulté de la mémoire collective à l’affronter. Près de soixante-dix ans plus tard. »[13]

Yann Moix écrit : « cette enquête se lit avec le même empressement, la même vitesse que celle que généralement l'on réserve aux chefs-d'œuvre de Simenon : mais ce Simenon-là serait visité par sa science du palimpseste, par cet autre personnage inattendu, spectral, magique qu'est Borges lui-même. C'est une version déglinguée, guerrière, de L'Aleph que Renonçay jette ici sous nos yeux, comme on balance une dépouille ensanglantée sur le seuil d'une porte de veuve. La complexité mise en œuvre ici, et qui en appelle aux meilleurs enchevêtrements de Philip Roth (je pense à La Contrevie, à Opération Shylock) repose sur ce romanesque postulat que le thème du double se mêle toujours avec bonheur à celui de la guerre. »[14].

Philippe Delaroche met également en relief la filiation revendiquée du roman avec Jorge Luis Borges et le rapproche en outre de « l'un des écrivains préférés de Borges, Leo Perutz, l'auteur autrichien du génial Marquis de Bolibar, dont les cocktails à base de disparitions, de fantastique, d'existences gigognes, d'absolu, d'étrangetés maléfiques ou angéliques aux mailles si serrées que discerner le vrai du faux devient un casse-tête, laissent derrière eux une griserie sombre et, toutefois, mystérieusement attachante »[15].

Le CĹ“ur de la lutte (2005)

Le CĹ“ur de la lutte a pour intrigue le meurtre d'un amateur de « plaisirs solitaires », abattu de trois balles dans un sex-shop : mais Ă©tait-ce lui qu'on visait ou son voisin de cabine, le trop fameux terroriste Raphael Cardoso dont la police croit savoir qu'il souhaiterait abandonner la lutte armĂ©e ? Le rĂ©volutionnaire mène l'enquĂŞte avec un temps d'avance sur la police et les services spĂ©ciaux.

Éric Naulleau souligne « sa manière d’entrelacer une mĂ©ditation en profondeur sur le terrorisme avec un impitoyable essai de situation de l’individu contemporain »[16]. Michel Abescats Ă©crit qu'il « joue de la grammaire du roman noir et des saveurs de l’AmĂ©rique latine pour Ă©voquer la violence politique Â» et que « le livre est d’une impeccable beautĂ© formelle, Ă©pure tragique rigoureusement composĂ©e, polyphonie de voix superbement incarnĂ©es, jeu funambule sur la corde raide des silences et des non-dits »[17].

Dans la ville basse (2003)

À propos de ce roman à l'ambiance trouble et déstabilisante qui s'ouvre sur la découverte du corps d'une jeune femme méthodiquement mutilé flottant dans une cale de navire, qui fascine un photographe de guerre et un ancien soldat, Jean-Rémi Barland écrit : « Rupture de ton, changement de rythme, portraits en creux d’anti-héros que l’on croirait sortis d’une tragédie antique, ce roman crépusculaire est une fascinante réflexion sur le thème de l’attente qui rend fou. Il y a du Julien Gracq dans l’écriture onirique de Philippe Renonçay, virtuose metteur en scène de la défaite des hommes de bonne volonté, détruit par un fatum aveugle. »[18]

La MĂ©canique de la rupture (1999)

Dans La Mécanique de la rupture, Nora Foerster revient sur les traces d'un ancien amant, le terroriste Tomas Stanzel, dont le cadavre a été retrouvé torturé et déchiqueté alors même que les explosions continuent à dévaster la ville de Santa Cruz, située dans un pays d'Amérique latine indéterminé.

Thierry Durand en fait l'analyse suivante : « Messianisme et rĂ©volution, voilĂ  donc le contexte socio-politique, un contexte bien diffĂ©rent de celui du premier roman, qui fournit Ă  La mĂ©canique de la rupture son arrière-plan Ă  la fois historique et sociologique. Mais la rĂ©volution n’est pas chantĂ©e ; il n’y a aucune nostalgie rĂ©volutionnaire chez Renonçay. Dans le sens qu’on lui donne habituellement, c’est-Ă -dire le combat libĂ©rateur et instigateur, au nom du prolĂ©tariat (de l’homme par excellence), d’une avant-garde armĂ©e, elle semble mĂŞme une chose du passĂ©, un alibi derrière lequel une quĂŞte plus profonde, plus radicale est exigĂ©e. Le deuxième rĂ©cit pousse le dĂ©fi rĂ©volutionnaire jusque dans ses derniers retranchements ontologiques, si on peut dire : car, en fait, qu’est-ce que vouloir la rĂ©volution sinon s’en prendre Ă  Dieu pour son mauvais gouvernement des hommes ? Dans ce roman hyper-rĂ©volutionnaire, cette question s’est imposĂ©e Ă  Stanzel hantĂ© par le souvenir de sa passion pour Nora : que faire face Ă  l’échec patent de tous les projets rĂ©volutionnaires ? Que faire face au mal, ce vice de forme de l’humain ? »[4].

