Passage de l'Argue
Le passage de l'Argue est un passage couvert situé dans le quartier de Bellecour, dans le 2e arrondissement de Lyon, qui relie le 43 rue de Brest au 40 rue de la République, en traversant la rue Édouard-Herriot[1]. Il présente l'une des plus anciennes arcades de France en Province, construite sur le même modèle que ceux de Paris desquels il est contemporain[2]. Célèbre et de réputation huppée à Lyon, le passage joue un rôle significatif dans le commerce de la Presqu'île de la ville[3]. Il y a aussi le petit passage de l'Argue, qui formait à l'origine une partie du principal passage de l'Argue avant que la rue de Brest ne le traverse, et qui permet aussi de sortir par la rue Thomassin, quand il est ouvert. Entièrement pédestre, le passage abrite principalement des commerces luxueux.
Passage de l'Argue
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Situation | ||
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Coordonnées | 45° 45′ 40,14″ nord, 4° 50′ 05,32″ est | |
Ville | Lyon | |
Quartier | Bellecour (2e arr.) | |
DĂ©but | Place de la RĂ©publique | |
Fin | Édouard-Herriot et rue de Brest | |
Morphologie | ||
Type | Passage | |
Forme | en deux tronçons | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Lyon
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Histoire
Le mot argue (qui provient du grec arguros signifiant « argent » en français)[4] fait référence à un outil à filer l'or et l'argent pour le destiner aux tissus précieux, et désigne également par métonymie l'atelier du tireur d'or. Pour empêcher la contrefaçon, il y avait deux bureaux d'argent en France, l'un à Paris, l'autre à Lyon, lequel était situé dans la rue de la Monnaie, à proximité du passage de l'Argue[3].
Le passage était déjà mentionné sur la carte de la ville réalisé en 1740 par Claude Séraucourt[5], mais était alors une rue étroite et insalubre composée de quinze ateliers de tissage. Il y avait aussi un atelier de monnaie qui a disparu à la fin du XVIIIe siècle, puis a été rétabli par le Directoire français en 1798[6]. Les maisons qui étaient présentes à cet endroit furent achetées et démolies par M. Coste, Casati, Dugueyt, et Millon[7] dans le but d'y faire reconstruire un passage en 1825 par l'architecte Vincent Farge[8] ; il fut rouvert en 1828[9]. Originellement, le passage reliait la rue Royale (actuelle rue de la République et ex-rue Impériale) à la rue de Brest. En 1834, lors de la révolte des canuts, les Républicains se cachèrent dans le passage[10] qui fut alors complètement détruit : vitres brisées, magasins démolis et biens pillés[11] - [12], etc. En , il fut totalement inondé après de violentes pluies[13].
Bien que cela ne fût pas courant à l'époque, l'électricité au gaz y fut introduit très rapidement[5] : en effet, en , Delorme demanda l'installation d'un gazomètre dans le passage[14], le gaz utilisé étant préparé dans un atelier situé dans la rue Tupin-Rompu[15]. De plus, tant l'éclairage que l'entretien du dallage du passage furent généreusement supportés par la ville de Lyon[16]. Une ordonnance de 1828 a interdit toute vente aux enchères à l'intérieur du passage[17].
Le passage de l'Argue a abrité de nombreux bâtiments remarquables. Il s'y trouvait notamment l'Atelier de l'Argue, qui a disparu à la fin du XVIe siècle mais a été réinstallé à la suite d'un décret du [18] ; par la suite, il a été transféré dans la rue de la Savoie. Le , les autorités civiles et militaires participèrent à l'inauguration du Café-Théâtre, lequel appartenait à M. Seguin[10]; ce théâtre avait une salle circulaire, deux colonnes corinthiennes et ioniques avec deux entablements et un plafond avec de riches et élégants lustres et ornements ; toutefois, malgré une forte fréquentation, le théâtre ferma pour cause de banqueroute[7]. En 1836, un restaurant renommé dirigé par Caillot, puis en 1860 le théâtre des Bouffes Lyonnaises, ouvrirent successivement[5]. En 1862, Louis Josserand et son épouse Gabrielle Avocat ouvrirent un théâtre du Guignol[19] et, en 1899, les premières représentations de la marionnette furent données dans le petit passage de l'Argue, tout près du passage actuel[20].
Parmi les personnalités célèbres ayant vécu dans ce passage figurent les peintres Julian Gubian (1834) et Perignon (1840)[10].
Architecture et monuments
En 1836, le passage comptait 96 arches à fermetures uniformes. La partie nord était composée de deux étages élevés, tandis que la partie sud jusqu'à la rotonde n'avait qu'un seul étage ; quant à l'entrée, elle était formée par un arc dont l'archivolte était soutenue par des colonnes doriques[7].
Le passage présente un type particulier d'architecture à Lyon[21] et ressemble à ceux des galeries italiennes à Rome ou à Milan[3]. Bien que coupé en deux parties par la rue Édouard-Herriot sous le Second Empire en 1860, le passage conserve son authenticité tant sur le plan de la décoration que sur celui de la construction[22].
