Perturbation cognitive post-chimiothérapie
Les anomalies cognitives post-chimiothĂ©rapie, ou parfois en anglais : chemobrain, dĂ©crivent les troubles cognitifs causĂ©s par un traitement chimiothĂ©rapeutique. Elles concerneraient 20 Ă 30 % des patients. Ces troubles ont Ă©tĂ© dĂ©couverts initialement chez les patientes atteintes de cancer du sein qui se plaignaient de troubles de la mĂ©moire ou dâautres troubles cognitifs[1].
Lâexistence de ces effets a Ă©tĂ© dĂ©battue mais est reconnue depuis les annĂ©es 2000[2] - [3]. Ces patients continuent dâavoir ces symptĂŽmes aprĂšs la fin de la chimiothĂ©rapie[2]. Ces symptĂŽmes sont dĂ©celĂ©s chez les patients traitĂ©s pour les cancers du sein, les cancers de lâovaire, les cancers de la prostate, dâautres cancers hormono-dĂ©pendants[4] ou des cancers nĂ©cessitant une chimiothĂ©rapie agressive[5] - [6].
Cette pertinence clinique sâaccroĂźt avec lâamĂ©lioration du pronostic des cancers[7]. La sĂ©vĂ©ritĂ© de ces troubles et leurs consĂ©quences dans le fonctionnement des patients reste cependant difficile Ă quantifier[8].
SymptĂŽmes
- Troubles de la mémoire visuelle et sémantique[9]. Le test de Buschke peut évaluer ce type de difficultés en mémoire antérograde[10] ;
- troubles de lâattention et de la concentration[9]. Il peut ĂȘtre Ă©valuĂ© avec le trail making test (en) et l'Ă©valuation de la fluence verbale[10] ;
- troubles de la coordination motrice[9]. Le test de Groove Pegboard peut ĂȘtre utile pour l'Ă©valuer[10] ;
- trouble de la capacitĂ© Ă ĂȘtre multi-tĂąche[11].
Limites
Certains troubles cognitifs et certaines anomalies morphologiques peuvent ĂȘtre observĂ©s avant le dĂ©but de la chimiothĂ©rapie, ce qui limite la portĂ©e des Ă©tudes[12] - [13] - [14]. Des Ă©tudes longitudinales semblent donc plus appropriĂ©es pour Ă©valuer ce phĂ©nomĂšne[3].
Ces troubles peuvent ĂȘtre amplifiĂ©s par une radiothĂ©rapie crĂąne entier[15] ou l'anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale pendant la phase chirurgicale.
Facteurs confondants
De nombreux autres facteurs peuvent entraĂźner un impact sur le fonctionnement cognitif[8] :
- la ménopause ;
- une thérapie hormonale ;
- une anesthésie générale ;
- une prédisposition génétique ;
- des effets causĂ©s par le cancer lui-mĂȘme ;
- les effets secondaires de la radiothérapie ;
- des troubles psychologiques associés (un trouble anxieux, une dépression) ;
- une fatigue.
Incidence
Ces troubles touchent environ 10 à 40 % des patients atteints de cancer du sein avec des taux plus fréquents chez les femmes avant la ménopause et les patients qui reçoivent une forte dose de chimiothérapie[4].
Pronostic
Ces symptÎmes sont de bon pronostic. Ces troubles sont de durée variable. Il y a une amélioration significative dans les 18 mois[10]. Ils disparaissent généralement dans les 4 ans[4]. Certains peuvent durer plus de 10 ans[16].
Mécanismes proposés
Toxicité cellulaire
- Un effet direct sur le cerveau de la chimiothérapie[4] mais la plupart des chimiothérapies ne passent pas la barriÚre hémato-encéphalique.
- Les hormones, notamment lâĆstrogĂšne, pourraient jouer un rĂŽle important car les anomalies cognitives rencontrĂ©es sont proches de celles retrouvĂ©es lors de la mĂ©nopause. Ces troubles sont plus frĂ©quents chez les femmes avant la mĂ©nopause et le fait que ces symptĂŽmes puissent ĂȘtre amĂ©liorĂ©s par les ĆstrogĂšnes[4]
- Un stress oxydatif pourrait ĂȘtre impliquĂ©[17], notamment avec la doxorubicine[18].