Violet permanent (1992)

Violet permanent a pour personnage principal Anna Aubrian, une artiste exaltĂ©e tout entière tendue vers la perfection de son art, vers l’harmonie qui cherche Ă  s’exprimer par elle au-delĂ  de toute manifestation sensible. Elle est « soumise tout entière Ă  une exigence qu’elle ne peut formuler et qui seule pourrait la ramener Ă  l’unitĂ©, Ă  la puretĂ© dont elle rĂŞve et qui la hante. »[4] Ses deux amants meurent l'un après l'autre sans que la responsabilitĂ© puisse lui en ĂŞtre imputĂ©e directement, ce qui conduit le dĂ©tective privĂ© John Henri Written Ă  chercher « comment Anna tue ses amants aussi impunĂ©ment »[4]. Il en vient « Ă  pressentir un rapport fascinant et fatal qui fait que les deux amants meurent l’un après l’autre en Anna, auprès d’Anna, comme Ă©touffĂ©s, privĂ©s d’air, "comprimĂ©s par cet ĂŞtre de grand format" Â»[4].

Bibliographie

Romans
  • Violet permanent, Calmann-LĂ©vy, 1992.
  • La MĂ©canique de la rupture, DenoĂ«l, 1999.
  • Dans la ville basse, Éditions Climats, 2003.
  • Le CĹ“ur de la lutte, Éditions Climats, 2005.
  • Le DĂ©faut du ciel, PhĂ©bus, 2012.
  • Les Portraits de Laura Bloom, Buchet Chastel, 2019.
Collectif
Revue

Références

  1. Selon la définition de l'art du roman policier que donne Eliette Abécassis dans Petite métaphysique du meurtre, PUF, 1998.
  2. Ces propos sont librement inspirés de l'analyse de Durand, T. (2007), Le regard du mal chez Philippe Renonçay, Études françaises, 43(3), 71-90 https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2007-v43-n3-etudfr1895/016905ar/.
  3. Durand Thierry, « Figurations du post-divin dans le roman de l'extrême-contemporain », Libr-critique,‎ (lire en ligne)
  4. Thierry Durand, « Le regard du mal chez Philippe Renonçay », Études françaises, vol. 43, no 3,‎ , p. 71-90 (lire en ligne)
  5. Pierre-Edouard Peillon, « Empaillage », Le Nouveau Magazine littéraire,‎ , p. 59.
  6. Philippe Garnier, « Les Portraits de Laura Bloom », sur www.philomag.com.
  7. « Empêcher l'inéluctable », Le Monde des Livres,‎ .
  8. Victorine de Oliveira, « La Vie », sur www.lavie.fr.
  9. Isabelle Theillet, « Page des libraires », Page des libraires,‎ , p. 12.
  10. Sophie Joubert, « L'Humanité », L'Humanité,‎ , p. 20.
  11. Claire Julliard, « L'Obs », L'Obs,‎ 2 au 8 mai 2019, p. 23.
  12. Jérôme Garcin, "Retour au Tonkin", Le Nouvel Observateur, 23 février 2012. https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20120227.OBS2383/retour-au-tonkin.html
  13. Jean-Claude Lebrun, "C'était l'Indochine", L'Humanité, https://www.humanite.fr/culture/philippe-renoncay-c%E2%80%99etait-l%E2%80%99indochine-492823
  14. "On ne rature pas ses souvenirs", La chronique de Yann Moix, Lefigaro.fr, http://www.lefigaro.fr/livres/2012/02/28/03005-20120228ARTFIG00511-la-chronique-de-yann-moix.php
  15. "L'énigmatique Indochine de Philippe Renonçay", Philippe Delaroche, L'Express, https://www.lexpress.fr/culture/livre/le-defaut-du-ciel_1104767.html
  16. "La lutte rivée au cœur", dans L’Humanité du 17 février 2005. https://www.humanite.fr/node/322428
  17. Télérama, 30 mars 2005.
  18. Lire, mars 2003.
  19. Belinda Cannone, Christian Doumet et al., Dictionnaire des mots manquants, Vincennes, Editions Thierry Marchaisse, 211 p. (ISBN 978-2-36280-094-8)
  20. « Revue NU(e) », sur revue-nue.org (consulté le ).

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