Les quatre grands porches d'entrée et de sortie sont de style néo-classique, la suite étant située sous une verrière ornée d'une enfilade de lanternes. Les encadrements des commerces sont en bois, avec une volonté d'homogénéité stylistique[20]. Le passage est composé de magasins de tous types mais surtout des articles de luxe, à savoir des montres, des pipes, des sacs, des accessoires d'habillement (chapeaux, chaussures), des cadeaux et des articles de décoration.
Trois petites statues du dieu romain protecteur des marchands et des voyageurs Mercure élancé, aux pieds ailés, ont été successivement érigées sur la rotonde centrale[9], mais pas tout à fait à la même place[23]. La première statue a été volée en 1902 ; la seconde a été fondue par les Allemands pour en faire des canons lors de la Seconde Guerre mondiale ; la troisième — volée trois jours après son inauguration en — a été remise en place en et de nouveau volée quinze ans plus tard en 2011. Cette troisième statue — comme la deuxième avant elle[24] — est la reproduction de Mercure volant — un sculpture de style Renaissance italienne[25] — de Giambologna[9]. L'attribution des deux griffons sculptés aux écoinçons de l'accès oriental sur la rue Édouard-Herriot au sculpteur italien Rodolphe Galli (1840-1863) est précisée par la signature sur le trumeau immédiatement à droite de l'arc au premier étage[26].
Reconnaissance
Le passage est devenu très huppé au fil des années et a acquis une certaine notoriété. Son architecture lui valut d'être particulièrement apprécié comme le prouve le fait que, selon certaines sources, les deux tiers des magasins étaient déjà loués avant son ouverture[2]. Il fut l'objet de propos élogieux : par exemple, il a été décrit comme « un lieu de refuge, pour marcher pendant les soirées d'hiver et les jours de pluie, et un embellissement ainsi qu'une commodité pour l'ensemble de la population de la ville »[17], et fut considéré comme une source de régénération pour le quartier[27], avec un « charme » similaire à celui des passages parisiens[2].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Passage de l'Argue » (voir la liste des auteurs).
- Maurice Vanario, Rues de Lyon à travers les siècles, Lyon, ELAH, (ISBN 2-84147-126-8), p. 17
- Bertrand Lemoine et Jean-Pierre Babelon, Les Passages couverts en France, (lire en ligne), p. 216–18
- Jean Pelletier, Lyon pas à pas — son histoire à travers ses rues — Presqu'île, rive gauche du Rhône, quais et ponts du Rhône, Roanne / Le Coteau, Horvath, (ISBN 2-7171-0453-4), p. 19
- Gilbert Bouchard, L'histoire des rues de Lyon, Grenoble, Glénat, , 124 p. (ISBN 2-7234-3442-7), p. 9
- Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup et Bruno Thévenon, Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Stéphane Bachès, 1504 p. (ISBN 978-2-915266-65-8), p. 970–71
- Robert Brun De La Valette, Lyon et ses rues, Paris, Le Fleuve, , p. 166–67
- Charles Joseph Chambet, Nouveau guide pittoresque de l'étranger à Lyon. Panorama de la ville et d'une partie de ses environs, suivi d’un tableau de ses places, quais et rues, de ses établissements utiles, industriels, etc., 6e, (lire en ligne), p. 181–83
- LĂ©on Charvet, Lyon artistique. Architectes : notices biographiques et bibliographiques avec une table des Ă©difices et la liste chronologique des noms, Lyon, Bernoux et Cumin, , 436 p. (lire en ligne), p. 148
- « Passage de l'Argue — le commerce et son dieu, Fiches Sépia », Histoire de Lyon (consulté le )
- Louis Maynard, Dictionnaire des lyonnaiseries — Les hommes. Le sol. Les rues. Histoires et légendes, vol. 1, Lyon, Jean Honoré, (réimpr. 1982), p. 75, 76
- Louis Blanc, Révolution française : Histoire de dix ans 1830-1840, vol. 2, (lire en ligne), p. 118
- Léon Genton, Louis Greppo et Allerat Pater, La vérité sur les évènements de Lyon au mois d'avril 1834, (lire en ligne), p. 46
- Jean-Baptiste Monfalcon, Histoire de la ville de Lyon, vol. 2, (lire en ligne), p. 1190
- Pierre Cayez, Aux origines de l'industrie lyonnaise, vol. 1, (lire en ligne), p. 286
- Rhone department, Archives historiques et statistiques du département du Rhône, vol. 13, (lire en ligne), p. 384
- Albert Champdor, Vieilles chroniques de Lyon, vol. 8, , p. 103
- Olivier Balaÿ, L'espace sonore de la ville au XIXe siècle, (lire en ligne), p. 63,135
- Louis Maynard, Histoires, légendes et anecdotes à propos des rues de Lyon, avec indication de ce qu'on peut y remarquer en les parcourant, Les Traboules, , 412 p. (ISBN 978-2-911491-57-3), p. 27
- Paul Fournel, Guignol : les Mourguet, , p. 177
- « Passage de l'Argue », Rues de Lyon (consulté le )
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- Iris Bronner, « Il était une fois... le passage de l'Argue », sur Tribune de Lyon,
- « Mercure volant », sur louvre.fr
- Catherine Guégan, « Deux bas-reliefs : griffons », sur Patrimoine Auvergne-Rhône-Alpes,
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