- Dâautres thĂ©ories suggĂšrent des lĂ©sions vasculaires, une inflammation[19], une auto-immunitĂ©[19], une anĂ©mie, la prĂ©sence de la version epsilon 4 du gĂšne de lâapolipoprotĂ©ine E, des anomalies de la COMT, des dĂ©fauts de la rĂ©paration de l'ADN[9].
Atteintes des cellules neuronales progénitrices
- Les cellules neurales progĂ©nitrices sont particuliĂšrement vulnĂ©rables aux effets toxiques des chimiothĂ©rapies. Le 5-fluorouracil semble diminuer la viabilitĂ© de ces cellules de 55 Ă 70 % aux concentrations de 1 ÎŒM, alors que les cellules cancĂ©reuses n'Ă©taient pas affectĂ©es Ă cette dose[20]. D'autres chimiothĂ©rapies comme le BCNU, la cisplatine et la cytarabine ont une toxicitĂ© sur ces cellules progĂ©nitrices in vivo et in vitro[21]. Ces cellules sont impliquĂ©es dans la plupart des divisions cellulaires cĂ©rĂ©brales.
Atteinte de l'hippocampe
Le cyclophosphamide et la doxorubicine sont impliqués dans une diminution des performances mnésiques chez le rat (reconnaissance d'un nouveau lieu et tùche de conditionnement contextuel à la peur) qui serait impliqué avec une diminution des fonctions mnésiques gérées par l'hippocampe avec une diminution de la neurogenÚse hippocampique. Dans le groupe traité par cyclophosphamide, on a retrouvé une augmentation de l'inflammation avec une augmentation de l'activation de la microglie au niveau de l'hippocampe[22]. Le 5-FU diminue les taux de BDNF dans l'hippocampe chez le rat. Ceci pourrait entraßner une diminution de la neurogenÚse dans cette zone pour laquelle le BDNF est nécessaire, expliquant les troubles de mémoire[23]. Une diminution de la prolifération cellulaire a aussi été montrée avec le méthotrexate[23].
Atteinte des fonctions visuelles
On a évoqué des lésions associées aux fonctions cognitives (fonction visuo-spatiales, visuo-motrice, mémoire visuelle)[24] - [25]. Le méthotrexate a aussi une toxicité oculaire chez 27 % des patients[26].
Anomalies cérébrales
On décÚle chez les patients atteint de cancer[13] :
- avant chimiothérapie, une diminution de la substance blanche et une augmentation de l'activation du réseau fronto-pariétal ;
- chez les patients une fois traités, une diminution diffuse de la substance grise et blanche et une diminution de l'hyperactivation frontale ;
- une diminution des volumes de substance blanche et grise, une hypoactivation frontale dans un sous-groupe de patients traités.
On a repéré des anomalies cérébrales chez les patients traités par chimiothérapie[3] - [27].
On observerait une activation plus large des structures cérébrales en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) chez les sujets traités pour un cancer que chez leur jumeau monozygote non traité[28].
Traitements impliqués
Les traitements impliqués sont nombreux[3] - [29] - [30] - [31] :
- la thalidomide ;
- les Ă©pothilones comme lâixabepilone (en) ;
- des alcaloĂŻdes comme la vincristine ou la vinblastine ;
- les taxanes comme le paclitaxel et le docétaxel ;
- les inhibiteurs du protéasome comme le bortézomib ;
- les platines comme la cisplatine, lâoxaliplatine.
Prise en charge
- Surveillance. Le pronostic est bon sans traitement
- Antioxydants[9]
- Thérapies cognitivo-comportementales[9]
- Méthylphénidate[9] - [32]
- Agonistes dopaminergiques[19]
- Modafinil[33] - [34]
- Inhibiteurs de la mono-amine oxydase[19]
- ĆstrogĂšnes[4]. Ils pourraient ĂȘtre utiles mais risquent d'entraĂźner une prolifĂ©ration des cellules cancĂ©reuses.
- ĂrythropoĂŻĂ©tine[9]
- Facteurs de croissance
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Post-chemotherapy cognitive impairment » (voir la liste des auteurs).
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Liens externes
- International Cognition and Cancer Taskforce
- American Cancer Society - Chemobrain
- Column from Jane Brody at The New York Times